Enquête épidémiologique sur les travailleurs de la santé atteints par la COVID-19 entre le 12 juillet 2020 et le 16 janvier 2021

Rapport d’étape pour la période du 12 juillet 2020 au 16 janvier 2021

Une enquête épidémiologique est menée chez les travailleurs de la santé (TdeS) infectés par le SRAS-CoV-2 depuis le début de la pandémie au Québec. Ce rapport d’étape présente les résultats de l’enquête qui porte sur la période entre le 12 juillet 2020 et le 16 janvier 2021.

Parmi l’ensemble des infections confirmées par le SRAS-CoV-2, 25% étaient survenues chez des TdeS durant la première vague et 12% entre le 12 juillet 2020 et le 16 janvier 2021. Le nombre moyen de cas chez les TdeS est passé en moyenne de 101 cas par jour entre le 23 février et le 11 juillet 2020 à 120 cas par jour entre le 12 juillet 2020 et le 16 janvier 2021. Le risque cumulatif d’infection par le SRAS-CoV-2 chez les TdeS comparativement à celui des adultes non-TdeS âgés entre 20 et 69 ans, était 9 fois plus élevé (3,36 % vs 0,36 %) durant la première vague et 3 fois plus élevé (5,0 % vs 1,7 %) durant la période du 12 juillet au 16 janvier 2021.

Pour cette enquête, les TdeS infectés (cas) étaient identifiés à partir du fichier trajectoire en santé publique (TSP) et les TdeS non-infectés (témoins) à partir du fichier centralisé des laboratoires qui contient tous les tests COVID-19 faits au Québec. Les TdeS qui ont accepté de participer ont rempli un questionnaire autoadministré en format électronique ou par entretien téléphonique.

L’analyse des données de tous les TdeS infectés participants (cas) montre que :

  • Ils étaient principalement du personnel infirmier (27 %) et des préposés aux bénéficiaires et aides de service (28 %) et travaillaient surtout dans les centres hospitaliers (CH) (35 %) et les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) (25 %).
  • Leur travail (70 %) et leur domicile/ménage (14 %) étaient la source probable de leur infection selon les participants.
  • Des contacts avec des patients suspectés ou confirmés de COVID-19 (58 %) ou la présence d’autres travailleurs de la santé infectés dans leur unité (48 %) ont été rapportés comme source probable de leur infection par les TdeS malades.
  • La formation en prévention et contrôle des infections (PCI), l’accès aux tests de dépistage, le port du masque au travail et l’hygiène des mains après contact avec les patients se sont améliorés durant la période à l’étude par rapport au printemps 2020.
  • Trente-neuf pour cent (39 %) percevaient que les ressources humaines étaient insuffisantes pour assurer les soins des patients et la sécurité des travailleurs.
  • Quarante-cinq pour cent (45 %) rapportaient que la distanciation physique avec d’autres travailleurs quand le masque n’était pas porté n’avait pas toujours été respectée.
  • Parmi les éléments favorisant la transmission de l’infection, on notait des problèmes liés à l’application des mesures de PCI (non-respect de la distanciation physique avec d’autres travailleurs), à l’environnement physique (organisation de l’espace dans les milieux de travail), et au niveau organisationnel (ressources humaines, mobilité des travailleurs entre installations et entre départements).
  • Vingt et un pour cent (21 % des cas rapportaient une expérience inférieure à 1 an, une proportion qui augmentait à 35 % en CHSLD et 28 % pour les travailleurs en résidence privée pour aînés (RPA) et qui était de 40 % chez les préposés aux bénéficiaires.

La comparaison des données issues des travailleurs infectés entre le 15 novembre 2020 et le 16 janvier 2021 avec des témoins TdeS non infectés montre que :

  • Le risque d’infection était environ 2 fois plus élevé pour les travailleurs de ≥ 45 ans, de sexe masculin, noirs et ceux de langue maternelle autre que le français ou l’anglais.
  • Le risque d’infection était 1,6 à 2,5 fois plus élevé chez le personnel infirmier et les préposés aux bénéficiaires que les travailleurs œuvrant dans l’administration ou les médecins. Le travail en CHSLD ou en RPA augmentait le risque de 1,4 et 2 fois plus comparativement aux CH.
  • Parmi le personnel infirmier, les préposés aux bénéficiaires et les médecins des CH, CHSLD ou RPA, les expositions les plus fortement associées au risque de faire la COVID-19 étaient : le contact avec un cas dans leur domicile/ménage (3,5 fois plus), l’exposition aux patients COVID-19 (3 fois plus) et la présence d’autres travailleurs infectés dans la même unité (2 fois plus). Lorsque l’on considère la prévalence de ces facteurs de risque, les proportions des cas attribuables à chaque exposition seraient 5 %, 48 % et 31 % respectivement.
  • Un pourcentage très élevé de cas et de témoins a rapporté avoir suivi les mesures de PCI recommandées, mais l’effet protecteur de ces mesures n’a pas pu être mis en évidence.

Conclusion

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la prévention des infections chez les TdeS a posé un défi énorme pour les équipes sur le terrain. Malgré les améliorations apportées depuis l’été 2020, les TdeS ont encore été très touchés par la COVID-19 entre le 12 juillet et le 16 janvier 2021. Les efforts additionnels et les améliorations réalisés au cours des derniers mois doivent être poursuivis, afin de renforcer l’application de la hiérarchie des mesures de prévention à tous les niveaux. Une approche globale et collaborative combinant différentes expertises (PCI, santé publique en santé au travail, ressources humaines, qualité des soins, immobilisations, gestion du risque, etc.), impliquant les travailleuses et travailleurs et assurant des ressources humaines en quantité suffisante sera nécessaire pour optimiser le potentiel de prévention des infections, tout en considérant les particularités des milieux de soins qui ont à la fois l’obligation de donner des soins sécuritaires et de qualité aux usagers et celle d’assurer la santé et la sécurité de leurs travailleurs.

Enquête épidémiologique sur les travailleurs de la santé atteints par la COVID-19
Auteur(-trice)s
Jasmin Villeneuve
M.D., Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec
Richard Martin
M.A., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Pierre Deshaies
M.D., Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
COVID-19
Date de publication