Veille scientifique en santé des Autochtones, juin 2022
Dans ce numéro :
- Publications récentes
- Résumés d’articles par thématique :
- Sécurisation culturelle
- Prévention des maladies infectieuses et chroniques
- Promotion du mieux-être et de la santé mentale
- Évaluation basée sur des entrevues d’un programme de spiritualité traditionnelle autochtone dans une clinique de santé urbaine des Premières Nations des États-Unis
- Naviguer entre deux mondes, celui de l’école et celui du territoire : jeunes Autochtones de l’Arctique, violence structurelle, continuité culturelle et individualité
- Approches culturellement adaptées en recherche et intervention
- Inégalités et déterminants sociaux de la santé
Publications récentes
Nouvelles publications scientifiques répertoriées
- Chamberlain, C., Gray, P., Herrman, H., Mensah, F., Andrews, S., Krakouer, J., McCalman, P., Elliott, A., Atkinson, J., O'Dea, B., Bhathal, A., & Gee, G. (2022). Community views on ‘Can perinatal services safely identify Aboriginal and Torres Strait Islander parents experiencing complex trauma?’. Child Abuse Review, e2760.
En libre accès ici : PDF - Kills First, C. C., Sutton, T. L., Shannon, J., Brody, J. R., & Sheppard, B. C. (2022). Disparities in pancreatic cancer care and research in Native Americans: Righting a history of wrongs. Cancer, 128(8), 1560-1567. DOI : 10.1002/cncr.34118
Non disponible en libre accès. - Ouellet, L., Grandisson, M., & Fletcher, C. (2022). Development of rehabilitation services in an Inuit sociocultural context: challenges, strategies and considerations for the future. International Journal of Circumpolar Health, 81(1), Article 2058694.
En libre accès ici : PDF - Goldstein, S. C., Spillane, N. S., Nalven, T., & Weiss, N. H. (2022). Harm reduction acceptability and feasibility in a North American indigenous reserve community. Journal of Community Psychology. DOI : 10.1002/jcop.22859
Non disponible en libre accès. - Smith-Morris, C., Juaréz-López, B. N. M., Tapia, A., & Shahim, B. (2022). Indigenous sovereignty, data sourcing, and knowledge sharing for health. Global Public Health, 1-11. DOI : 10.1080/17441692.2022.2058049
Non disponible en libre accès. - Owais, S., Savoy, C. D., Hill, T., Lai, J., Burack, J. A., & Van Lieshout, R. J. (2022). Mental Health Challenges Among First Nations Adolescents Living Off-Reserve in Ontario, Canada. Child Psychiatry & Human Development, 1-8. Sous-presse. DOI : 10.1007/s10578-022-01333-8
Non disponible en libre accès. - Lee, C., Wozniak, L. A., Soprovich, A. L., Sharma, V., Healy, B., Samanani, S., & Eurich, D. T. (2021). Mental Health Experiences With COVID-19 Public Health Measures in an Alberta First Nations Community. International ournal of Mental Health Systems, PPR397448.
En libre accès ici : PDF - Caughey, A., Kilabuk, P., Sanguya, I., Doucette, M., Jaw, M., Allen, J., Maniapik, L., Koonoo, T., Joy, W., Shirley, J., Sargeant, J. M., Møller, H., & Harper, S. L. (2022). Niqivut Silalu Asijjipalliajuq: Building a Community-Led Food Sovereignty and Climate Change Research Program in Nunavut, Canada. Nutrients, 14(8), Article 1572.
En libre accès ici : PDF - Doran, C. M., Bryant, J., Langham, E., Bainbridge, R., Begg, S., & Potts, B. (2022). Scope and quality of economic evaluations of Aboriginal and Torres Strait Islander health programs: a systematic review. Australian and New Zealand Journal of Public Health, 46(3), 361-369.
En libre accès ici : PDF - Greenwood, M., Atkinson, D., & Sutherland, J. (2022). Soutenir l’équité en santé pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Relevé des maladies transmissibles au Canada, 48(4), 134–139.
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Sécurisation culturelle
Évaluation du programme de formation « Ask the Specialist » : un balado d’éducation culturelle pour inspirer de meilleurs soins de santé aux Autochtones du nord de l’Australie
Vicki Kerrigan, Stuart Yiwarr McGrath, Rarrtjiwuy Melanie Herdman, Pirrawayingi Puruntatameri, Bilawara Lee, Alan Cass, Anna P. Ralph & Marita Hefler (2022): Evaluation of ‘Ask the Specialist’: a cultural education podcast to inspire improved healthcare for Aboriginal peoples in Northern Australia, Health Sociology Review, DOI: 10.1080/14461242.2022.2055484
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Contexte
La formation à la sensibilisation culturelle est utilisée, depuis cinquante ans, comme une panacée aux enjeux entourant les relations interculturelles et la santé. Ce type de formation a toutefois été critiqué pour sa tendance à homogénéiser les cultures autochtones et à renforcer les stéréotypes négatifs en mettant l’accent sur les différences culturelles. Les auteurs notent un engouement plus récemment pour la sécurité culturelle, qui requiert en plus des connaissances des cultures autochtones, une conscience critique de la part du personnel. Cette approche a été développée pour contrer le racisme anti-autochtone dans les soins de santé.
Dans le Territoire du Nord australiens, les Autochtones représentent 30 % de la population et 70 % des hospitalisations. Selon les données, la formation à la sensibilisation culturelle existante est mal reçue par le personnel.
Le projet pilote « Ask the Specialist » vise à améliorer la formation culturelle des médecins. Le programme consiste en une série de balados (sept épisodes de moins de 18 minutes) dans lesquels des Spécialistes — des leaders des peuples Larrakia, Tiwi et Yolŋu — partagent leur expérience et perception des soins de santé, suivis de discussion en groupe.
Objectif
L’objectif de cet article est d’explorer l’impact du balado « Ask the Specialists » sur les attitudes et comportements des médecins d’un hôpital du Territoire du Nord. À travers leur exploration des contre-récits fournis par les spécialistes, l’étude explore comment ces enseignements ont stimulé la réflexion critique nécessaire pour remettre en question les stéréotypes négatifs et changer les pratiques des médecins.
Méthodologie
Dans cette recherche, le concept de conscience critique lie le concept de sécurité culturelle avec la pédagogie Freirenne de la théorie critique de la race (TCR). Ces théories combinées offrent un paradigme pour explorer la formation en sécurité culturelle du personnel de santé.
Pour produire les contenus des épisodes, les médecins ont été invités à nommer les problèmes qu’ils rencontrent auprès des patients autochtones. Les spécialistes ont ensuite formulé des réponses sous forme de récits narratifs basés sur leurs expériences et celles de leurs pairs.
Les 16 médecins ont été recrutés via les réseaux d’un des co-auteurs. Un épisode par semaine leur était transmis et ils devaient fournir une réflexion hebdomadaire à l’équipe de recherche via courriel, mémo audio ou messages textes. Des entrevues rétrospectives ont été réalisées individuellement au terme des sept épisodes. La participation était volontaire.
Une analyse narrative inductive des transcriptions verbatim à l’aide du logiciel NVivo 12 a été réalisée et les codes ont été regroupés de manière déductive. Les spécialistes ont participé à l’analyse des données.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Les résultats démontrent que la formation qui aborde les problèmes auxquels les médecins sont confrontés, qui fournit des contre-récits provenant des personnes autochtones et qui encourage le développement d’une conscience critique, peut modifier les attitudes et comportements du personnel soignant.
Le format balado a été apprécié des médecins, car il leur permet d’accéder à l’information au moment qui leur convient le mieux. La durée sur sept semaines a permis de réaliser des cycles d’écoute, de réflexion et d’action.
Cinq grands domaines d’apprentissage de la conscience critique ressortent :
- La communication verbale et non verbale culturellement sécurisante;
- La création d’un partenariat avec le patient;
- Se sensibiliser aux pratiques spirituelles;
- Déconstruire les stéréotypes
- Se pencher sur le racisme;
Quatre principaux changements de comportement des médecins ressortent de l’analyse :
- Investir du temps pour établir une relation avec le patient;
- S’attarder au sens des communications;
- Travailler avec des interprètes;
- Améliorer le processus de consentement
Les médecins ont également réalisé que la compétence culturelle du personnel réduit les taux d’autodécharge des patients. Les médecins ont mentionné avoir pris conscience des stéréotypes tenaces et de la banalisation du racisme. Deux ont toutefois déclaré que le balado ne traitait pas assez du racisme ou de l’impact de la colonisation sur la santé.
Limites
Les auteurs reconnaissent certaines limites. Notamment, les médecins participants peuvent être d’emblée favorables à ce programme. Les entrevues ont été réalisées entre deux semaines et trois mois après l’écoute des épisodes, ce qui ne permet pas de savoir si les changements de comportements se maintiennent dans le temps. Finalement, la sécurité culturelle ne peut être déterminée que par les patients, il demeure donc nécessaire d’évaluer si cette formation améliore l’expérience des patients et leur santé. Un projet quantitatif sur les taux d’autodécharge des patients, une mesure indirecte de la sécurité culturelle des soins, est en cours de planification.
*Le balado est accessible par le biais des baladodiffuseurs Apple, Google et Spotify.
Prévention des maladies infectieuses et chroniques
Étude ethnographique des obstacles et des facilitateurs à l’implantation de l’autoprélèvement du virus du papillome humain (VPH) comme stratégie de dépistage primaire du cancer du col de l’utérus chez les femmes Inuit du Nunavik, Nord du Québec
Gamelin, R., Hébert, M., Tratt, E., & Brassard, P. (2022). Ethnographic study of the barriers and facilitators to implementing human papillomavirus (HPV) self-sampling as a primary screening strategy for cervical cancer among Inuit women of Nunavik, Northern Quebec. International Journal of Circumpolar Health, 81(1), 2032930. DOI: 10.1080/22423982.2022.2032930
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Contexte
Au Nunavik, le dépistage du cancer du col de l’utérus est effectué principalement avec le test Papanicolaou (frottis cervical, communément appelé test Pap), et il n’y a pas de système de rappel pour encourager les femmes à adhérer au dépistage. Environ une femme Inuit sur quatre ne reçoit pas de dépistage dans les délais recommandés. Conséquemment, la prévalence du cancer du col de l’utérus est de deux à trois fois plus élevée chez les femmes Inuit que dans la population canadienne générale. Le cancer du col de l’utérus est causé par le virus du papillome humain (VPH). La détection précoce du VPH et des cellules cervicales anormales demeure la meilleure stratégie pour réduire l’incidence du cancer du col de l’utérus. L’autoprélèvement a le potentiel de surmonter certains obstacles liés au dépistage du cancer du col de l’utérus et d’atteindre davantage de femmes Inuit.
Objectifs
Cette étude vise à explorer les éléments facilitants et ceux faisant obstacle à l’implantation du dépistage du VPH par autoprélèvement. Ces données permettront d’intégrer les perspectives des femmes Inuit dans la mise en œuvre cette stratégie de prélèvement, et de maximiser le taux de dépistage.
Méthodologie et données
Cet article présente des données collectées auprès de 28 femmes âgées de 26 à 78 ans, et ayant participé à des entrevues individuelles ou de groupe. Un guide d’entrevue semi-dirigée a été utilisé. Les participantes ont été recrutées dans deux communautés du Nunavik ainsi que dans un centre d’hébergement en milieu urbain exclusif aux Inuit du Nunavik en déplacement pour des raisons médicales. Pour faciliter le recrutement, des annonces à la radio, de même qu’un échantillonnage par méthode boule de neige, ont été réalisés avec la collaboration de femmes Inuit locales. La théorie ancrée de Paillé a été choisie pour analyser les données. Une approche ethnographique ciblée a été adoptée.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Les résultats révèlent six catégories d’éléments facilitants concernant le dépistage du VPH par autoprélèvement.
- Acceptabilité de la méthode d’autoprélèvement : ne pas avoir à se déshabiller et à subir l’insertion vaginale du spéculum, et la rapidité de la technique sont des avantages soulevés par les participantes.
- Stratégies de diffusion de l’information : plusieurs participantes suggèrent de préparer une brochure ou une vidéo décrivant la technique d’autoprélèvement étape par étape.
- Implication d’une infirmière : les femmes rapportent souhaiter qu’une infirmière soit présente pour expliquer la technique et pour aider en cas de difficulté durant son exécution.
- Pouvoir choisir la méthode de prélèvement : certaines participantes sont à l’aise avec l’autoprélèvement, mais soulèvent que d’autres femmes pourraient préférer qu’une infirmière s’en charge. Avoir le choix semble important.
- Information sur la prévention : les participantes mentionnent qu’il est essentiel d’informer la population inuite sur le cancer du col de l’utérus et les stratégies de prévention.
- Se sentir concerné par la prévention du cancer du col de l’utérus : les participantes se sentant concernées et informées étaient plus favorables à l’implantation de l’autoprélèvement.
Quatre catégories d’obstacles été identifiées :
- Ne pas se sentir concernées par la prévention : le VPH étant une infection transmissible sexuellement, certaines femmes ne se sentent pas à risque (ex. : parce qu’elles n’ont pas de rapports sexuels ou qu’elles ont un seul partenaire sexuel). Ces femmes tendent à ne pas avoir l’intention de se faire dépister.
- Manque de confiance dans sa capacité d’effectuer l’autoprélèvement : certaines participantes doutent de leur capacité à exécuter l’autoprélèvement (ex. en raison d’un manque de connaissances de l’anatomie génitale féminine).
- Contexte interculturel de la prestation des soins de santé : au Nunavik, la majorité des travailleurs de la santé ne sont pas Inuit. L’information doit être disponible en Inuktitut et les services culturellement adaptés sont à privilégier.
- Remise en question de l’efficacité de l’autoprélèvement : plusieurs participantes ont mis en doute la qualité des échantillons collectés par autoprélèvement comparativement à ceux recueillis par test Pap. Informer les femmes Inuit de l’efficacité de l’autoprélèvement semble nécessaire.
Limites
Les auteurs soulèvent que la collecte de données auprès d’Inuit du Nunavik, fait en sorte que les résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble des populations autochtones. Les données ont été analysées par des chercheurs non Inuit et l’analyse finale n’a pas été validée par les participantes. Enfin, le recrutement non aléatoire de femmes volontaires pourrait avoir affecté les discussions en faveur des éléments facilitants.
Promotion du mieux-être et de la santé mentale
Évaluation basée sur des entrevues d’un programme de spiritualité traditionnelle autochtone dans une clinique de santé urbaine des Premières Nations des États-Unis
Pham T. V., Pomerville A., Burrage R. L., Gone J. P. An interview-based evaluation of an Indigenous traditional spirituality program at an urban American Indian health clinic. Transcultural Psychiatry. February 2022. DOI: 10.1177/13634615221076706
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Contexte
Les Premières Nations des États-Unis souffrent d’un taux élevé et disproportionné de problèmes de santé mentale incluant des problèmes de consommation de substances psychoactives, de trouble du stress post-traumatique et de suicide. Les thérapies conventionnelles ne répondent pas nécessairement aux besoins spécifiques des Premières Nations des États-Unis à cause d’un décalage culturel de ces services et une dépossession des pouvoirs politiques. Les pratiques spirituelles traditionnelles sont perçues comme des approches pouvant favoriser la santé et le soutien des membres de ces communautés.
À la suite d’une évaluation des besoins de la communauté, le programme pilote UAITSP propose un curriculum centré sur la spiritualité traditionnelle d’une durée de 12 semaines. Il a été développé en partenariat avec un centre de santé autochtone urbain à Détroit. Fondé sur la cérémonie de la tente de sudation, le programme a été mis en œuvre auprès de 10 membres de la communauté.
Objectifs
Cet article vise à répondre aux questions suivantes :
- Quelle est la perception des participants de la faisabilité et l’acceptabilité du programme UAITSP?
- Quelles améliorations pourraient être apportées au programme dans l’avenir?
Méthodologie
Une approche qualitative a été adoptée. Des entrevues semi-dirigées auprès de 9 des 10 participants qui ont participé au programme ont été réalisées. Une analyse thématique des données a été élaborée à l’aide du logiciel NVivo (version 11).
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Deux principaux thèmes ressortent de l’analyse.
L’impact sur le bien-être personnel, décrit en quatre sous-thèmes :
- Une amélioration du bien-être psychologique et spirituel;
- Un nouveau sens accordé à la communauté autochtone de Détroit et une meilleure cohésion culturelle par la création de nouvelles connexions sociales;
- Une augmentation des connaissances culturelles surtout en matière de pratiques spirituelles;
- Un désir d’aller plus loin dans ses apprentissages de manière autonome ou en participant à des activités culturelles, et de partager leurs propres expériences avec d’autres communautés.
Suggestions pour l’amélioration du programme qui reflète le désir des participants qu’il se poursuive. Les suggestions sont regroupées dans quatre sous-thèmes :
- Les cours sans inscription préalable seront à privilégier, car cette formule est plus flexible pour jongler avec les aléas de la vie quotidienne;
- Les classes pourraient couvrir un ensemble plus élargi de sujets comme les prières, la danse et la musique;
- Le programme pourrait inclure des détenteurs de savoir et plusieurs perspectives comme d’anciens étudiants;
- Le programme pourrait intégrer des cours de niveaux intermédiaire et avancé.
Globalement, les participants rapportent des bienfaits rattachés à leur participation aux pratiques spirituelles autochtones, toutefois le programme peut être amélioré par d’autres modifications ci-haut mentionnées du curriculum.
Limites
Les auteurs soulèvent plusieurs limites à leur étude :
- Le choix du devis a empêché d’effectuer une évaluation contrôlée des résultats afin de dégager des liens de causalité.
- Les réponses des participants peuvent être biaisées par plusieurs éléments du devis :
- La sélection des participants à cette étude ne représente qu’une partie de la population des Premières Nations des États-Unis vivant en contexte d’urbanité
- Seulement cinq participants ont suivi la majorité des cours (10/12) du programme, ce qui a pu limiter le potentiel d’approfondissement des réflexions.
- Les évaluations ont été remplies peu après la fin du programme ce qui peut avoir teinté positivement les résultats.
- L’influence potentielle des intervieweurs sur les réponses des participants représente aussi une limite.
Naviguer entre deux mondes, celui de l’école et celui du territoire : jeunes Autochtones de l’Arctique, violence structurelle, continuité culturelle et individualité
Salusky, I. R., Kral, M., Amarok, B. et Wexler, L. M. (2022) Navigating between two the worlds of school and ‘being on the land’ : Arctic Indigenous young people, structural violence, cultural continuity and selfhood, Journal of Youth Studies, 25:2, 170-192, DOI: 10.1080/13676261.2020.1858040
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Contexte
La vie contemporaine des jeunes Autochtones de l’Arctique nord-américain est notamment façonnée par deux contextes, l’école et le territoire. Tout comme les autres jeunes Autochtones, les jeunes Inupiaq et les jeunes Inuit apprennent ainsi à négocier entre les traditions autochtones locales et les manières d’être, imposées par les grandes sociétés colonisatrices. Alors que des taux élevés de suicide sont observés chez ces jeunes, la compréhension des récits de vie qui influencent comment les jeunes font face à l’adversité et surmontent les défis est pertinente. De ce fait, la violence structurelle, comprise dans des pratiques ou des politiques qui limitent le potentiel d’un individu ou d’un groupe pour en favoriser d’autres, se dégage des discours des jeunes.
Objectifs
Examiner de quelle manière la violence structurelle émerge des récits des jeunes Inupiaq et Inuit concernant deux contextes, l’école et le territoire.
Méthodologie et données
L’étude qualitative, ancrée dans le constructivisme, se déroulait sur deux sites, un en Alaska et un au Nunavut. Une approche participative a été utilisée; les perspectives de membres de la communauté ont été intégrées dans les différentes étapes de la recherche.
Pendant l’été 2010, des entrevues semi-structurées ont été réalisées concernant les expériences, passées et présentes, liées à l’école et à la culture. Pour la communauté en Alaska, 20 Inupiaq de 12 à 18 ans ont été recrutés de bouche à oreille (10 filles et 10 garçons). Pour la communauté au Nunavut, 23 Inuit de 12 à 19 ans ont été recrutés à l’école locale (12 filles et 11 garçons ).
Une analyse thématique a été réalisée pour présenter comment les jeunes décrivent et surmontent les défis rencontrés, et comment les parents ou tuteurs font partie de ces défis. Six thèmes ont émergé et ont été regroupés sous deux catégories : l’école et le temps passé sur le territoire.
Qu’est-ce qu’on y apprend ?
L’école occupe plusieurs heures dans la vie des jeunes Autochtones, mais les parents ou tuteurs ainsi que les pratiques et les traditions y sont absents. Au moment de l’étude, l’école était un lieu de violence structurelle pour les jeunes des deux sites.
- Les parents et les tuteurs démontrent un intérêt pour la réussite scolaire de leurs enfants. Toutefois, selon les jeunes rencontrés, ils ne s’impliquent pas directement auprès de l’école, et ce, même si leurs enfants y vivent des difficultés. La structure occidentale de l’école, la hiérarchie et le fait que la majorité des enseignants soient blancs semblaient amplifier ce décalage entre les parents ou tuteurs et le milieu scolaire.
- Les jeunes vivent un dilemme de valeurs concernant la résolution de conflits. S’ils abordent ces derniers d’une manière qui a du sens pour eux culturellement (ex. la confrontation), ils seront réprimandés par l’école.
- Les discussions concernant l’école n’étaient pas toutes négatives. L’école est un endroit amusant en raison des possibilités de socialisation avec les pairs, et parfois, avec quelques enseignants. Il y a tout de même un décalage entre la vie scolaire et la vie familiale dans laquelle la culture autochtone occupe une place importante.
À l’opposé, le temps passé sur le territoire amplifie les forces culturelles et familiales en raison des activités traditionnelles et spirituelles qui y sont pratiquées.
- Les jeunes ont souligné aller sur le territoire majoritairement avec la famille et les Aînés et que c’est une occasion pour connecter avec ces derniers. Plusieurs participants ont abordé le fait que leurs premiers souvenirs étaient des moments sur le territoire en famille, rappelant l’importance de ceux-ci.
- Pour les jeunes, le territoire est une opportunité d’apprendre, de tester leurs apprentissages et de se dépasser sous l’encadrement attentif de la famille et des Aînés (ex. cueillette, chasse, survie). Les relations de réciprocité se développeraient sur le territoire.
- Cependant, pour les jeunes plus âgés, les opportunités de temps sur le territoire étaient plus limitées en raison d’autres responsabilités ou parce que les Aînés ne les amenaient plus.
Limites
Les auteurs soulignent les limites de l’échantillonnage de convenance. Sur le site inuit, les jeunes qui ne fréquentaient pas l’école n’ont pas été rejoints. Ainsi, les participants peuvent ne pas représenter l’ensemble des différentes réalités de la population étudiée. Enfin, les points de vue des parents ou tuteurs n’ont pas été étudiés.
Approches culturellement adaptées en recherche et intervention
Une revue systématique sur les adaptations d’interventions visant les traumatismes chez les enfants autochtones et leur parent : perspectives et implications pour une collaboration réciproque
Richardson, M., Big Eagle, T., & Waters, S. F. (2022). A Systematic Review of Trauma Intervention Adaptations for Indigenous Caregivers and Children: Insights and Implications for Reciprocal Collaboration. Psychological Trauma : Theory, Research, Practice, and Policy. Advance online publication. DOI: 10.1037/tra0001225
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Contexte
Les peuples autochtones sont plus à risque d’être exposés à des traumatismes ainsi qu’à des difficultés physiques et psychologiques dues au colonialisme passé et présent. L’exposition à ces traumatismes compromet le développement sain des enfants autochtones. Bien que les interventions axées sur les traumatismes soient de plus en plus reconnues, peu d’interventions axées sur les traumatismes sont culturellement adaptées au contexte autochtone.
Objectif
Recenser les interventions axées sur les traumatismes ainsi que celles qui peuvent être adaptés aux traumatismes, chez les enfants autochtones et leurs parents ainsi que déterminer où ces interventions se situent dans un continuum d’adaptation culturelle.
Méthodologie et données
La revue systématique s’est déroulée en septembre et octobre 2020, suivie d’une mise à jour en juillet 2021. Les bases de données PsycINFO et PubMed/Medline ont été fouillées. Des 3 749 articles qui ont émergé de la première recherche, 13 satisfaisaient aux critères de sélection. Les articles sélectionnés devaient notamment porter sur une intervention unique, axée sur les traumatismes ciblant des enfants autochtones et leurs parents, être révisés par les pairs, et être rédigés en anglais. Les auteurs ont catégorisé l’adaptation culturelle des interventions en trois catégories : l’adaptation culturelle de surface, l’adaptation culturelle en profondeur et l’intervention basée sur la culture.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Parmi les 13 interventions, une seule portait sur des Premières Nations du Canada alors que les autres ciblaient d’autres peuples autochtones aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. La majorité des interventions (huit) ont procédé à une adaptation culturelle de surface. Ces interventions utilisaient une intervention ayant démontré ses effets dans une autre communauté autochtone et remplaçaient les images d’origine par d’autres, plus culturellement appropriées. Par exemple, le Triple P–Positive Parenting Program en Australie a été adapté en modifiant le niveau de langue ainsi qu’en changeant les images et les exemples de stratégies parentales. Par ailleurs, une seule intervention a été adaptée en profondeur : l’intervention Family Spirit program a été modifiée afin de suivre les recommandations de l’Académie américaine de pédiatrie ainsi que les pratiques et valeurs spécifiques de la communauté. Finalement, quatre interventions étaient basées sur la culture de la communauté autochtone visée par l’intervention, dont celle menée au Canada. Cette intervention mettait de l’avant les forces des individus participants et était guidé par les objectifs et aspirations personnels de ceux-ci.
Limites
Les auteurs soulignent quelques limites à leur étude. D’abord, le fait de s’être concentrée exclusivement sur les interventions axées sur les traumatismes ainsi que sur les enfants autochtones et leurs parents a limité le nombre d’articles qui pouvaient être sélectionnés. De plus, de par les adaptations culturelles des interventions, aucune d’entre elles n’a été validée. Ainsi, les auteurs de la revue systématique n’ont pas pu se prononcer sur l’effet des adaptations culturelles des interventions. Les résultats des interventions n’ont donc pas été analysés. Finalement, le fait d’avoir inclus seulement des articles révisés par les pairs et en anglais a limité la sélection des articles.
Inégalités et déterminants sociaux de la santé
« Be like the running water » : évaluation des expériences d’insécurité liée à l’eau en fonction du sexe et de l’âge au sein de la Première Nation Six Nations
Duignan, S., Moffat, T., & Martin-Hill, D. (2022). Be like the running water: Assessing gendered and age-based water insecurity experiences with Six Nations First Nation. Social Science & Medicine, 298, 114864. DOI: 10.1016/j.socscimed.2022.114864
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Contexte
Au Canada, de grandes disparités marquent l’accès à une source d’eau sécuritaire et abordable pour les peuples autochtones : les ménages autochtones sont 90 fois moins susceptibles d’avoir l’eau courante que les ménages non autochtones. Ces expériences d’insécurité liée à l’eau sont des conséquences de la colonisation, qui a entraîné un manque d’infrastructure et une dépossession des ressources.
La communauté Six Nations, située au sud de l’Ontario, s’approvisionne en eau principalement de la Grand River, qui est polluée par un cumul d’activités humaines (agriculture, quartiers résidentiels, sites d’enfouissement, etc.). Malgré la construction d’une usine de traitement de l’eau dans cette communauté, en 2014, moins du cinquième des ménages étaient connectés à cette infrastructure au moment de la publication. Ainsi, plusieurs ménages sont confrontés à des problèmes de contamination de l’eau. Le caractère sacré de l’eau pour cette communauté est démontré dans de multiples enseignements traditionnels, dans les cérémonies et dans la langue.
Objectif
Évaluer le niveau d’insécurité lié à l’eau et les perceptions concernant l’accès à l’eau en fonction du sexe et de l’âge d’un échantillon de ménages des Six Nations des Premières Nations de Grand River en Ontario, au Canada
Méthodologie
Une approche mixte a été utilisée. Une enquête auprès de ménages a permis de mesurer les expériences d’insécurité liée à l’eau avec l’échelle Household Water InSecurity Experiences. Ces réponses ont ensuite été contextualisées à l’aide d’entrevues individuelles et d’entrevues de groupe semi-dirigées.
De 2019 à 2020, 66 ménages ont participé à l’enquête. Ceux-ci étaient dispersés dans l’ensemble de la communauté. Un total de 25 participants a pris part à des entrevues (18 dans des entretiens individuels et 7 dans des entretiens de groupe). Les participants ont été recrutés après avoir participé à une autre recherche sur l’eau ou à l’aide d’une technique boule de neige.
Les données du questionnaire ont été analysées à l’aide du logiciel SPSS et une analyse thématique des entretiens a été effectuée avec NVivo.
Qu’est-ce qu’on y apprend ?
Les résultats recueillis à l’aide du questionnaire ont démontré des niveaux élevés d’insécurité liée à l’eau (57,5 %; n = 38). Dans l’ensemble, les participants ont démontré leur frustration quant à la faible qualité de l’eau potable dans leur communauté.
Expériences des jeunes et clivages générationnels
- Les répondants les plus jeunes étaient susceptibles de dépenser davantage pour de l’eau chaque mois et de vivre plus de problèmes liés à la contamination de l’eau. Toutefois, les résultats n’ont pas démontré qu’ils vivent davantage d’insécurité liée à l’eau.
- Les entretiens ont révélé des clivages générationnels concernant la définition de ce qu’est une eau de qualité. Les participants les plus âgés considéraient qu’il s’agissait d’une eau qui coule naturellement, tandis que les plus jeunes la percevaient plutôt comme une eau propre et accessible, voire embouteillée.
Expériences des femmes
- Les entretiens ont révélé que les femmes étaient plus insatisfaites de leur situation en matière d’eau potable en raison de sa qualité, de sa provenance et de son coût. Celles-ci sont confrontées à davantage d’obstacles physiques, à cause du poids des contenants à transporter; et à davantage d’obstacles psychologiques, en raison de leur rôle familial (soins des enfants et des aînés) et de leur rôle de protectrices du savoir. Ainsi, elles portent des responsabilités additionnelles pour assurer l’approvisionnement en eau de leur ménage.
Limites
Plusieurs limites sont identifiées par les auteurs. D’abord, la faible taille de l’échantillon et la proportion élevée de femmes (48/66) dans l’échantillon limitent l’interprétation des résultats. L’échantillon n’était pas représentatif de l’ensemble de la communauté et une meilleure répartition des genres dans celui-ci aurait possiblement permis d’aborder cette composante plus en profondeur. Finalement, l’absence de réponse à certains éléments du questionnaire (par exemple, le revenu) a réduit la taille de l’échantillon.
L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.