Pertinence de l’ajout d’un dépistage systématique de la syphilis en cours de grossesse
L’augmentation du nombre de cas de syphilis chez les femmes est particulièrement préoccupante puisque plus de 90 % des cas enregistrés en 2022 au Québec sont observés chez celles qui sont en âge de procréer. Cette augmentation se traduit par une hausse du nombre de cas de syphilis congénitale. Au Québec, le dépistage de la syphilis chez les personnes enceintes est recommandé de façon systématique au premier trimestre de grossesse et, lorsque des facteurs de risque sont présents, au troisième trimestre et au moment de l’accouchement. Cependant, la stratégie de prévention basée sur l’identification des facteurs de risque chez la personne enceinte présente des limites.
C’est dans ce contexte que la direction de la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (DPITSS), du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a confié à l’Institut national de santé publique du Québec le mandat de produire des recommandations intérimaires sur la pertinence d’ajouter un test de dépistage systématique de la syphilis au troisième trimestre de grossesse. Le choix actuel pour réaliser un nouveau dépistage en cours de grossesse dépend de l’objectif : soit prévenir, soit identifier un maximum de cas de syphilis congénitale.
La délibération du groupe d’expert(e)s créé pour répondre à ce mandat n’a pas mené à une recommandation unique. Ainsi, considérant l’expertise clinique des membres du groupe et les résultats de la revue de la littérature scientifique, deux scénarios sont proposés :
Scénario majoritaire (ayant obtenu le plus de votes) : Afin de prévenir un maximum de cas de syphilis congénitale, il est recommandé d’ajouter deux tests de dépistage systématique de la syphilis en cours de grossesse :
- Au deuxième trimestre, au moment de la visite pour dépistage du diabète de grossesse (hyperglycémie provoquée), soit entre 24-28 semaines de grossesse, ET
- Au moment de l’accouchement.
Ce scénario mise sur la prévention, minimise le fardeau chez les personnes enceintes et permet d’identifier et de prendre en charge les possibles cas de syphilis congénitale découlant d’une infection tardive (au troisième trimestre) chez les personnes enceintes.
Scénario minoritaire (ayant obtenu le moins de votes) : Dans le but de prévenir un plus grand nombre de cas de syphilis congénitale, le groupe d’expert(e)s s’entend que le statu quo ne peut être retenu comme une option. Toutefois, puisque le taux d’incidence de syphilis congénitale demeure relativement faible au Québec, l’ajout de deux tests de dépistage systématique en cours de grossesse n’est pas justifié. Ainsi, il est recommandé d’ajouter un seul dépistage systématique au moment de l’accouchement.
Ce scénario mise sur l’identification et la prise en charge des nouveau-nés atteints de syphilis congénitale, ainsi que leur traitement. Il s’agit de recommandations intérimaires; quelle que soit la recommandation qui sera privilégiée par le MSSS, il est essentiel qu’elle soit révisée à court ou moyen terme, en considérant l’évolution du contexte et des données québécoises.
Le groupe d’expert(e)s souligne l’importance de la poursuite des travaux dans ce dossier et propose certaines stratégies complémentaires à considérer afin d’optimiser la prévention et la prise en charge de la syphilis chez les personnes enceintes et de la syphilis congénitale au Québec. Des interventions coordonnées et soutenues sont essentielles dans la lutte de cette infection.