Veille scientifique en santé des Autochtones, avril 2025
Dans ce numéro :
- Publications récentes
- Résumés d’articles par thématiques
- Approches culturellement adaptées en recherche et en intervention
- Étude de portée des interventions de prévention en nature et basées sur le territoire pour les jeunes Autochtones aux États-Unis et au Canada
- Mesurer le mieux-être par le biais de partenariats autochtones : une étude de portée
- Mise en œuvre d’une intervention de prévention des expériences négatives durant l’enfance basée sur les forces pour les familles majoritairement autochtones : évaluation de processus à méthodes mixtes
- Revitaliser les liens culturels forts et la résilience : coconception d’un programme pilote de mentorat dirigé par des Aînées pour les mères autochtones dans une communauté éloignée du nord de l’Alberta au Canada
- Approches culturellement adaptées en recherche et en intervention
Publications récentes
Nouvelles publications scientifiques répertoriées
- Asdigian, N. L., Tuitt, N. R., Dick, R., Fitzgerald, M., Zacher, T., Robe, L. B., Shangreau, C., Vossberg, R., Fleming, C. et Whitesell, N. R. (2024). Flexibility and resilience in equity-centered research: Lessons learned conducting a randomized controlled trial of a family-based substance use prevention program for American Indian families. Frontiers in Public Health, 12.
- Australian Indigenous HealthInfoNet. (2024). Learning from 50 years of Aboriginal alcohol programs: A summary, Factsheet.
- Basile, S., Kermoal, N., Comat, I. et Asselin, H. (2025). Innu and Atikamekw women’s connection to the land through pregnancy and birthing practices. AlterNative: An International Journal of Indigenous Peoples.
- Biles, B. J., Serova, N., Stanbrook, G., Brady, B., Kingsley, J., Topp, S. M. et Yashadhana, A. (2024). What is Indigenous cultural health and wellbeing? A narrative review. The Lancet Regional Health – Western Pacific, 52. 101220.
- Dupont, K. (2025). Enquête sur la santé des jeunes du secondaire du Nunavik – UVIKKAVUT QANUIPPAT? 2022. Principaux résultats de l’enquête. Québec. Institut de la statistique du Québec. Rapport résumé en trois langues : Enquête sur la santé des jeunes du secondaire du Nunavik, Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik. 160 p.
- Gameon, J. A., McNamee, A., FireMoon, P. et Skewes, M. C. (2024). The role of complicated grief in health inequities in American Indian communities. Journal of Prevention and Health Promotion, 5(2-3), 374-401.
- Melro, C. M., Matheson, K. et Bombay, A. (2024). What outcomes are associated with learning about colonialism and its impacts on Indigenous peoples in health professional programs? A critical integrative review. Perspectives on Medical Education, 13(1). 677–683.
- Robin, T. et Hart, M. A. (2025). Cree food knowledge and being well. International Journal of Environmental Research and Public Health, 22(2), 181.
- Sheldon, C., Speaker, C. E., Ruben, A., McRee, N., Oster, R. T., Jackson, A., Meckelborg, L., Berry, S., Robillard, M., Osiowy, K., Williams, K. et AHSWC Members, (2024). Creation of the Indigenous Support Line for health system navigation and culturally safe access to care: A quality improvement project. BMJ Open Quality, 13(4).
Nouvelle publication de l’INSPQ
Capsules audiovidéo :
- Déterminants de la santé en contextes autochtones : un aperçu
- Consommation d’alcool en contextes autochtones : sous la loupe des facteurs de protection
Résumés d’articles par thématiques
Approches culturellement adaptées en recherche et intervention
Étude de portée des interventions de prévention en nature et basées sur le territoire pour les jeunes Autochtones aux États-Unis et au Canada
Price, F. M., Weaselhead-Running Crane, T. D. et Weybright, E. H. (2025). Scoping review of outdoor and land-based prevention programs for Indigenous youth in the United States and Canada. International Journal of Environmental Research and Public Health, 22(2), 183.
Contexte
De nombreuses communautés autochtones mettent en œuvre différentes interventions visant à revitaliser les modes de vie ancrés dans la culture. Les interventions sur le territoire sont souvent conçues par les communautés et intègrent des savoirs traditionnels. Toutefois, bien que ces interventions soient culturellement pertinentes, il y a peu de données concernant leur conception, leur mise en œuvre, leurs caractéristiques et leurs effets.
Objectif
Examiner l’étendue de la littérature sur les interventions de prévention axées sur les activités en nature ou basées sur le territoire pour les jeunes Autochtones aux États-Unis et au Canada, afin de répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les caractéristiques de ces interventions?
- Parmi celles évaluées, quels sont les méthodologies et les outils utilisés, ainsi que les effets recensés?
Méthodologie
L’étude de portée a été réalisée selon les lignes directrices du Joanna Briggs Institute en incluant les articles révisés par les pairs et la littérature grise publiés en anglais entre 2000 et 2023. Les interventions décrites devaient se dérouler dans la nature, soit des interventions d’aventure (terminologie utilisée dans la littérature générale sur les activités en nature) ou axées sur le territoire (terminologie spécifique aux réalités autochtones). Celles-ci devaient avoir un objectif de prévention ou de promotion de la santé et du mieux-être global. Enfin, la population cible devait être des jeunes Autochtones de 10 à 25 ans vivant aux États-Unis ou au Canada.
Parmi les documents retenus, les caractéristiques des interventions et de leur évaluation ont été regroupées selon des thématiques développées par les auteurs, et leurs fréquences ont été calculées.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
C’est un total de 98 documents, publiés majoritairement dans les 10 dernières années, qui ont été retenus (51 articles révisés par les pairs et 47 documents de littérature grise). Ces documents décrivent 153 interventions, dont 28 ont été évaluées.
Concernant la conception et les objectifs, c’est plus des trois quarts des interventions recensées qui ont été élaborées par les communautés dans lesquelles elles sont implantées. Généralement, les interventions ont un objectif de promotion d’un mieux-être global en utilisant une perspective axée sur les forces. Environ trois interventions sur dix mettent l’accent sur la prévention de la consommation de substances psychoactives et/ou la prévention du suicide chez les jeunes.
Pour ce qui est des activités mises en œuvre, des activités culturelles, récréatives et incluant des Aînées ressortent des descriptions des interventions. Toutes les interventions, à l’exception de quatre, incluent des éléments culturels, par exemple des techniques de survie comme la confection d’un abri, le partage des connaissances des Aînés, les pratiques spirituelles, les langues autochtones ou l’occupation de sites sacrés. Environ huit interventions sur dix incluent des activités récréatives comme des jeux, des sports ou des activités comme le camping et le canot.
Enfin, les évaluations des interventions incluent une variété de devis (quantitatif, qualitatif et mixte). Les 22 évaluations quantitatives et mixtes utilisent majoritairement des outils de mesure validés auprès des peuples autochtones. Généralement, les évaluations font état de diverses retombées positives : développement personnel, liens avec la culture et la communauté. D’ailleurs, des études incluent des mesures holistiques du mieux-être, incluant la santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.
Limites
Les auteurs soulignent la possibilité que des interventions n’aient pas été repérées dans la recherche documentaire. De plus, il était difficile de départir quelle proportion de temps en nature dans une intervention était suffisante pour l’inclure dans la recension. À cet égard, les auteurs ont préféré l’inclusivité et ont inclus l’intervention dès qu’il y avait une seule composante en nature. Aussi, l’inclusion de la littérature grise a augmenté le nombre d’interventions recensées, mais les descriptions de celles-ci étaient moins détaillées. Rappelons que la qualité des études incluses n’a pas été appréciée, les résultats présentés concernant l’efficacité doivent alors être interprétés avec prudence.
Mesurer le mieux-être par le biais de partenariats autochtones : une étude de portée
Mad Plume, L., Carroll, D., Nadeau, M. et Redvers, N. Measuring wellness through Indigenous partnerships: A scoping review. International Journal Environmental Research Public Health. (2024).22(1):43.
Contexte
De nombreux gouvernements et organisations utilisent des indicateurs pour mesurer le mieux-être des populations et suivre l’évolution de leur état de santé. Cependant, ces indicateurs ne reflètent pas toujours adéquatement les conceptualisations autochtones de la santé et du mieux-être, qui sont étroitement liées aux identités, aux cultures et aux modes de vie. Ainsi, cerner les mesures du mieux-être pertinentes en contextes autochtones améliorerait la cohérence et la qualité des évaluations de santé.
Objectif
Survoler la littérature sur la conception de mesures du mieux-être en partenariat avec les populations autochtones, plus précisément :
- Recenser les mesures de mieux-être conçues en partenariat;
- Décrire les processus participatifs et communautaires dans la conception;
- Cerner les lacunes dans la recherche sur ce sujet.
Méthodologie
L’étude de portée suit la méthode d’Arksey et O’Malley. Une recherche dans la littérature scientifique et grise publiée jusqu’en octobre 2024 a été réalisée avec les concepts : autochtones, mieux-être et partenariats autochtones. Les documents ont été sélectionnés dans un accord interjuge par une équipe de chercheurs autochtones et non autochtones et une analyse thématique de leur contenu a été effectuée.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Dix-huit documents ont été retenus, provenant d’Australie, du Canada, de Nouvelle-Zélande et des États-Unis. Un seul projet porte sur une initiative globale d’indicateurs de mesure du mieux-être, les 17 autres documents présentent des études où il y a un partenariat avec une Nation ou une communauté autochtone.
Les auteurs présentent cinq thèmes contribuant à la définition de mesures du mieux-être en partenariat avec les populations autochtones :
- La création de relations soutenant les visions du monde autochtones, un engagement réel et des partenariats authentiques – par exemple, la reconnaissance que le mieux-être individuel est interconnecté à un ensemble de relations;
- Le codéveloppement de mesures atténuant les déséquilibres de pouvoirs entre les approches autochtones et occidentales et permettant des apprentissages réciproques – par exemple, l’utilisation de méthodologies autochtones;
- La conscience des limites dans les mesures du mieux-être autochtone – par exemple, la prise en compte de la diversité des Peuples et des communautés et l’inclusion de multiples dimensions du mieux-être, ainsi que les limites des politiques élaborées à partir d’indicateurs qui ne reflètent pas les réalités autochtones;
- La prise en compte du contexte spécifique de chaque communauté – par exemple, les différents savoirs, les relations et les dynamiques de pouvoir dans la prise de décision;
- La valorisation d’indicateurs fondés sur les forces, l’autodétermination et l’autonomisation – par exemple, la spiritualité et la culture.
Le corpus met de l’avant les approches d’apprentissage à double sens pour favoriser des partenariats équitables, rapprochant les visions autochtones et occidentales du mieux-être. Cependant, seulement les études australiennes incluaient des méthodologies et des perspectives autochtones. De plus, peu d’études adoptaient une approche participative communautaire ou intégraient les savoirs et les points de vue des Aînés et des jeunes, pouvant affiner la compréhension des défis contemporains liés au mieux-être autochtone.
Un autre élément saillant concerne la réflexion éthique entourant les approches fondées sur des données probantes en contextes autochtones pour cibler les interventions de promotion du mieux-être efficaces. Ces dernières sont de plus en plus reconnues comme étant socialement construites et donc potentiellement limitées pour prendre en compte les différences culturelles dans la conception de mesures respectant et intégrant les savoirs autochtones.
Limites
Rappelons que la terminologie sur le mieux-être et celle sur les peuples autochtones est vaste. Certaines études ont pu être omises en raison de l’utilisation de ces concepts et le concept de partenariats autochtones menait à un bassin plutôt restreint de littérature. La tradition orale de plusieurs communautés autochtones peut aussi avoir limité la publication d’initiatives. Enfin, les résultats de cette étude de portée peuvent ne pas s’appliquer à certains contextes autochtones spécifiques.
Mise en œuvre d’une intervention de prévention des expériences négatives durant l’enfance basée sur les forces pour les familles majoritairement autochtones : évaluation de processus à méthodes mixtes
Waterman, E. A., Edwards, K. M., Hopfauf, S., Herrington, R., Mullet, N. et Trujillo, P. (2025). Implementing a strength-based adverse childhood experiences prevention program for predominantly Indigenous families: A mixed-method process evaluation. Child Abuse & Neglect, 161, 107230.
Contexte
Les expériences négatives durant l’enfance, comme la maltraitance, la négligence ou l’exposition à la violence conjugale, sont associées à de nombreuses conséquences sur la santé à l’âge adulte, notamment le diabète et la dépression. Les Autochtones aux États-Unis rapportent un nombre élevé de ces expériences. Toutefois, peu d’interventions pour les prévenir chez les familles autochtones ont été rigoureusement évaluées, notamment concernant leur mise en œuvre.
À cet égard, Tiwahe Wicagwicayapi (« renforcement des familles » en langue Lakota), une intervention familiale axée sur les forces, vise à prévenir les expériences négatives durant l’enfance par l’amélioration de la cohésion familiale, de la communication, de la régulation émotionnelle, de la résolution de problèmes, de la surveillance parentale et de l’autonomisation des enfants. Des composantes culturelles (ex. : prières, purification par la fumée et partage d’histoires) sont intégrées aux sept séances animées par des adultes autochtones et des Aînés Lakotas.
Objectif
Évaluer le processus de mise en œuvre de Tiwahe Wicagwicayapi en décrivant sa fidélité, ses taux de participation et les raisons de non-participation, ses taux de contamination ainsi que son acceptabilité.
Méthodologie
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé visant l’évaluation de Tiwahe Wicagwicayapi. Cette intervention se déroule dans une petite ville à proximité de plusieurs communautés autochtones rurales de la région des Grandes Plaines du Nord des États-Unis. L’évaluation, réalisée avec une méthodologie mixte, inclut de multiples sources de données : observations, questionnaires en début et en fin d’intervention ainsi que six mois plus tard et entretiens avec les participants.
L’échantillon est de 124 familles randomisées dans une liste d’attente (n = 58 familles; 145 personnes; 58 parents; 87 enfants) ou dans l’intervention (n = 66 familles; 173 personnes; 66 parents; 107 enfants). Le terme « parents » signifie tout adulte en charge de l’enfant. Pour être éligibles, les enfants devaient être âgés de 10 à 14 ans, s’identifier comme autochtones (92,7 % des enfants participants) ou être issus d’une famille vivant sous le seuil de pauvreté.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Le processus de mise en œuvre a été évalué selon quatre aspects : fidélité, assiduité, contamination et acceptabilité. Les résultats mettent de l’avant de nombreuses réussites, ainsi que quelques lacunes.
- Fidélité : La fidélité réfère à la mise en œuvre de l’intervention comme décrit dans le manuel, de la même manière et pour tous les groupes. Le score de fidélité global était élevé, en moyenne 93 % et variant entre 56 % et 100 % selon les séances. Ce qui indique que les animateurs suivaient scrupuleusement le manuel. Les moments où la fidélité était plus faible étaient causés par un fort engagement des participants, lesquels posaient de nombreuses questions et racontaient des histoires sur la culture et la prestation de soins. Le temps pour les autres activités devenait alors limité. La faible fidélité peut aussi s’expliquer par le manque de personnel et les retards des participants aux séances.
- Assiduité : L’assiduité réfère à la participation tout au long de l’intervention. Parmi les 66 parents du groupe intervention, les trois quarts (n = 50; 75,8 %) ont assisté à au moins une séance. Les parents ont assisté en moyenne à 2,44 séances. Chez les enfants, 79 sur 107 (73,8 %) ont participé à au moins une séance, et leur nombre moyen de séances suivies était de 2,24. Des obstacles à l’assiduité ont été décrits : empêchements ponctuels comme un rendez-vous personnel, des rencontres médicales, des urgences de santé mentale, des naissances, des décès et des problèmes de transport. La possibilité d’offrir des séances de rattrapage, des visites à domicile ou des transports pour faciliter l’accès à l’intervention pourrait alors être explorée.
- Contamination : La contamination réfère au degré d’exposition du groupe témoin à l’intervention. Parmi celui-ci, 87 enfants (32,6 %) et 58 parents (36,2 %) ont signalé une contamination des amis ou des membres de la famille qui recevaient l’intervention. Cette grande contamination n’est pas surprenante, puisque l’étude se déroulait dans une communauté soudée, avec une parenté étendue et une mobilité fréquente.
- Acceptabilité : L’acceptabilité réfère à la perception des participants concernant la pertinence de l’intervention. Cette dernière a été très bien accueillie tant par les parents que les enfants. Les participants ont particulièrement apprécié le contenu lié à la culture, aux traditions et aux cérémonies Lakotas. Les résultats du questionnaire à la fin de l’intervention suggèrent des acquis au niveau culturel et en termes de sécurité.
Limites
Les auteurs mentionnent avoir rencontré des difficultés à contacter le quart des familles invitées, soit celles n’ayant participé à aucune séance. De plus, les participants aux entretiens de fin de projet avaient développé une relation avec les animateurs, pouvant avoir biaisé positivement leurs rétroactions. La désirabilité sociale et les attentes des chercheurs sont d’autres limites potentielles.
Revitaliser les liens culturels forts et la résilience : coconception d’un programme pilote de mentorat dirigé par des Aînées pour les mères autochtones dans une communauté éloignée du nord de l’Alberta au Canada
Montesanti, S., Fitzpatrick, K. M., Verstraeten, B. S. E., Tourangeau, B., Albert, L. et Oster, R. T. (2025).Revitalising strong cultural connections and resilience: Co-designing a pilot Elder-led mentorship program for Indigenous mothers in a remote northern community in Alberta, Canada. Global Public Health, 20(1), 2457109.
Contexte
Au Canada, des politiques coloniales telles que les pensionnats autochtones et le retrait des enfants vers le système de protection de l’enfance ont perturbé les pratiques reproductives et parentales des femmes autochtones. Pensons aux liens familiaux, à la transmission intergénérationnelle de la culture, et à l’engagement communautaire. La transmission intergénérationnelle des savoirs parentaux est essentielle au mieux-être des mères autochtones et à celui de leurs enfants.
Un programme pilote de mentorat par des femmes aînées a été élaboré, mis en œuvre et évalué dans une petite communauté autochtone isolée du nord de l’Alberta : Fort Chipewyan. Les familles vivant à Fort Chipewyan sont géographiquement éloignées des services d’obstétrique, y compris les services de sage-femmes.
Objectif
- Renforcer les relations entre les Aînées et les mères et femmes enceintes, afin de favoriser la reconnexion culturelle et la résilience.
- Comprendre les besoins en soutien périnatal des femmes autochtones vivant dans des régions isolées.
- Évaluer les bénéfices sociaux, culturels et personnels du projet pilote pour les mères et femmes enceintes autochtones.
Méthodologie
La communauté de Fort Chipewyan a collaboré avec des chercheurs pour adapter selon leurs besoins et leurs réalités un programme pilote de mentorat mené par des femmes aînées, grâce à un partenariat de recherche avec des membres de la communauté de Fort Chipewyan et d’un comité consultatif d’Aînées. Le projet est guidé par les principes de la recherche participative communautaire et les approches relationnelles visant à décoloniser la recherche.
Douze ateliers ont été animés par des Aînées : participation à des activités traditionnelles, transmission de connaissances sur l’identité et les valeurs culturelles, récits et enseignements culturels liés à la grossesse, à l’accouchement, aux soins à l’enfant et à la parentalité. Neuf mères et femmes enceintes s’identifiant comme métisses ou issues des Premières Nations, recrutées par boule de neige, ont participé, dont cinq à plus de 6 des 12 ateliers.
Un questionnaire sur l’expérience d’accès aux services liés à la grossesse ou à la famille a été rempli par les participantes avant les ateliers. Un cercle de partage virtuel avec le comité consultatif et les Aînées animatrices ainsi que des bilans individuels avec les mères ont eu lieu après. Une analyse qualitative a été utilisée pour explorer comment le projet a influencé la compréhension du rôle des Aînées en tant que mentors et les besoins en matière de soins des mères autochtones.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Dans les questionnaires, les mères ont indiqué que la disponibilité limitée des services, le manque de transport et de services de garde d’enfants, ainsi que les responsabilités professionnelles et l’anxiété les empêchaient d’accéder aux services périnataux. Les trois services les plus souvent indiqués comme essentiels durant la période périnatale sont : les coupons alimentaires, les activités traditionnelles et les formations à la parentalité.
Quatre thèmes ressortent de l’analyse qualitative du cercle de partage et des bilans avec les mères :
- Le rôle significatif du mentorat des Aînées pour les mères et les femmes enceintes : Les Aînées soulignent que l’écoute active, la transmission des savoirs traditionnels, la bienveillance, et le fait de donner l’exemple les ont aidées à établir des relations solides avec les mères. Quant à elles, les mères ont souligné le rôle essentiel des Aînées dans la transmission des traditions et des savoirs culturels. Leurs enseignements ont amélioré leur confiance en leurs capacités parentales.
- Les ateliers offraient un espace sécurisant pour développer des relations : Il a été rapporté que certaines mères n’ont pas de modèle positif dans leur communauté. La relation avec les Aînées pouvait combler ce manque. Les mères ont exprimé que les ateliers étaient un lieu sûr pour partager et nouer des liens avec d’autres mères, renforcer leur sentiment d’appartenance communautaire et favoriser le soutien social.
- La participation aux ateliers a favorisé l’adaptation et l’estime de soi : Les Aînées ont constaté que l’estime de soi, les capacités d’adaptation et les compétences parentales étaient affaiblies chez les jeunes mères de leur communauté. Une mère a d’ailleurs expliqué que sa participation aux ateliers avait été bénéfique sur sa façon d’être parent. Les Aînées ont mentionné ressentir une grande fierté par rapport aux changements observés chez les mères.
- Liens culturels et transmission des savoirs traditionnels aux jeunes générations : Toutes les mères ont indiqué que le mentorat des Aînées avait renforcé leur lien avec leur culture. Elles ont décrit comment les enseignements culturels les avait encouragées à transmettre leurs traditions à leurs enfants. Certaines mères n’avaient personne dans leur entourage pour leur inculquer les pratiques coutumières et, pour elles, avoir un mentor a été très important.
Limites
Notons que la participation aux ateliers était irrégulière. Les participantes ont souligné que les circonstances familiales, la logistique liée au programme, et le manque de transport et de services de garde les avaient empêchés de participer. De plus, des Aînées estiment que le cadre de groupe pouvait être intimidant et anxiogène pour certaines.
Si vous vivez de la détresse, vous pouvez appeler la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être (1‑855‑242-‑3310) ou clavarder en ligne. Ce service est disponible en tout temps pour tous les Autochtones du Canada.
D’autres ressources existent, consulter la liste des centres d’écoute par région.
L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.