Programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec : cas cumulatifs 2002-2008
Le programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec est basé sur la déclaration de l'infection par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et sur le recueil de renseignements sur la personne infectée auprès du professionnel de la santé qui a prescrit le test de dépistage confirmé positif. Les activités de collecte des données sont centralisées dans des locaux sécurisés du LSPQ. Celui-ci effectue toutes les analyses de confirmation à l'échelle de la province.
Pour tout test confirmé positif, une intervenante de santé publique (ISP) téléphone au professionnel qui l'a prescrit en vue de l'enquête épidémiologique sur le cas, si ce dernier n'a jamais été déclaré au programme de surveillance.
Le LSPQ a confirmé la positivité au VIH de 0,61 % sur 287 643 spécimens prélevés en 2008 et analysés par les laboratoires hospitaliers qui font partie du Programme québécois de diagnostic de l'infection par le VIH. Cette proportion se maintient à moins de 1 % depuis le début du programme en avril 2002.
Vingt-cinq pour cent (25,6 %) des spécimens positifs soumis aux ISP étaient impossibles à déclarer, essentiellement à cause de l'absence d'un numéro d'assurance-maladie (NAM). Cet identifiant est exigé pour déclarer un cas dans le système actuel.
La proportion des spécimens non déclarés qui provenaient des immigrants et/ou des réfugiés est à la hausse. Elle est passée de 42,6 % (168/394) en 2002 à 68,8 % (352/512) en 2008.
Dans l'ensemble, depuis le début du programme de surveillance en avril 2002, plus de la moitié (55,6 %; 1 590/2 859) des spécimens positifs non déclarés concernent des demandeurs de résidence ou de statut de réfugié sans NAM. On estime qu'ils sont reliés à un minimum de 952 bénéficiaires. L'autre moitié est composée de spécimens à propos desquels les médecins n'ont pas donné suite à la demande de l'ISP pour la collecte épidémiologique, de sérologies chez des enfants de moins de 2 ans, de spécimens provenant des projets de recherche, de spécimens anonymes des services intégrés de dépistage et de prévention (SIDEP) des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), de spécimens de résidants hors province ou de résidants du Québec sans NAM.
Au total, 661 cas d'infection à VIH ont été enregistrés en 2008, dont 535 (80,9 %) de sexe masculin, 124 de sexe féminin et 2 transsexuels. Ce nombre comprend 386 nouveaux diagnostics, 260 anciens cas et 15 personnes dont on ne peut dire avec les informations disponibles qu'elles ont reçu leur premier diagnostic de VIH en 2008 ou avant.
L'âge médian est de 37 ans pour les femmes et de 40 ans pour les hommes. Le nombre des nouveaux diagnostics a augmenté de 26 en 2007 à 48 en 2008 chez les personnes âgées entre 50 et 54 ans. De manière générale, chez les personnes des deux sexes, le nombre et la proportion de cas augmentent avec l'âge entre 15 et 45 ans et diminuent par la suite.
Les cas de 2008 portent à 5 199 le nombre de personnes infectées par le VIH cumulativement enregistrées au programme de surveillance depuis qu'il est en place en avril 2002. Ce total cumulatif comprend 2 663 nouveaux diagnostics, 2 278 anciens diagnostics et 258 diagnostics impossibles à caractériser comme étant des anciens ou des nouveaux. Il reste en deçà des estimations de la prévalence produites par l'Agence de la santé publique du Canada pour le Québec, selon lesquelles environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH dans la province en 2008. Il faut toutefois se rappeler que le programme québécois de surveillance n'a été mis en place qu'en avril 2002 et que les données qu'il génère n'incluent pas toutes les personnes au courant de leur statut biologique d'infection par le VIH avant son implantation.
La majorité (62,2 %; n = 1657) des nouveaux diagnostics n'avaient jamais eu de dépistage du VIH auparavant. Dans les 1 006 rapportant un test négatif antérieur, 117 n'ont pas précisé la date du dernier dépistage négatif. Parmi les 888 qui l'ont précisée, 298 ont été diagnostiqués dans les douze mois suivants cette date.
Les cas incidents (survenus dans les douze derniers mois avant le dépistage positif) ne représentent que 11,2 % des nouveaux diagnostics. La grande majorité (88,8 %; 2 365/2 663) de ceux-ci sont impossibles à différencier comme étant des infections anciennes ou récentes. C'est un mélange des cas récemment infectés et des cas de séropositivité ancienne tardivement dépistés, qui regroupe les personnes rapportant un résultat négatif au dernier test sans précision de date (4,4 %, n = 118), celles diagnostiquées plus d'un an après le dernier test négatif (22,2 %, n = 590) et celles qui n'avaient jamais eu de dépistage du VIH auparavant (62,2 % n = 1 657).
Le Canada reste le principal pays de naissance et d'origine ethnoculturelle des personnes trouvées infectées par le VIH au Québec (71,7 % des cas). Six cas autochtones sont déclarés en 2008.
Parmi les femmes trouvées infectées, la moitié s'identifie à des cultures de pays de l'Afrique subsaharienne ou à la culture haïtienne. Ces deux identités culturelles sont les plus souvent rapportées, après le Canada, dans l'ensemble et chez les femmes.
Les principales catégories d'exposition sont décrites ci-après par ordre de fréquence décroissante :
- Les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HARSAH) sont les plus touchés, avec plus de la moitié (55,7 %; 368/661) des cas et 61,7 % (238/386) des nouveaux diagnostics en 2008. Chez les hommes, la transmission homosexuelle est reliée à 68,7 % (368/525) des cas et à 72,8 % (238/327) des nouveaux diagnostics.
- Les cas reliés à l'origine d'un pays où le VIH est endémique et où la transmission hétérosexuelle du virus prédomine forment 16,2 % (n = 107) des cas. Cette catégorie d'exposition est la plus importante chez les femmes. Pendant que seulement 7,7 % (41/535) des cas de sexe masculin déclarent une origine dans des pays endémiques pour le VIH, la moitié (53,4 %; 66/124) des femmes trouvées infectées s'identifient aux mêmes pays.
- Treize pour cent (13,0 %; n = 86) des cas sont aussi attribués à des rapports hétérosexuels non protégés. La proportion des personnes infectées par voie hétérosexuelle qui ne sont pas originaires de pays endémiques est plus élevée chez les femmes (28,2 %; 35/124) comparativement aux hommes (9,5 %; 51/535). En regroupant ces cas avec ceux des immigrants en provenance de pays endémiques, la transmission hétérosexuelle prédomine chez les femmes avec 81,5 % des cas (versus 17,2 % chez les hommes).
- Neuf pour cent (9,4 %; n = 62) des cas ont été enregistrés pour des personnes utilisatrices de drogues par injection (UDI) en 2008. Le nombre de nouveaux diagnostics UDI reste relativement faible malgré la transmission active du VIH observée par le réseau SurvUDI.
- Les cas à la fois HARSAH et UDI représentent 3,6 % (n = 24), proportion qui est demeurée relativement stable depuis le début du programme.
- Les cas de transmission mère-enfant et les infections par des dons de sang ou de facteurs de coagulation deviennent rares. Un nouveau diagnostic est rapporté pour un enfant né au Canada d'une mère originaire d'Europe. Deux autres nouveaux et huit anciens diagnostics ont été déclarés dans cette catégorie d'exposition pour de jeunes enfants et des adolescents nés en dehors du Canada de mères haïtiennes ou d'Afrique subsaharienne, tandis qu'on enregistre un ancien cas de VIH relié à des dons sanguins chez un canadien d'origine âgé de 53 ans. Celui-ci a eu son premier test positif en 1989. On n'exclut pas la possibilité qu'il ait été infecté avant la mise en place des mesures de sécurité des dons de sang en 1985.
Le recours aux services de dépistage du VIH intervient souvent tardivement puisque 22,8 % (88/386) des nouveaux diagnostics étaient rendus au stade du sida ou présentaient des infections symptomatiques chroniques au moment du dépistage positif. Seulement 10,6 % (n = 41) étaient au stade de primo-infection. Les autres étaient asymptomatiques (49,2 %) ou se plaignaient d'infections aiguës ou de symptômes et maladies non spécifiques du sida (17,4 %).
Montréal, qui abrite un quart de la population du Québec et la grande majorité des immigrants admis au Québec, est la région de résidence de la majorité des cas de 2008 (64,6 %; 427/661). Cette proportion varie selon la catégorie d'exposition. Dans l'ensemble, depuis le début du programme, la métropole enregistre à elle seule 78,8 % (644/817) des cas des immigrants de pays endémiques, 70,4 % (1 737/2 469) des cas des HARSAH, 62,3 % (129/207) des cas à la fois HARSAH et UDI, 62,0 % (31/50) des cas de transmission verticale, la moitié (50,3 %; 343/694) des cas non reliés aux pays endémiques qui attribuent l'infection à des rapports hétérosexuels et 49,4 % (446/880) des cas UDI.
De toute évidence, le virus se transmet encore activement au Québec, malgré les programmes de prévention de l'épidémie qui sont en place dans la province.
Combinée à la progression observée parmi les HARSAH des autres ITSS, la progression du VIH dans ce segment de la population doit continuer d'interpeller les autorités de santé publique.
Les données du programme de surveillance n'estiment ni la prévalence ni l'incidence de l'infection dans la province. Elles portent sur les cas confirmés par le LSPQ depuis son implantation et dont la collecte épidémiologique est complétée, tandis qu'elles excluent les cas diagnostiqués avant le programme et non reconfirmés depuis avril 2002, les cas diagnostiqués après cette date qui ne sont pas enregistrés et dont la majorité ne le sont pas à cause de l'absence d'un NAM, et les personnes infectées qui ne sont pas dépistées et ignorent leur séropositivité.
L'impossibilité d'enregistrer les cas sans NAM est une limite importante à notre collecte des données épidémiologiques. L'élimination des doublons basée sur l'obtention du NAM pour tous les tests positifs exclut les cas sans cet identifiant qui sont majoritairement immigrants.
Le programme a été mis en place en 2002. C'est aussi en 2002 qu'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement rendait obligatoire l'examen médical incluant un test de dépistage du VIH pour tout requérant de résidence permanente au Canada et certains requérants de résidence temporaire. Ce changement a entraîné l'ajout non anticipé d'un nombre important de cas positif sans NAM.
Il serait risqué d'interpréter les variations observées avec les données du programme dans lesquelles le nombre de cas incidents est inconnu. En l'absence de données d'incidence, il est pratiquement impossible d'interpréter toute variation dans les nouveaux diagnostics.
Afin d'augmenter la capacité du programme à documenter les cas sans NAM actuellement exclus du système et majoritairement dépistés chez des immigrants et à suivre la tendance de l'incidence de l'infection au Québec, le groupe de travail sur le développement de la surveillance du VIH/sida propose de faire la collecte épidémiologique à propos des personnes confirmées positives qui n'ont pas cet identifiant. Il propose aussi d'ajouter un test d'infection récente au processus de détection du VIH pour les besoins de surveillance.
Les données restent insuffisantes pour expliquer la dynamique de l'épidémie. Le cadre règlementaire du programme actuel ne permet pas de documenter les modes de transmission affectant les personnes vivant avec le VIH dans les catégories d'exposition pour lesquelles les informations servant à évaluer le risque ne sont pas souvent disponibles auprès des médecins traitants.
Le groupe de travail recommande de mener une réflexion avec tous les partenaires impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida au Québec visant à trouver une solution qui garantit la confidentialité des données et permet de compléter la collecte de celles-ci afin de documenter adéquatement le portrait de l'épidémie.