Le zonage municipal : un outil contribuant à créer un environnement bâti favorable aux saines habitudes alimentaires

Au Québec, en 2004, 56 % de la population souffrait d'excès de poids. L'épidémie d'obésité nommée comme telle par l'Organisation mondiale de la Santé a des conséquences importantes sur la santé de la population. Plusieurs maladies chroniques sont en effet associées à l'excès de poids, tels le diabète de type II, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Les recherches en santé publique ont permis d'identifier que certaines caractéristiques du cadre bâti des milieux urbanisés pouvaient affecter, au niveau populationnel, l'activité physique de loisirs et de déplacement et les habitudes alimentaires. Par exemple, plusieurs travaux de recherche ont été menés sur l'impact possible de l'accessibilité à des commerces d'alimentation sur les comportements alimentaires et la santé des individus.

Conséquemment, l'environnement bâti présent dans les différentes municipalités constitue un objet d'étude et d'intervention pertinent dans la compréhension multidimensionnelle de la problématique du poids. Cet environnement bâti est en partie la résultante d'un processus d'organisation du territoire qui est encadré par des mesures législatives sous la responsabilité des autorités locales.

Cette recherche a comme principal objectif d'étudier les règlements de zonage afin d'y déceler des éléments pouvant favoriser l'accessibilité à une offre alimentaire plus saine. Plus spécifiquement, cette recherche vise aussi à présenter les principales composantes du zonage municipal aux professionnels de la santé publique afin de les sensibiliser à cet outil réglementaire et les amener à distinguer certains enjeux reliés au développement d'environnements favorables aux saines habitudes alimentaires.

Méthode

Afin d'étudier le plus adéquatement possible la situation du zonage au Québec, un échantillon aléatoire représentatif de 41 municipalités a été utilisé. Les différents règlements de zonage de chaque municipalité ont fait l'objet d'une analyse portant sur des aspects reliés aux usages commerciaux, et plus particulièrement, ceux reliés aux commerces d'alimentation et de restauration.

Constats

Règlement de zonage

Le zonage consiste à subdiviser le territoire municipal en zones, à attribuer une vocation à chaque zone et à dicter pour chacune d'elles des normes quant aux usages et aux implantations de bâtiments. Le règlement de zonage est l'expression légale d'un instrument d'urbanisme dont le contenu est déterminé par les municipalités. Par le règlement de zonage, une municipalité peut ainsi modeler certains éléments de l'environnement bâti.

Il y a une classification des usages et des groupes d'usage dans tous les règlements de zonage. La classification des usages est habituellement subdivisée en quatre niveaux allant du plus englobant au plus précis : famille ou groupe d'usage, classe d'usage, sous-classe d'usage et ultimement usages particuliers (cette dernière précision servant habituellement à permettre ou prohiber spécifiquement un usage). Ainsi, toutes les zones du territoire municipal possèdent un usage du sol dominant (ex. : commercial), appelé famille d'usage ou groupe d'usage. Ces groupes sont divisés en classes d'usage (ex. : commerces de détail) qui, elles, peuvent être divisées en sous-classes d'usage (ex. : commerces alimentaires de détail). L'usage correspond à la vocation du terrain et à l'utilisation principale de l'immeuble sur ce lot.

Classification des usages

La classification des usages peut varier d'une municipalité à l'autre, car il n'y a pas d'obligation légale relative à sa normalisation. La classification des usages est à la discrétion des municipalités. L'analyse des règlements de zonage indique qu'il y a plusieurs appellations pour les classes d'usage du sol regroupant des activités commerciales reliées à l'alimentation. Les usages de commerces alimentaires de détail ou de restauration sont permis dans de nombreuses classes de commerces et services, avec un degré inégal de spécification. Dans tous ces cas, ce n'est pas la mixité des usages qui représente un problème, car pour des raisons d'accessibilité, de proximité et de potentiel piétonnier, la mixité des fonctions constitue un principe souhaitable. La difficulté réside dans le faible degré de précision de la nomenclature des règlements de zonage, car plusieurs d'entre eux n'ont pas de classes particulières pour les activités de commerces alimentaires de détail et de restauration, ce qui se répercute dans la planification plus fine du territoire.

Sans information claire sur les usages permis ou non, il peut s'avérer difficile d'identifier, dans une municipalité donnée, les zones permettant l'implantation de différents types de commerces alimentaires. Dans une optique de santé publique, il serait avantageux d'autoriser des usages alimentaires de détail dans un plus grand nombre de zones afin de favoriser l'accessibilité à des commerces alimentaires offrant des produits frais et peu transformés.

Contingentement

L'analyse des règlements de zonage montre que certaines municipalités québécoises utilisent des mesures de contingentement afin de limiter le nombre de restaurants. Dans tous les cas, la règlementation ne présente aucune justification sur la mise en œuvre de ces mesures. Les objectifs et les mécanismes de ces mesures n'étant pas précisés dans les documents fournis par les municipalités, il est présentement difficile de juger du potentiel d'application de ce type de mesures dans d'autres municipalités qui souhaiteraient utiliser ce moyen pour améliorer l'environnement alimentaire sur leur territoire.

Zonage : un outil pour améliorer l'environnement alimentaire?

À l'heure actuelle, les règlements de zonage des municipalités québécoises ne sont pas conçus et utilisés comme des outils visant l'amélioration de l'environnement alimentaire québécois. Toutefois, ils contiennent des éléments pouvant être exploités afin de favoriser un environnement alimentaire relié à de saines habitudes de vie. Par exemple, par le règlement de zonage, les municipalités pourraient autoriser plus largement les épiceries et les boutiques alimentaires spécialisées afin d'augmenter l'accessibilité aux produits susceptibles de mieux correspondre à une alimentation équilibrée. Les mesures de contingentement sont un autre levier des règlements de zonage pouvant être exploité afin de rendre l'environnement alimentaire favorable à de saines habitudes de vie. Néanmoins, la prohibition sur l'ensemble du territoire d'une municipalité d'un type de restaurant (ex. : restaurants-minute) dans une zone incluant d'autres types de restaurant peut s'avérer discriminatoire.

Conclusions

Les données colligées indiquent que la classification des usages alimentaires est diversifiée et peu normalisée. Dans ces conditions, un travail de réflexion sur le système de classification devrait être entrepris en amont de l'élaboration des règlements de zonage. L'amélioration de la nomenclature de la classification des usages reliés à l'alimentation pourrait faciliter le travail des autorités municipales et de leurs partenaires dans l'établissement d'une localisation optimale des commerces alimentaires. En d'autres mots, il s'agit soit de favoriser l'accès à des commerces offrant des produits frais et peu transformés ou encore d'éloigner certains autres commerces (ex. : restaurants-minute, dépanneurs) de populations plus vulnérables telles que les enfants d'âge scolaire.

Toutefois, il est important de mentionner que le règlement de zonage n'est pas le seul outil pour créer des environnements favorables aux saines habitudes alimentaires. L'accessibilité à une offre alimentaire de grande qualité nutritionnelle passe par une série de moyens dont le zonage n'est qu'une composante. La mise en marché des produits agricoles, l'éducation, le marketing social représentent des outils complémentaires permettant d'atteindre cet objectif. Par contre, comme un règlement de zonage a force de loi et que son non-respect entraîne une sanction, il oriente de façon notable le développement des usages sur le territoire, il modèle les milieux dans lesquels évolue la population et il peut contribuer à créer des environnements favorables à la santé et aux saines habitudes de vie.

Auteur(-trice)s
ISBN (électronique)
978-2-550-55463-9
ISBN (imprimé)
978-2-550-55462-2
Notice Santécom
Date de publication