Programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec : mise à jour des données au 30 juin 2011
Le programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec a été mis en place en avril 2002. Il est basé sur la déclaration de l'infection par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et sur le recueil de renseignements épidémiologiques sur la personne infectée auprès du professionnel de la santé qui a prescrit le test de dépistage confirmé positif.
Le LSPQ effectue toutes les analyses de confirmation à l'échelle de la province. Pour tout test confirmé positif, une intervenante de santé publique (ISP) téléphone au professionnel qui l'a prescrit en vue de l'enquête épidémiologique et l'enregistrement du cas, si ce dernier n'a jamais été enregistré au programme de surveillance.
Le programme s'assure d'un enregistrement unique pour une même personne vivant avec VIH (PVVIH). Un numéro d'assurance-maladie (NAM) est exigé pour enregistrer un cas d'infection par le VIH dans le système actuel. L'encryptage du NAM permet à l'ISP de savoir que le cas a déjà été enregistré ou non.
Résultats saillants
Le LSPQ a confirmé la positivité au VIH pour 16 914 spécimens prélevés depuis le début du programme en avril 2002 jusqu'au 30 juin 2011. Alors que le nombre de tests de dépistage du VIH est à la hausse, la proportion de tests confirmés positifs se maintient à moins de 1 % pendant cette période.
Environ vingt pour cent (21,8 %; 3 679/16 914) des spécimens confirmés positifs depuis l'implantation du programme n'ont pas mené à l'enregistrement des cas, essentiellement à cause de l'absence d'un NAM.
Plus de la moitié (57,8 %; 2 126/3 679) de ces spécimens provenaient des demandeurs de résidence ou de statut de réfugié sans NAM. Les autres étaient des spécimens à propos desquels les médecins n'ont pas donné suite à la demande de l'ISP pour la collecte épidémiologique, des sérologies des enfants de moins de 2 ans, des spécimens de sujets recrutés dans des projets de recherche, des spécimens anonymes des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), des spécimens de résidants hors province ou des spécimens de résidants du Québec sans NAM.
Au total, 263 cas d'infection par le VIH ont été enregistrés au premier semestre 2011, dont 218 (82,9 %) de sexe masculin et 45 de sexe féminin. Ce nombre comprend 167 nouveaux diagnostics, 90 anciens diagnostics et 6 personnes dont on ne peut dire avec les informations disponibles qu'elles ont reçu leur premier diagnostic d'infection par le VIH au premier semestre 2011 ou avant. On ne détecte pas de changement prévisible dans la tendance du nombre de cas en 2011.
Ces cas portent à 6 652 le nombre de PVVIH cumulativement enregistrées au programme depuis avril 2002, dont 3 481 nouveaux diagnostics, 2 849 anciens et 322 impossibles à caractériser comme étant des anciens ou des nouveaux.
Ce nombre cumulatif de cas reste en deçà des estimations de prévalence produites par l'Agence de la santé publique du Canada pour le Québec, selon lesquelles environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH dans la province en 2008. Il faut toutefois se rappeler 1) que le programme de surveillance n'a été mis en place qu'en avril 2002, 2) que ses données n'incluent pas toutes les personnes au courant de leur statut biologique d'infection par le VIH avant son implantation, ni toutes celles qui ont été dépistées depuis avril 2002 (notamment les cas sans NAM qui sont exclus du système actuel), et 3) qu'un système de surveillance basé sur la déclaration des cas par les laboratoires ne peut enregistrer les PVVIH qui ne sont pas dépistées et qui ignorent leur séropositivité.
Il est important de noter que les cas qui ne sont pas enregistrés au moment d'un test positif donné peuvent avoir de nouvelles prescriptions d'un test de séropositivité au VIH et être enregistrés au moment de l'émission par le LSPQ du résultat d'analyse d'un nouveau spécimen, notamment ceux qui ne sont pas enregistrés à cause de l'absence d'un NAM et qui ont obtenu celui-ci au moment du nouveau test, et ceux qui ne le sont pas parce que l'ISP n'obtient pas les données épidémiologiques et pour lesquels le prescripteur du nouveau test fournit ces informations.
Tel que souligné précédemment, 3 679 tests positifs n'ont pas mené à une enquête épidémiologique. Le nombre précis de personnes ayant fourni les prélèvements de ces tests est inconnu. Il se situerait entre 1 500 et 2 500 individus différents. Parmi ceux-ci, 415 ont reçu de nouvelles prescriptions de tests de séropositivité au VIH et ont été enregistrés dans les anciens diagnostics.
Le programme a une faible capacité de différencier les nouveaux diagnostics comme étant des infections récentes ou des séropositivités anciennes tardivement dépistées. Si le nombre de nouveaux diagnostics qui avaient déjà été testés pour le VIH avant le dépistage de leur infection est à la hausse, 58,1 % (2 023/3 481) n'avaient jamais eu de test de dépistage de la maladie auparavant. Dans les 1 458 rapportant un test négatif antérieur, 146 n'ont pas précisé la date de leur dernier test négatif. Parmi les 1 312 l'ayant fait, 440 ont eu leur premier test positif dans les 12 mois après le plus récent test négatif et 872 plus d'un an après. Les premiers sont des infections récentes, tandis que tous les autres (ceux dépistés plus d'un an après le dernier test négatif, ceux sans précision de la date de ce test négatif et ceux jamais testés auparavant) peuvent être des infections récentes ou des infections anciennes tardivement diagnostiquées, soit 87,3 % (n = 3 040) des nouveaux diagnostics.
L'âge médian des nouveaux diagnostics est de 37 ans pour les femmes et de 40 ans pour les hommes. De manière générale, le nombre et la proportion des cas augmentent avec l'âge entre 15 et 45 ans et diminuent par la suite.
Environ quinze pour cent (14,7 %; 90/612) des infections nouvellement diagnostiquées chez les femmes de 15 ans et plus depuis avril 2002 l'ont été lors d'une visite de suivi d'une grossesse. La majorité (70,0 %; 63/90) de ces cas sont dépistés chez des immigrantes en provenance de l'Afrique subsaharienne ou d'Haïti.
Si la moitié (51,1 %; 23/45) des femmes trouvées infectées situent leurs origines culturelles dans des pays de l'Afrique subsaharienne ou en Haïti, dans l'ensemble, le Canada reste le principal pays de naissance et d'origine ethnoculturelle des cas (68,5 %; 178/260) au premier semestre 2011.
Les cas de janvier à juin 2011 sont reliés aux principales catégories d'exposition ci-après :
- Les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HARSAH) sont les plus touchés, avec 55,9 % (147/263) des cas. Les deux tiers (67,4 %; 147/218) des cas de sexe masculin sont reliés à la transmission homosexuelle.
- Les infections reliées à l'origine d'un pays endémique forment 14,8 % (n = 39) des cas. Cette catégorie d'exposition est la plus fréquente chez les femmes (51,1 %; 23/45 versus 7,3 %; 16/218 parmi les hommes).
- Les infections par des rapports hétérosexuels sans autre risque forment 12,2 % (n = 32) des cas. En les regroupant avec les cas attribués à l'origine d'un pays où le VIH est endémique et se transmet essentiellement par transmission hétérosexuelle, celle-ci serait reliée à 27,0 % (71/263) des cas. Elle prédomine chez les femmes (82,2 %; 37/45 versus 15,6 %; 34/218 chez les hommes).
- Les utilisateurs et utilisatrices de drogues par injection (UDI) représentent 8,4 % (n = 22) des cas. Le nombre de nouveaux diagnostics UDI reste relativement faible malgré la transmission active du VIH observée par le réseau SurvUDI, ce qui pourrait s'expliquer par la faible fréquentation des services de dépistage du VIH par les UDI.
- Les individus à la fois HARSAH et UDI représentent 4,6 % (n = 12) des cas.
- Les cas de transmission verticale restent marginaux. Ils sont essentiellement enregistrés chez des enfants d'immigrants de pays endémiques :
- On enregistre 31 nouveaux diagnostics dans cette catégorie d'exposition depuis avril 2002, dont 13 enfants nés au Canada et 18 nés à l'extérieur du pays. Dix des treize dépistés à la naissance au Canada sont des enfants d'immigrants de pays endémiques; les trois autres sont respectivement nés d'une mère d'origine canadienne, d'une Autochtone des Premières Nations et d'une mère originaire d'Europe. Les dix huit nés en dehors du Canada sont tous des immigrants de pays endémiques; excepté un qui a immigré d'Asie.
- Des tests VIH peuvent être prescrits pour le suivi spécifique aux personnes infectées à la naissance, notamment à l'âge adulte pour celles qui veulent avoir des enfants et éviter de transmettre à leur tour l'infection à leurs enfants. Quarante-deux cas qui étaient diagnostiqués au Canada avant le programme ou dans leur pays d'origine avant d'immigrer au Canada, ont eu une nouvelle prescription d'un test de séropositivité et ont été enregistrés depuis dans les anciens diagnostics. La majorité (69,8 %; n = 30) de ces cas sont des immigrants de pays endémiques.
- Les infections par des dons de sang ou des facteurs de coagulation deviennent également rares. Depuis avril 2002, le programme rapporte cinq nouveaux diagnostics dans cette catégorie d'exposition pour des personnes pouvant avoir été infectées au Canada avant les mesures de sécurité transfusionnelle en 1985 puisqu'elles avaient entre 21 et 69 ans au moment du dépistage, ou en dehors du Canada pour deux de ces cas qui sont des immigrants.
Environ cinq pour cent (4,5 %; 235/5 523) des cas enregistrés depuis avril 2002 avaient eu des relations sexuelles en contexte de prostitution. Cette proportion est plus élevée chez les femmes (11,3 %; 130/1 153) que chez les hommes (2,4 %; 105/4 370), ainsi que parmi les cas à la fois HARSAH et UDI (26,0 %; 53/204) et les cas UDI (18,8 %; 117/624) comparativement aux autres catégories d'exposition (≤ 2,9 %). La moitié (51,7 %; 109/211) des cas des femmes UDI versus 1,9 % (8/405) des hommes de cette catégorie d'exposition avaient eu des relations sexuelles en échange d'argent.
Le dépistage de l'infection a été tardif dans 22,2 % (37/167) des nouveaux diagnostics puisque les personnes concernées étaient rendues au stade du sida ou des infections chroniques symptomatiques du VIH au moment du diagnostic. Les autres étaient asymptomatiques ou avaient des symptômes et maladies non spécifiques du virus. Montréal, qui abrite un quart de la population du Québec et la grande majorité des immigrants au Québec, reste la région de résidence de la majorité des PVVIH, avec 64,6 % (170/263) des cas au premier semestre 2011. Depuis le début du programme, à elle seule, cette ville métropolitaine enregistre 76,6 % (794/1 037) des cas attribués à l'origine d'un pays endémique, 69,6 % (2 300/3 306) des cas des HARSAH, 61,3 % (155/253) des cas à la fois HARSAH et UDI, et pratiquement la moitié des cas UDI (50,0 %; 498/996) et des infections par transmission hétérosexuelle sans autre risque (48,2 %; 421/874).
Commentaires
Les données du programme n'estiment ni la prévalence ni l'incidence de l'infection dans la province. Elles portent sur les cas confirmés au LSPQ depuis avril 2002 et dont la collecte épidémiologique est complétée, tandis qu'elles excluent les cas confirmés avant le programme qui n'ont pas eu une nouvelle prescription d'un test de séropositivité après son implantation ou qui l'ont eu sans possibilité de les enregistrer, les cas diagnostiqués après avril 2002 qui ne sont pas enregistrés (essentiellement à cause de l'absence d'un NAM), et les personnes infectées qui ne sont pas dépistées et ignorent leur séropositivité.
Le nombre de nouveaux diagnostics n'est pas estimé en temps réel (il est plus élevé que son estimation actuelle). Pour une année donnée, un nouveau diagnostic est celui ayant eu son premier test positif pendant cette année. Les cas qui n'ont pas été enregistrés au moment du dépistage de l'infection et qui l'ont subséquemment été à la suite d'une nouvelle prescription d'un test de séropositivité, sont comptabilisés parmi les anciens diagnostics. Ces cas seraient des nouveaux diagnostics si le système permettait de les enregistrer au moment de leur premier test positif.
L'élimination des doublons basée sur l'obtention du NAM pour tous les tests confirmés positifs constitue une limite importante à la collecte des données épidémiologiques. Le programme a été mis en place en 2002. C'est aussi en 2002 qu'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement rendait obligatoire l'examen médical incluant un test de dépistage du VIH pour tout requérant de résidence permanente au Canada et certains requérants de résidence temporaire. Ce changement a entraîné l'ajout non anticipé d'un nombre important de cas positifs sans NAM.
Afin d'augmenter la capacité du programme à documenter les cas sans NAM actuellement exclus du système, la collecte épidémiologique a été étendue aux personnes confirmées sans NAM depuis avril 2012.
Les variations dans le nombre des cas sont difficiles à interpréter en l'absence de données d'incidence. Afin d'augmenter la capacité du système à suivre la tendance de l'incidence de l'infection au Québec, on entrevoit l'ajout de tests d'infection récente au processus de détection du VIH pour les besoins de surveillance. Une étude de faisabilité de cet ajout est en préparation.
De toute évidence, le virus se transmet encore activement au Québec. Combinée à la progression observée des autres ITSS parmi les HARSAH et aux épidémies observées de ces maladies chez les UDI, la progression du VIH dans la population doit continuer d'interpeller les autorités de santé publique.