Étude menée auprès du personnel scolaire du Québec sur l’état de santé mentale et l’exposition aux risques psychosociaux du travail
Faits saillants
Ce document présente les résultats d'une étude transversale menée auprès du personnel travaillant dans les établissements d'enseignement public québécois au niveau préscolaire, primaire et secondaire portant sur l'état de santé mentale ainsi que sur l'exposition aux risques psychosociaux du travail. Les risques psychosociaux du travail sont définis comme des facteurs liés à l'organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d'emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d'engendrer des effets néfastes sur la santé des personnes exposées. Plus de 21 800 membres sur près de 163 000 membres du personnel enseignant, professionnel, de soutien et cadre travaillant 15 heures et plus par semaine ont participé à cette étude entre le 7 mars et le 4 juillet 2022, étude qui s'est déroulée au cœur de la sixième vague de la pandémie de COVID-19.
Dans cette étude, la charge de travail qualifiée comme élevée est le facteur de risque psychosocial du travail le plus fréquemment rapporté. Ce facteur de risque est associé à tous les indicateurs de santé mentale mesurés, soit la détresse psychologique liée au travail, l'absentéisme et le présentéisme-maladie de longue durée, l'épuisement professionnel, l'augmentation de la consommation d'au moins une substance psychoactive et l'intention de quitter son emploi et le domaine au cours de la prochaine année. Dit autrement, les résultats suggèrent qu'être exposé à une charge de travail élevée (par rapport à faible) est associé à une proportion plus importante de personnes atteintes par ces problèmes de santé (ou dans le cas de l'épuisement professionnel, à une augmentation du niveau d'épuisement), et ce, même lorsque l'on tient compte de variables sociodémographiques, du travail auprès des élèves et des impacts de la pandémie sur le travail. Les impacts de la pandémie les plus fréquemment rapportés dans cette étude sont l'aggravation de la pénurie de personnel, l'ajout de nouvelles tâches professionnelles, l'augmentation de la gestion des situations conflictuelles, de stress ou d'anxiété chez les élèves et l'augmentation de la discipline à exercer auprès d'eux. D'autres risques psychosociaux du travail fréquemment rapportés par le personnel et associés à la totalité ou la quasi-totalité des indicateurs de santé mentale mesurés incluent une faible reconnaissance au travail, des difficultés à équilibrer les exigences de la vie personnelle et professionnelle, un faible sens au travail et le fait d'exercer un travail qui heurte la conscience professionnelle.
Un peu plus de la moitié du personnel à l'étude se considérait en détresse psychologique élevée ou très élevée au cours du mois précédant l'enquête et 95 % de celui-ci l'associait partiellement ou complètement à son travail. Près d'un peu plus de la moitié du personnel a déclaré s'être absenté du travail et la même proportion mentionne avoir fait du présentéisme-maladie au cours de l'année scolaire 2021-2022. Aussi, un peu plus d'une personne sur six avait, au moment de la collecte, mentionné avoir eu l'intention de quitter son emploi et de changer de domaine au cours de la prochaine année. Une part non négligeable du personnel aurait augmenté sa consommation de substances psychoactives depuis le début de l'année scolaire.
Ce rapport de recherche met également en évidence l'ampleur des situations de violence dont serait victime le personnel dans les écoles publiques : près du quart des répondants et répondantes à l'étude aurait reçu des menaces de violence, environ le tiers rapporte avoir subi au moins une agression physique – ces deux formes de violence provenant majoritairement des élèves – et environ quatre personnes sur dix auraient vécu du harcèlement psychologique au cours de l'année scolaire, de la part de collègues, du supérieur ou supérieure ou bien des élèves.
Certaines limites méthodologiques devraient être considérées dans l'interprétation de ces résultats. D'abord, bien que des mesures aient été prises pour rehausser le taux de participation de la population à l'étude, ce taux, estimé à 13,5 %, ne permet pas de généraliser les constats à l'ensemble de celle-ci. Ensuite, le devis de type transversal soutient de façon moins concluante les hypothèses de causalité. Cependant, l'objectif de l'étude n'était pas d'établir des relations de causalité, mais de brosser un portrait des facteurs de risque et de l'état de santé mentale et d'étudier l'ampleur de certaines relations causales déjà connues dans la littérature scientifique. Par ailleurs, les données étant autorapportées, un potentiel d'inexactitude ou de biais de rappel est à considérer.
Les forces de cette étude incluent notamment la taille de l'échantillon, la mesure d'un grand nombre d'indicateurs de risques psychosociaux et de santé mentale au travail, la déclinaison des résultats selon les catégories d'emploi, ainsi que la considération du contexte pandémique qui prévalait au moment de la collecte de données. Des mesures de pondération en fonction de l'âge, du sexe, de la catégorie d'emploi et du regroupement de régions ont été prises afin de rendre l'échantillon plus représentatif de la population visée.
Les résultats de cette étude permettent de dégager certaines pistes de réflexion sur les cibles générales sur lesquelles il serait possible d'agir. Une réflexion plus approfondie des actions préventives à mettre en place, adaptées au contexte local et concertées entre les acteurs et actrices des milieux concernés, pourrait être poursuivie afin de réduire l'exposition aux facteurs de risque psychosociaux du travail et leurs effets sur la santé.