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Numéro thématique sur la toxicologie en milieu de travail

Les risques toxicologiques sont bien présents en milieu de travail. La toxicité peut être engendrée par une exposition aiguë, chronique ou aiguë sur chronique. Par ailleurs, les professionnels travaillant en soins critiques peuvent également prendre en charge les patients exposés à des produits au travail. Toutefois, ils doivent connaître les risques reliés à ce type d’exposition afin de pouvoir déterminer les risques, traiter les patients ou les diriger vers les bonnes ressources. Le présent numéro du bulletin vous sensibilisera donc à divers types d’exposition pouvant survenir en milieu de travail.

Brûlure à l’acide fluorhydrique

Les brûlures à l’acide fluorhydrique présentent un danger, et elles peuvent menacer la vie des victimes de ce type de brûlure. Comme des produits domestiques ou industriels en contiennent, une mauvaise utilisation de ces produits peut entraîner un accident de travail. Étant donné ses caractéristiques physicochimiques, l’acide fluorhydrique cause des brûlures profondes aux tissus et peut provoquer des anomalies électrolytiques engendrant des troubles du rythme cardiaque. Les professionnels de la santé doivent donc être en mesure de reconnaître la présentation clinique de l’exposition à cette substance toxique afin d’éviter les complications. L’irrigation à l’eau, l’application topique de calcium, l’administration parentérale de calcium (sous-cutanée, au moyen d’un bloc régional intraveineux, intra-artérielle) et les interventions chirurgicales font partie de l’arsenal thérapeutique potentiellement requis dans le traitement des patients souffrant d’une brûlure causée par cet acide, selon leur présentation clinique.

Décès reliés à une intoxication par le monoxyde de carbone en milieu de travail

En 2017, le Centre antipoison du Québec a été consulté à 757 reprises pour des expositions présumées ou confirmées au monoxyde de carbone. Ce type d’intoxication est fréquent au Québec, notamment en milieu de travail. Bien que seulement une minorité de patients perdent la vie à la suite d’une exposition au monoxyde de carbone, la morbidité y étant associée est grande. Au cours des dernières années, plusieurs travailleurs de la province ont succombé à une intoxication accidentelle par ce gaz. Cet article présente deux cas. À la lumière de ces deux cas, les employeurs et les travailleurs pourraient prendre certaines précautions pour réduire les risques d’exposition. Des mesures telles que l’utilisation d’appareils électriques, l’installation de détecteurs de monoxyde de carbone et la ventilation des lieux de travail devraient être considérées. Finalement, les individus à risque devraient être sensibilisés aux possibles conséquences d’une exposition à ce gaz toxique et être informés des moyens pour la prévenir.

Cannabinoïdes synthétiques : le danger d’une exposition accidentelle

Les cannabinoïdes synthétiques, connus sous plusieurs noms comme « Spice » et « K2 », sont des agonistes complets des récepteurs cannabinoïdes et ont des effets différents du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). Ils sont importés sous forme de poudres, d’huiles ou de liquides hautement concentrées, puis sont pulvérisés sur des produits à base d’herbes étiquetés comme étant non destinés à la consommation humaine. Cependant, la littérature scientifique fait état de plus en plus de cas d’intoxication. Les signes et les symptômes d’une intoxication par un cannabinoïde incluent, entre autres, l’agitation, l’irritabilité, l’anxiété, la confusion, les troubles cognitifs et psychiques, les nausées, les vomissements, l’hypertension et la tachycardie. Étant donné l’augmentation du nombre de produits offerts fortement concentrés, certaines populations, tels les douaniers et les policiers, risquent d’y être exposées accidentellement. D’ailleurs, Dobaja et collab. ont publié une série de cas concernant une exposition accidentelle au cannabinoïde synthétique nommé cumyl-PINACA. Lors d’un contrôle, des douaniers slovènes ayant manipulé une bouteille brisée provenant de Hong Kong ont été brièvement exposés à une substance visqueuse. Suivant cette exposition, les trois douaniers auraient ressenti les effets typiques d’une exposition aux cannabinoïdes synthétiques. Au service des urgences, ces travailleurs ont reçu une infusion de chlorure de sodium 0,9 %. Puis, en 2 jours, leurs symptômes se sont graduellement estompés. Étant donné l’augmentation rapide de la production des drogues de synthèse, il est donc important de se doter de politiques et de procédures visant à limiter l’exposition des différentes populations pouvant manipuler ces produits fortement concentrés ou à restreindre leur contact avec ces mêmes produits.

Pratiques entourant la manipulation des médicaments dangereux dans les établissements de santé du Québec

La manipulation sécuritaire des médicaments dangereux est encadrée par plusieurs organismes. Au Québec, l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales a publié le Guide de prévention – Manipulation sécuritaire des médicaments dangereux en 2008. Depuis, de nouvelles recommandations ont été émises, et le National Institute for Occupational Safety and Health a divisé les médicaments dangereux en trois groupes.

En décembre 2017, une enquête a été menée auprès des chefs des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec offrant des services en hémato-oncologie. Sur 30 chefs de département, 23 provenant de 41 installations différentes ont participé à l’enquête (73 %). Les répondants étaient très satisfaits ou partiellement satisfaits du guide (37/41; 90 %); les mesures de précaution et de protection étaient généralement utilisées pour les médicaments du groupe 1, mais elles l’étaient peu pour les médicaments des groupes 2 et 3. Quant aux modalités de nettoyage des surfaces, elles variaient selon les établissements.

L’objectif de cette enquête était de recenser les pratiques comportant des éléments à propos desquels il n’existe pas de consensus concernant la façon de faire la plus optimale à employer lors de la manipulation des médicaments dangereux par les travailleurs des établissements de santé au Québec.

Quoique les pratiques s’améliorent, plusieurs recommandations du guide publié en 2008 ne sont pas mises en œuvre en raison de contraintes en matière de ressources financières, matérielles et humaines. Les résultats de l’enquête réalisée récemment serviront à la mise à jour de ce guide.