Étude sur la détresse psychologique des travailleurs de la santé atteints de la Covid-19 au Québec durant la deuxième vague pandémique

Au Québec, entre le 12 juillet 2020 et le 16 janvier 2021, 23 142 travailleurs de la santé ont eu un diagnostic de COVID-19. En date du 22 février 2021, 5 330 de ces travailleurs et 1 515 travailleurs non atteints de la COVID-19 (groupe témoin) ont rempli le questionnaire de l’enquête épidémiologique sur les travailleurs de la santé atteints par la COVID-19. Ce rapport présente les résultats de l’analyse portant sur la détresse psychologique et les risques psychosociaux liés au travail qui y sont associés.

Principaux résultats 

  • Près de la moitié (48,1 %) des 5 330 participants à l’étude atteints de la COVID-19 durant la deuxième vague, rapporte une détresse psychologique élevée ou très élevée pendant le mois précédant l’enquête (50,9 % chez les femmes et 38,2 % chez les hommes). À titre de comparaison, la prévalence de la détresse psychologique élevée et très élevée était de 27,6 % chez les travailleurs du Québec en 2014-2015.
  • Parmi ces travailleurs de la santé atteints de la COVID-19 qui ont une détresse psychologique élevée et très élevée, 80 % associent cette détresse à leur travail. La prévalence de la détresse psychologique liée au travail est donc environ quatre fois plus importante que celle non liée au travail (38,5 % versus 9,6 %). À titre de comparaison, la prévalence de la détresse psychologique élevée ou très élevée liée au travail chez l’ensemble des travailleurs du Québec en 2014-2015 était de 16,9 %. Cette détresse liée au travail est encore plus prévalente chez les travailleurs de la santé non atteints de COVID-19, avec 46,3 %.
  • Plusieurs travailleurs de la santé atteints de la COVID-19 sont exposés à des risques psychosociaux dans le cadre de leur travail :
  • 39 % déclarent un niveau élevé d’exigences psychologiques;
  • 28 % estiment avoir de la difficulté à maintenir un équilibre entre leurs obligations professionnelles et leurs responsabilités personnelles et familiales;
  • 75 % jugent qu’ils n’ont pas toujours les moyens de faire un travail de qualité;
  • 52 % se sentent parfois, souvent ou toujours contraints de travailler d’une façon qui heurte leur conscience professionnelle.
  • À noter que les résultats principaux de cette étude portent sur les travailleurs atteints de la COVID-19. Cependant, les travailleurs non atteints de la maladie sont exposés aux mêmes risques psychosociaux liés au travail avec des proportions similaires.
  • Le niveau d’exigences psychologiques élevées et la difficulté à concilier le travail et la vie personnelle sont associés à un risque de deux à cinq fois plus grand de détresse psychologique liée au travail. Le fait de ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité et celui de devoir faire un travail qui heurte sa conscience professionnelle y sont également fortement associés, le risque étant deux à trois fois plus élevé.
  • La prévalence de détresse psychologique liée au travail est associée de façon directement proportionnelle au nombre de risques psychosociaux auxquels les travailleurs rapportent être exposés simultanément (exigence psychologique élevée, autorité décisionnelle faible ou modérée, faible reconnaissance, faible soutien des collègues et du supérieur). La prévalence de détresse psychologique élevée est environ quatre fois plus importante chez les travailleurs exposés à quatre ou cinq risques psychosociaux comparativement à ceux qui sont exposés à aucun.

Compte tenu des taux préoccupants de détresse psychologique élevée et très élevée, tant chez les travailleurs de la santé atteints ou non de la COVID-19, on constate que la détresse psychologique est liée aux risques psychosociaux dans le milieu de travail et non au fait d’avoir été atteint de la maladie. Des actions de prévention, visant d’abord la réduction de la charge de travail, devraient être priorisées pour l’ensemble des travailleurs de la santé. Cette charge se manifeste à travers les exigences psychologiques du travail (travailler très vite et très fort), les difficultés à concilier le travail et la vie personnelle, le manque de moyens pour faire un travail de qualité et en accord avec sa conscience professionnelle, de même que par le manque de ressources pour assurer la qualité des services auprès des patients et pour protéger la sécurité des travailleurs. De plus, il apparait essentiel de miser sur des pratiques favorisant la reconnaissance et le soutien des collègues et des supérieurs, lesquelles constituent des facteurs de protection au regard de la santé mentale au travail. De telles mesures préventives sont nécessaires et urgentes pour réduire les atteintes à la santé mentale des travailleurs de la santé et les autres dommages collatéraux, encore plus critiques en temps de pandémie, telles que le taux de roulement, l’abandon de la profession et l’absentéisme maladie. Par ailleurs, des actions à court terme pour agir rapidement sur les symptômes de la détresse et éviter les complications du côté de la maladie mentale sont essentielles.