18 septembre 2014

Le radon dans l’eau souterraine de la région des basses-terres du Saint-Laurent; influence de la géologie locale et risque à la santé

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Patrick Poulin
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
Marie-Hélène Bourgault
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Une équipe de chercheurs québécois s’est récemment penchée sur la présence de radon (222Rn) dans les eaux souterraines de la plaine des basses-terres du Saint-Laurent, afin d’estimer le risque sanitaire encouru par les populations établies dans ce secteur de la province. La région investiguée, sélectionnée en raison de sa forte densité de population, s’étend de la ville de Québec (au nord) à la frontière américaine (au sud), de la ville de Sherbrooke (à l’est) à la ville de Trois-Rivières (à l’ouest).

Le radon est un gaz radioactif incolore et inodore qui provient de la désintégration de l’uranium (238U) naturellement présent en concentrations variables dans la majorité des substrats géologiques. L’inhalation de radon et de ses descendants radiologiques présents dans l’air intérieur constitue un risque cancérigène pour la santé humaine clairement démontré. D’autre part, le risque associé à l’ingestion du radon par l’entremise de l’eau potable est, pour sa part, moins bien démontré. Ce risque peut être indirectement quantifié à l’aide des coefficients de risque développés par l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (U.S. EPA, 1999). Bien que la détermination de ces coefficients soit assujettie à plusieurs incertitudes, le coefficient de risque propre à l’ingestion de radon demeure non négligeable. Toutefois, il est environ dix fois moins élevé que le coefficient défini pour l’inhalation du radon et de ses descendants.

Les chercheurs ont d’abord prélevé 198 échantillons d’eau souterraine principalement destinée à la consommation humaine. Les analyses effectuées ont montré que l’activité volumique (ou la concentration) du radon dans les échantillons d’eau était généralement faible. En effet, 90 % des échantillons prélevés présentaient des concentrations de radon inférieures à 100 Bq/L (soit la valeur guide de l’OMS pour l’eau potable), alors que la concentration médiane de radon évaluée pour ces mêmes échantillons était de 8,6 Bq/L (ce qui est inférieur à la norme de 11 Bq/L proposée par la U.S. EPA). Certains échantillons d’eau provenant de puits situés sur le territoire de la province géologique des Appalaches (soit à l’Est du territoire investigué), de même qu’en marge de l’intrusion montérégienne du mont Saint-Hilaire (secteur à forte potentialité d’émission de radon), ont cependant présentés des concentrations plus élevées atteignant 310 Bq/L.

Selon les chercheurs impliqués, la distribution spatiale des concentrations de radon dans l’eau souterraine de ces deux secteurs à l’étude serait largement associée à la présence de certains substrats géologiques tels les méta-sédiments uranifères des Appalaches, les intrusions magmatiques montérégiennes et les shales de la plateforme des basses-terres du Saint-Laurent. Sur la base de l’évaluation des principales caractéristiques physico-chimiques des eaux souterraines échantillonnées, les chercheurs ont constaté que de plus fortes concentrations de radon étaient observées dans les eaux riches en sodium-chlorure issues du contact avec des formations géologiques riches en argile. Le mécanisme d’enrichissement localisé, proposé par les auteurs de l’étude, implique l’immobilisation du 226Ra (l’isotope père du 222Rn) présent dans les eaux souterraines sur les horizons argileux du sous-sol; horizons qui agissent dès lors comme des sources de radon.

Selon les auteurs, la contribution du radon dégazé de l’eau souterraine, notamment lors des usages domestiques, à la concentration totale de radon présent dans l’air intérieur varierait entre 1,4 et 5,4 %. La contribution de cette source de radon pour l’air intérieur est donc somme toute jugée minime pour l’ensemble du secteur étudié. Le risque radiologique associé à l’ingestion d’eau potable riche en radon serait également faible. Par ailleurs, le risque radiologique pourrait s’avérer plus élevé dans les deux secteurs ci-haut mentionnés où la contribution de l’eau à l’exposition au radon, tant par inhalation que par ingestion, pourrait atteindre 45 % de la dose annuelle totale d’exposition aux sources radioactives d’origine naturelle.

RÉFÉRENCES

Pinti DL, Retailleau S, Barnetche D, Moreira F, Moritz AM, Larocque M, Gélinas Y, Lefebvre R, Hélie JF, Valadez A. (2014) 222Rn activity in groundwater of the St. Lawrence Lowlands, Quebec, eastern Canada: relation with local geology and health hazard. J Environ Radioact. 136: 206-217.

US EPA (United States Environmental Protection Agency) (1999). 40 CFR Parts 141 and 142 National Primary Drinking Water Regulations; Radon-222; Proposed Rule, Federal Register. 62 (211): 59246-59378.