Acétaminophène : première cause d'intoxication au Québec

Volume 27, Numéro 1

Auteur(s)
Lyse Lefebvre
B. Pharm., Pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec

L’acétaminophène (paracétamol, APAP) est l’antipyrétique et l’analgésique le plus répandu dans le monde. Les intoxications tant aigües que chroniques sont fréquentes et constituent la cause la plus fréquente de transplantation du foie aux États-Unis et en Europe.

Au Québec, l’APAP est, depuis plus de 20 ans, la première cause d’intoxication. En effet, en 1988, le Centre antipoison du Québec (CAPQ), dans son rapport annuel, rapportait 1999 intoxications par ce produit, ce qui en faisait le médicament le plus souvent impliqué lors d’intoxications devant les benzodiazépines et les salicylés. Depuis, année après année, l’APAP conserve sa place peu enviable de chef de file des causes d’intoxication(1). L’intoxication par l’APAP représente, en effet, jusqu’à 24 % (en 1997) des intoxications médicamenteuses et près de 10 % de toutes les intoxications (tableau 1) (2,3).

Tableau 1 - Pourcentage (%) d'intoxications par l'acétaminophène (1989-2009)

Tableau 1 - Pourcentages (%) d'intoxications par l'acétaminophène (1989-2009)

Selon les données du CAPQ depuis 1990, le nombre de cas d’intoxication par l’APAP varie peu d’année en année. Les enfants de 0-5 ans constituent le groupe d’âge le plus fréquemment impliqué. On observe cependant que le pourcentage des intoxications par l’APAP dans ce groupe d’âge qui était de 56 % en 1990 a progressivement diminué pour s’établir à moins de 43 % en 2009. Par contre, le pourcentage d’intoxications chez les 25 à 64 ans qui était de 12,3 % en 1990 a fortement augmenté pour atteindre 23,4 % (tableau 2).

Tableau 2 - Pourcentage (%) d'intoxications par l'acétaminophène par groupe d'âge (1990-2009)

Tableau 2 - Pourcentage (%) d'intoxications par l'acétaminophène par groupe d'âge (1990-2009)

En 2009, le CAPQ rapportait 4107 cas d’intoxication par l’APAP, ce qui représente 18,4 % des intoxications médicamenteuses et 9,1 % de toutes les intoxications rapportées. Le tableau 3 montre le nombre d’intoxications par groupe d’âge et par type d’intoxication pour l’année 2009.

Tableau 3 - Nombre de cas d'intoxications par l'acétaminophène par groupe d'âge et par type (2009)

Tableau 3 - Nombre de cas d'intoxications par l'acétaminophène par groupe d'âge et par type (2009)

Plus de 40 % (n = 1762) de ces cas sont survenus chez des enfants de moins de 5 ans. Il s’agit, dans plus de 82 % des cas, d’ingestions accidentelles. On rapporte 301 cas d’erreurs thérapeutiques, ce qui représente 17 % des cas rapportés pour ce groupe d’âge. L’évaluation de la toxicité lors de ces expositions montre que plus de 85 % des expositions à l’APAP rapportées dans ce groupe d’âge le sont pour des doses ingérées inférieures à la dose toxique et ne nécessitent aucun traitement. En effet, la plupart des jeunes enfants ingèrent des formes posologiques pédiatriques d’APAP qui contiennent, pour la plupart, des quantités totales inférieures aux doses toxiques pour la majorité des enfants et donnent rarement lieu à des intoxications significatives(4).

Chez les enfants de 5 à 12 ans, le CAPQ fait état de 123 cas rapportés dont la plupart sont accidentels. On note cependant 15 intoxications intentionnelles chez les moins de 12 ans.

La situation est beaucoup plus alarmante pour le groupe des 12 à 25 ans. En effet, le CAPQ rapporte 879 intoxications par l’APAP pour ce groupe d’âge. Les adolescents et les jeunes adultes représentent 21 % de toutes les intoxications par ce produit et plus de 75 % de ces expositions sont intentionnelles. En fait, l’APAP est en cause dans près de 34 % de toutes les intoxications médicamenteuses volontaires rapportées pour les 12 à 25 ans.

En 2009, le CAPQ ne dénombre, chez les adultes de 25 à 65 ans, pas moins de 956 intoxications, dont 659 expositions intentionnelles (69 %) et 176 erreurs thérapeutiques (18,3 %). Contrairement aux expositions accidentelles de l’enfant qui sont la plupart du temps bénignes, les intoxications intentionnelles chez les adolescents et les adultes nécessitent des soins en milieu hospitalier dans près de 64 % des cas, alors que les patients victimes d’erreurs thérapeutiques ont dû consulter dans plus de 40 % des cas.

Depuis 2003, le CAPQ a enregistré 31 décès consécutifs à des intoxications par l’APAP, dont 9 au cours de l’année 2009 seulement.

Les chiffres sont éloquents. L’APAP constitue une cause importante d’intoxication. La morbidité et la mortalité qui en résultent sont non négligeables. Il est important pour tous les cliniciens de savoir reconnaître cette intoxication afin d’instaurer un traitement précoce adéquat et de prévenir les dommages hépatiques consécutifs.

Pour toute correspondance

Lyse Lefebvre
Institut national de santé publique du Québec
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Télécopieur : 418 654-2148
Courriel : [email protected]

Références

1Centre antipoison du Québec. Rapport annuel Janvier- décembre 1988. Québec, 1989, p. 12. Non publié.

2Centre antipoison du Québec. Statistiques d’intoxications par l’acétaminophène 1988-2009. Québec, 2010. Non publié.

3Centre antipoison du Québec. Statistiques générales d’intoxications 1988-2009. Québec, 2010. Non publié.

4Lefebvre L. Intoxications pédiatriques par les analgésiques, les antipyrétiques et les anti-inflammatoires. Bulletin d’information toxicologique, 2003, 19(1), pp. 4-7.


Lefebvre L. Acétaminophène: première cause d'intoxication au Québec. Bulletin d'information toxicologique 2011;27(1). [En ligne] https://www.inspq.qc.ca/toxicologie-clinique/acetaminophene-premiere-ca…

Numéro complet (BIT)

Bulletin d'information toxicologique, Volume 27, Numéro 1, janvier 2011