Optimiser le dépistage et le diagnostic de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine

Au Québec, comme dans d'autres pays ayant une épidémie concentrée (affectant particulièrement des populations vulnérables), l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) s'est propagée au sein de certaines populations sans s'être installée solidement dans la population générale. Elle touche particulièrement les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HARSAH), les utilisateurs de drogues injectables (UDI) et les personnes originaires de pays où l'infection par le VIH est endémique.

En 2009, 21,5 % des Québécois qui ont reçu un premier diagnostic d'infection par le VIH présentaient une infection symptomatique chronique ou étaient déjà au stade sida lors du dépistage, et seulement 10,8 % d'entre eux étaient au stade de primo-infection lors du diagnostic. Par ailleurs, l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) estimait qu'à la fin de 2008, plus du quart des 65 000 Canadiens possiblement infectés par le VIH l'ignoraient. Selon ses estimations pour le Québec, environ 18 000 personnes vivraient avec le VIH, mais 4 500 d'entre elles l'ignoreraient. Force est de constater que de nombreux cas sont détectés tardivement par l'offre de dépistage actuelle et que certaines personnes à risque ne sont pas rejointes.

Dans ce contexte, la diffusion de nouvelles recommandations préconisant un dépistage systématique de l'infection par le VIH dans plusieurs pays et l'avènement de nouvelles technologies comme le test de dépistage rapide et le test à domicile ont amené le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à demander à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) d'amorcer une réflexion sur les pratiques de dépistage de l'infection par le VIH au Québec afin de l'optimiser.

L'avis sur l'optimisation du dépistage et du diagnostic de l'infection par le VIH devait proposer des stratégies permettant d'augmenter le nombre de personnes infectées qui connaissent leur statut et de diagnostiquer précocement l'infection afin de briser la chaîne de transmission et d'assurer une prise en charge précoce. Ainsi, le sous-comité Optimiser le dépistage du VIH formé à partir du Comité sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) de l'INSPQ s'est penché sur :

  • l'offre de dépistage de l'infection par le VIH (ciblé ou systématique, fréquence, femmes enceintes);
  • les stratégies visant à mieux rejoindre les populations vulnérables;
  • l'intervention clinique préventive (confidentialité, consentement libre et éclairé, counseling);
  • le contexte social (discrimination, stigmatisation et criminalisation liées à l'infection par le VIH);
  • l'organisation des services.

À travers ses travaux, basés sur une revue de littérature et des consultations auprès de professionnels et d'experts, les membres du sous-comité Optimiser le dépistage du VIH et du Comité sur les ITSS ont constaté que les groupes à risque ne sont pas suffisamment rejoints par l'offre de dépistage et que l'organisation actuelle des services est encore mal outillée pour le faire. Ainsi, il convient de travailler à élaborer des stratégies pour mieux rejoindre les populations vulnérables, à améliorer l'intervention clinique préventive, à contribuer à un contexte favorable au dépistage et à une organisation efficace des services. Afin de réellement optimiser le dépistage et le diagnostic de l'infection par le VIH au Québec, il importe d'intégrer et de mobiliser les acteurs de la santé dans la lutte contre les ITSS. Par ailleurs, le Comité sur les ITSS souligne l'importance capitale de l'intégration des recommandations dans les plans d'action provinciaux (MSSS), régionaux (agences de la santé et des services sociaux (ASSS)) et locaux (centres de santé et de services sociaux (CSSS)) pour être transposées en actions.

À la lumière de ces constats, le sous-comité a émis 45 recommandations, que le Comité sur les ITSS a entérinées. Parmi celles-ci, le Comité sur les ITSS considère comme une priorité de la plus haute importance que le MSSS, les ASSS régionales, les CSSS et les centres hospitaliers rendent disponibles et récurrentes les ressources matérielles, humaines et financières nécessaires à l'application des recommandations proposées. Les recommandations suivantes sont aussi considérées comme prioritaires.

Sur l'offre de dépistage
  • Conserver, dans le contexte actuel, une offre de dépistage ciblée en fonction des facteurs de risque :
    • en intensifiant le dépistage ciblé de l'infection par le VIH auprès des groupes à risque (HARSAH, UDI, personnes provenant de pays où l'infection par le VIH est endémique),
    • en portant une attention particulière à l'évaluation des facteurs de risque chez les personnes incarcérées, les personnes autochtones, les jeunes en difficulté et les femmes en situation de vulnérabilité telle que définie par la Stratégie québécoise de lutte contre l'infection par le VIH et le sida, l'infection par le VHC et les infections transmissibles sexuellement;
  • Élargir et rehausser l'évaluation des facteurs de risque :
    • effectuer systématiquement l'évaluation sommaire des facteurs de risque chez l'ensemble de la population âgée de 14 à 65 ans :
      • dans le cadre d'une évaluation périodique générale des habitudes de vie lors des consultations en première ligne, comme le recommande le Collège des médecins du Québec (examen médical périodique),
      • dans le cadre de consultations pour des raisons associées à la santé sexuelle.
Sur l'offre de dépistage aux femmes enceintes
  • Maintenir le statu quo quant à l'offre systématique de dépistage de l'infection par le VIH aux femmes enceintes, tant au moment de la première consultation prénatale que pendant la grossesse s'il y a présence de facteurs de risque en cours de grossesse, tel que défini par le Programme d'intervention sur le VIH et la grossesse.
Sur les populations vulnérables aux ITSS
  • Faciliter et encourager l'accès au dépistage de l'infection par le VIH pour les populations vulnérables aux ITSS.
Sur le counseling
  • Rappeler la pertinence du counseling aux professionnels qui font du dépistage;
  • Évaluer l'efficacité des différentes approches de counseling;
  • Alléger et assouplir le counseling;
  • Mettre en place des mesures pour soutenir les professionnels de la santé afin qu'ils adaptent leur counseling auprès des patients en fonction :
    • des caractéristiques de la personne (par exemple : origine ethnique, âge),
    • de l'évaluation des facteurs de risque,
    • de l'utilisation des services de santé et de la fréquence de dépistage;
  • Adapter l'organisation des services de counseling en fonction :
  • du type de professionnel de la santé : médecins, infirmières, professionnels psychosociaux et autres,
  • du type de clinique;
  • Outiller et former les professionnels de la santé en counseling, notamment au sujet des stratégies visant à soutenir l'adoption de comportements sécuritaires pour éviter la transmission du VIH (entretien motivationnel, par exemple).
Sur le consentement libre et éclairé
  • Prendre rapidement des mesures pour redéfinir et diffuser les informations minimales à fournir aux patients afin d'obtenir un consentement libre et éclairé :
    • sur la base d'une réflexion approfondie sur les enjeux éthiques et légaux des informations minimales à fournir à un patient pour obtenir un consentement libre et éclairé en tenant compte des réalités actuelles (stigmatisation et criminalisation).
Sur l'intervention préventive auprès des personnes infectées par le VIH et auprès de leurs partenaires (IPPAP-VIH)
  • Poursuivre les travaux du MSSS sur l'application des recommandations du groupe travail IPPAP-VIH.
Sur le contexte social
  • Prendre des mesures pour soutenir les initiatives de mobilisation communautaire visant, entre autres, à inciter les populations vulnérables à passer un test de dépistage de l'infection par le VIH et à lutter contre les préjugés associés à l'infection et au dépistage.
Sujet(s)
VIH / Sida
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-62775-3
ISBN (imprimé)
978-2-550-63808-7
Notice Santécom
Date de publication