Étude du processus d'implantation du Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS)

Cette étude est une recherche action visant à soutenir les responsables ministériels et régionaux dans l'implantation du Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS). Le plan de ce programme, c'est-à-dire ses orientations, normes et exigences, a été défini à l'automne 1996 dans un document intitulé Cadre de référence du PQDCS. À l'automne 1997, le ministre de la Santé et des Services sociaux procédait à l'annonce officielle du programme et son implantation dans le réseau de la santé est en cours depuis 1998. Dans les premiers mois de 1999, d'importantes tensions sont apparues dans le processus d'implantation du programme. La présente étude, financée par la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux, a été initiée en réponse à ces tensions. Son approche consiste à développer une compréhension partagée des problèmes et enjeux soulevés par l'implantation du PQDCS et à faciliter l'identification des solutions par les responsables du programme.

Les données recueillies pour l'étude proviennent de deux sources principales : des entrevues semi-structurées, réalisées auprès des acteurs régionaux et centraux (67 entrevues, 118 personnes consultées, de septembre à décembre 1999) et des sources documentaires complémentaires.

Notre démarche a conduit, dans un premier temps, à décrire l'évolution du processus d'implantation régionale. Ce portrait montre que l'implantation a beaucoup progressé mais qu'elle ne se fait pas au même rythme selon les régions et selon les composantes du programme. En région urbaine, les conditions plus favorables existant dans les cliniques privées de radiologie font que les activités de dépistage fonctionnent relativement bien. En région non urbaine, où le programme repose uniquement sur les établissements publics, le processus d'accréditation freine parfois le démarrage des activités de dépistage et leur développement se heurte souvent à des pénuries de ressources. Ce dernier facteur limite aussi le déploiement des activités des centres de référence pour investigation désignés en région urbaine.

Deux difficultés majeures ressortent également de l'analyse du processus d'implantation. D'une part, les défaillances du système d'information et les problèmes rencontrés dans son implantation (non-saisie des données sur l'investigation et incompatibilité avec les systèmes informatiques déjà en place) ont été une importante source de frustrations. D'autre part et de façon plus fondamentale, certains paramètres du cadre de référence, en particulier la séparation préconisée entre dépistage et investigation et les critères d'éligibilité des clientèles, vont à l'encontre de pratiques de soins et services existants et ne font pas l'objet d'une large acceptation. Cela pose le problème de la crédibilité du cadre de référence et celui de l'arbitrage que son adaptation régionale demande. Des mesures ont récemment été prises pour corriger les problèmes liés au système d'information mais la deuxième difficulté, fort complexe, demeure.

Dans un deuxième temps, l'analyse a révélé une prédominance de facteurs défavorables à l'implantation du PQDCS. Le principal élément favorable à cette implantation est l'adhésion unanime aux objectifs du programme et à la pertinence d'un programme de dépistage systématique. Par contre, le démarrage du programme en période de compressions budgétaires, la complexité des modifications qu'il entraînait au niveau des pratiques professionnelles et administratives, les divergences avec les intérêts de plusieurs des acteurs impliqués et une stratégie d'implantation trop formelle et hiérarchique, avec des mécanismes centraux insuffisamment sensibles aux besoins de décision spécifiques à ce programme de services ont été identifiés comme les principaux éléments défavorables à son implantation.

Si l'implantation a fortement progressé, c'est vraisemblablement grâce aux personnes qui oeuvraient dans les centres de dépistage ou d'investigation et dans les coordinations régionales et centrale et qui, malgré les tensions et les difficultés évoquées, se sont engagées dans cette implantation et ont maintenu leur motivation. Il est néanmoins nécessaire de résoudre les difficultés ou d'atténuer les tensions actuelles du processus d'implantation parce qu'avec le temps elles peuvent saper la motivation, discréditer certaines modalités du programme et compromettre l'atteinte des résultats visés. Ce risque est d'autant plus réel que les volets touchant l'investigation, la relance des participantes après deux ans et les exigences relatives à l'assurance de la qualité seront possiblement plus difficiles à implanter que la participation initiale au dépistage.

Or, tant la stratégie que la gestion centrale de l'implantation se sont avérées peu adaptées au contexte de l'implantation, à la nature des changements ainsi qu'aux nombreuses divergences dans les intérêts des acteurs concernés. Il apparaît dès lors nécessaire de revoir la stratégie de changement. L'adoption d'une approche contingente et politique pour l'implantation du programme ferait en sorte que la gestion de cette implantation serait tout aussi centrée sur les résultats visés et la qualité des services mais davantage sensible aux processus organisationnels et professionnels concrets et davantage négociée avec les groupes d'acteurs concernés. Cela pourrait se traduire par plus de souplesse dans les moyens et dans les échéanciers pour tenir compte de la complexité des changements et de la disponibilité des ressources.

Le mandat et le statut de la ou des personnes responsables de la coordination centrale du PQDCS devraient refléter clairement la détermination politique et administrative à atteindre les objectifs du programme. En plus d'exercer un leadership auprès des acteurs concernés et d'atténuer les éléments défavorables à l'implantation, la coordination centrale devrait assurer un soutien efficace des responsables régionaux de l'implantation, notamment pour l'accréditation des centres de mammographie. Elle devrait également développer une forte complicité avec les instances décisionnelles du Ministère.

Enfin, pour renforcer l'engagement à l'égard des résultats visés et la qualité des services, il nous apparaît important de définir le processus de décision conduisant aux adaptations des paramètres du PQDCS et d'alimenter celui-ci à partir des données du monitorage de la qualité et la performance du programme. Les décisions touchant les paramètres du programme demeurent une responsabilité directe du Ministère mais la formalisation du processus conduisant à ces décisions faciliterait la coordination centrale du PQDCS.

ISBN (imprimé)
2-550-37367-7
Notice Santécom
Date de publication