Évaluation du guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans : guide pratique pour les mères et les pères - Sections sur la grossesse et l'accouchement
Depuis plus de trente ans, les parents du Québec connaissent le guide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans : guide pratique pour les mères et les pères (MVE), un guide gratuit offrant des informations sur l'enfant jusqu'à l'âge de deux ans. En 2000, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) est devenu responsable de la production de cet ouvrage populaire, y incluant pour la première fois, en 2008, des sections sur la grossesse et l'accouchement. Ces sections ont été les premières du guide à avoir bénéficié d'un certain niveau de simplification systématique par des expertes : élimination du jargon scientifique, utilisation de phrases simples et courtes et de messages-clés, travail de clarification de la table des matières, du lexique et de l'index, de même que de la mise en page et des illustrations. Avec cet ajout, l'objectif demeurait de répondre aux questions des parents, d'offrir une information appuyée scientifiquement et représentant un consensus des pratiques, et d'adapter le plus possible le langage pour les faibles lecteurs.
En parallèle, certains spécialistes de l'alphabétisation ont émis des réserves à l'équipe s'occupant de la production du MVE quant à son utilité pour les personnes ayant de faibles capacités de lecture. Par ailleurs, plusieurs articles sur la littératie en santé indiquent que les documents écrits touchant à la santé sont en général rédigés à un niveau trop élevé pour les habiletés en lecture d'une grande partie des personnes ciblées. L'INSPQ ayant toujours pris pour acquis que le MVE rejoignait l'ensemble de la population des parents, il était pertinent de se questionner sur la capacité réelle de cet outil à atteindre les faibles lecteurs.
Dans cette perspective, l'INSPQ a décidé d'évaluer les sections sur la grossesse et l'accouchement du guide MVE quant à leur degré d'utilisation chez les personnes peu scolarisées et d'ajuster le guide en fonction de cette évaluation afin que son utilisation soit optimale. Comme aucun test convivial, valide et rédigé en français n'existait au moment de l'évaluation pour apprécier le niveau individuel de littératie en santé, le niveau de scolarité a été utilisé comme approximation.
À partir d'un modèle logique portant sur la production des sections sur la grossesse et l'accouchement, des questions d'évaluation ont été déterminées, de façon consensuelle, par le comité de suivi de l'évaluation. La question principale était la suivante :
Les résultats à court terme liés à l'utilisation des sections sur la grossesse et l'accouchement (consultation et compréhension aisée, capacité à répondre aux questions, aide à la prise de décision) ont-ils été atteints, notamment chez les femmes enceintes faiblement scolarisées (sans diplôme d'études secondaires)? Une question supplémentaire concernant la capacité de ces sections à améliorer la confiance des parents en leurs propres compétences a été ajoutée.
Pour répondre à ces questions, une évaluation formative, exploratoire, centrée sur l'utilisation des résultats par l'équipe de production du MVE, a été réalisée, incluant trois volets.
Constituant la partie centrale de l'évaluation, le premier volet consistait en entrevues individuelles et de groupe, menées auprès de 54 femmes de scolarité faible (sans diplôme d'études secondaires, n = 25) ou plus élevée (avec un diplôme d'études collégiales ou plus, n = 29). Même si le but et les questions d'évaluation ciblaient en particulier les personnes faiblement scolarisées, une collecte de données complémentaire auprès de personnes plus scolarisées a aussi été réalisée. Une telle collecte a permis de déterminer dans quelle mesure les commentaires des personnes moins scolarisées étaient partagés par les personnes plus scolarisées. On voulait ainsi éviter d'associer à tort certains commentaires au fait d'être faiblement scolarisé et mieux comprendre l'utilisation du guide dans les deux groupes.
Les participantes provenaient de milieux rural ou urbain (Québec, Beauce et Montréal) et étaient enceintes ou avaient accouché depuis moins d'un an au moment de l'entrevue. Elles avaient reçu une version française du MVE (versions 2008 ou 2009), dans laquelle figuraient les nouvelles sections sur la grossesse et l'accouchement. Elles ont été interviewées sur leur appréciation de ces sections, en tenant compte des questions d'évaluation issues du modèle logique.
Le second volet, complémentaire au premier, portait sur l'analyse systématique des commentaires envoyés par les parents à l'équipe de production du MVE, via un questionnaire anonyme d'appréciation inséré dans le guide. Seuls les commentaires portant sur les sections grossesse et accouchement et concernant les versions 2008 et 2009 ont été retenus.
Finalement, une analyse de la lisibilité des sections prénatales du guide a été effectuée à l'externe de l'INSPQ, grâce au logiciel Sato-calibrage.
Les données issues de ces trois volets ont été mises en parallèle et nous permettent de conclure que, dans l'ensemble, les résultats à court terme liés à l'utilisation des sections sur la grossesse et l'accouchement ont été atteints, tant chez les participantes moins que plus scolarisées. En général, les femmes disent consulter ces sections (quoique de manière différenciée selon la scolarité), les comprendre et les utiliser pour répondre à leurs questions et les aider à prendre des décisions. D'après les propos recueillis, le guide semble soutenir leur confiance en leurs propres compétences parentales. Ces résultats jettent un éclairage sur l'utilisation des sections prénatales chez les femmes selon le niveau de scolarité, mais sont cependant à interpréter à la lumière du fait que, pour plusieurs raisons, nous n'avons pas rejoint autant de personnes ayant de grandes difficultés de lecture que nous l'aurions souhaité. En effet, les participantes, même moins scolarisées, n'éprouvaient pas, pour la plupart, de grandes difficultés à lire et comprendre les informations contenues dans le guide. Éventuellement, une autre évaluation pourrait permettre une appréciation plus juste de la situation très spécifique des femmes enceintes qui ne lisent qu'avec grande difficulté ou pas du tout. Les participantes recrutées ont toutefois émis de nombreux commentaires, qui nous ont permis de dresser une liste de suggestions destinées à l'équipe de production du MVE pour améliorer les prochaines éditions du guide, ce qui constituait le but de cette évaluation.