Revue systématique des essais cliniques randomisés évaluant l'efficacité du dépistage du cancer colorectal

Le dépistage du cancer colorectal par recherche de sang occulte dans les selles

Deux essais cliniques majeurs
Deux études cliniques randomisées évaluant l'efficacité populationnelle d'un éventuel programme se démarquent par leur qualité méthodologique élevée et par le choix d'algorithmes cliniques potentiellement généralisables au système de soins. Ces essais ont été réalisés au Royaume-Uni et au Danemark. Ils sont basés sur la recherche de sang occulte dans les selles (RSOS) non réhydratées, effectuée tous les deux ans, chez les personnes de 50 à 74 ans. Entre 60 et 67 % des personnes invitées ont complété au moins un cycle de dépistage.

Deux autres études (Minnesota-États-Unis et Suède) ont utilisé un test de RSOS réhydraté, moins spécifique, qui entraîne la réalisation de coloscopies chez un nombre de personnes de cinq à sept fois plus élevé. Dans l'étude du Minnesota, les participants ne sont pas directement issus de la population générale. Dans l'étude suédoise, les sujets n'ont été invités qu'à deux cycles de RSOS et le protocole d'investigation diagnostique est complexe. Pour ces raisons principalement, la pertinence des résultats obtenus dans ces deux études est moindre que celle des deux études précédentes. Ainsi, même si les bénéfices du dépistage atteints dans l'étude du Minnesota sont impressionnants, ces résultats ne peuvent être utilisés pour éclairer la décision d'implanter actuellement un programme populationnel de dépistage du cancer colorectal qui se baserait sur les procédures cliniques utilisées.

15 à 18 % de réduction de la mortalité par cancer colorectal sur environ 10 ans, mais l'effet est probablement moins important à plus long terme
Après trois à six cycles de RSOS bisannuelle effectués sur une période de 8 à 10 ans, la mortalité par cancer colorectal a été réduite de 15 à 18 %. Au-delà de cette période, l'étude du Royaume-Uni montre une légère érosion de l'effet avec une réduction de la mortalité spécifique qui n'atteint plus que 13 % lors d'une évaluation cinq ans après le dernier test de RSOS. L'étude danoise montre une détérioration marquée du bénéfice après 13 et 17 ans de RSOS bisannuelle. Les réductions de la mortalité spécifique, qui ne sont plus significatives, passent respectivement à 14 et 11 %. Les résultats publiés ne permettent pas d'évaluer les bénéfices en termes d'années de vie sauvées.

L'impossibilité de s'assurer que le dépistage et le traitement n'entraînent pas une surmortalité par autres causes
Les données disponibles actuellement ne permettent pas de s'assurer que l'effet du dépistage sur la mortalité par cancer colorectal n'est pas amoindri, voire annulé ou renversé, par une augmentation de la mortalité par autres causes que le cancer colorectal.

Aucune réduction de l'incidence du cancer colorectal
Le dépistage par RSOS bisannuelle ne modifie pas l'incidence du cancer colorectal. Le dépistage n'engendre donc pas de surdiagnostic ni de surtraitement en comparaison avec la pratique courante. Les polypectomies réalisées lors des coloscopies d'investigation diagnostique ne diminuent pas l'incidence ultérieure du cancer colorectal.

Un effet modeste sur le devancement du stade au diagnostic
Le dépistage par RSOS bisannuelle permet de diagnostiquer les cancers à un stade plus précoce chez un faible pourcentage des patients atteints. Dans le groupe de dépistage, les cancers de stade À (échelle Duke) passent de 11 à 20-22 % des cas. Les cancers de stade D demeurent peu ou pas diminués et représentent toujours 20-22 % des cas.

Des risques sérieux associés aux procédures cliniques de dépistage
Les complications sérieuses à la coloscopie (saignements et perforations) sont fréquentes, mais néanmoins comparables avec les données rapportées dans le cadre régulier des soins de santé ailleurs dans le monde. Les essais ne mentionnent pas les complications cardiorespiratoires, neurologiques ou infectieuses, moins fréquentes, mais possiblement tout aussi sérieuses. Aucun essai clinique n'a rapporté de décès associés à la coloscopie.

Le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie

Trois essais cliniques de qualité intermédiaire
Le Royaume-Uni, l'Italie et les États-Unis ont entrepris des essais cliniques de qualité intermédiaire sur l'effet du dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie unique chez les personnes de 55-64 ans (Royaume-Uni, Italie) ou par sigmoïdoscopie répétée après 2- 3 ans chez les personnes de 55-75 ans (États-Unis). De 10 à 39 % selon l'étude, les pourcentages de participation de la population cible initialement contactée sont faibles, ce qui laisse présager une faible acceptabilité de cette option de dépistage.

Aucun résultat disponible sur la réduction de la mortalité par cancer colorectal
Les premiers résultats sur l'effet du dépistage par sigmoïdoscopie devaient être publiés en 2005. La fin de ces études est prévue entre 2010 et 2014. La présélection des sujets sur la base du volontariat limitera toutefois la généralisation des résultats à un contexte de dépistage populationnel.

Une distribution des stades des cancers diagnostiqués nettement favorable
Les pourcentages de cancers de stade précoce (A sur l'échelle Duke) varient entre 54 et 62 % tandis que les cancers de stade D sont inférieurs à 4 %. Cette distribution des stades au diagnostic est un résultat intermédiaire encourageant, mais insuffisant pour conclure à l'efficacité de la sigmoïdoscopie pour diminuer la mortalité par cancer colorectal.

Un taux de complications préoccupant à la sigmoïdoscopie et à la coloscopie
Les taux de complications cumulés des deux techniques endoscopiques atteignent des niveaux plus élevés que dans les essais cliniques sur la RSOS et comptent même un total de 5,7 décès par 10 000 examens dans l'étude britannique. Exprimée par 10 000 examens, la sigmoïdoscopie a provoqué jusqu'à 22 saignements sérieux, de 0,25 à 1 perforation et 1,5 décès. Toujours exprimée par 10 000 examens, la coloscopie d'investigation diagnostique, suite à une sigmoïdoscopie positive, a provoqué de 13 à 67 saignements sérieux, de 13 à 17 perforations et jusqu'à 4 décès.

Autres options de dépistage
À notre connaissance, il n'existe aucune étude randomisée en cours pour évaluer l'efficacité du dépistage par coloscopie ou par lavement baryté double contraste pour réduire la mortalité par cancer colorectal.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-51393-3
ISBN (imprimé)
978-2-550-54888-1
Notice Santécom
Date de publication