Habitudes tabagiques des fumeurs québécois après l'interdiction de fumer visant certains lieux publics

Depuis le 31 mai 2006, il est interdit de fumer dans plusieurs lieux publics au Québec dont les restaurants et les bars. La présente étude dresse un portrait des changements survenus au niveau des habitudes tabagiques des fumeurs et anciens fumeurs récents au Québec à la suite de l'entrée en vigueur de cette interdiction en se basant sur un échantillon longitudinal et en utilisant un devis pré-post. Au cours du mois précédant l'entrée en vigueur de l'interdiction, un premier sondage a été mené auprès d'un échantillon de 2 736 répondants, représentatif de la population de fumeurs et d'anciens fumeurs récents (deux ans ou moins) du Québec. Parmi ces répondants, 1 337 fumeurs et anciens fumeurs récents ont participé à un deuxième sondage mené en décembre 2007, soit 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi. Ce rapport présente des résultats obtenus auprès des 1 337 répondants qui ont participé aux deux sondages.

L'étude a comparé les habitudes tabagiques des répondants avant et après la loi dans cinq lieux (les restaurants, les bars, le lieu de travail, le domicile et le véhicule privé) et la perception des répondants quant à l'effet de la loi sur leur propre consommation de tabac dans ces cinq lieux. L'étude a également analysé certains facteurs reliés à la cessation tabagique, notamment les raisons pour lesquelles les fumeurs ont réduit ou cessé leur consommation de tabac ainsi que l'utilisation des services de cessation tabagique et des aides pharmacologiques à l'arrêt tabagique. Finalement, l'étude a exploré la connaissance que les fumeurs et anciens fumeurs avait des méfaits de la fumée de tabac sur la santé, leurs croyances quant à l'efficacité de stratégies pour réduire l'exposition à la fumée de tabac et leur opinion à l'égard de l'implantation de nouvelles restrictions de l'usage du tabac dans des lieux où aucun règlement n'est en vigueur.

Les résultats montrent que plus de 80 % des fumeurs quotidiens lors du premier sondage fumaient encore tous les jours lors du sondage de suivi alors que 14 % avaient cessé. Près de 70 % des anciens fumeurs lors du premier sondage n'avaient pas recommencé à fumer lors du suivi alors que 20 % fumaient tous les jours. Les fumeurs quotidiens et occasionnels qui avaient conservé le même statut tabagique aux deux sondages ont continué à fumer le même nombre de cigarettes par semaine 18 mois après l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans des lieux publics.

Lorsqu'ils pouvaient fumer à l'intérieur des restaurants, 90 % des fumeurs y allaient au moins à l'occasion. Cette proportion n'avait pas changé 18 mois après l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans les restaurants. Par contre, près d'un fumeur sur deux ne fumait plus lors d'une sortie au restaurant, même à l'extérieur. La proportion de fumeurs qui fréquentaient les bars au moins à l'occasion avait un peu diminué depuis l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer, passant de 54 % à 48 %. Près de 90 % des fumeurs qui fréquentaient les bars continuaient à fumer lors d'une sortie, même s'ils devaient aller à l'extérieur. Le nombre moyen de cigarettes était passé de 11 à 5 par sortie dans les bars.

Les habitudes tabagiques sur les lieux de travail, au domicile et dans les véhicules privés n'ont pas changé entre le premier sondage de mai 2006 et le suivi de décembre 2007. Aux deux moments, environ trois fumeurs sur quatre fumaient à l'intérieur de leur domicile, en moyenne 11 cigarettes par jour la semaine et 13, la fin de semaine. Un peu moins d'un tiers des répondants habitait un domicile où l'usage du tabac était totalement interdit et la même proportion, un domicile où l'usage était permis seulement sous certaines conditions. Environ 65 % des fumeurs consommaient des cigarettes à l'intérieur des véhicules privés. Toutefois, en décembre 2007, 30 % des fumeurs interdisaient totalement de fumer dans leur propre véhicule. Plus de 35 % des fumeurs permettaient de fumer dans leur véhicule seulement sous certaines conditions, dont 84 % lorsqu'il n'y a pas de jeunes enfants présents.

Les perceptions des répondants quant aux effets de la loi sur leur consommation de cigarettes concordaient en général avec les résultats observés.

Plus de 80 % des personnes ayant réduit, tenté ou cessé de fumer l'avait fait pour préserver ou améliorer leur santé et plus de 60 % pour éviter d'exposer les autres à la fumée du tabac. Les aides pharmacologiques les plus utilisées par les répondants entre mai 2006 et décembre 2007 étaient les timbres de nicotine (18 %) et les gommes de nicotine (9 %). Au cours de la même période, 19 % des répondants avaient consulté un médecin pour arrêter de fumer et 10 % avaient eu recours au site Internet j'Arrête.

Plus de 60 % des répondants savaient que l'exposition à la fumée secondaire augmente le risque de souffrir de maladies respiratoires chez les enfants, de cancer du poumon et de maladies cardiovasculaires chez les non-fumeurs, mais moins de 30 % des répondants savaient qu'elle est aussi associée aux maladies de l'oreille chez les enfants et au cancer du sein.

Enfin, en décembre 2007, près de 85 % des fumeurs et anciens fumeurs récents étaient d'accord avec une interdiction de l'usage du tabac dans les véhicules privés lorsque des enfants sont à bord.

Les résultats observés dans le cadre de cette étude décrivent les habitudes tabagiques rapportées par les fumeurs et anciens fumeurs récents un mois avant et 18 mois après l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Il est toutefois important de garder à l'esprit que d'autres mesures sanitaires étaient présentes au cours de cette même période, ce qui ne permet pas d'inférer de relation causale entre l'interdiction législative et les changements observés.

Auteur(-trice)s
Annie Montreuil
Ph. D., chercheuse établissement, Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
Tabac
ISBN (électronique)
978-2-550-60028-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-60027-5
Notice Santécom
Date de publication