Bénéfices, risques et encadrement associés à l'utilisation des produits, services et moyens amaigrissants (PSMA)

L'obésité, un facteur de risque important de plusieurs maladies chroniques, est en augmentation au Québec. Ainsi, plusieurs personnes sont susceptibles de vouloir perdre du poids pour améliorer leur santé ou pour mieux correspondre aux critères esthétiques de minceur. Par conséquent, parler des problèmes reliés au poids implique de prendre en considération l'excès de poids et la préoccupation excessive à l'égard du poids. Dans ces deux situations, un certain nombre de personnes seront amenées à faire des tentatives de contrôle du poids en utilisant des produits, services et moyens amaigrissants (PSMA).

Toutefois, maigrir n'est pas banal. Bien que chez certaines personnes affichant un excès de poids une telle décision puisse entraîner des bénéfices sur la santé, pour plusieurs autres, cette décision se soldera par l'apparition d'effets néfastes plus ou moins graves sur la santé et par une reprise du poids perdu. Seule une modification des habitudes de vie permet d'améliorer la santé et de stabiliser le poids. Mais l'adoption d'un mode de vie sain demande temps et effort, et l'impact sur le poids se fait sentir graduellement. L'organisation actuelle des sociétés modernes ne facilite pas le maintien d'un tel mode de vie. Devant ces réelles difficultés, un grand nombre de personnes se laisse séduire par les PSMA.

Au Québec, il existe une multitude de PSMA qui incluent divers produits (produits naturels, médicaments en vente libre, substituts de repas, etc.), services (programmes et centres commerciaux de perte de poids) et moyens (régimes, jeûne, etc.) ayant des visées amaigrissantes. Selon un sondage de l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), les PSMA sont utilisés par des personnes avec un excès de poids, mais également par celles avec un poids normal ou inférieur. Ce qui est fort inquiétant, d'autant plus que les PSMA sont facilement accessibles.

Le présent avis vise à documenter l'efficacité et les risques à la santé associés aux différents PSMA à partir de la littérature scientifique disponible. Or, l'efficacité sur la perte de poids de la majorité des produits amaigrissants n'a pas été démontrée. En ce qui concerne les services et moyens amaigrissants, le manque d'études sur le sujet ne permet pas d'identifier la meilleure méthode pour la perte de poids. Toutefois, les connaissances scientifiques actuelles permettent d'affirmer que toute restriction énergétique, engendrant un écart entre la quantité de calories ingérées et celles dépensées, entraîne une perte de poids à court terme, et ce, quelque soit la manière dont le déficit énergétique a été produit. Plus la restriction énergétique est importante, plus la perte de poids initiale est grande, mais gare aux effets indésirables qui résultent d'une perte de poids trop rapide.

D'autre part, l'innocuité de plusieurs produits amaigrissants n'est pas clairement démontrée scientifiquement. Malheureusement, ces produits sont couramment utilisés et plus de la moitié de la population croit à tort qu'ils sont sans dangers puisqu'ils sont naturels. Cependant, ces derniers peuvent provoquer de nombreux effets indésirables reliés aux ingrédients (type, qualité, quantité, variabilité) qu'ils contiennent et à leurs interactions potentielles avec d'autres ingrédients, des médicaments d'ordonnance ou des aliments. Ces effets peuvent engendrer des problèmes de santé graves et être parfois mortels. Toutefois, très peu d'information sur ces effets indésirables n'est disponible pour le consommateur et les professionnels de la santé. En effet, il est très rare de retrouver une mention des contreindications, des interactions et des effets indésirables sur l'étiquette du produit.

En ce qui concerne les risques associés aux services et moyens amaigrissants, ils sont relativement peu documentés et souvent rapportés de façon anecdotique ce qui les rend plus difficiles à évaluer. Ces risques dépendent, entre autres, de la durée, de la nature, de la méthode et de l'ampleur de la restriction d'énergie imposée. Certains effets secondaires peuvent être considérés comme mineurs si la démarche de perte de poids est ponctuelle et de courte durée. Mais, lorsque maigrir devient un mode de vie, ces manifestations physiques sont susceptibles de nuire à la santé et à la productivité des personnes ayant adopté de telles pratiques. Les diètes à très basse teneur en calories peuvent provoquer des déséquilibres électrolytiques, de l'arythmie et des arrêts cardiaques. Et puisqu'elles peuvent provoquer une perte de poids trop rapide, elles augmentent les risques de calculs biliaires et d'ostéoporose.

En outre, la majorité des PSMA sur le marché au Québec ne respectent pas les critères de saines pratiques de contrôle du poids. En effet, ils font souvent des promesses aberrantes sur le rythme de perte de poids telle que «nbsp;Perdez 25 livres en 30 joursnbsp;». Une perte de poids rapide n'est d'ailleurs pas recommandée pour la santé. Les consommateurs sont très peu encadrés, et rarement, par une personne qualifiée. Les étiquettes ou documents qui accompagnent les PSMA minimisent souvent les efforts à faire, par exemple en disant «nbsp;perdez du poids sans effort et en mangeant tout ce que vous vouleznbsp;». La plupart des messages publicitaires utilisés par les PSMA vont à l'encontre des critères de saines pratiques de contrôle du poids. Certains affichent des allégations considérées comme non plausibles selon l'état actuel des connaissances scientifiques, telles que «nbsp;perte de poids permanentenbsp;». Ce type de publicité entretient de fausses croyances et créé des attentes irréalistes envers la perte de poids et son maintien. Selon l'analyse de l'ASPQ, moins de 5 % des PSMA au Québec reposent sur une approche combinant des modifications de l'alimentation et de l'activité physique.

L'analyse des lois et règlements encadrant l'industrie de l'amaigrissement au Québec a permis de constater un certain nombre de lacunes. L'encadrement actuel est partiel et les mesures adoptées ciblent principalement la publicité trompeuse et la légalité des contrats de vente de services, mais très peu les risques physiologiques, psychologiques et comportementaux associés aux diverses démarches de perte de poids. À l'heure actuelle, aucun règlement spécifique n'oblige clairement l'industrie des PSMA à bien informer l'utilisateur des effets secondaires potentiels, des contre-indications ou mises en garde nécessaires à une prise de décision éclairée en regard des produits ou services offerts. De plus, l'application de ces mesures semble déficiente et le fardeau de la preuve, en cas de problème, repose souvent sur les consommateurs. Aucune instance n'est mandatée pour coordonner l'ensemble des mesures et assurer le respect de l'ensemble des critères de saines pratiques de contrôle du poids, comme recommandé par différents groupes d'experts. Ce qui représente un obstacle important à une véritable protection de la santé des utilisateurs de PSMA.

Une recherche des mesures d'encadrement des PSMA en vigueur dans d'autres pays industrialisés s'est avérée plutôt décevante. Aucun des pays répertoriés ne semble protéger adéquatement la santé des utilisateurs de PSMA. Sur papier, la réglementation spécifique de PSMA adoptée par l'État du Connecticut semble la plus en mesure d'assurer cette protection, mais elle ne semble pas être appliquée.

Dans la mesure où ni l'efficacité, ni l'innocuité de nombreux produits, services et moyens amaigrissants n'ont été évaluées et que plusieurs risques ont été associés à leur utilisation, l'encadrement réglementaire actuel des PSMA ainsi que sa capacité à protéger adéquatement la santé des utilisateurs doivent être mis en doute. D'autant plus que la vulnérabilité des personnes préoccupées de façon excessive par leur poids, ainsi que celles aux prises avec un excès de poids, peut diminuer leur capacité à exercer un jugement éclairé devant une industrie proposant une avalanche de solutions habilement publicisées. Surtout dans un contexte social comme le nôtre qui idéalise la minceur souvent perçue comme une démonstration de réussite personnelle.

Afin de protéger adéquatement la santé des utilisateurs, l'INSPQ recommande de mieux informer la population, ainsi que les acteurs intersectoriels concernés par la problématique du poids, des bienfaits et des risques associés à toute démarche de perte de poids, des critères de saines pratiques de contrôle du poids, du taux de réussite à long terme des démarches de perte de poids, des conditions de succès associées au maintien à long terme de la perte de poids et, finalement, des bienfaits et des risques à la santé des différents moyens amaigrissants.

L'Institut recommande également d'appliquer rigoureusement le Règlement sur les produits de santé naturels, ce qui doit se traduire par la non-approbation ou le retrait des produits ne respectant pas la réglementation en vigueur. De plus, l'Institut réclame la mise en place d'un mécanisme d'évaluation périodique de la conformité des produits mis en marché et retrouvés sur les tablettes des différents commerces.

En ce qui concerne les services amaigrissants, plusieurs recommandations sont énoncées. D'abord celle d'informer l'industrie des services amaigrissants des risques à la santé associés à la perte de poids et de les sensibiliser à l'importance du respect des critères de saines pratiques de contrôle du poids. Ensuite, celle de développer, en collaboration avec l'industrie, un code de conduite pour les services amaigrissants et finalement de mettre en place un mécanisme d'évaluation périodique de l'impact de ces mesures sur le respect des critères de saines pratiques de contrôle du poids par cette industrie.

Afin de protéger le consommateur de la publicité trompeuse sur les PSMA et des risques encourus à sa santé, l'INSPQ recommande d'amender le Code canadien des normes de la publicité pour y inclure des dispositions spécifiques sur les PSMA afin que les publicités sur ces derniers ne comportent pas d'allégations fallacieuses et qu'elles mentionnent clairement que seul un déficit énergétique peut engendrer une perte de poids. L'Institut réclame aussi de mettre en place un mécanisme d'évaluation périodique de la conformité des publicités sur les PSMA.

De plus, compte tenu des lacunes de l'encadrement législatif actuel des PSMA, qui s'avère complexe, morcelé et incomplet, notamment en ce qui concerne la protection contre les risques physiologiques, psychologiques et comportementaux associés à leur utilisation, l'INSPQ recommande d'étudier la faisabilité d'établir au Québec un bureau de surveillance des PSMA. Celui-ci serait responsable de recevoir les plaintes des consommateurs concernant l'ensemble des PSMA, d'en assurer le suivi et de publier annuellement un rapport à ce sujet, de délivrer des permis d'exploitation ou de vente pour les fabricants, les distributeurs et les commerçants des PSMA, d'élaborer les normes à respecter par les détenteurs de permis d'exploitation ou de vente et de sanctionner le non-respect de la réglementation par les détenteurs de permis.

Finalement, des recherches additionnelles sont nécessaires pour mieux documenter l'utilisation et l'impact sur la santé des PSMA. L'INSPQ recommande donc d'encourager la recherche dédiée aux PSMA afin de surveiller la nature et l'ampleur de leur utilisation ainsi que leurs conséquences sur la santé, de surveiller l'efficacité de leur utilisation dans un contexte commercial, de documenter leur accessibilité au Québec et d'étudier l'impact de cette accessibilité sur leur utilisation et leurs effets sur la santé.

En conclusion, l'ensemble des mesures recommandées dans cet avis permettrait d'une part de mieux protéger la santé de la population et, d'autre part, de transmettre un message social plus cohérent concernant les exigences de toute démarche de perte de poids. Compte tenu de l'accroissement de l'excès de poids observé dans la population québécoise depuis une vingtaine d'années et du peu de ressources offertes à ces personnes dans le réseau de la santé, il est raisonnable de s'attendre à une utilisation accrue des PSMA dans les années à venir.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-52634-6
ISBN (imprimé)
978-2-550-52633-9
Notice Santécom
Date de publication