Rapport québécois sur la violence et la santé
Rapport québécois
sur la VIOLENCE
et la santé
Bien que le Québec soit généralement considéré comme un territoire sécuritaire, le portrait de la violence y est préoccupant, et ce, à tous les stades de la vie. En effet, les différentes données disponibles, notamment celles des directions de la protection de la jeunesse, du ministère de la Sécurité publique, du Bureau du coroner du Québec ou celles provenant d’enquêtes populationnelles menées à l’échelle du territoire, nous rappellent que le Québec connaît son lot de cas d’enfants maltraités, de femmes victimes de violence conjugale ou de personnes agressées sexuellement, pour ne citer que ceux-là. Ces problèmes de violence sont préoccupants en raison de leur fréquence et des souffrances humaines qu’ils provoquent tout au long de la vie des victimes (blessures physiques, problèmes de santé mentale et de santé reproductive, handicaps, décès prématurés), de même qu’en raison des répercussions qu’ils peuvent avoir sur les familles et sur les communautés.
Il a d’ailleurs été démontré que la violence fait peser un lourd fardeau sur l’économie globale [1]. Pour l’année 2004, le coût économique de la violence était évalué à l’échelle canadienne à 871 millions de dollars pour la violence interpersonnelle, et à 2 442 millions de dollars pour le suicide et les blessures auto-infligées [2]. Il est par ailleurs clairement établi que les victimes de violence en bas âge ont des problèmes de santé plus nombreux qui entraînent des dépenses de santé nettement plus élevées [1,3].
Depuis plusieurs décennies, le Québec multiplie les initiatives ayant pour but de contrer les différentes manifestations de la violence, ce qui démontre son engagement dans le domaine. Ainsi, des lois, des politiques et des plans d’action visant à prévenir le phénomène ou à venir en aide aux victimes et aux agresseurs ont été adoptés. Mentionnons notamment : en 1977, la Loi sur la protection de la jeunesse [4]; en 1988, la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels [5]; en 1995, la Politique d’intervention en matière de violence conjugale [6] de même que les plans d’action qui ont suivi; en 2001, les Orientations gouvernementales en matière d’agression sexuelle [7] et la Politique ministérielle en prévention de la criminalité [8]; en 2006, la politique gouvernementale pour l’égalité entre les hommes et les femmes [9]; en 2010, le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées [10]; et en 2015, le Plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation 2015-2018 [11].
Ces initiatives gouvernementales sont venues encadrer l’action intersectorielle pour contrer les différentes manifestations de violence, et ont permis de soutenir la création d’un certain nombre de réseaux d’intervention, notamment dans le domaine de la violence conjugale, des agressions sexuelles, de la prévention du suicide ou de la maltraitance envers les aînés.
Des initiatives ont été déployées dans différents milieux, comme dans les écoles, pour contrer le risque d’agressions sexuelles chez les enfants, pour prévenir la violence ou l’intimidation, ou pour prévenir la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes. Des programmes ont été mis en place également dans les milieux sportifs pour promouvoir l’adoption d’attitudes et de comportements non violents chez les adeptes d’un sport, de même que dans les milieux de travail afin de lutter contre l’intimidation et le harcèlement. Le réseau de la santé et des services sociaux a, quant à lui, mis sur pied des programmes pour soutenir les familles et favoriser des relations harmonieuses et non violentes entre les parents et les enfants, pour favoriser les compétences personnelles et sociales des jeunes, et pour faciliter la détection précoce des situations de violence conjugale ou de maltraitance envers des personnes aînées. Des projets pour soutenir les groupes œuvrant dans ce domaine au niveau local ou régional et pour favoriser la concertation entre ces derniers sont également implantés.
Parallèlement, des groupes de recherche ont été mis sur pied pour développer les connaissances dans le domaine. Mentionnons, entre autres, les groupes impliqués dans le domaine de la maltraitance envers les enfants, de la violence faite aux femmes et de la violence conjugale, des agressions sexuelles, de la maltraitance envers les personnes aînées et du suicide.
Par ailleurs, l’implication de la santé publique dans le domaine de la violence s’est développée progressivement au cours des dernières décennies, et la violence est reconnue depuis 2003 comme un enjeu dans le Programme national de santé publique (PNSP). Cette implication s’est faite en conformité avec les orientations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui déclarait, en 1996, que la violence était un problème de santé publique prioritaire dans le monde [11]. C’est ainsi que le réseau de la santé publique du Québec est de plus en plus impliqué dans l’élaboration et la mise en place d’initiatives pour prévenir la violence. Cette implication se fait notamment par des collaborations avec une variété d’acteurs du réseau de soins, de la justice, de la sécurité publique, du réseau communautaire ou de la recherche.
Prises individuellement, ces initiatives sont porteuses et nécessaires. Mais c’est par leur intégration dans un continuum d’actions agissant à différents stades du parcours de vie et dans différents milieux de vie que l’impact sera le plus grand.
C’est dans cette perspective que s’inscrit la production du présent rapport. Il a pour but de regrouper un contenu scientifique de qualité portant sur différentes formes de violence vécues au Québec. Il cherche en outre à faire ressortir les liens entre les diverses manifestations de la violence et les différentes approches à privilégier pour les prévenir.
Plus précisément, ce rapport a pour objectifs de :
- Caractériser l’ampleur de la violence au Québec, ses manifestations et les conséquences immédiates et à long terme de cette violence sur la santé;
- Décrire les facteurs de risque associés aux différents types de violence;
- Illustrer les liens entre les différents types de violence au Québec, à différents stades de la vie et dans différents milieux;
- Présenter les stratégies de prévention reconnues efficaces et adaptées à la réalité du Québec;
- Documenter les initiatives de prévention de la violence menées au Québec;
- Favoriser un transfert des connaissances sur les stratégies de prévention de la violence auprès des différents publics cibles.
Cet ouvrage de référence s’adresse aux décideurs des ministères, des organismes et des établissements qui doivent régulièrement établir des orientations stratégiques dans leur champ d’action respectif (santé, éducation, sécurité publique, loisirs et sports, etc.). Il s’adresse également aux intervenants œuvrant dans différents réseaux et qui cherchent à développer des actions préventives basées sur les données probantes et les bonnes pratiques. Il s’adresse enfin aux acteurs du milieu universitaire et scientifique (étudiants et chercheurs) dans l’acquisition et le transfert de nouvelles connaissances.
Afin d’atteindre les objectifs décrits précédemment, onze chapitres sont présentés. Le premier décrit les différents concepts et cadres d’analyse utilisés tout au long de ce rapport. Viennent ensuite cinq chapitres couvrant divers types de violence vécus à différents stades de la vie. Il y sera question de maltraitance envers les enfants, d’agressions sexuelles, de violence dans les relations amoureuses des jeunes, de violence conjugale et de maltraitance envers les personnes aînées. Quatre chapitres s’intéresseront ensuite à la violence rencontrée dans différents contextes ou milieux de vie, soit les écoles, le contexte sportif, le travail et la violence en milieu autochtone. Le dernier chapitre s’intéresse à la violence auto-infligée, plus particulièrement au suicide et aux comportements suicidaires. Ces sujets sont abordés non pas dans une perspective individuelle, mais dans une perspective populationnelle. Ainsi, chacun de ces chapitres présente les éléments importants à considérer dans la définition du problème, son ampleur au Québec, ses principaux facteurs de risque et de protection, ses conséquences à court et à long terme sur la santé, et sur les expériences de violence vécues plus tard dans la vie. Les moyens efficaces ou prometteurs pour prévenir le problème, de même qu’une description sommaire des principales initiatives québécoises en la matière y sont également présentés. Enfin, une conclusion présente une analyse transversale du contenu des chapitres et fait ressortir les convergences entre les différents types de violence au regard des facteurs causaux et des moyens de prévention. Quelques orientations à privilégier pour le Québec y seront également mises en relief.
Ce rapport a mis à contribution une variété d’experts provenant du monde de la recherche et des réseaux institutionnels. Il constitue une occasion d’enrichir les liens et les collaborations entre ces derniers, et de se donner une vision globale et partagée du phénomène de la violence au Québec. En conformité avec les positions adoptées par les différents organismes internationaux, tels que l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation des Nations Unies, il constitue également un moyen pour qu’on attribue à ce dossier la place prioritaire qui lui revient au sein des institutions québécoises.
Références
- Organisation mondiale de la santé. Rapport de situation 2014 sur la prévention de la violence dans le monde. Genève, Suisse : Organisation mondiale de la santé, 2014.
- SAUVE-QUI-PENSE. Le fardeau économique des blessures au Canada. Toronto : SAUVE-QUI-PENSE, 2009.
- Krug E. G. et al. Rapport mondial sur la violence et la santé. [En ligne]. Genève : Organisation mondiale de la santé, 2002. Disponible sur : < http://www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/fr/… >
- Gouvernement du Québec. Loi sur la protection de la jeunesse. 2016.
- Gouvernement du Québec. Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels. 1988.
- Gouvernement du Québec. Politique d’intervention en matière de violence conjugale. Prévenir, dépister, contrer. Québec : Gouvernement du Québec, 1995.
- Gouvernement du Québec. Orientations gouvernementales en matière d’agression sexuelle. Québec : Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2001.
- Politique ministérielle en prévention de la criminalité. Pour des milieux de vie plus sécuritaires. Québec : Service de prévention de la criminalité, ministère de la Sécurité publique, 2001.
- Secrétariat à la condition féminine. Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait. Politique gouvernementale. Québec : Secrétariat à la condition féminine, 2006.
- Gouvernement du Québec. Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015. 2010.
- Gouvernement du Québec. Ensemble pour contrer l’intimidation. Une responsabilité partagée. Plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation 2015-2018. 2015.