Veille scientifique en santé des Autochtones, janvier 2022

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Résumés d’articles

Inégalités et déterminants sociaux de la santé

Cheminer à travers les ressources de la communauté : comprendre et soutenir les familles du Nunavik

Fraser, S. L., Parent, V., Weetaltuk, C., et Hunter, J. (2021). Families navigating community resources: understanding and supporting Nunavimmiut families. International Journal of Circumpolar Health, 80(1), Article 1935594.
En libre accès ici : PDF

Contexte

Les ressources de la communauté incluent autant les services structurés, comme les services de santé ou les services de garde, que les services informels, comme le soutien offert par un proche. Les familles du Nunavik cheminent à travers ces ressources en évaluant leurs retombées. Elles choisissent une ressource plutôt qu’une autre en fonction de différentes variables : leur compréhension de la situation ainsi que le contexte social et historique. Ainsi, la compréhension de l’hétérogénéité des choix, des expériences et des besoins des familles peut aider à une meilleure adaptation des services.

Objectifs

Explorer les interactions multidirectionnelles entre les dynamiques familiales des parents inuits (déterminants sociaux de la santé au niveau proximal) et la communauté et les ressources locales disponibles (déterminants de niveau communautaire).

Méthodologie et données

L’étude qualitative est une analyse de données secondaires d’une recherche portant sur la mobilisation communautaire, en partenariat avec des leaders de la communauté, pour le bien-être des familles. Les entrevues, réalisées en 2015 auprès de 14 parents, majoritairement des femmes d’une communauté du Nunavik, sont accompagnées d’une séance de remue-méninges avec les partenaires inuits de la communauté.
Le cadre conceptuel est basé sur le modèle des déterminants sociaux. Les déterminants sociaux au niveau communautaire influencent les frontières présentes entre les familles et la communauté, mais aussi l’utilisation des services formels et informels par les familles.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Il existe une perméabilité des frontières entre la famille et la communauté et entre la famille et l’utilisation des ressources. Cette perméabilité varie dans le temps et est influencée par deux éléments : la réalité vécue par les familles et les déterminants sociaux de la santé.

  • Pour soutenir leur bien-être et celui de leur communauté, différentes stratégies sont adoptées par les familles. Par exemple, si les besoins et les attentes de la communauté sont élevés au point de devenir envahissants, des familles se retirent des réseaux communautaires pour se protéger et diminuer leur exposition à des facteurs stressants.
  • Les familles qui ont vécu un traumatisme tentent de faire face aux expériences passées en plus de protéger leurs liens interpersonnels. Pour certaines familles, cette période de guérison implique de devoir prendre des décisions émotionnellement complexes entre protéger la famille ou être présents pour la communauté (la grande famille). En effet, pour se guérir et maintenir une harmonie dans leurs relations, certaines familles ont dû limiter leurs contacts avec certains membres de la communauté, malgré les répercussions sur les relations de parenté.
  • La complexité des choix des familles et les calculs des répercussions de leur utilisation ou non des ressources locales mettent en relief que les déterminants sociaux de la santé influencent leur exposition aux facteurs stressants et la manière dont elles choisissent d’y faire face. Ainsi, la définition de la famille et des relations de parenté au sein des communautés évolue dans le temps.

Limites

La chercheuse souligne qu’elle est non autochtone, elle a sa propre culture, sa vision du monde et de l’organisation de l’information. Aussi, les auteurs soulèvent une limite de généralisation : le projet inclut une seule communauté et un petit nombre de participantes (un seul homme). Enfin, les participants étaient rencontrés une fois pendant une heure, un lien de confiance avec la chercheuse, peu connue des participantes, était difficile à développer.


Comprendre les traumatismes historiques pour des soins holistiques des populations autochtones : une étude de la portée

Joo-Castro, L. et Emerson, A. (2021). Understanding historical trauma for the holistic care of indigenous populations: A scoping review. Journal of Holistic Nursing, 39(3), 285–305.
Non disponible en libre accès.

Contexte

Les traumatismes historiques réfèrent aux atteintes et aux privations collectives du passé qui affectent les populations dans le présent par la transmission intergénérationnelle, c’est-à-dire d’un parent à son enfant. Les indicateurs de santé des populations autochtones dans le monde sont défavorables en comparaison avec ceux des populations non autochtones. De plus, les liens entre la santé et les traumatismes historiques sont encore mal compris, du moins, pour les populations autochtones. Les recherches avancent que les traumatismes historiques affectent la santé en influençant les perceptions qu’ont les autochtones de la maladie et de la guérison et, par conséquent, leurs comportements en matière de santé. L’étude des traumatismes historiques est un domaine complexe et en pleine expansion, avec des ancrages thématiques, géographiques et méthodologiques diversifiés.

Objectifs

Cette étude de la portée vise à connaitre l’étendue de la littérature sur les traumatismes historiques et son lien avec la santé des Autochtones. Mieux comprendre les traumatismes historiques et leurs effets pourra faciliter le développement de soins holistiques et culturellement sécuritaires pour les populations autochtones.

Méthodologie et données

La méthode d’étude de la portée d’Arksey et O’Malley’s modifiée par Levac a été employée. Trois bases de données ont été consultées et 75 articles publiés entre 1996 et 2020 ont été retenus. L’analyse, centrée sur les Autochtones d’Amérique du Nord, a permis de résumer les tendances en matière d’objectifs de recherche, de méthodes de recherche et de thématiques de la recherche sur les traumatismes historiques.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • En matière d’objectifs de recherche, les objectifs les plus communs sont : 1) évaluer la conscience des pertes historiques (identitaires, territoriales, familiales, etc.) et les symptômes ressentis par les descendants de survivants de traumatismes historiques; 2) comprendre les symptômes psychologiques qui conduisent à des comportements de santé à risque tels que la consommation d’alcool, la toxicomanie et le suicide.
  • Concernant les méthodes de recherche, la majorité des études utilisent un devis quantitatif, 27 étaient observationnelles et 13 expérimentales.
  • Pour ce qui est des thématiques, cinq ont été dégagées :
    • Les défis pour définir et mesurer la transmission intergénérationnelle des traumatismes historiques, selon des voies épigénétiques (variations dans l’expression des gènes dues à l’environnement) ou sociales (p. ex. les pratiques parentales);
    • La distinction entre les traumatismes historiques et contemporains et leur intersection (p. ex. les répercussions de la conscience des traumatismes historiques sur l’expérience contemporaine);
    • Les conséquences du racisme, de la discrimination et des microagressions sur la santé;
    • Les facteurs de protection et de risque, et la résilience liés à l’enculturation (transmission de la culture à un individu par la société, le groupe), l’acculturation (modification de certains éléments de sa culture au contact d’une autre culture en restant fidèle à chacune) et l’assimilation (délaisser les éléments de sa culture d’origine pour devenir plus semblable à une culture plus dominante);
    • Les interventions et les programmes pour aborder les traumatismes historiques.

Les lacunes dans la littérature soulevées par les auteurs peuvent orienter les recherches futures. La compréhension des mécanismes de transmission, la distinction entre le présent et le passé dans l’historique de traumatisme, les liens avec les maladies physiques sont des avenues futures. Aussi, les théories sur l’épigénétique et la transmission pourraient être testées, comme l’ont fait certaines recherches sur les descendants de l’Holocauste.

Limites

Une limite nommée par les auteurs est que la recherche, la sélection et l’analyse initiale des sources ont été réalisées par une seule auteure. Cependant, l’analyse et les conclusions ont été réalisées par deux auteurs. L’inclusion d’effets sur la santé physique des traumatismes historiques sur la santé implique que d’autres types d’influence (économique, émotionnelle, spirituelle, etc.) ont pu être omis de l’analyse. De plus, l’accent sur les populations autochtones implique que les populations afrodescendantes ayant subi des traumatismes historiques n’ont pas été incluses.


Barrières et facilitateurs à la pratique d’activité physique chez les Autochtones plus âgés — Une revue systématique narrative

Gidgup, M. J. R., Kickett, M., Weselman, T., Hill, K., Coombes, J., Ivers, R., Bowser, N., Palacios, V., et Hill, A. M. (2021). Barriers and enablers to older Indigenous people engaging in physical activity — A qualitative systematic review. Journal of Aging and Physical Activity, 1‑13.
Non disponible en libre accès.

Contexte

En Australie, la pratique d’activité physique des Autochtones et des peuples insulaires du détroit de Torres décroit avec l’âge et, selon ces derniers, plusieurs programmes d’activité physique occidentaux sont déconnectés de leur culture et de leur système de soutien social. La sédentarité est liée à un risque élevé de maladies chroniques et à une espérance de vie réduite. Les comportements sédentaires des Autochtones et des peuples insulaires du détroit de Torres sont une des répercussions de la colonisation. Le passage d’un mode de vie nomade à sédentaire en est un exemple; des Nations ont été forcées de quitter leurs territoires et ont été confinées à un seul endroit. La sédentarisation forcée a aussi entraîné des conséquences néfastes sur la santé des Autochtones d’autres pays, comme le Canada. Alors, étudier les éléments qui influencent la pratique d’activité physique chez les Autochtones plus âgés peut orienter l’élaboration de programmes susceptibles d’être efficaces et culturellement pertinents.

Objectifs

Réaliser une synthèse des connaissances sur les barrières et les facilitateurs à la pratique d’activité physique chez les Autochtones de plus de 40 ans en Australie et internationalement.

Méthodologie et données

Les auteurs ont suivi les lignes directrices PRISMA. Ils ont repéré 4 246 publications dans quatre bases de données. Après le dédoublonnage et la sélection à partir de critères précis, 23 articles ont été retenus. Suivant une recherche dans la littérature grise australienne, un rapport a aussi été retenu. Les auteurs ont évalué la qualité des articles avec un outil d’évaluation conçu par et pour les Autochtones et les peuples insulaires du détroit de Torres en Australie. L’analyse de données prend la forme d’une analyse thématique descriptive.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Le leadership communautaire apparaît comme un élément clé dans la réussite des programmes. Concernant la structure, les programmes conçus selon les visions du monde autochtones et qui répondent aux besoins des populations autochtones locales ressortent comme un facilitateur. Par exemple, les programmes où un moment d’échange de groupe sous forme de cercle de partage est prévu ou ceux qui incluent des activités traditionnelles ressortent des analyses des auteurs. De plus, le soutien familial et communautaire est un facteur important dans les études. Des membres de la famille peuvent être présents pour se soutenir et s’encourager pendant l’activité physique ou un pair-aidant peut les guider. Également, les relations avec les responsables du déploiement du programme influencent l’adhésion à celui-ci. Aussi, le coût élevé ainsi que le manque de transport vers les activités sont considérés comme des barrières. Enfin, la motivation des participants agit comme un facilitateur pour ceux qui désirent grandement améliorer leur condition physique, mais comme une barrière à surmonter pour ceux qui ont honte de leur condition physique.

Trois thèmes englobent les résultats présentés précédemment :

  • La sécurité culturelle est un élément clé, notamment l’élaboration de programmes d’activité physique menés par les communautés autochtones et qui intègrent des valeurs importantes à celles-ci. Par exemple, les programmes inspirés des besoins en infrastructures de la communauté et de la manière dont elle souhaite y être accueillie sont à favoriser.
  • La méfiance entraînée par l’histoire coloniale agit comme une influence défavorable à la perception, par les Autochtones, des conseils ou des recommandations quant à l’activité physique. L’adoption d’une approche décoloniale entre autres en concevant des programmes qui mettent au premier plan les points de vue et les savoirs autochtones est à favoriser. Effectivement, les auteurs soulignent que de nombreux Autochtones ne perçoivent pas l’activité physique comme une activité individuelle. Toute la famille doit être impliquée, en opposition avec le changement comportemental individuel parfois visé par les programmes d’activité physique.
  • Les programmes efficaces considèrent les déterminants sociaux de la santé, y compris le coût et le transport. Cependant, s’ils ne sont pas pris en compte, ils sont des facteurs de démotivation et de désengagement. Les responsabilités parentales, le sentiment d’isolement ainsi que le manque d’infrastructures et de soutien à l’extérieur de leur communauté rendent les changements comportementaux plus ardus.

Limites

Les auteurs soulignent que d’évaluer la qualité de tous les articles, peu importe leur origine, avec un outil conçu dans un contexte australien, est une limite. Les auteurs mentionnent toutefois que certains items de l’outil restent pertinents puisque les épistémologies, les valeurs et les principes autochtones y sont mis au premier plan. Ils qualifient les études retenues de variable notamment puisque ce n’est pas l’ensemble des études qui impliquaient des Autochtones dans la recherche.


Conséquences sur la santé du retrait d’enfants chez des travailleuses du sexe autochtones et non autochtones : examen des trajectoires, des mécanismes et des résiliences

Kenny, K. S., Krüsi, A., Barrington, C., Ranville, F., Green, S. L., Bingham, B., Abrahams, R., et Shannon, K. (2021). Health consequences of child removal among Indigenous and non‐Indigenous sex workers: Examining trajectories, mechanisms and resiliencieSociology of Health & Illness, 1903–1920.
Non disponible en libre accès.

Contexte

Les mères qui sont travailleuses du sexe tendent à cumuler de nombreux facteurs de stigmatisation (p. ex. la pauvreté, la consommation de substances), ce qui les expose à davantage de probabilité que les services de protection de l’enfance interviennent dans leur famille. Il est fréquent de retrouver chez les travailleuses du sexe une transmission intergénérationnelle du retrait d’enfants, surtout chez celles qui sont autochtones. Les femmes autochtones sont d’ailleurs surreprésentées dans le travail du sexe au Canada. Il existe un lien entre le retrait d’enfants et plusieurs préjudices pour la santé des mères. Bien qu’un vaste corpus de recherche ait examiné l’impact du retrait de leur foyer sur la santé des enfants, peu d’attention a été accordée aux répercussions de ces expériences sur la santé des mères.

Objectif

Cette étude vise à accroître la compréhension des répercussions du retrait d’enfants par les services de protection de l’enfance sur les mères travailleuses du sexe en explorant les conséquences sur leur santé. L’étude vise également à explorer les mécanismes sous-jacents au lien entre le retrait d’enfants et la santé des mères travailleuses du sexe.

Méthodologie

Cet article présente des données collectées par une étude de cohorte prospective portant sur un échantillon de travailleuses du sexe à Vancouver (Canada). Des entrevues semi-structurées ont été réalisées auprès de 31 femmes âgées de 27 à 56 ans qui ont subi le retrait d’un enfant par les services de protection de l’enfance. Parmi elles, 19 (61 %) s’identifiaient comme Autochtones (Premières Nations ou Métis). Toutes les participantes ont indiqué vivre dans des conditions de pauvreté sévère. Le guide d’entrevue a été développé par des chercheurs autochtones et allochtones, et à l’aide des rétroactions de collaborateurs issus de la communauté des travailleuses du sexe. L’analyse thématique découle d’une approche qualitative.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les résultats ont permis de dégager quatre trajectoires selon lesquelles le retrait d’enfants influence la santé des mères travailleuses du sexe :

  • Détresse psychologique sévère : toutes les participantes allochtones et autochtones ont exprimé avoir ressenti une détresse psychologique aiguë après avoir été séparées de leurs enfants (c.-à-d., dépression, tristesse, colère, idéations et tentatives suicidaires). Plusieurs rapportent avoir consommé drogues et alcool pour faire face à cette détresse. La consommation de drogues a été décrite comme ayant causé des problèmes de santé comme la perte de poids, l’insomnie, et les risques accrus de surdose. Plusieurs participantes autochtones mentionnent que des souvenirs traumatiques de leur propre expérience d’avoir été retirés à leur famille étant enfant auraient refait surface.
  • Pauvreté : une aggravation de la pauvreté a été mentionnée par plusieurs participantes et touchait plus fréquemment les femmes autochtones. Les participantes allochtones et autochtones rapportaient que le retrait de leurs enfants pouvait engendrer une perte d’accès à leurs logements subventionnés, les projetant ainsi vers l’itinérance et une dépendance accrue envers les revenus provenant du travail du sexe. Cette intersection entre la pauvreté, l’itinérance et l’augmentation de l’implication dans le travail du sexe exacerbe les conséquences néfastes sur la santé des participantes et est liée à un plus grand risque de subir de la violence.
  • Isolement social : les récits des femmes allochtones et autochtones décrivent un plus grand isolement social après la perte de leurs enfants. Pour certaines, et plus couramment pour les participantes autochtones, la perte des enfants a provoqué la rupture de liens sociaux. Il pouvait s’agir d’isolement auto-imposé motivé par les sentiments de honte et de culpabilité, mais aussi d’isolement résultant de relations conjugales violentes s’étant dégradées suite au retrait des enfants. Aucune participante n’a mentionné avoir reçu du soutien par les prestataires de services sociaux et de santé. L’isolement et le manque de soutien nuiraient à la santé des femmes en diminuant leurs capacités d’adaptation et leur accès aux ressources.
  • Prendre soin de soi et de sa famille : les participantes allochtones et autochtones ont mentionné certaines stratégies pour prendre soin d’elles-mêmes et maintenir ou recréer les liens avec leurs enfants. Par exemple, en devenant des grands-mères très impliquées auprès de leurs petits-enfants. L’accès en personne aux enfants est considéré comme essentiel et a été décrit comme une motivation importante dans les intentions des femmes à cheminer vers de meilleures conditions de vie. Les pratiques spirituelles et culturelles étaient aussi une composante essentielle de la guérison pour les participantes autochtones.

Limites

Les auteurs ne mentionnent pas les limites de leur étude dans cet article.


Sécurisation culturelle

L’exercice des couvertures KAIROS : s’engager dans les modes de savoirs autochtones pour favoriser la conscience critique dans la formation médicale

Herzog, L. S., Wright, S. R., Pennington, J. J., et Richardson, L. (2021). The KAIROS Blanket Exercise: Engaging Indigenous ways of knowing to foster critical consciousness in medical education. Medical Teacher, 43(12), 1437–1443.
Non disponible en libre accès.

Contexte

L’éducation à la conscience critique des futurs médecins s’inscrit dans la sécurisation culturelle des soins et la réduction des disparités de santé entre les autochtones et les allochtones. La formation médicale enseigne l’existence des déterminants sociaux de la santé, sans nécessairement remettre en question leur origine, perpétuant ainsi l’idée que les iniquités sont inévitables. La théorie de la conscience critique suggère une prise de conscience réfléchie des différentes positions de pouvoirs entre nous et les autres pour mieux comprendre l’ancrage social des iniquités de santé et stimuler l’engagement dans l’action sociale pour les réduire. L’application du concept de conscience critique à la formation médicale est, à ce jour, peu décrit dans la littérature.

Objectifs

Évaluer l’exercice des couvertures KAIROS qui vise à favoriser la conscience critique chez les étudiants en médecine, en vérifiant si l’exercice a changé leurs perspectives, leurs valeurs et leurs postulats de départ.

Méthodologie et données

Deux-cent-treize étudiants de deuxième année de médecine à l’Université de Toronto ont participé à une activité immersive suivie d’une période d’échange sous forme de cercle de parole. Cette méthodologie autochtone favorise le dialogue et le partage dans un environnement sécuritaire et non hiérarchique. Les activités se sont déroulées en six séances, guidées par un expert de l’organisme KAIROS, sur une période de deux jours. Quatre-vingt-un pour cent des étudiants (174) ont accepté d’effectuer une évaluation écrite comprenant des questions fermées et ouvertes. Le contenu de l’évaluation intègre des savoirs autochtones en privilégiant une étroite collaboration entre les membres autochtones et allochtones de l’équipe de recherche et d’un aîné cri de la région. Par une approche déductive, les concepts de sécurité culturelle et de conscience critique étaient visés par l’évaluation. Les données quantitatives ont été évaluées avec l’échelle de Likert 5-points. L’analyse qualitative a été réalisée à l’aide de NVivo 12.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Créer de l’espace pour le dialogue : les participants ont été encouragés à partager leurs sentiments et leur expérience de l’exercice et à s’ouvrir aux expériences et points de vue des autres. Les auteurs insistent sur la distinction entre le dialogue et la discussion. La discussion s’inscrit dans un modèle éducatif où l’information est transmise du professeur à l’apprenant, un récepteur passif. Elle valorise l’autorité du contenu, est motivée par l’atteinte d’objectifs pratiques et la recherche de solutions. Le dialogue est ancré dans le partage de sentiments et d’expériences vécues par chaque participant, l’autorité du contenu est donc partagée. Sans toutefois générer de solution, les participants développent leur compréhension et leur ouverture à de nouvelles perspectives avec humilité.

Mettre en lumière le contexte sociopolitique et historique des peuples autochtones : les participants ont affirmé avoir une meilleure compréhension de l’histoire et des répercussions de la colonisation sur les peuples autochtones affinant leur compréhension des problèmes d’aujourd’hui.

S’engager dans une réflexion critique : une majorité a répondu favorablement à l’énoncé affirmant que l’exercice a modifié la façon dont ils perçoivent les gens qui viennent de milieux différents du leur. Ils se sentent mieux outillés pour reconnaitre leurs propres biais et privilèges, et les retombées de cette reconnaissance sur la prestation de soins plus équitables. Pour les étudiants, se questionner sur leur rôle dans la relation de soins et dans le cheminement vers l’équité peut propulser vers l’action sociale.

Travailler vers l’action sociale : une majorité d’étudiants a répondu favorablement à l’énoncé sur l’amélioration de leur sentiment de compétence à créer un environnement de soins sécuritaire pour les patients autochtones.

Les auteurs appuient les pédagogies critiques dans les programmes de formation en sécurité culturelle, les étudiants ont la possibilité de remettre en question le statu quo et de s’engager dans des changements sociaux pour une plus grande équité en santé. Ils proposent aussi de réorienter l’apprentissage « basé sur les problèmes » dans l’éducation médicale vers un apprentissage où les apprenants examinent de manière critique les conditions responsables de ces mêmes problèmes.

Limites

Les auteurs expriment certaines tensions quant à l’utilisation de cadres théoriques et de méthodologies non autochtones pour comprendre des enjeux de santé autochtones. Cela dit, ils ont priorisé les savoirs autochtones dans le contenu des évaluations et ont appliqué le principe central de la pratique sage (wise practice) en demeurant sensibles au contexte local. En outre, l’étude se base sur une activité isolée dans une seule institution limitant la généralisabilité des résultats. Enfin, les résultats reposent sur une évaluation brève d’attitudes autorapportées par les participants, la possibilité de tirer des conclusions causales est ainsi restreinte.


Méthodes de recherche culturellement adaptées

« La couture fait partie de notre tradition » : une étude de cas sur la couture comme stratégie d’étude basée sur les arts dans la recherche auprès de femmes Inuites

Brubacher, L. J., Dewey, C. E., Tatty, N., Healey Akearok, G. K., Cunsolo, A., Humphries, S., et Harper, S. L. (2021). “Sewing Is Part of Our Tradition”: A Case Study of Sewing as a Strategy for Arts-Based Inquiry in Health Research With Inuit Women. Qualitative Health Research, 31(14), 2602­–2616.
En libre accès ici : PDF

Contexte

La couture, qui est ancrée dans la tradition inuite, pourrait être une stratégie de recherche basée sur l’art, pertinente à utiliser dans le cadre de collectes des données. Ce type de stratégie est de plus en plus reconnue et recommandée dans les populations qui, telles que les Inuits, présentent des traditions artistiques. Ce type de stratégie facilite le dialogue et enrichit les données collectées.

Objectif

Basée sur une approche participative, l’étude vise à analyser et à évaluer la valeur et le potentiel méthodologique de la couture comme stratégie de collecte de données, et à transmettre les leçons apprises aux chercheurs désirant utiliser cette stratégie.

Méthodologie et données

L’exploration de la couture, comme stratégie d’étude basée sur l’art, s’insère dans un projet sur les expériences d’accouchement des femmes Inuites d’Iqaluit au Nunavut. Cinq groupes de discussion ont été réalisés en anglais et en Inuktitut sous forme de séances de couture de moins de trois heures avec des femmes enceintes (N = 19). Des questions ouvertes sur la couture, leur grossesse et leur famille étaient d’abord posées pour favoriser un climat de confiance. Des questions sur leurs expériences d’accouchement, sur leur point de vue quant aux séances de couture et sur la méthode de collectes de données étaient ensuite posées. Une analyse thématique, comparant les notes d’observations et les verbatims provenant des enregistrements audios, a ensuite été réalisée en se basant sur trois concepts issus de la littérature : les relations et l’entourage, la voix et les récits traditionnels, ainsi que le savoir basé sur la pratique.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

La couture a favorisé une flexibilité dans le dialogue dans les groupes de discussion en opposition à un guide d’entrevue structuré. Elle a permis aux participantes de créer un espace confortable pour s’exprimer, raconter des récits, partager et établir des relations. Elle a été décrite comme spécifique aux territoires inuits et aux Inuits mêmes, et comme une expérience d’application du savoir et de la tradition inuite. Les participantes étaient réceptives aux récits des autres, s’offraient du soutien quant à leur vécu de grossesses et s’échangeaient simultanément des trucs de couture.

Deux grandes leçons ont été apprises par les chercheurs. La première renvoie à l’importance du partenariat entre chercheurs inuits et non inuits et de la place qui doit être laissée aux chercheurs Inuits afin qu’ils guident les discussions, reformulent, raffinent et adaptent culturellement les questions du guide d’entrevue. La deuxième leçon réfère au rééquilibre dans les relations de pouvoir entre Inuits et non Inuits, notamment en laissant choisir la langue parlée par les participantes durant les groupes de discussion et en adoptant une position « d’apprenant » en tant que chercheur non inuit.

Limites

Les auteurs ne discutent pas des limites de leur étude.


L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.