Le mois des Fiertés au Québec

La période estivale est une occasion annuelle pour de nombreuses personnes issues des communautés bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, intersexes ou alliées (2S/LGBTQIA+) de se rassembler et de rappeler à la société québécoise, canadienne et internationale que leurs luttes sont encore nombreuses, leurs réalités encore méconnues et leurs besoins encore multiples, notamment en santé. Plusieurs Fiertés ont lieu au Québec au mois d’août, dont à Montréal, à Sherbrooke et à Québec.

L’INSPQ met en œuvre des formations et des initiatives visant la santé et le bien-être de ces populations au Québec. En effet, depuis de nombreuses années, une équipe de l’Institut forme et sensibilise les professionnel(le)s du réseau à la diversité des sexes, des genres et des orientations sexuelles, et à une approche inclusive et exempte de stigmatisation dans leurs services de première ligne. Ces formations font partie de la programmation nationale de formations en ITSS, substances psychoactives, diversité sexuelle et pluralité des genres. Elles sont soutenues par le Bureau de lutte à l’homophobie et la transphobie du ministère de la Justice, comme en témoigne le Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022. D’ailleurs, depuis 2017, c’est plus de 3 500 personnes qui ont été formées dans au moins 15 régions du Québec.

En 2021-2022, une des deux formations au sujet de la diversité sexuelle et la pluralité des genres (Sexes, genres et orientations sexuelles : comprendre la diversité) a été adaptée afin d’être offerte entièrement en ligne en format asynchrone sur le campus virtuel. Lors de son lancement en février 2022, de nombreuses organisations se sont manifestées pour former leurs équipes, et environ 600 personnes issues d’au moins onze régions se sont inscrites. Les premières séances organisées en avril 2022 incluaient par exemple des apprenant(e)s du Nunavik et de Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine, le virtuel déjouant les distances.

Depuis de nombreuses années, l’INSPQ se penche aussi sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres dans le cadre des Journées annuelles de santé publique (JASP). Dans le cadre des JASP cet automne, un Laboratoire d’idées permettra d’approfondir les questions liées à la diversité sexuelle et la pluralité des genres dans une approche intersectionnelle. Ce laboratoire est coordonné et animé par l’unité ITSS de l’INSPQ. Le cadre de l’intersectionnalité1 est particulièrement pertinent en santé publique pour comprendre pourquoi les populations 2S/LGBTQIA+ qui sont aussi au croisement d’autres positions sociales stigmatisées (femmes, Autochtones, personnes racisées, etc.) cumulent des inégalités de santé2,3. L’application de l’intersectionnalité dans les pratiques, les politiques et les recherches en santé publique peut s’effectuer de diverses manières pour améliorer la santé et le bien-être des populations4.

Les activités entourant les Fiertés rappellent que les droits humains ne sont pas universellement innés et que des enjeux de vulnérabilité persistent encore inégalement dans ces communautés, particulièrement en santé. Encore aujourd’hui, plusieurs impacts de la pandémie de COVID-19 sont exacerbés pour les communautés 2S/LGBTQIA+. Au Canada comme ailleurs, ces communautés encore trop souvent stigmatisées vivent davantage d’isolement, de détresse psychologique (d’anxiété, de dépression et des pensées suicidaires), de précarité en emploi, d’insécurité financière et de conditions de logement incertaines, inadéquates ou inexistantes5,6,7,8,9. Des données du Centre for Disease10 aux États-Unis suggèrent que des inégalités seraient aussi présentes dans les effets à long terme de la COVID-19, où les populations trans et les populations bisexuelles seraient plus touchées11.

À l’intérieur même des communautés 2S/LGBTQIA+, des déterminants de la santé ou positions sociales, telles que l’âge, le lieu de résidence, la langue, et l’origine ethnique et culturelle, peuvent s’ajouter à l’orientation sexuelle et l’identité de genre pour créer des vécus particuliers d’inégalités de santé. Par exemple, des données canadiennes montrent que les répondant(e)s 2S/LGBTQIA+ noir(e)s, autochtones ou de couleur déclarent être les plus inquiètes de parvenir à payer leur loyer ou leur hypothèque pendant la pandémie de la COVID-1912.

La 24e Conférence internationale sur le sida, qui s’est terminée le 2 août 2022 à Montréal, nous a rappelé que d’autres enjeux de santé perdurent durant la pandémie de la COVID-19. Au niveau du VIH, les hommes cisgenres13 et transgenres gais, bisexuels et ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes portent un fardeau plus grand14. Il en va de même pour les femmes trans15 et les personnes qui vendent ou échangent des services sexuels.

Contribuer à une société plus équitable fait partie de la mission de l’INSPQ.

Bel été, bonnes fiertés.

Références

  1. Le néologisme « intersectionnalité » remontrait à 1989 et reviendrait d’après les spécialistes à la juriste noire Kimberlé Crenshaw, qui a fait la démonstration que les femmes noires sont généralement exclues des concepts voulant que la discrimination vise une seule catégorie de personnes à la fois, par exemple, selon la race ou bien le sexe. Voir note 14, CCNDS 2022, ici-bas.
  2. Jackson, S. D., Mohr, J. J., Sarno, E. L., Kindahl, A. M., & Jones, I. L. (2020). Intersectional experiences, stigma-related stress, and psychological health among Black LGBQ individuals. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 88(5), 416‑428. https://doi.org/10.1037/ccp0000489
  3. Morrison, V. (2015). Inégalités de santé et intersectionnalité. Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé. https://www.inspq.qc.ca/publications/2758 
  4. Centre de collaboration nationale sur les déterminants de la santé. (2022). Intersectionnalité : Parlons-en. CCNDS, Université St. Francis Xavier. https://nccdh.ca/images/uploads/comments/NCCDH_Lets_Talk_Intersectionality_FR.pdf 
  5. Statistique Canada. (2020). Vulnérabilités liées à la COVID-19 chez les Canadiens et les Canadiennes LGBTQ2+. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00075-fra.htm 
  6. Trans PULSE Canada COVID Cohort Working Group on behalf of the Trans PULSE Canada Team. (2020). Social and economic impacts of COVID-19 on transgender and non-binary people in Canada. https://transpulsecanada.ca/results/report-social-and-economic-impacts-of-covid-19-on-transgender-and-non-binary-people-in-canada/ 
  7. Tami, A., Ferguson, T., Bauer, G. R., & Scheim, A. I. (2022). Avoidance of primary healthcare among transgender and non-binary people in Canada during the COVID-19 pandemic. Preventive Medicine Reports, 27, 101789. https://doi.org/10.1016/j.pmedr.2022.101789 
  8. Commission de la santé mentale du Canada. (2022). Santé mentale et usage de substances pendant la pandémie de COVID-19 : Pleins feux sur les communautés 2SLGBTQ+. https://commissionsantementale.ca/wp-content/uploads/2022/06/Sondage-Leger-Pleins-feux-sur-les-communautes-2SLGBTQ-au-Canada.pdf 
  9. Jacmin-Park, S., Rossi, M., Dumont, L., Lupien, S. J., & Juster, R.-P. (2022). Mental Health and Social Support of Sexual and Gender Diverse People from Québec, Canada During the COVID-19 Crisis. LGBT Health. https://doi.org/10.1089/lgbt.2021.0255 
  10. « Trans » est un terme parapluie qui inclut toute personne dont le genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, une femme trans est une femme à qui on a assigné le sexe masculin à la naissance. Ce terme peut inclure ou non les personnes non-binaires, selon leur propre auto-identification, c’est-à-dire que certaines personnes non-binaires, queer et dont le genre ne correspond pas aux normes socioculturelles établies en matière de genres s’identifient comme trans.
  11. National Center for Health Statistics. (2020). Long COVID - Household Pulse Survey—COVID-19. https://www.cdc.gov/nchs/covid19/pulse/long-covid.htm 
  12. EGALE, & Innovative Research Group. (2020). Impact of COVID-19: Canada’s LGBTQI2S Community in Focus (p. 34). https://egale.ca/wp-content/uploads/2020/04/Impact-of-COVID-19-Canada%E2%80%99s-LGBTQI2S-Community-in-Focus-2020-04-06.pdf 
  13. Une personne cisgenre est une personne dont le sexe/genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance.
  14. Agence de la santé publique du Canada. (2022). Estimations de l’incidence et de la prévalence du VIH, et des progrès réalisés par le Canada en ce qui concerne les cibles 90-90-90 pour le VIH, 2020. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/maladies-et-affections/estimations-incidence-prevalence-vih-progres-canada-cibles-90-90-90-2020.html 
  15. Poteat, T., Keatley, J., Wilcher, R., & Schwenke, C. (2016). Evidence for action : A call for the global HIV response to address the needs of transgender populations. Journal of the International AIDS Society, 19(3Suppl 2), 21193. https://doi.org/10.7448/IAS.19.3.21193
Sujet(s)
5 août 2022