Opinions locales quant à la gestion des risques et du rétablissement à la suite de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic

Ce document présente la deuxième partie des résultats d’un projet de recherche d’approche ethnographique intitulé Préoccupations, opinions, apprentissages et souhaits quant aux risques et à la gestion des risques de la population de la région de Lac-Mégantic. Cette étude qualitative a été réalisée à la suite de la catastrophe ferroviaire du 6 juillet 2013, à la demande de la Direction de santé publique de l’Estrie. De juillet 2014 à février 2015, 57 entrevues semi-dirigées ont été effectuées auprès des personnes suivantes : citoyens évacués ou non évacués de Lac-Mégantic, citoyens des municipalités de la région et acteurs socioéconomiques. La recherche ne prétend pas dresser le portrait de la situation telle qu’elle pourrait se présenter au moment de la lecture, ou à l’avenir. Plusieurs changements ont eu lieu depuis la réalisation du travail sur le terrain à Lac-Mégantic, notamment au sein de l’ administration municipale et dans la progression des travaux de reconstruction.
Il s’agit ici d’un rare portrait québécois des préoccupations, des opinions, des apprentissages et des souhaits d’une population exposée à une catastrophe ferroviaire d’envergure. L’étude fait ressortir différents effets d’un accident industriel et de la contamination d’un centre-ville sur la qualité de vie et le bien-être des citoyens.
En ce qui a trait à la gestion des risques, les principaux constats soulevés par les personnes rencontrées, aussi appelées informateurs dans le texte, sont les suivants :

  • La situation a rapidement été prise en main par les différentes autorités, d’où l’efficacité perçue par les informateurs. Quelques figures marquantes ont été identifiées et teintent également les opinions positives.
  • Des contraintes administratives imposées par des instances municipales et gouvernementales laissent croire aux informateurs que l’efficacité de la gestion a diminué avec le temps.
  • Le rôle des autorités dans la gestion des risques a été un sujet de discussion à plusieurs reprises. La dynamique multipartenaire de la gestion des risques a été soulignée de manière positive. La place importante occupée par les autorités ministérielles a fait l’objet de critiques, notamment en ce qui a trait aux relations avec les institutions municipales. Le lourd pouvoir de l’industrie ferroviaire est fortement décrié par quelques informateurs.
  • Les perceptions des participants sont mitigées en ce qui concerne les capacités d’écoute de l’administration municipale. Les participants à l’étude estiment qu’on leur a offert de s’exprimer, mais qu’on a peu pris en compte leurs remarques, surtout au moment des prises de décisions importantes telles que le choix de détruire les bâtiments du centre-ville. La démarche Réinventer la ville a particulièrement été citée pour illustrer ce propos, même si un bon nombre de participants ont apprécié l’initiative.
  • Dans l’ensemble, plusieurs informateurs ressentent que les citoyens n’ont pas suffisamment de pouvoir. Certains se disent résignés à subir les choix politiques et administratifs, d’autres se mobilisent collectivement.
  • La tension entre l’approche humaniste de la situation et les préoccupations économiques a été mise de l’avant. D’une part, les informateurs discutent de manière critique quant à l’importance d’une relance économique. D’autre part, plusieurs informateurs polarisent ces deux éléments et estiment que la prise en compte humaine cède souvent le pas aux considérations financières. À ce sujet, la municipalité est particulièrement visée ainsi que le gouvernement fédéral en place au moment des entrevues.
  • Des lacunes du point de vue de la transparence dans les communications publiques des autorités municipales et gouvernementales ont engendré chez certains participants une perte de confiance. Ce sentiment a brouillé la compréhension des citoyens sur certaines décisions en lien avec la démolition du centre-ville, la gestion financière de la reconstruction, la construction des condominiums commerciaux et l’achat des terrains contaminés du centre-ville.
  • Les souhaits les plus souvent formulés en ce qui a trait à la gestion des risques et du rétablissement concernent la reconstruction et la sécurité ferroviaire qui devraient être gérées dans un esprit de paix et d’harmonie.
  • Ces résultats reflètent la littérature récente en sciences sociales portant sur les catastrophes, notamment celle traitant des déversements d’hydrocarbures. Ils font aussi écho à plusieurs principes directeurs de gestion des risques dont se sert le réseau québécois de la santé publique, dont la transparence, l’ouverture, la rigueur et la prudence.

Bref, en raison des développements pétroliers contemporains, cette recherche offre aux acteurs de la gouvernance du risque l’occasion de tirer des apprentissages de la réponse fournie à la communauté de Lac-Mégantic lors de la tragédie ferroviaire.

Voir aussi : Changements sociaux et risques perçus à la suite de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic

Auteur(-trice)s
Geneviève Brisson
experte et chercheure d’établissement, Institut national de santé publique du Québec
Emmanuelle Bouchard-Bastien
M. Env., conseillère scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-77488-4
Notice Santécom
Date de publication