Le registre provincial des antidotes

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Auteur(s)
Pierre-André Dubé
B. Pharm., Pharm. D., M. Sc., C. Clin. Tox., Pharmacien-toxicologue, Institut national de santé publique du Québec

Résumé

Le Registre provincial des antidotes est un outil de gestion pour soutenir la pratique des pharmaciens hospitaliers et autres professionnels dans la prise en charge des intoxications dans le réseau de la santé du Québec. Cet article décrit les étapes effectuées pour le développement et l’implantation d’un tel registre.

Introduction

En septembre 2010, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) formulait, par l’intermédiaire du Regroupement de pharmaciens experts (RPE) en soins critiques, une demande officielle auprès de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et du Centre antipoison du Québec (CAPQ) pour évaluer le projet de réalisation d’un registre provincial des antidotes. Ce registre prendrait alors la forme d’un fichier centralisé, accessible par le site Internet de l’INSPQ (Portail de toxicologie clinique) et porterait le nom de Registre provincial des antidotes (RPA). Les établissements de santé du Québec pourraient rapporter, sur une base volontaire, le type et la quantité d’antidotes tenus en stock.

Le besoin de l’élaboration d’un tel registre vient du fait que plusieurs études québécoises et internationales montrent une variabilité importante du stockage ou du non-stockage de certains antidotes recommandés par des consensus d’experts ou par les centres antipoison.(1-5) Lorsqu’un patient nécessite d’urgence l’administration d’un antidote spécifique, il était donc difficile de répertorier les antidotes sur le territoire, et ce, tant d’un point de vue local, que régional ou provincial. Une intervention mise de l’avant dans d’autres pays est le développement d’un registre électronique des antidotes.(6-7)

L’objectif de cet article est de décrire les étapes effectuées pour le développement et l’implantation d’un RPA sur le territoire québécois.

Méthodologie

Étape 1 – Création d’un comité d’experts

Afin d’assurer une représentativité de tous les professionnels interpellés par les antidotes, un comité d’experts a été créé selon le modèle suivant :

  • Responsable scientifique en toxicologie clinique de l’INSPQ;
  • Représentants du CAPQ (directeur médical, toxicologues, conseillère en soins infirmiers);
  • Représentant du conseil d’administration de l’APES;
  • Représentants du RPE en soins critiques de l’APES;
  • Pharmacien-chef d’un centre hospitalier universitaire;
  • Représentants de l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ) et de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ).

Étape 2 – Enquête provinciale sur la gestion et l'utilisation des antidotes (Enquête provinciale exhaustive)

Un premier sondage électronique a été développé à partir des questionnaires et des résultats d’enquêtes québécoises précédemment publiés. L’enquête portait, entre autres, sur 42 antidotes recommandés par le CAPQ et comprenait 30 questions réparties sur 24 pages.

Le sondage a été envoyé par courrier électronique en janvier 2012 par l’entremise de l’APES aux chefs de départements de pharmacie clinique de tous les établissements de santé. L’enquête ciblait les 121 établissements de santé du Québec fournissant des services d’urgence. Les établissements comportant plus d’un département de pharmacie étaient considérés comme des établissements distincts.

Le taux de réponse pour la version 2012 est de 64 % (78/121).

Étape 3 – Analyse et interprétation des données

Les données recueillies ont été validées par une statisticienne de l’INSPQ et analysées à l’aide du logiciel SAS. Le comité d’experts a été réuni pour discuter des résultats et pour interpréter les données. Il a été convenu que les antidotes qui possèdent aussi des indications de nature non toxicologique (p. ex., émulsions lipidiques, octréotide, olanzapine), qui sont présents en quantité suffisante dans tous les établissements de santé (p. ex., naloxone), qui sont facilement accessibles, ou pour lesquels il n'était pas nécessaire de repérer leur stockage selon les pharmaciens ayant répondu à l'enquête provinciale, ne seraient pas inclus au RPA afin d'en alléger le contenu. Un total de 21 antidotes a ainsi été recommandé par le comité d’experts afin d’être diffusé dans le RPA.

Étape 4 – Création d’une première version du RPA

Les données des établissements issues de l’enquête et qui répondaient aux critères établis par le comité d’experts ont été isolées et réunies dans un seul fichier Excel. Une page Web de type « htm » a été créée pour chaque antidote.

Étape 5 – Enquête provinciale ciblée

Un deuxième sondage électronique a été développé à partir du questionnaire précédent, mais en limitant les questions aux antidotes inclus dans le RPA et aux quantités stockées. L’enquête portait entre autres sur 19 antidotes recommandés par le CAPQ et comprenait trois questions principales et quelques sous-questions réparties sur six pages.

Le sondage a été envoyé par courrier électronique en mars 2013 par l’entremise de l’APES aux chefs de départements de pharmacie clinique de tous les établissements de santé fournissant des services d’urgence.

Un outil de libres droits, c’est-à-dire Google Documents, a été privilégié pour la collecte de données. Ces dernières s’accumulaient automatiquement dans un fichier Excel au fur et à mesure qu’un établissement ajoutait ses données de stockage d’antidotes.

Le taux de réponse pour la version 2013 est de 83 % (100/121).

Étape 6 – Création d’une deuxième version du RPA

Pour la seconde version du RPA, un analyste en géomatique de l’INSPQ a été consulté pour la création d’une base de données liée au registre des établissements de santé du Québec. Cette nouvelle version facilite la recherche des données, la géolocalisation des antidotes, et, d’un simple clic, permet d’obtenir le numéro de téléphone de l’établissement qui possède l’antidote recherché.

Résultats

Version 2012

Le vendredi 27 juillet 2012, la première version du RPA était mise en ligne sur le Portail Toxicologie clinique de l’Institut national de santé publique du Québec, accessible gratuitement, et sans code d’accès, au lien suivant :

http://portails.inspq.qc.ca/toxicologieclinique/registre-provincial-des-antidotes.aspx.

Les figures 1 et 2 (voir version PDF) illustrent la première version.

Version 2013

Le lundi 8 juillet 2013, la deuxième version du RPA était mise en ligne sur le Portail Toxicologie clinique de l’Institut national de santé publique du Québec, accessible gratuitement, et sans code d’accès, mais uniquement sur la plateforme du Réseau de télécommunications sociosanitaire (RTSS).

Les professionnels peuvent donc accéder au RPA par n’importe quel ordinateur de leur centre hospitalier, avec une clé d’accès RTSS, ou encore lors d’une consultation auprès du CAPQ.

Les figures 3 et 4 (voir version PDF) illustrent la deuxième version.

Discussion

Le RPA est un outil de gestion servant à soutenir la pratique des pharmaciens hospitaliers et autres professionnels dans la prise en charge des intoxications dans le réseau de la santé. Les quantités déclarées au RPA par chaque établissement correspondent aux quotas ciblés généralement stockés et tenant compte des minimums prévus au logiciel de gestion des achats au moment de l’enquête. Toutefois, la quantité réelle peut varier en cours de route compte tenu de l'utilisation locale, de la présence de ruptures d'approvisionnement ou d'autres facteurs. La déclaration d'une quantité par un établissement ne constitue en aucun cas une garantie pour un autre établissement de pouvoir obtenir cette quantité en cas d'urgence.

Dans le cas où des établissements veulent prendre le risque de ne pas stocker ou de sous-stocker certains antidotes en présumant de la collaboration d'un autre établissement, il est fortement recommandé de convenir, au préalable, d'ententes régionales écrites facilitant ainsi ce partage.

Chaque département de pharmacie est tenu d'assurer une garde en soins pharmaceutiques en dehors de ses heures d'ouverture. Le prêt ou l'emprunt d'un antidote auprès d’un autre établissement doit toujours passer par le pharmacien de garde, ou respecter les politiques et procédures établies par le chef du département de pharmacie de l'établissement contacté.

À titre indicatif, un tableau résumé des recommandations officielles du CAPQ sur le stockage des antidotes en établissements de santé est présenté en fichier Excel et téléchargeable sur le site Web du RPA.

Les principaux objectifs du RPA sont de fournir des outils afin :

  • d’aider les établissements de santé à mettre à jour leur stockage d’antidotes selon les recommandations du CAPQ;
  • d’assurer la disponibilité provinciale (24/7) des antidotes recommandés par le CAPQ;
  • d’optimiser la gestion des antidotes à même un établissement de santé, de favoriser la collaboration des établissements d’une même région par rapport à la gestion des antidotes;
  • d’améliorer l’accessibilité à un traitement antidotique lors d’une situation d’urgence se présentant dans un établissement de santé ou encore lors d’un événement majeur;
  • de permettre aux professionnels du CAPQ d’adapter leurs recommandations selon les antidotes disponibles dans un établissement ou une région donnée.

Conclusion

Après plus d’une vingtaine d’années d’attente et de discussions, le projet de RPA est maintenant officiellement lancé. En moins d’une année, le taux de participation au RPA par les établissements de santé a grimpé de 28,2 %. Son évolution devrait se poursuivre avec son utilisation. Il serait préférable d’assurer une participation de tous les établissements d’ici 2014.

Remerciements

Membres du Comité consultatif d’experts externes pour le Registre provincial des antidotes :

Benoit Bailey, pédiatre-toxicologue, CHU Sainte-Justine; René Blais, toxicologue, directeur médical, Centre antipoison du Québec; Jean-François Bussières, pharmacien, chef du Département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Ste-Justine; Martin Laliberté, urgentologue-toxicologue, président, Association canadienne des centres antipoison; François Lalonde, pharmacien, adjoint professionnel à la Direction générale, Association des pharmaciens en établissements de santé du Québec; Anne Letarte, conseillère en soins infirmiers, Centre antipoison du Québec; Marie-Andrée Pilon, pharmacienne, Hôpital Charles-LeMoyne; Marie-Claude Lord, pharmacienne et doctorante en santé communautaire, Université Laval; Maude St-Onge, urgentologue, fellow en soins intensifs, pharmacologie clinique et toxicologie, doctorante en sciences médicales, Université de Toronto.

Pour toute correspondance

Pierre-André Dubé
Institut national de santé publique du Québec
945, avenue Wolfe, 4e étage, Québec (Québec)  G1V 5B3
Téléphone : 418 650-5115, poste 4647
Télécopieur : 418 654-2148
Courriel : [email protected]

Références

  1. Bailey B, Bussieres JF. Antidote availability in Quebec hospital pharmacies: impact of N-acetylcysteine and naloxone consumption. Can J Clin Pharmacol 2000;7:198-204.
  2. Al-Sohaim SI, Awang R, Zyoud SH, Rashid SM, Hashim S. Evaluate the impact of hospital types on the availability of antidotes for the management of acute toxic exposures and poisonings in Malaysia. Hum Exp Toxicol 2012;31:274-81.
  3. Gorman SK, Zed PJ, Purssell RA, Brubacher J, Willis GA. Antidote stocking in British Columbia hospitals. CJEM 2003;5:12-7.
  4. Higgins MA, Evans R. Antidotes-inappropriate timely availability. Hum Exp Toxicol 2000;19:485-8.
  5. Locatelli C, Petrolini V, Lonati D, Butera R, Bove A, Mela L, et collab. [Antidotes availability in Emergency Departments of the Italian National Health System and development of a national data-bank on antidotes]. Ann Ist Super Sanita 2006;42:298-309.
  6. Mazzoleni MC, Locatelli C, Petrolini V, Butera R, Lonati D, Mela L, et collab. Web-based antidotes management: evaluation of an Italian experience. AMIA Annu Symp Proc 2006;1028.
  7. Mirza M, Saini D, Dickens MA, Kazzi Z, Orthner HF. A regional database of antidote availability. AMIA Annu Symp Proc 2006;1034.

Dubé PA. Le registre provincial des antidotes. Bulletin d’information toxicologique 2013;29(3):85-91. [En ligne] https://www.inspq.qc.ca/toxicologie-clinique/le-registre-provincial-des…

Numéro complet (BIT)

Bulletin d'information toxicologique, Volume 29, Numéro 3, juillet 2013