Maintien des groupes ciblés dans le cadre du Programme d’immunisation contre l’influenza du Québec (PIIQ) dans le contexte de la COVID-19

Avis court du Comité sur l'immunisation du Québec

Mise en contexte

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) demande l’avis du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) relativement au maintien des groupes ciblés dans le cadre du Programme d’immunisation contre l’influenza du Québec (PIIQ) dans le contexte de la COVID‑19. Sur les bases de l’avis du CIQ intitulé Révision du Programme d’immunisation contre l’influenza au Québec publié en 2018, le MSSS avait modifié les indications du PIIQ, afin de mettre la priorité sur les personnes à risque d’hospitalisation et de décès associés à l’influenza. C’est dans ce contexte que les enfants âgés de 6 à 23 mois ainsi que les adultes âgés de 60 à 74 ans en bonne santé ont été retirés des clientèles visées par le PIIQ. Depuis la saison 2018-2019, le MSSS offrait de façon transitoire la vaccination gratuite à ces deux groupes de personnes qui souhaiteraient tout de même recevoir le vaccin gratuitement et ce, après leur avoir fourni les informations pertinentes.

Cette année, le MSSS a déjà annoncé que le modèle POD pour la vaccination contre la grippe n’était pas adapté et que d’autres modèles devaient être utilisés. De plus, Services publics et Approvisionnement Canada nous offrent gratuitement près de 78 000 doses de vaccins Fluzone HD, près de 45 000 doses seraient priorisées à la clientèle de 65 ans et plus hébergée en CHSLD et près de 11 000 doses seraient priorisées pour la clientèle hébergée en RI-RTF.

  1. Quelles sont les mesures de protection (aménagement physique, ÉPI, gels antiseptiques, etc.) à mettre en place dans le contexte actuel pour la vaccination de personnes vulnérables?
  2. Quelles seraient vos recommandations sur la distribution de matériel imprimé dans le cadre de la promotion de cette campagne (ex. : feuillets d’information sur le vaccin)? Y a-t-il des précautions particulières à mettre en place si nous souhaitons distribuer du matériel imprimé (ex. : utilisation de présentoirs plutôt qu’une remise en mains propres)?
  3. Dans le contexte de la pandémie, maintenez-vous la recommandation de restreindre la vaccination contre la grippe aux clientèles définies dans l’avis intitulé Révision du Programme d’immunisation contre l’influenza au Québec publié en 2018?
  4. Dans le contexte de la pandémie, outre les personnes de 65 ans et plus hébergées en CHSLD et en RI-RTF, quelles sont les clientèles qui auraient le plus grand gain à recevoir ce vaccin et devraient être priorisées pour les doses restantes?

La réponse à cette question est basée principalement sur le document « COVID-19 – Cliniques médicales/cliniques externes/cliniques COVID-19/GMF. Mesures de prévention et contrôle des infections. Recommandations intérimaires » (INSPQ, 2020). Elle a été validée par le groupe « Infections nosocomiales » de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Les différentes mesures à mettre en place sont susceptibles d’évoluer en fonction des nouvelles connaissances scientifiques et de la progression de la pandémie de la COVID-19. Les mesures recommandées ici doivent donc être considérées comme provisoires et devront être adaptées au besoin, par exemple selon la circulation régionale du coronavirus ou des autres virus respiratoires.

Mesures à mettre en place :

  • Reporter la vaccination des personnes ayant des symptômes d’infection respiratoire aiguë, indépendamment du niveau de risque d’exposition de ces personnes à la COVID-19. De plus, les personnes qui sont en isolement (quarantaine ou contact étroit d’un cas) ou en attente d’un résultat d’un test d'amplification des acides nucléiques (TAAN) devraient éviter de se présenter pour la vaccination.
  • Les travailleurs de la santé (TdeS) ne doivent pas se présenter au travail en présence de fièvre, de toux ou d’autres symptômes pouvant être associés à la COVID-19.
  • Lorsqu’il y a transmission communautaire soutenue de la COVID-19, le port du masque de procédure est recommandé pour le TdeS quand il est à moins de 2 mètres de l’usager ou d’un autre TdeS (INSPQ 2020A).
  • Le port d’un couvre-visage est une mesure recommandée pour les usagers asymptomatiques lorsque la distanciation physique n’est pas possible. La distanciation physique reste la première mesure à mettre en place et le port du couvre-visage ne remplace pas le besoin de respecter cette distanciation physique.
  • Le port de la protection oculaire pour le TdeS est seulement indiqué lorsqu’il y a risque de contact avec les liquides biologiques de l’usager (INSPQ 2020B). Dans le cas de la vaccination contre la grippe, la protection oculaire est recommandée lors de l’administration du vaccin Flumist qui est donné par voie intranasale et qui peut provoquer des éternuements.
  • Dans le contexte où le contact physique avec l’usager se limite à l’injection du vaccin, le port de la blouse ou de gants n’est pas requis pour les TdeS. Par contre, l’équipement de protection individuelle qui inclut notamment la blouse et les gants doit être disponible pour les TdeS qui auraient à prodiguer des premiers soins ou répondre à une urgence.
  • Procéder fréquemment à la désinfection des surfaces souvent touchées.
  • Éviter le plus possible de partager du matériel et des équipements (par ex. supports pour écrire, crayons). À titre d’exemple, faire remplir un formulaire par le client avant qu’il se présente à la clinique ou faire en sorte que l’infirmière remplisse le formulaire. Si c’est impossible, désinfecter le matériel entre chaque usage.
  • Il n’est pas nécessaire de respecter un temps d’attente entre deux vaccinations.
  • Le TdeS devrait procéder à l’hygiène des mains avec de l’eau et du savon ou une solution hydroalcoolique avant et après chaque vaccination.
  • En ce qui concerne l’organisation de la clinique :
    • Renforcer l’affichage à l’entrée de la clinique (par ex. pour promouvoir l’hygiène des mains et pour identifier les personnes qui ne devraient pas se présenter sur le site).
    • Maintenir la distanciation physique recommandée entre les usagers et entre les TdeS. L’installation de parois en plexiglas (par ex. entre deux TdeS) peut être considérée lorsque la distanciation physique ne peut être maintenue.
    • Réduire au minimum le nombre de personnes dans la salle d’attente. Favoriser la prise de rendez-vous à heure fixe et demander aux personnes d’arriver à l’heure prévue.
    • L’usager doit se présenter seul dans la clinique, sauf s’il a une raison pour être accompagné (par ex. jeune enfant, trouble de la mobilité, trouble cognitif, etc.).
    • Retirer les objets non essentiels des aires communes.
    • Limiter les déplacements de l’usager dans la clinique et organiser les déplacements pour qu’ils se fassent à sens unique.
    • Considérer d’avoir deux endroits différents pour l’entrée et la sortie, si possible.
  • Dans la mesure du possible, organiser les cliniques de vaccination à des moments et des endroits où il y a absence de personnes susceptibles de consulter pour des symptômes respiratoires (lieux de consultation).

En ce qui concerne la distribution de matériel imprimé, les données actuellement disponibles suggèrent que la transmission du virus SRAS-CoV-2 se fait principalement lors d’un contact avec les gouttelettes des sécrétions respiratoires d’une personne infectée. Puisque le virus SRAS-CoV-2 peut survivre un certain temps sur les surfaces (de quelques heures à quelques jours, dont 24 heures sur le papier), le risque de transmission du virus par le biais de surfaces contaminées demeure possible, mais devrait être faible.

Dans ce contexte, il serait préférable de limiter au maximum la transmission de documents imprimés à la clientèle. La transmission des documents d’information à l’aide du courriel de l’usager ou par messagerie texte est à privilégier. Par exemple, si la prise de rendez-vous est effectuée en ligne avec le courriel de l’usager, il peut être possible de transférer de la documentation à ce moment. Si des documents sont transmis lors de la séance de vaccination, ils devraient être dédiés à l’usager. L’utilisation de présentoirs où plusieurs usagers pourraient manipuler les documents n’est pas à privilégier.

En Australie, la remise d’une copie papier à chaque usager pour les vérifications prévaccination a été recommandée plutôt que l’utilisation d’un document sous forme d’affiche à partager (Queensland Health, 2020). Il a été également recommandé de limiter, si possible, les contacts physiques avec les documents de vaccination des usagers.

Il faut finalement considérer que des mesures de prévention des infections seront appliquées par les travailleurs de la santé qui seront en contact étroit avec la clientèle. Les travailleurs de la santé pourraient ainsi transmettre les documents nécessaires lors de la vaccination.

Groupes actuellement ciblés

L’objectif premier du Programme d’immunisation contre l’influenza au Québec est de réduire les hospitalisations et les décès associés à cette infection. Les principaux groupes actuellement ciblés pour la campagne annuelle de vaccination sont les suivants :

  • Personnes âgées de 75 ans et plus;
  • Personnes âgées de 6 mois à 74 ans présentant une maladie chronique nécessitant un suivi médical régulier;
  • Résidents de tout âge des centres d’hébergement et de soins de longue durée ainsi que des ressources intermédiaires;
  • Femmes enceintes en bonne santé qui sont au 2e ou au 3e trimestre de la grossesse (13 semaines et plus);
  • Personnes vivant sous le même toit que des personnes faisant partie des groupes susmentionnés à risque élevé de complications et celles qui en prennent soin à leur domicile (aidants naturels);
  • Travailleurs de la santé.

Couvertures vaccinales contre la grippe chez certains groupes ciblés

La couverture vaccinale chez les personnes les plus à risque de complications de la grippe et chez les personnes susceptibles de leur transmettre l’infection reste sous-optimale au Québec. Par exemple, durant la saison 2017-2018, seulement 32 % des 18-74 ans vivant avec une maladie chronique ont été vaccinés (Dubé 2019). La couverture vaccinale était aussi relativement faible chez les travailleurs de la santé, soit de 40 %. Elle était cependant plus élevée chez les personnes de 75 ans et plus (65 %). Des résultats préliminaires indiquent que pour la saison 2019-2020, 36 % des 18-74 ans vivant avec une maladie chronique ont été vaccinés.

Hospitalisations et décès associés à la grippe et impact de la vaccination

Le risque le plus important pendant la saison 2020-2021 est que la circulation de la grippe contribue, par le nombre d’hospitalisations associées, au dépassement des capacités du réseau hospitalier advenant la co-circulation du virus responsable de la COVID-19. Au Québec, avec les couvertures vaccinales actuelles, le programme de vaccination contre la grippe permettrait de prévenir environ 1 700 hospitalisations et 100 décès chaque année (CIQ 2018). Malgré cet impact positif important, environ 6 000 hospitalisations et 300 décès restent attribuables à la grippe chaque année. La grande majorité de ces hospitalisations (85 %) est observée dans les groupes visés par la vaccination, soit les personnes avec une maladie chronique ou de 75 ans et plus. La meilleure façon de réduire le nombre d’hospitalisations associées à la grippe serait d’augmenter la couverture vaccinale chez ces groupes visés.

Il est possible que les mesures de distanciation physique en place au Québec aient un impact notable sur la circulation de la grippe en 2020-2021. Plusieurs études ont documenté une association forte entre la mise en place de mesures de distanciation physique et la réduction de la circulation de l’influenza (Sakamoto 2020; Australie 2020). La saison de la grippe dans les pays de l’hémisphère sud n’a pas encore commencé, malgré le fait que pendant les saisons antérieures et à pareille date, une circulation importante de l’influenza était observée (Australie 2020A, OMS 2020A, PAHO 2000). Des mesures de distanciation physique sont en place dans ces pays en lien avec la pandémie de la COVID-19. Il reste difficile de prédire l’impact qu’aura le respect des mesures de santé publique sur la circulation de l’influenza lors de la saison 2020-2021, ainsi que l’impact de la vaccination des groupes à risque sur le nombre d’hospitalisations et de décès prévenus en 2020-2021.

Consultations médicales associées à la grippe

L’élargissement des indications de vaccination à d’autres groupes en bonne santé est peu susceptible d’avoir un impact significatif sur le nombre d’hospitalisations prévenues, mais pourrait réduire le nombre de consultations médicales, surtout chez les enfants. Cela est à considérer dans le contexte où les symptômes de la grippe sont similaires à ceux de la COVID-19 et qu’une consultation impliquera d’exclure une infection par le virus pandémique.

Sous l’hypothèse d’une couverture vaccinale (CV) de 20 % (comme on a observé lorsque tous les 6 à 23 mois étaient ciblés par la vaccination) et en assumant une efficacité vaccinale (EV) de 50 %, on pourrait prévenir environ 1 000 consultations chez les 6 à 23 mois, le même nombre chez les 2 à 4 ans, et environ 400 chez les 5-17 ans (tableau 1). On pourrait prévenir un maximum d’un peu plus de 2 500 consultations chez les 6-23 mois et les 2-4 ans, ainsi qu’environ 1 000 consultations chez les 5-17 ans avec le scénario optimiste d’une CV de 50 %. Il est à noter que si les mesures de distanciation physique sont maintenues, il est vraisemblable que le nombre de consultations respiratoires en général et celles dues à la grippe soient plus bas que ce qui était observé pendant les années antérieures. En conséquence, la portion qui pourrait être prévenue par la vaccination serait aussi réduite.

Tableau 1 - Impact de la vaccination antigrippale sur les taux et les nombres de consultations ambulatoires pour l’influenza au Québec (efficacité vaccinale assumée de 50 %)

Groupes d'âge Taux consultations pour influenza /100 000 Nombre de consultations pour l'influenza
Observé* En absence de vaccination (CV = 0) En absence de vaccination (CV = 0)

Scénario de

CV = 20 %

Scénario de

CV = 50 %

Scénario de

CV = 100 %

Prévenues Résiduelles Prévenues Résiduelles Prévenues Résiduelles
6-23 mois 7 336 8 151 10 609 1 061 9 548 2 652 7 957 5 305 5 305
24-59 mois 7 271 8 079 10 515 1 052 9 464 2 629 7 886 5 258 5 258
5-17 ans 2 827 3 141 4 088 409 3 680 1 022 3 066 2 044 2 044

CV : couverture vaccinale.
* CIQ 2018

Cependant, ces nombres de consultations prévenues représentent seulement une portion de la totalité des consultations pour SAG étant donné que la proportion de l’influenza parmi les consultations pour SAG chez les enfants varie de 12 % chez les 6-23 mois à 36 % chez les 5-17 ans (tableau 2). Ainsi, la portion des consultations pour SAG qui pourrait être prévenues par la vaccination antigrippale sous un scénario théorique de CV de 50 % et d’une efficacité vaccinale de 50 % est de 3 % chez les 6-23 mois, 7 % chez les 2-4 ans et de 12 % chez les 5-17 ans. Il est plus réaliste de penser que les CV seraient moindres et que cette portion serait encore plus faible.

Tableau 2 - Impact de la vaccination antigrippale sur la proportion des consultations pour syndrome d’allure grippale (SAG) prévenues au Québec (efficacité vaccinale assumée de 50 %)

Groupes d'âge % consultations pour SAG dues à l'influenza % consultations pour SAG qui pourraient être prévenues par la vaccination antigrippale**
Observées* En absence de vaccination** (CV = 0) CV = 20 % CV = 50 % CV = 100 %
6-23 mois 12 % 16 % 2 % 4 % 8 %
24-59 mois 21 % 28 % 3 % 7 % 14 %
5-17 ans 36 % 48 % 5 % 12 % 24 %

CV : couverture vaccinale.
* Fowlkes 2015 (basé sur 4 saisons grippales de 2009-10 à 2012-13); **Estimation à partir des nombres observés chez les enfants aux États-Unis avec une CV de 50 % et une EV de 50 %.

Si le virus de la COVID-19 s’ajoute aux autres virus contribuant aux consultations, la proportion attribuable à l’influenza par rapport à celle des autres virus (y compris le virus de la COVID-19) serait moindre. Conséquemment, la proportion qui pourrait être prévenue pas la vaccination contre l’influenza serait aussi moindre.

Interaction entre la vaccination contre l’influenza et le risque de COVID-19

Certaines données suggèrent que la vaccination peut avoir des effets non spécifiques et influencer le risque de développer des infections autres que celles visées par le vaccin. Les données les plus robustes concernent l’impact du Bacille Calmette-Guérin (BCG) sur les risques d’infections autres que la tuberculose ou sur le risque de mortalité toutes causes (Netea 2020). Ces résultats sont en lien avec le concept de trained immunity qui fait référence à la reprogrammation fonctionnelle des cellules impliquées dans l’immunité naturelle suite à une stimulation, ce qui entraîne le plus souvent une réponse augmentée lors d’une nouvelle stimulation (De Wals 2020). Les données concernant un éventuel risque augmenté d’infection par des virus respiratoires autres que l’influenza suite à l’administration d’un vaccin contre l’influenza sont beaucoup plus fragmentaires. Une revue des écrits a identifié 15 manuscrits portant sur cette question, 13 concernant des vaccins influenza inactivés (VII) et 2 des vaccins influenza vivants atténués (VIVA). Certaines études portant sur les VII suggéraient l’existence d’un risque et d’autres non. Au Canada, les données historiques du réseau Canadian Sentinel Practitioner Surveillance Network (2010-2011 à 2016-2017) ont été utilisées pour vérifier si la vaccination contre la grippe avec le VII pouvait avoir un impact sur le risque d’infection par les 4 coronavirus du rhume (Skowronski 2020). La vaccination contre la grippe n’était pas associée à un risque accru d’infection par ces coronavirus (RC = 1,04, IC95 % = 0,85–1,28). Les auteurs ont aussi souligné un problème méthodologique majeur d’une étude antérieure de Wolff et al. (2020) qui avait identifié un risque plus élevé d’infection aux coronavirus du rhume chez les personnes vaccinées contre la grippe. Les mêmes résultats ont été observés dans le réseau de surveillance des hospitalisations pour infections respiratoires au Québec où la vaccination contre la grippe n’augmentait pas le risque d’une hospitalisation pour un des 4 coronavirus communs (RC ajusté = 0,79, IC95 % = 0,49-1,25) (R. Gilca, communication personnelle). Deux études écologiques récentes non encore révisées par des pairs et portant sur l’association entre les taux de vaccination contre l’influenza des adultes de plus de 65 ans avec le VII et des indicateurs de l’intensité ou gravité de la COVID-19 dans certains pays ont abouti à des résultats divergents. Les résultats de ce type d’étude sont peu convaincants du fait de leurs faiblesses méthodologiques. Les études portant sur le VIVA ne mettaient pas en évidence une augmentation du risque d’infection par d’autres pathogènes respiratoires chez les personnes vaccinées.

En somme, les données disponibles actuellement sont insuffisantes pour conclure sur l’existence ou non d’une interaction entre la vaccination contre la grippe et le risque de la COVID-19. De nouvelles études portant spécifiquement sur cette question seraient utiles. L’impact d’une co-infection par ces deux virus est aussi peu connu.

Distanciation physique et vaccination contre la grippe

Normalement, l’organisation de cliniques de vaccination à l’aide du modèle Point of distribution (POD) permet la vaccination d’un grand nombre de personnes avec un nombre limité de ressources. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a récemment proposé d’éviter, dans la mesure de possible, la tenue de campagnes traditionnelles de vaccination de masse en cas de circulation de la COVID-19 (OMS, 2020). L’adaptation des POD pour limiter le risque de transmission de la COVID-19 est susceptible de diminuer la capacité du réseau de la santé à vacciner un grand nombre de personnes avant le début de l’activité grippale. De plus, plusieurs ressources du réseau de la santé sont actuellement mobilisées pour la lutte contre la COVID-19. Il pourrait y avoir un coût d’opportunité important à mobiliser un grand nombre de professionnels de la santé, afin d’élargir les groupes visés par la vaccination annuelle contre la grippe, ces professionnels ne pouvant plus être affectés à la lutte contre une éventuelle 2e vague de COVID‑19.

Modèles prometteurs de vaccination contre la grippe

L’approche optimale pour améliorer la couverture vaccinale dans les groupes ciblés serait l’implantation d’une combinaison d’interventions qui considèrent à la fois les facteurs associés au patient, aux professionnels de la santé et à l’organisation des services. Ainsi, les stratégies qui visent à la fois à diminuer les barrières à l’accès aux services de vaccination, à augmenter la demande pour la vaccination dans la population et à améliorer l’offre de la vaccination par les professionnels de la santé ont été démontrées efficaces pour augmenter les couvertures vaccinales (Bednarczyk 2018).

Une évaluation réalisée à l’automne 2019 auprès des Directions de santé publique et de quelques milieux cliniques afin d’identifier les stratégies pour améliorer les couvertures vaccinales chez les malades chroniques a soulevé quelques pistes intéressantes (tableau 3).

Tableau 3 - Stratégies pour améliorer les couvertures vaccinales chez les personnes vivant avec une maladie chronique

Niveau d’intervention Stratégies
Offre de la vaccination
  • Identifier la trajectoire de soins des malades chroniques pour les cibler dans leurs milieux de soins (associer la vaccination à un autre rendez-vous de suivi)
  • Vaccination par les inhalothérapeutes
  • Vaccination dans les pharmacies
  • Regrouper les soins dans un même établissement
  • Planification systématique de la vaccination pour toute la clientèle (identification des patients suivis et prise de rendez-vous)
  • Offrir la vaccination lors d’un suivi ou d’un traitement
  • Profiter de chaque visite pour vacciner
  • Organisation de journées dédiées à la vaccination pour la clientèle
Professionnels de la santé
  • Améliorer la collaboration avec les acteurs clés du réseau
  • Encadrement des professionnels de la santé (ex. Utilisation d’un guide pour bien dépister les personnes éligibles à la vaccination et décrire la prise en charge jusqu’à la vaccination)
  • Revoir le rôle des infirmières dans les GMF/GMF-U
Patients
  • Outils pour mieux informer les malades chroniques
  • Outils promotionnels accompagnés de la recommandation de vaccination (ex. lettre aux patients éligibles, afin de les informer où et quand se faire vacciner)
  • Publicité ciblant la perception de vulnérabilité face à la grippe et aux complications associées
  • Recommandation par les professionnels de la santé
  • S’adapter aux contextes locaux

Conformité avec d’autres juridictions

En France, la Haute autorité de santé a conclu le 20 mai 2020 que devait être maintenue la vaccination ciblée chez les groupes les plus vulnérables. Cet avis est en accord avec une position de l’OMS datant du 20 mars dernier (OMS, 2020) qui suggérait de cibler les personnes à risque. En Angleterre, en date du 14 mai 2020, les groupes ciblés par la campagne de vaccination prévue en 2020-2021 n’ont pas été modifiés (PHE 2020). En Australie, le programme national d’immunisation 2020 prévoit, comme pour l’année précédente, la vaccination des enfants de 6 mois à 5 ans, des personnes de 65 ans et plus, des personnes avec maladies chroniques à partir de 6 mois, des femmes enceintes et des aborigènes (Queensland Health 2020).

À notre connaissance, aucune juridiction n’a élargi les clientèles ciblées par la vaccination par rapport à la saison 2019-2020.

Travailleurs de la santé

Bien que les preuves scientifiques de l’impact indirect de la vaccination des TdeS sur la réduction de la maladie chez les patients à risque soient de faible qualité, il reste vraisemblable que cette vaccination prévienne des cas chez les patients et facilite la gestion des éclosions d’influenza en diminuant le nombre de cas (CIQ, 2018). La vaccination des travailleurs de la santé est aussi susceptible de limiter l’absentéisme au travail à un moment où, avec une 2e vague possible de la COVID-19, le réseau de la santé sera très sollicité.

Sommaire 

Plusieurs incertitudes existent concernant l’intensité attendue pour la saison grippale en 2020-2021. Cependant, le risque le plus important est que la circulation de la grippe contribue, par le nombre d’hospitalisations associées, au dépassement des capacités du réseau hospitalier de la santé durant une 2e vague de la COVID-19. Il apparaît donc prioritaire de cibler, pour la vaccination antigrippale, les groupes pour lesquels le risque d’hospitalisation est le plus élevé. Le programme actuel d’immunisation contre l’influenza cible déjà les groupes les plus à risque ainsi que les personnes susceptibles de leur transmettre la grippe. Chez les enfants, un certain bénéfice pourrait être observé en raison de la diminution du nombre de consultations dues à la grippe. Cependant, avec les couvertures vaccinales obtenues par le passé, ce bénéfice serait modeste. Même si on visait à obtenir une couverture vaccinale de 50 %, ce qui exigerait des efforts importants, la diminution des consultations pour symptômes respiratoires serait inférieure à 12 %. Ce bénéfice est en partie contrebalancé par les difficultés opérationnelles importantes associées à la mise en place des mesures pour joindre ces populations, ainsi que par le risque d’augmentation de la transmission de la COVID-19, de l’influenza et d’autres virus respiratoires lors des campagnes de vaccination.

Recommandation du CIQ

Le CIQ recommande de maintenir les groupes déjà ciblés en vue de la campagne de vaccination contre la grippe en 2020-2021. La priorité est d’augmenter la couverture vaccinale chez les groupes ciblés, soit chez ceux pour qui le risque d’hospitalisation dû à la grippe est le plus élevé. Pour y arriver, les orientations aux Directions de santé publique sur les activités à mettre en priorité afin d’améliorer les couvertures vaccinales dans les groupes ciblés doivent être aussi claires que possible. L’identification des trajectoires de soins de ces groupes est primordiale, afin de les vacciner dans les milieux où ils sont habituellement suivis et de profiter de chaque occasion pour les vacciner. Le soutien des autres professionnels pour la vaccination (inhalothérapeutes, pharmaciens) peut aider à améliorer l’offre de service en vaccination. Il conviendrait également de revoir le rôle des infirmières dans les GMF et les GMF-U où des personnes vivant avec des malades chroniques sont suivies, mais où les activités de vaccination ne semblent pas être mises en priorité. La vaccination lors des soins à domicile semble également être une approche pour rejoindre les personnes dans leurs milieux de vie. Pour les patients eux-mêmes, il convient de cibler des stratégies de promotion de la vaccination qui influencent leur perception de vulnérabilité face à la maladie et aux complications associées. Les professionnels doivent également être engagés dans l’implantation des stratégies considérant l’impact reconnu sur les couvertures vaccinales d’une recommandation de vaccination par un professionnel de la santé.

Le CIQ suivra de près la littérature scientifique qui concerne les thèmes précédemment discutés de même que l’épidémiologie de la COVID-19 et de l’influenza (ex. circulation de l’influenza dans l’hémisphère sud au cours des prochains mois). Les recommandations émises pourront être modifiées au besoin en fonction des nouvelles données scientifiques disponibles.

Un avis du CIQ publié en 2019 traite de l’utilisation du vaccin Fluzone HD (CIQ, 2019). Il était conclu que le vaccin Fluzone HD offrait une meilleure protection que le vaccin à dose standard pendant la plupart des saisons grippales contre les consultations dues à l’influenza chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Les estimations d’efficacité contre les hospitalisations et les décès étaient cependant basées sur des données exploratoires non définies a priori, des études rétrospectives utilisant des banques administratives, ou des études de randomisation en grappes financées par le manufacturier. Bien qu’il soit vraisemblable qu’une certaine protection additionnelle par rapport aux vaccins à dose standard pourrait être offerte par le Fluzone HD contre les hospitalisations et les décès, l’avis mentionnait que des études additionnelles étaient nécessaires, afin de confirmer ces résultats. Il était finalement jugé que des preuves scientifiques additionnelles étaient nécessaires avant de recommander son utilisation préférentielle.

Dans ce contexte où le Fluzone HD n’est pas recommandé de façon préférentielle au Québec, il apparaît préférable d’attribuer les 20 000 doses de vaccin FLuzone HD restantes selon des critères opérationnels. Une orientation plus précise concernant l’attribution de ces doses sera proposée par le CIQ en septembre 2020 en fonction de différents critères dont l’évolution de l’épidémiologie de la pandémie de la COVID-19 ainsi que celle de l’influenza dans l’hémisphère sud.

Avis court du CIQ nº :
Influenza / 2020 / 167
Date de réception de la demande d'avis :
10 juin 2020
Demandeur :
Yves Jalbert, MSSS
Date de production de l'avis :
12 juin 2020
Avis discuté et approuvé par le CIQ le :
19 juin 2020

Auteur : Nicholas Brousseau, Rodica Gilca, Marilou Kiely, Gaston De Serres, Philippe De Wals, Jasmin Villeneuve

Collection : Avis courts du CIQ

Date de publication : 17 juillet 2020