Sommaire des résultats d’antibiorésistance des souches de Neisseria gonorrhoeae au Québec : 2019

Brigitte Lefebvre, Ph. D., Laboratoire de santé publique du Québec
Annie-Claude Labbé, M.D., CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de Montréal
Judith Fafard, M.D., Laboratoire de santé publique du Québec

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Le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) en collaboration avec le réseau des laboratoires du Québec et le Ministère de la Santé et des Services sociaux maintient un programme de surveillance des infections gonococciques. L’analyse des données du programme permet d'établir un portrait de l’antibiorésistance chez les souches isolées au Québec avec une emphase sur les résultats obtenus au cours de l'année 2019, particulièrement en ce qui a trait aux souches non sensibles à la céfixime. Les détails méthodologiques sont disponibles dans les rapports antérieurs déposés sur le site web du LSPQ.

Résultats

Entre 2015 et 2018, six souches non sensibles à la céfixime (≥ 0,5 mg/L) avaient été retrouvées au Québec, dont une souche non sensible à la ceftriaxone en 2017 (Lefebvre et al., 2018). En 2019, 12 souches non sensibles à la céfixime ont été confirmées (Tableau 1). Ces données indiquent l’émergence de souches non sensibles à la céfixime au Québec.

Tableau 1 - Sommaire des antibiogrammes de N. gonorrhoeae au Québec en 2019 (n = 1747)
Antibiotiques Pourcentage*
S I R NS
Céfixime 99,3 --- --- 0,7
Ceftriaxone 100 --- --- 0,0
Azithromycine 72,4 --- 27,6 ---
Ciprofloxacine 24,3 1,5 74,2 ---
Tétracycline 5,6 70,9 23,5 ---
Gentamicine Aucun critère d'interprétation ---

S : sensible; I : intermédiaire; R : résistant; NS : non sensible
* Selon les critères du CLSI (M100-S29).

Les 12 souches non sensibles à la céfixime ont été isolées chez six femmes et six hommes en provenance de quatre régions socio-sanitaires. Les souches sont résistantes à la ciprofloxacine (≥ 16 mg/L) et à la tétracycline (≥  2 mg/L), mais sensibles à l’azithromycine. Bien que considérées sensibles à la ceftriaxone, cinq de ces souches démontrent une sensibilité réduite (SR) à la ceftriaxone (0,12 mg/L).

Tel que détaillé au Tableau 2, une augmentation de la SR aux céphalosporines de 3e génération (C3G) a été observée il y a quelques années (céfixime 1,9 % en 2015 ; ceftriaxone 3,9 % en 2014 et 3,6 % en 2015). Les analyses des souches isolées en 2019 démontrent que 10 d’entre elles (0,6 %) présentent une SR à la céfixime (0,25 mg/L) (OMS, 2012). Cinq autres souches (0,3 %) présentent également une SR à la ceftriaxone (0,12 mg/L).

La sensibilité à l’azithromycine (≤ 1 mg/L) a atteint un creux de 69 % en 2017 ; elle est de 72 % en 2019 (Figure 1). Une baisse de sensibilité à l’azithromycine est également observée au Canada (ASPC, 2019). Cet antibiotique n’est pas recommandé en monothérapie, mais est utilisé en association avec une C3G dans plusieurs situations. En 2020, l’Institut national d’excellence de la santé et des services sociaux (INESSS) recommande l’utilisation de la ceftriaxone en monothérapie pour le traitement des infections gonococciques; un traitement contre l’infection à C. trachomatis doit toutefois être prescrit si la présence de cette infection ne peut pas être exclue (INESSS, 2020a; INESSS, 2020b).

Entre 2010 et 2015, la sensibilité à la ciprofloxacine a oscillé entre 52 % et 68 %. Bien que cet antibiotique ne fasse pas partie des schémas thérapeutiques recommandés au Québec depuis plus de 10 ans, une diminution de la sensibilité semble s’installer, avec un taux de 40 % en 2016 diminuant à 24 % en 2019 (Tableau 3).

Uniquement 6 % des souches sont sensibles à la tétracycline (71 % intermédiaires et 24 % résistantes). Cet antibiotique est un indicateur de sensibilité à la doxycycline, utilisée en association avec une C3G dans certaines situations (INESSS, 2020a; INESSS, 2020b).

La gentamicine a fait son apparition dans les guides de traitement pharmacologique en 2018 et cet antibiotique est encore présent dans la mise à jour de 2020 (INESSS, 2020a; INESSS, 2020b). Selon les critères utilisés par le Laboratoire national de microbiologie (ASPC, 2019), 13 % des souches seraient sensibles à la gentamicine et 87 % seraient intermédiaires. En utilisant les critères du CLSI (2019) des entérobactéries, seulement 13 % des souches seraient sensibles à la gentamicine (80 % intermédiaires et 7 % résistantes).

Pour plus de détails, consulter les rapports de surveillance sur le site du LSPQ : https://www.inspq.qc.ca/lspq/rapports-de-surveillance.

 
Tableau 2 - Sensibilité réduite* aux céphalosporines de troisième génération chez N. gonorrhoeae au Québec, 2010 – 2019
Années (Nombre de souches testées) 2010
(n=920)
2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
Céfixime 0,25 mg/L 2
(0,2 %)
6
(0,8 %)
4
(0,5 %)
3
(0,4 %)
2
(0,2 %)
20
(1,9 %)
3
(0,2 %)
14
(0,9 %)
6
(0,3 %)
10
(0,6 %)
Ceftriaxone 0,12 mg/L 1
(0,1 %)
1
(0,1 %)
3
(0,4 %)
3
(0,4 %)
35
(3,9 %)
37
(3,6 %)
4
(0,3 %)
1
(0,1 %)

5

(0,3 %)

Ceftriaxone 0,25 mg/L 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

n : nombre de souches testées; * Selon les critères recommandés par l’OMS (OMS, 2012).

Tableau 3 - Sensibilité* aux antibiotiques de N. gonorrhoeae au Québec, 2010 – 2019
Années (Nombre de souches testées) 2010
(n=920)
2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
Azithromycine 909
(98,8 %)
789
(99,0 %)
759
(98,3 %)
702
(98,3 %)
845
(93,3 %)
903
(87,6 %)
1009
(80,1 %)
1021
(69,1 %)
1330
(72,4 %)
1265
(72,4 %)
Céfixime 920
(100 %)
797
(100 %)
772
(100 %)
714
(100 %)
906
(100 %)
1029
(99,8 %)
1259
(99,9 %)
1475
(99,8 %)
1836
(100 %)
1735
(99,3 %)
Ceftriaxone 920
(100 %)
797
(100 %)
772
(100 %)
714
(100 %)
906
(100 %)
1031
(100 %)
1260
(100 %)
1477
(99,9 %)
1836
(100 %)
1747
(100 %)
Ciprofloxacine 622
(67,6 %)
516
(64,7 %)
402
(52,1 %)
431
(60,4 %)
571
(63,0 %)
551
(53,4 %)
503
(39,9 %)
474
(32,1 %)
477
(26,0 %)
424
(24,3 %)

n : nombre de souches testées; * Selon les critères du CLSI (M100-S29).

Conclusion

La surveillance de la sensibilité aux antibiotiques chez N. gonorrhoeae est primordiale. Elle doit être maintenue, particulièrement en présence d’émergence de souches non sensibles à la céfixime au Québec. Cette surveillance permet d’orienter les guides thérapeutiques et soutenir la pratique clinique.

Références