Programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec : cas cumulatifs 2002-2010

Le programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec a été mis en place en avril 2002. Il est basé sur la déclaration de l'infection par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et sur le recueil de renseignements sur la personne infectée auprès du professionnel de la santé qui a prescrit le test de dépistage confirmé positif.

Le LSPQ effectue toutes les analyses de confirmation à l'échelle de la province. Pour tout test confirmé positif, une intervenante de santé publique (ISP) téléphone au professionnel qui l'a prescrit en vue de l'enquête épidémiologique sur le cas, si ce dernier n'a jamais été enregistré au programme de surveillance.

Le numéro d'assurance maladie (NAM) est utilisé pour éliminer les doublons1. Préalablement à la collecte épidémiologique, le NAM est encrypté pour avoir un identifiant unique permettant de savoir si le cas a déjà été enregistré ou s'il doit faire l'objet d'une enquête épidémiologique pour l'enregistrement au programme.

Résultats saillants

Le LSPQ a confirmé la positivité au VIH pour 0,49 % des 325 412 spécimens prélevés en 2010 et analysés par les laboratoires hospitaliers qui font partie du Programme québécois de diagnostic de l'infection par le VIH.

Si le nombre de tests de dépistage du VIH est à la hausse, la proportion des tests confirmés positifs se maintient à moins de 1 % depuis le début du programme en avril 2002.

Environ vingt pour cent (22,5 %; 3 564/16 219) des spécimens confirmés positifs depuis avril 2002 n'ont pas mené à l'enregistrement des cas, essentiellement à cause de l'absence du NAM. Plus de la moitié (57,7 %; 2 056/3 564) de ces spécimens provenaient des demandeurs de résidence ou de statut de réfugié. Les autres étaient des spécimens à propos desquels les médecins n'ont pas donné suite à la demande de l'ISP pour la collecte épidémiologique, des sérologies des enfants de moins de 2 ans, des spécimens de sujets recrutés dans des projets de recherche, des spécimens anonymes des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang, des spécimens de résidants hors province ou des spécimens de résidants du Québec sans NAM.

Au total, 525 cas d'infection par le VIH ont été enregistrés en 2010, dont 425 (80,9 %) de sexe masculin et 100 de sexe féminin. Ce nombre comprend 318 nouveaux diagnostics, 191 anciens diagnostics et 16 personnes dont on ne peut dire, avec les informations disponibles, qu'elles ont reçu leur premier diagnostic de VIH en 2010 ou avant.

Ces cas portent à 6 352 le nombre de personnes infectées par le VIH cumulativement enregistrées au programme depuis avril 2002, dont 3 291 nouveaux diagnostics, 2 746 anciens et 315 impossibles à caractériser comme étant des anciens ou des nouveaux.

Ce nombre cumulatif de cas reste en deçà des estimations de prévalence produites par l'Agence de la santé publique du Canada pour le Québec, selon lesquelles environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH dans la province en 2008. Il faut toutefois se rappeler que 1) le programme de surveillance n'a été mis en place qu'en avril 2002, 2) que ses données n'incluent pas toutes les personnes au courant de leur statut biologique d'infection par le VIH avant son implantation, ni toutes celles qui ont été dépistées depuis 2002 (notamment les cas sans NAM qui sont exclus du système actuel), et 3) qu'un système de surveillance basé sur la déclaration des cas par les laboratoires ne peut enregistrer les personnes infectées par le VIH qui ne sont pas dépistées et qui ignorent leur séropositivité.

Une faible proportion des cas confirmés après l'implantation du programme et qui ne pouvaient être enregistrés au moment des tests positifs antérieurs, a été subséquemment enregistrée. Tel que souligné précédemment, 3 564 tests positifs n'ont pas mené à une enquête épidémiologique. Le nombre précis de personnes ayant fourni les prélèvements de ces tests est inconnu. Il se situerait entre 1 000 et 2 500 individus différents. Parmi ceux-ci, 390 qui avaient eu leur premier test positif après l'implantation du programme ont été subséquemment enregistrés. La majorité (59,5 %; 232/390) l'ont été plus d'un an après le premier diagnostic positif.

Le programme a aussi une faible capacité de différencier les infections récentes des infections anciennes tardivement diagnostiquées parmi les nouveaux diagnostics. Plus de la moitié (59,4 %; 1 854/3 291) de ceux-ci n'avaient jamais été testés pour le VIH auparavant. Parmi ceux qui l'avaient été, 142 ignoraient la date du dernier test négatif, 399 le situaient dans les 12 mois avant la découverte de l'infection et 796 plus de douze mois avant. Pour ces derniers, ceux sans précision de date du test négatif et ceux jamais testés auparavant, soit 84,8 % (n = 2 792) des nouveaux diagnostics, la séropositivité au VIH résultait d'une infection pouvant être récente ou ancienne.

L'âge médian des nouveaux diagnostics est de 37 ans pour les femmes et de 41 ans pour les hommes. De manière générale, le nombre et la proportion des cas augmentent avec l'âge entre 15 et 45 ans et diminuent par la suite.

Si 55,0 % (55/100) des femmes trouvées infectées situent leurs origines culturelles dans des pays de l'Afrique subsaharienne ou en Haïti, dans l'ensemble, le Canada reste le principal pays de naissance et d'origine ethnoculturelle des cas d'infection par le VIH au Québec (64,0 %; 336/525 cas enregistrés en 2010).

Les cas de 2010 sont reliés aux principales catégories d'exposition ci-après :

  • Les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HARSAH) sont les plus touchés, avec 57,0 % (299/525). Plus des deux tiers (70,4 %; 299/425) des infections par le VIH confirmées chez les hommes sont attribuées à la transmission homosexuelle.
  • Les cas reliés à l'origine d'un pays où le VIH est endémique et où prédomine la transmission hétérosexuelle du virus, forment 16,6 % (n = 87). Cette catégorie d'exposition est la plus fréquente chez les femmes (53,0 %; 53/100 versus 8,0 %; 34/425 parmi les hommes).
  • Les infections par des rapports hétérosexuels sans autre risque identifié forment 13,5 % (n = 71). En les regroupant avec les cas reliés à l'origine d'un pays où le VIH est endémique et où prédomine la transmission hétérosexuelle, celle-ci serait reliée à 30,1 % (158/525) des cas. Elle prédomine chez les femmes (84,0 %; 84/100 versus 17,4 %; 74/425 chez les hommes).
  • Les utilisateurs et utilisatrices de drogues par injection (UDI) représentent 7,8 % (n = 41). Le nombre de nouveaux diagnostics UDI reste relativement faible malgré la transmission active du VIH observée par le réseau SurvUDI, ce qu'on relie à la faible fréquentation des services de dépistage du VIH par les UDI.
  • Les individus à la fois HARSAH et UDI représentent 3,1 % (n = 16) des cas.
  • La transmission verticale est devenue marginale depuis la mise en place des programmes visant à prévenir le passage du virus de la mère à son enfant pendant la grossesse ou l'allaitement. Cependant, elle persiste chez des enfants d'immigrants. Depuis l'implantation du programme en avril 2002, 26 nouveaux diagnostics ont été enregistrés, dont 11 chez des enfants nés au Canada et 15 pour des personnes nées à l'extérieur. Huit des onze nés au Canada et les quinze nés à l'extérieur sont des immigrants. Des tests de reconfirmation peuvent être prescrits pour le suivi spécifique aux personnes infectées à la naissance, notamment à l'âge adulte pour celles qui veulent avoir des enfants et éviter de transmettre le VIH à leurs bébés. Parmi 43 cas confirmés au LSPQ avant le programme ou dans des laboratoires d'autres pays avant d'entrer au Canada, 29 sont des immigrants.
  • La transmission par des dons de sang ou des facteurs de coagulation est également devenue rare après la mise en place des programmes visant à détecter et détruire les dons de sang provenant de personnes infectées par le VIH. Depuis avril 2002, dans cette catégorie d'exposition, le programme rapporte 5 nouveaux diagnostics pour des personnes pouvant avoir été infectées au Canada avant les mesures de sécurité transfusionnelle en 1985 puisqu'elles avaient entre 21 et 69 ans au moment du dépistage, ou en dehors du Canada pour deux de ces cas qui sont des immigrants.

Le dépistage de l'infection a été tardif dans 17,9 % (57/318) des nouveaux diagnostics. Les personnes concernées étaient rendues au stade du sida ou des infections chroniques symptomatiques de l'infection par le VIH au moment du diagnostic. Les autres étaient asymptomatiques ou présentaient des symptômes et maladies non spécifiques de la maladie.

Montréal qui abrite un quart de la population du Québec et la grande majorité des immigrants admis au Québec, reste la région de résidence de la majorité des PVVIH au Québec, avec 60,2 % (316/525) des cas en 2010. Depuis le début du programme, à elle seule, cette ville métropolitaine enregistre 76,7 % (763/995) des cas attribués à l'origine d'un pays endémique, 69,3 % (2 168/3 129) des cas des HARSAH, 60,6 % (146/241) des cas à la fois HARSAH et UDI, la moitié des cas des UDI (50,1 %; 488/974) et des infections par transmission hétérosexuelle sans autre risque (48,5 %; 409/843).

Commentaires

Les données du programme n'estiment ni la prévalence ni l'incidence de l'infection dans la province. Elles portent sur les cas confirmés au LSPQ depuis avril 2002 et dont la collecte épidémiologique est complétée, tandis qu'elles excluent les cas dépistés avant le programme et non reconfirmés depuis avril 2002, les cas diagnostiqués après cette date qui ne sont pas enregistrés (essentiellement à cause de l'absence d'un NAM), et les personnes infectées qui ne sont pas dépistées et ignorent leur séropositivité.

L'élimination des doublons basée sur l'obtention du NAM pour tous les tests confirmés positifs constitue une limite importante à la collecte des données épidémiologiques. Le programme a été mis en place en 2002. C'est aussi en 2002 qu'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement rendait obligatoire l'examen médical incluant un test de dépistage du VIH pour tout requérant de résidence permanente au Canada et certains requérants de résidence temporaire. Ce changement a entraîné l'ajout non anticipé d'un nombre important de cas positifs sans NAM. Ces cas ne peuvent être enregistrés au programme sans qu'on apporte des modifications au règlement actuel.

Les variations observées dans le nombre des cas sont difficiles à interpréter en l'absence de données d'incidence. On entrevoit l'ajout d'un test d'infection récente au processus de détection du VIH pour les besoins de surveillance, afin d'augmenter la capacité du système à suivre la tendance de l'incidence de l'infection au Québec. Cet ajout exige aussi d'apporter des modifications au règlement.

De toute évidence, le virus se transmet encore activement au Québec malgré les programmes de prévention de l'épidémie qui sont en place dans la province. Combinée à la progression observée des autres ITSS parmi les HARSAH et aux épidémies observées de ces maladies chez les UDI, la progression du VIH dans la population doit continuer d'interpeller les autorités de santé publique.

1Les cas sans NAM ne sont pas enregistrés dans le système actuel.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-63489-8
ISBN (imprimé)
978-2-550-63490-4
ISSN (électronique)
1913-3405
ISSN (imprimé)
1913-3391
Notice Santécom
Date de publication