Effet de l'utilisation du cellulaire au volant sur la conduite automobile, le risque de collision et pertinence d'une législation

Au Canada et partout ailleurs, le taux de possession d'un cellulaire est à la hausse depuis plusieurs années tout comme son utilisation par les automobilistes. À la suite de cette constatation, certains pays ont interdit l'utilisation du cellulaire en main tandis que d'autres vont même jusqu'à en interdire l'usage en tout temps lors de la conduite. Certaines études démontrent qu'une bonne partie des accidents routiers sont causés par diverses distractions, mais que le cellulaire est la plus importantes parmi toutes. C'est dans cet ordre d'idées que le présent mémoire vise à répondre à certaines interrogations reliées au risque de l'utlisation du cellulaire au volant et à donner des pistes de solutions pour éviter ce problème.

D’après les études consultées, il ne fait aucun doute que l’utilisation du cellulaire au volant constitue une importante source de distraction et augmente de façon significative le risque de collisions. Cinquante-six  des 57 études expérimentales consultées rapportent une diminution dans la performance des conducteurs. De plus, toutes les études épidémiologiques (n = 11) montrent que l’utilisation du cellulaire, quadruple, au minimum, le risque relatif de collisions chez les utilisateurs [les synthèses de McCartt et coll. (2005) et de Goodman et coll. (1999) et les méta-analyses de Caird et coll. (2004) et Horrey et Wickens (2004) arrivent à la même conclusion].

La présente synthèse démontre également que les deux types de cellulaires (en main et main libre), sont associés à une détérioration équivalente de la tâche de conduite d’une part et augmentent similairement le risque de collisions d’autre part. De leur côté, les résultats d’études expérimentales démontrent avec validité que les participants réagissaient moins rapidement aux stimuli lors de la conversation téléphonique. Le temps de freinage augmentait significativement lors de situations d’urgence et la conversation téléphonique entraîne également une réduction du champ périphérique de vision et diminue la capacité des participants à détecter des stimuli internes et externes au véhicule (par exemple, un feux de circulation qui passe au rouge ou piéton qui s’engage sur la voie). Quant à elles, les études épidémiologiques montrent que le risque de collisions est le même indépendamment du type de dispositifs (McEvoy et coll., 2005; Dreyer et coll., 1999). De plus, en raison de sa rigueur méthodologique et de la représentativité de son échantillon, l’étude québécoise de Laberge-Nadeau (2003) montre qu’il y a un lien de cause à effet entre le cellulaire et le risque de collisions au Québec. Ces résultats mettent en exergue le fait que l’utilisation du cellulaire au volant est avant tout une source de distraction cognitive et visuelle.

Plusieurs pays ont promulgué des lois pour diminuer le taux d’utilisation du téléphone chez les conducteurs et réduire le nombre de collisions associées au téléphone cellulaire. Bien qu’à court terme, ces lois semblent réduire l’utilisation du téléphone cellulaire main libre, les évaluations comportent certaines lacunes et conséquemment, il est impossible de se prononcer avec certitude sur leur effet à long terme. Il est à noter qu’une étude réalisée au Japon semble indiquer un effet positif d’une telle loi sur le bilan routier. Outre les lois, des normes peuvent être imposés aux constructeurs afin de restreindre ou de neutraliser l’utilisation de dispositifs télématiques de bord. Il s’agit de mesures passives qui règlent le problème de la distraction à la source.

Recommandations

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) considère que la tâche de conduite est suffisamment complexe et que l’utilisation du cellulaire, que ce soit le dispositif main libre ou en main, constitue une importante source de distraction. Étant donné que l’utilisation du téléphone cellulaire au volant :

  1. N’est pas un dispositif d’aide à la conduite;
  2. Détériore la performance du conducteur, particulièrement en ce qui a trait aux tâches cognitives et visuelles;
  3. Augmente considérablement le risque de collisions, de blessures et de décès, que ce soit pour les appareils en main et main libre;
  4. Et, est considéré comme un problème grave ou très grave de sécurité routière par les 2/3 de la population canadienne,

l’Institut national de santé publique est d’avis que l’interdiction complète de l’utilisation du cellulaire au volant est nécessaire. Bien que la presque totalité des juridictions ont promulgué des lois interdisant uniquement le dispositif en main, ces dernières sont incohérentes avec la littérature et pourraient même avoir un effet pervers sur le bilan routier. Ce n’est pas le maniement du cellulaire en soi qui distrait le conducteur, mais bien la conversation téléphonique. De plus, les lois « main libre » véhiculent le message que l’utilisation du cellulaire est sécuritaire du moment que le conducteur dispose d’un système main libre, ce qui est faux. Les distractions visuelles et cognitives sont toujours présentes et des études ont même démontré que la piètre qualité des dispositifs main libre ajoute à la distraction du conducteur [voir Matthews et coll., (2003) et McEvoy et coll. (2005) pour une discussion sur le sujet]. Cette proposition reflète également l’opinion des automobilistes canadiens qui dans une proportion de 64 % considèrent l’utilisation du téléphone cellulaire au volant comme un problème grave ou très grave de sécurité routière (Beirness et coll., 2002).

Enfin, la réalité étant ce qu'elle est, si le gouvernement optait pour la solution mitoyenne d'uniquement interdire l'utilisation du téléphone cellulaire "en main" - autorisant par le même fait le «main libre» - nous recommandons instamment d'introduire d'emblée une évaluation d'impact de cette mesure - après 2 ou 3 ans d'usage - sachant, 1) l'efficacité réduite de cette mesure (interdiction du cellulaire en main lors de la conduite du véhicule) et 2) le risque non négligeable de légitimer de fait (voir même d'encourager) l'utilisation du "main libre" avec l'impact significatif que cela comporte pour la santé et la sécurité de la population du Québec.

Bien que le cellulaire soit le dispositif télématique le plus utilisé et répandu, les constructeurs équipent de plus en plus leurs véhicules d’autres dispositifs télématiques de base tels que les courriels, l’accès Internet, le DVD et les systèmes de navigation. Les systèmes d’orientation et les autres dispositifs télématiques peuvent également nuire à la conduite (Tijerina et coll., 1998; Transports Canada, 2003).

L’INSPQ recommande que les constructeurs automobiles soient soumis à des normes afin de restreindre ou de neutraliser l’utilisation des dispositifs télématiques lors de la conduite (Transports Canada, 2003). Obliger les conducteurs à s’immobiliser pour utiliser le service de téléphone cellulaire intégré aux systèmes de navigation n’enlève rien à leurs avantages tels que de contacter les services d’urgence ou bien demander un itinéraire. De plus, les dispositifs télématiques d’aide à la conduite devraient être adaptés afin de demander un minimum d’attention de la part d’un conducteur (par exemple, l’information donnée par un système de navigation devrait être accessible en un seul coup d’œil et ne pas demander de calcul complexe au conducteur). Les normes japonaises devraient être étudiées avec attention. De même, une attention particulière devrait être portée aux dispositifs d’infodivertissement. Par exemple, les téléviseurs devraient être situés à l’arrière des véhicules et nécessiter l’utilisation de casques d’écoute afin de ne pas être une source de distraction auditive pour le conducteur. Bref, les dispositifs télématiques devraient servir avant tout à aider à la tâche primaire qui est la conduite et non permettre la réalisation de tâches secondaires qui entrent en compétition avec la conduite d’un véhicule automobile.

Auteur(-trice)s
Diane Sergerie
Institut national de santé publique du Québec et Direction de santé publique de la Montérégie
Type de publication
ISBN (électronique)
2-550-46773-6
ISBN (imprimé)
2-550-46772-8
Notice Santécom
Date de publication