Veille scientifique en santé des Autochtones, mars 2022

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Prévention des maladies infectieuses et chroniques

Les conditions de logement et les troubles respiratoires chez les enfants autochtones vivant dans des communautés isolées du nord-ouest de l’Ontario (Canada)

Kovesi, T., Mallach, G., Schreiber, Y., McKay, M., Lawlor, G., Barrowman, N., Tsampalieros, A., Kulka, R., Root, A., Kelly, L., Kirlew, M., & Miller, J. D. (2022). Housing conditions and respiratory morbidity in Indigenous children in remote communities in Northwestern Ontario, CanadaCanadian Medical Association Journal194(3), E80-E88. 
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Contexte

Au Canada, les jeunes enfants des Premières Nations (PN) présentent des taux élevés d’infections des voies respiratoires inférieures (IRI), y compris la bronchiolite et la pneumonie. Pour les nourrissons de moins d’un an vivant dans la région de l’Autorité sanitaire des PN de Sioux Lookout dans le nord-ouest de l’Ontario, ce taux s’élève à 44 admissions à l’hôpital pour 1 000, alors qu’il se situe à 25 pour 1 000 dans la population générale. Partout dans le monde, des effets néfastes sur la santé respiratoire ont été associés à une mauvaise qualité de l’air intérieur (QAI). Les auteurs rappellent que la crise du logement s’inscrit dans un contexte historique de colonisation et d’assimilation, qui ont mené à des iniquités et un sous-financement qui explique les problématiques de logement.

Objectif

Quantifier la qualité de l’air intérieur (QAI) dans des communautés isolées des PN et évaluer toute association avec les troubles respiratoires chez les enfants.

Méthodologie

L’étude quantitative s’appuie sur des questionnaires administrés par un coordonnateur de recherche, ainsi que l’examen des dossiers médicaux de 98 enfants des Premières Nations, âgés de 3 ans ou moins, vivant dans quatre communautés de la région de Sioux Lookout dans le Nord de l’Ontario.

Pour quantifier la qualité de l’air intérieur (QAI), des données ont également été collectées dans les logements. La présence de moisissures a été quantifiée et des données ont été recueillies sur la qualité de l’air pendant cinq jours dans chaque maison. De plus, la quantité de contaminants (endotoxines) présents dans la poussière déposée sur les planchers a été mesurée.

Avec des analyses univariées et multivariées, les chercheurs ont analysé les associations entre les variables décrivant les logements et les conditions respiratoires des enfants.

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

Les constats confirment les conclusions d’études précédentes indiquant que les logements situés dans des communautés des Premières Nations nécessitent des réparations majeures. Les résultats décrivent les mauvaises conditions de logement observées pendant l’étude :

  • L’absence de système de ventilation en état de marche.
  • Un niveau élevé de moisissure (espace moyen de 0,2 m2) et un niveau élevé de contaminants présents dans la poussière (endotoxine).
  • L’exposition à la fumée secondaire de tabac dans 94 % des logements.
  • Le surpeuplement des logements (occupation moyenne de 6,6 personnes).

Les résultats décrivent les problèmes respiratoires et la force des associations analysées :

  • 21 % des enfants, dont l’âge moyen était de 1,6 an au moment de l’étude, ont été admis à l’hôpital pour une infection respiratoire.
  • Une modélisation multivariée montre qu’il existe une association entre les infections des voies respiratoires inférieures (IRI), l’endotoxine logarithmique (p = 0,07) et l’âge (p = 0,02). Il existe aussi une association entre les infections des voies respiratoires supérieures, la présence de moisissure (p = 0,07) et l’âge (p = 0,03). La présence d’une respiration sifflante en cas de rhume est associée à l’endotoxine logarithmique (p = 0,03) et à l’âge (p = 0,04).

En s’appuyant sur ces résultats, les chercheurs émettent l’hypothèse que l’asthme pourrait être sous diagnostiqué dans les communautés des Premières Nations. En effet, la présence d’une respiration sifflante est présente chez plus d’un tiers des enfants (39 %), mais seuls 4/98 de ceux-ci (4 %) ont reçu un diagnostic d’asthme.

Limites

Plusieurs limites sont mentionnées par les auteurs. D’abord, ils soulignent que le devis transversal de l’étude ne permet pas de démontrer que la mauvaise qualité de l’air intérieur cause les problèmes respiratoires, mais qu’il est plus probable d’observer ces problèmes dans les logements où la qualité de l’air est mauvaise. Comme l’étude a évalué plusieurs expositions et résultats, le risque d’erreurs de type I (rejeter une hypothèse par erreur dans un test statistique) peut être accru. Finalement, les auteurs soulignent que la méthode de quantification des moisissures a une précision limitée, car celles-ci pourraient se trouver à l’extérieur des espaces habités, comme les vides sanitaires

Effet d’une intervention de visite à domicile visant à réduire l’obésité infantile chez des enfants des Premières Nations aux États-Unis : un essai clinique randomisé

Rosenstock, S., Ingalls, A., Foy Cuddy, R., Neault, N., Littlepage, S., Cohoe, L., Nelson, L., Shephard-Yazzie, K., Yazzie, S., Alikhani, A., Reid, R., Kenney, A., & Barlow, A. (2021). Effect of a Home-Visiting Intervention to Reduce Early Childhood Obesity Among Native American Children: A Randomized Clinical Trial. JAMA Pediatrics, 175(2), 133-142.
En libre accès ici : PDF

Contexte

L’obésité infantile touche de manière disproportionnée les communautés autochtones. Les données récentes indiquent que 21 % des enfants des Premières Nations âgés de 2 à 5 ans souffrent d’obésité comparativement à 14 % chez les enfants non autochtones américains. Une intervention de visite à domicile abordant les pratiques alimentaires chez le nourrisson et la famille est une stratégie prometteuse dans cette population.

Objectif

Évaluer les effets d’une intervention de visite à domicile (Family Spirit Nurture (FSN)), sur la consommation de boissons sucrées, l’adaptation des parents quant aux pratiques alimentaires du nourrisson, ainsi que sur l’indice de masse corporel (IMC) du nourrisson, jusqu’à 12 mois après la naissance.

Méthodologie et données

Cet essai clinique randomisé 1:1 comptait 134 mères Navajo de 13 ans ou plus, et leurs nourrissons, de moins de 14 semaines, recrutées dans la communauté de la Nation navajo, Shiprock, aux États-Unis. Le groupe intervention de 68 dyades mères-nourrissons était exposé à six sessions de la FSN alors que le groupe témoin était exposé à trois sessions d’éducation sur la prévention des blessures. L’intervention se déroulait à domicile entre le troisième et le sixième mois post-partum et les effets de l’intervention étaient évalués à 4, 6, 7, 8, 9 et 12 mois. Des analyses multivariées ont été réalisées sur Stata, 14version pour répondre à l’objectif.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les nourrissons des mères exposées à la FSN consommaient significativement moins de boissons sucrées que le groupe témoin, et ce jusqu’à 12 mois post-partum. L’adaptation des parents quant aux pratiques alimentaires du nourrisson s’est significativement améliorée jusqu’à neuf mois post-partum. Les enfants des mères exposées à la FSN étaient initiés plus tôt aux aliments solides et présentaient un IMC plus bas à six et neuf mois, comparativement au groupe témoin.

Limites

Les auteurs rapportent quelques limites méthodologiques. D’abord, l’étude a été menée dans une seule communauté, ce qui limite la généralisation des résultats. Ensuite, les participants ont été suivis jusqu’à 12 mois, ce qui limite l’observation de la durabilité des effets de l’intervention. De plus, une mesure sur l’adaptation des jeunes enfants aux aliments solides aurait été plus appropriée chez les nourrissons de 12 mois, comparativement à la mesure sur l’adaptation du nourrisson aux aliments solides, considérant que les nourrissons de 12 mois sont plus autonomes dans leur alimentation. Finalement, l’intervention aurait pu débuter dès les premières semaines de grossesse et se poursuivre après l’accouchement afin de promouvoir les bonnes pratiques alimentaires chez les nourrissons dès leur naissance.


Promotion du mieux-être et de la santé mentale

Adaptation et implantation du Programme Collaboratif pour le Logement de Proximité dans le Nord (HOP-C) pour les jeunes autochtones

Toombs, E., Mushquash, C. J., Lund, J., Pitura, V. A., Toneguzzi, K., Leon, S., Bobinski, T., Vitopoulos, N., Frederick, T., & Kidd, S. (2021). Adaption and implementation of the Housing Outreach Program Collaborative (HOP-C) North for Indigenous youth. American Journal of Orthopsychiatry, 91(1), 96–108. DOI : 10.1037/ort0000520.
Pas disponible en libre accès.

Contexte

Le nombre de jeunes autochtones vivant dans des logements précaires ou vivant en situation d’itinérance dans le Nord-Ouest de l’Ontario est élevé. Les trajectoires menant à l’itinérance pour les jeunes autochtones diffèrent de celles des non autochtones, les interventions ciblant l’itinérance doivent alors être adaptés pour répondre à leurs besoins.

Le Programme collaboratif pour le logement de proximité dans le Nord a été adapté culturellement en collaboration avec les organisations autochtones locales. Il s’appuie sur un programme d’intervention en prévention tertiaire offrant un logement et un soutien en santé mentale pour les jeunes vivant en situation de transition pour sortir de l’itinérance à Toronto. Toutefois, peu de données existent sur sa pertinence dans le contexte autochtone au Nord-Ouest de l’Ontario.

Objectifs 

Cette évaluation de programme comporte deux objectifs :

  1. Décrire la participation des jeunes autochtones étant en transition de l’adolescence à l’âge adulte inscrits dans le programme pour sortir de l’itinérance.
  2. Évaluer la pertinence de cette adaptation du programme torontois dans la région de Thunder Bay, dans le nord de l’Ontario.

Méthodologie

Les auteurs ont employé une méthodologie mixte. Pour décrire la participation des jeunes dans le programme, des mesures quantitatives (questionnaire) et qualitatives (entrevues) en pré (n = 15) et post (n = 8) ont été employées. Les éléments mesurés sont la santé et le bien être des jeunes, la stabilité du logement et le soutien social. Pour évaluer la pertinence de l’adaptation du programme, des entrevues individuelles ont été conduites auprès d’employés (gestionnaires, mentors, gestionnaires de cas et thérapeute) ayant pris part à l’implantation du programme à Thunder Bay (n = 8). Finalement, un groupe de discussion a été mené avec six autres employés de première ligne travaillant auprès des jeunes.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Pour les jeunes, ce programme a permis d’améliorer leur :

  • état de santé mentale par l’efficacité des services reçus.
  • sentiment d’indépendance et d’autonomie.
  • confiance dans les employés.
  • capacité d’atteindre des objectifs à plus long terme (par exemple, voyager, faire des études, obtenir une hypothèque).

De leur côté, les employés ont perçu une amélioration de l’hygiène personnelle des jeunes et de la propreté des logements. Les employés rapportaient aussi que le fait de côtoyer d’autres jeunes dans le cadre du programme a aidé certains à surmonter leur anxiété sociale et améliorer leur ouverture aux autres. Toutefois, ils n’ont pas vu une amélioration chez l’ensemble des jeunes du programme.

Le programme comporte plusieurs caractéristiques favorables à son succès :

  • L’accessibilité. Plusieurs stratégies ont été mises en place comme l’offre de services directement sur le lieu de résidence des jeunes.
  • La participation volontaire et la flexibilité du programme.
  • La participation active des jeunes aux services a permis la construction graduelle de relations de confiance entre les individus et avec l’organisation.
  • La pertinence de la programmation culturelle.

Cette étude suggère que ce programme adapté culturellement et au contexte du Nord de l’Ontario peut aider les jeunes autochtones qui vivent en situation d’itinérance ou de précarité de logement.

Limites

Plusieurs limites ont été soulevées par les auteurs :

  • La petite taille de l’échantillon, ce qui mène à une faible puissance statistique.
  • Les biais de participation pour les entrevues post-test.
  • Les participants recrutés étaient suivis dans une organisation de services en santé mentale ce qui peut affecter la représentativité de l’échantillon et la validité externe.
  • La nature de l’offre de services multiples permet difficilement d’identifier la composante spécifique qui amène un changement chez le participant.
  • L’abandon du programme est fréquent pour les personnes en situation d’itinérance qui doivent composer avec plusieurs exigences pour sortir de l’itinérance

Ngarratja Kulpaana : parler ensemble des impacts de la violence latérale sur le bien-être social et émotionnel et l’identité des Autochtones

Whyman, T., Murrup-Stewart, C., Carter, A., Young, U. M., & Jobson, L. (2022). Ngarratja Kulpaana: Talking together about the impacts of lateral violence on aboriginal social and emotional well-being and identityCultural Diversity and Ethnic Minority Psychology, 28(2): 290–298. DOI : 10.1037/cdp0000518.
Pas disponible en libre accès.

Contexte

La violence latérale se produit lorsqu’en réponse aux expériences d’oppression, les membres d’un groupe opprimé dirigent leur colère contre leur propre groupe. Ce phénomène est courant dans les populations autochtones où les pratiques colonialistes, comme le retrait forcé d’enfants de leur famille, ont comme effet de propager des croyances et valeurs péjoratives au sujet des Autochtones. Les personnes autochtones peuvent intérioriser ces croyances et valeurs négatives, les conduisant à commettre de la violence latérale. Bien que la violence latérale puisse inclure des actes de violence physique, elle se présente généralement sous forme d’intimidation, de commérages, de querelles familiales et d’isolement social. La forme la plus courante consiste à attaquer l’identité autochtone des autres, en utilisant des stéréotypes colonialistes de ce qui constitue une « véritable » personne autochtone. Cependant, il existe peu d’études explorant les impacts de la violence latérale sur le bien-être des Autochtones d’Australie.

Objectifs

Cette étude vise à examiner les impacts de la violence latérale sur le bien-être social et émotionnel et l’identité des Autochtones d’Australie. Deux questions de recherche guident l’étude :

  • Quels impacts la violence latérale a-t-elle sur le bien-être social et émotionnel des Autochtones?
  • Comment la violence latérale affecte-t-elle l’identité autochtone?

Méthodologie et données

Cet article présente des données collectées lors de cercles de partage, auprès de 17 Autochtones d’Australie âgés de 18 à 65 ans (9 hommes; 8 femmes). Le terme « détenteurs de savoirs » est utilisé par les auteurs pour désigner les participants. Les cercles de partage (yarning) sont une forme de conversation traditionnelle des peuples autochtones d’Australie, décrite comme une discussion informelle, à travers laquelle des informations et des histoires sont partagées dans le respect et l’écoute. Le recrutement, qui s’est déroulé surtout parmi le personnel et les étudiants d’une université, s’est terminé lorsque la saturation des données a été atteinte. Les cercles de partage ont été analysés à l’aide de résumés des contenus et d’analyses thématiques.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les résultats mettent de l’avant trois thèmes concernant les impacts de la violence latérale sur le bien-être et l’identité des Autochtones d’Australie.

  1. Impacts de la violence latérale sur le bien-être social et émotionnel : La violence latérale peut endommager et rompre les relations familiales. Au niveau communautaire, la violence latérale entraverait la participation aux activités et événements sociaux et culturels. Les difficultés à participer aux évènements culturels ou en lien avec le territoire traditionnel étaient également soulevées comme des impacts répandus de la violence latérale.
  2. Violence latérale et identité : La violence latérale est principalement décrite comme des attaques contre l’identité autochtone d’un membre de la communauté par un autre membre. Par exemple, l’apparence physique d’une personne qui ne correspondrait pas totalement au phénotype typique autochtone pourrait être l’objet de violence latérale. Cela peut mener les personnes ciblées par ces attaques à remettre en question leur propre identité autochtone et à se désengager complètement de leur patrimoine culturel.
  3. Connexion entre l’identité et le bien-être social et émotionnel : L’impact de la violence latérale sur l’identité est décrit comme étant directement lié au bien-être social et émotionnel. Des difficultés de santé mentale (p. ex. : dépression et anxiété) pourraient apparaître à la suite d’attaques contre l’identité autochtone. En raison de certaines pratiques coloniales, certains Autochtones d’Australie connaissent moins leur culture et territoire traditionnel et peuvent, pour cette raison devenir la cible de violence latérale.

Dans un contexte où les Autochtones d’Australie subissent déjà les conséquences négatives de l’oppression, la violence latérale ajouterait aux obstacles de leur bien-être. Il est recommandé de développer des stratégies et interventions visant à prévenir et à réduire la violence latérale et ses impacts sur la santé des Autochtones d’Australie.

Limites

Les auteurs soulèvent que la collecte de données a été réalisée dans une seule ville auprès d’un petit échantillon de participants pouvant limiter la généralisation des résultats. La plupart des détenteurs de savoirs avaient fait des études supérieures, ce qui peut avoir influencé la façon dont la violence latérale était discutée et articulée. Enfin, l’étude ne s’est pas penchée sur leurs expériences personnelles de violence latérale, ni sur les perspectives en matière de lutte contre la violence latérale


Inégalités et déterminants sociaux de la santé

Le capital social d’attachement et la santé au sein de quatre communautés des Premières nations au Canada : une étude transversale

Yeung, S., Rosenberg, M., Banach, D., Mayotte, L., Anand, S. S., La Ronge Indian Band, L., McKay First Nation, F., & Castleden, H. (2021). Bonding social capital and health within four First Nations communities in Canada: A cross-sectional study. SSM - Population Health, 16, Article 100962.
En libre accès ici : PDF.

Contexte

Le concept de capital social est de plus en plus utilisé dans la recherche en santé, car il agit comme un déterminant de la santé. Les recherches démontrent une association positive entre le capital social et la santé physique, mentale et émotionnelle ainsi que l’adoption de comportements favorables à la santé. Cela dit, un seul modèle a été créé sur le capital social et la santé pour comprendre les spécificités du capital social autochtone. Le modèle décline trois échelles du capital social : l’attachement (relations au sein de la communauté), la passerelle (relations avec d’autres communautés) et la connexion (relations au sein d’institutions formelles). Une composante de ces trois échelles est l’ethos communautaire, qui se décrit comme les habitudes d’un individu dans sa communauté. Afin d’avancer les connaissances sur le capital social autochtone et mieux comprendre comment il interagit avec la santé, il semble pertinent de tester le modèle auprès de communautés autochtones.

Objectifs

Dans une approche basée sur les forces, l’étude vise à, 1) décrire de manière quantitative l’ethos du capital social d’attachement chez les Premières Nations au Canada, et 2) examiner les associations entre le capital social d’attachement et la santé subjective.

Méthodologie et données

Quatre communautés des Premières Nations se sont portées volontaires pour participer, soit un total de 591 participants. Des données transversales ont été obtenues à partir de l’étude de l’Alliance canadienne pour la santé des cœurs et des esprits (CAHHM) qui s’est déroulée de 2013 à 2018. De l’étude CAHHM, les facteurs contextuels, la santé et le mode de vie et les services de santé, ont été analysés. Le capital social était mesuré par : la participation civique (p. ex. participation à un groupe social ou religieux), l’engagement politique (fréquence du vote au niveau local, provincial et fédéral) et les contacts sociaux (fréquence de contacts avec des amis). Le sentiment de sécurité, de confiance et de réciprocité, ainsi que l’action collective, représentant l’ethos de la communauté, ont aussi été documentés.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les résultats des analyses bivariées démontrent que les participants des quatre communautés ont rapporté des niveaux élevés de capital social. Les participants ont notamment rapporté une fréquente socialisation avec le cercle d’amis et avec la famille élargie, ainsi qu’un sentiment de réciprocité envers leur communauté. Des différences significatives sont néanmoins observées entre les communautés, par exemple sur les valeurs, les attitudes, la confiance et les normes, ainsi que sur l’engagement politique au niveau local, provincial et fédéral et sur la participation civique.

Les résultats des analyses multivariées indiquent que l’éducation et le genre sont associés à la santé subjective. La santé subjective est aussi associée à la participation civique et à l’engagement politique au niveau provincial et fédéral. Des différences significatives entre les quatre communautés en matière de santé subjective sont observées. De plus, la communauté de résidence s’est révélée être un important indicateur de la santé subjective dans toutes les analyses.

Limites

La petite taille de l’échantillon ne permet pas de généraliser aux autres communautés autochtones. Les instruments de mesure utilisés qui n’étaient pas spécifiquement conçus pour mesurer le capital social ni spécifique au capital social autochtone, ont empêché d’explorer en profondeur les subtilités spécifiques du capital social autochtone et de contribuer à faire avancer les connaissances sur le sujet. Les variations observées entre les quatre communautés soulignent l’importance de contacter individuellement les communautés afin d’explorer leur caractère unique et de générer des données significatives.


Sécurité alimentaire et alimentation traditionnelle

Élaboration d’une liste d’épicerie optimale basée sur les apports nutritionnels réels obtenus d’une enquête transversale auprès d’adultes des Premières Nations en Ontario, Canada

Batal, M., Kenny, T. A., Johnson-Down, L., Ing, A., Fediuk, K., Sadik, T., Chan, H. M., et Willows, N. (2021). Development of an optimal grocery list based on actual intake from a cross-sectional study of First Nations adults in Ontario, Canada. Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism. Sous-presse. DOI: 10.1139/apnm-2020-0950.
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Contexte

Dans les communautés autochtones au Canada, près de la moitié des ménages vivent de l’insécurité alimentaire et de nombreux Autochtones font face à des problèmes de santé liés à l’alimentation. Par exemple, chez les Premières Nations, la prévalence du diabète de type 2 est de trois à cinq fois plus élevée que pour la population générale. L’isolement géographique des communautés autochtones augmente le coût des aliments et en diminue la variété et la qualité. De plus, la dégradation de l’environnement et les politiques coloniales ont perturbé l’accès à l’alimentation traditionnelle, dont l’apport nutritionnel était généralement adéquat. Pour réduire le fardeau des maladies chroniques, des recommandations pratiques et culturellement adaptées pour améliorer l’alimentation contemporaine des Autochtones sont souhaitables.

Objectif

Développer un panier de provisions nutritif et une liste d’épicerie hebdomadaire respectant des contraintes de nutriments proposées par l’Institute of Medicine (IOM) et de coûts à partir d’aliments du marché fréquemment consommés par un échantillon de membres des Premières Nations.

Méthodologie et données

À l’automne 2011 et 2012, des questionnaires de rappel alimentaire sur 24 heures ont été réalisés lors de l’Étude sur l’Alimentation, la Nutrition et l’Environnement chez les Premières Nations. Dans 18 communautés autochtones en Ontario, les 1387 participants ont rapporté 1705 denrées alimentaires, dont des aliments traditionnels. Regroupés en fonction de leur profil nutritionnel, les aliments ont été catégorisés en 570 groupes d’aliments. Les quantités moyennes des 100 groupes d’aliments les plus souvent rapportés lors des rappels représentent les habitudes alimentaires des participants à l’étude. Les coûts ont été calculés à l’aide de l’outil du Panier de provisions nutritif 2008 de Santé Canada, ajusté au coût de la vie de 2020 et à l’éloignement géographique, ainsi que directement auprès des détaillants.

Un outil de modélisation mathématique (la programmation linéaire) a été utilisé pour déterminer un modèle alimentaire optimal. Ce modèle est une combinaison d’aliments qui remplit des contraintes de nutriments et de coûts. La liste d’épicerie qui découle de ce modèle est conçue pour une famille de quatre personnes (deux adultes et deux enfants).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

D’abord, les habitudes alimentaires observées chez les participants ne satisfont pas entièrement à l’apport nutritionnel recommandé.

Trois modèles alimentaires ont été créés avec la programmation linéaire. Le modèle « tous les aliments » est celui jugé optimal par les auteurs, car il inclut les 100 groupes d’aliments du marché et les aliments traditionnels les plus consommés dans les communautés échantillonnées, ce qui le rend plus facile à adopter comparativement au Panier de provisions nutritif proposé par Santé Canada.

Les trois modèles respectent les contraintes nutritionnelles pour les hommes, mais pas celles des femmes, pour l’apport en fibres alimentaires, acide linoléique, phosphore et potassium. Cela dit, l’apport de ces nutriments dans le modèle « tous les aliments » est supérieur à celui des habitudes alimentaires observées chez les participantes.

Les chercheurs réitèrent que les habitudes alimentaires contemporaines des Premières nations divergent des habitudes alimentaires traditionnelles plus saines. Ainsi, un régime culturellement approprié contiendrait plus d’aliments traditionnels et moins d’aliments du marché.

Enfin, quoique la liste d’épicerie proposée par les chercheurs sous-estime le coût hebdomadaire réel, car le coût des aliments traditionnels n’a pas été inclus (p. ex. le coût du matériel de chasse et de pêche), cette liste est représentative des habitudes alimentaires des Premières nations en Ontario. Ainsi, dans une perspective de santé publique, cette liste d’épicerie est une alternative culturellement adaptée au Panier de provisions nutritif.

Limites

Les auteurs n’ont pas considéré de contraintes liées à la possible contamination de certains aliments traditionnels. La saisonnalité a pu avoir un effet sur les aliments traditionnels rapportés dans la collecte des données en été/automne. Finalement, la consommation d’alcool n’a pas été calculée, ce qui peut avoir une incidence sur les calculs de l’apport énergétique et de coûts.


L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.