Cyanobactéries et cyanotoxines dans l'eau potable et l'eau récréative
Définition et description
Taxonomie, morphologie et écologie1
Les cyanobactéries sont des bactéries photosynthétiques qui possèdent de la chlorophylle. Elles sont couramment appelées « algues bleues » ou « algues bleu-vert », bien que taxonomiquement ce ne soient pas des algues2. Les cyanobactéries doivent aussi avoir accès aux mêmes substances nutritives que les végétaux, soit le phosphore et l’azote. Plusieurs espèces de cyanobactéries sont par ailleurs capables de fixer l’azote atmosphérique, ce qui leur confère un avantage compétitif. Bien qu’unicellulaires, certaines espèces se regroupent en colonies ou en courts filaments. De plus, lorsque les cyanobactéries prolifèrent, elles peuvent former des « fleurs d’eau », aussi appelées « floraison » (« bloom » en langue anglaise), parfois spectaculaires. Elles sont observées à la surface de l’eau, principalement dans les lacs et les réservoirs artificiels; on les observe aussi dans les zones à faible courant des rivières. Par ailleurs, des fleurs d’eau de certaines espèces de cyanobactéries peuvent ne pas être visibles puisqu’elles se situent à une plus grande profondeur, principalement dans les lacs stratifiés thermiquement.
Les cyanobactéries se retrouvent naturellement dans les écosystèmes aquatiques; leur présence n’est donc pas exceptionnelle. C’est leur prolifération excessive qui l’est, une conséquence de l’eutrophisation des lacs et des rivières. Différents facteurs favorisent la prolifération de certaines espèces plutôt que d’autres, notamment la température de l’eau, la stratification thermique de la colonne d’eau, le surplus d’azote et, surtout, le phosphore ainsi que le rapport N/P (Dolman et al., 2012; Rolland et al., 2013). Le ministère de l’environnement (MDDELCC)3 considère qu’un milieu aquatique est affecté par une fleur d’eau de cyanobactéries lorsque leur abondance est d’au moins 20 000 cellules par millilitre.
Les cyanobactéries à potentiel toxique et les cyanotoxines4
Des cyanotoxines sont produites par plusieurs espèces de cyanobactéries et elles ont fait l’objet de nombreuses recherches depuis les années 1990. Le rôle physiologique exact des cyanotoxines n’est pas totalement élucidé, mais il est acquis que leur biosynthèse est une réponse à diverses conditions environnementales nécessitant une adaptation. Ainsi, certaines cyanotoxines, comme les microcystines, sont biosynthétisées consécutivement à des conditions de stress environnemental (Pimentel et Giani, 2014) ou dans le contexte de l’adaptation à une forte luminosité (Meissner et al., 2014). Les cyanotoxines qui retiennent l’attention à l’égard de la santé humaine peuvent être classifiées selon leur appartenance à une famille chimique ou en fonction des effets toxicologiques qu’elles induisent. Un sommaire est présenté au tableau 1.
Par ailleurs, les cyanobactéries contiennent dans leur paroi cellulaire des lipopolysaccharides (LPS) qui sont qualifiés d’endotoxines pouvant avoir un potentiel irritatif ou allergène. Ces LPS sont similaires à ceux présents dans la paroi cellulaire des bactéries à Gram négatif. Ces composés sont présumés avoir des effets irritatifs potentiels (irritation de la peau et des muqueuses) ou pourraient irriter le système gastro-intestinal si ingérés (Cheung et al., 2013); le lien de cause à effet reste toutefois à prouver (Funari et Testai, 2008; Stewart et al., 2006). Certains attribuent cependant les effets irritatifs à des bactéries aquatiques possiblement associées aux cyanobactéries plutôt qu’aux cyanobactéries elles-mêmes (Berg et al., 2011). Actuellement, il ne peut pas être présumé que l’action « irritative » des cyanobactéries est un fait démontré.
Tableau 1 - Principales cyanotoxines et leurs effets sur la santé
Groupes toxiques |
Toxines |
Effets connus |
Principales cyanobactéries productrices |
Hépatotoxines |
Microcystines (près de 100 variantes connues); les plus souvent détectées lors d’analyse individuelle servent de base de référence pour établir des normes et des seuils sanitaires. |
Diarrhée, vomissements (intoxication aiguë à la suite de l’ingestion de fortes concentrations). Toxiques pour le foie; pourraient avoir un effet cancérogène conséquemment à une exposition chronique. |
Microcystis, Planktothrix, Aphanizomenon, Anabaena, Gloetrichia |
Nodularines (8 variantes connues). |
Diarrhée, vomissements, hémorragies hépatiques. |
Nodularia |
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Cylindrospermopsine (au moins 3 variantes). |
Gastro-entérite, insuffisance rénale, hépatotoxicité. |
Principalement Cylindrospermopsis |
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Neurotoxines |
Anatoxine-a, anatoxine-a-(s) et homoanatoxine-a. |
Crampes musculaires, paralysie, salivation abondante |
Anabaena, Aphanizomenon et Oscillatoria |
Saxitoxines (20 variantes) et néosaxitoxines. |
Céphalées, vertiges, fasciculations musculaires, paralysie respiratoire. |
Anabaena, Aphanizomenon, Lyngbya et Cylindrospermopsis.
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Bêta méthyl-amino-N-alanine (BMAA). |
Exposition chronique : suspicion d’un lien avec des maladies neurodégénératives, notamment la sclérose latérale amyotrophique et la maladie d’Alzheimer. |
La présence de la BMAA dans les cyanobactéries est documentée, mais une relation de cause à effet entre la toxine et les maladies neurodégénératives n’est pas encore adéquatement démontrée. |
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Cyanotoxines à effets irritants |
Endotoxines (lipopolysaccharides). |
Gastroentérite, irritation cutanée, oculaire, réactions allergiques6. |
Les endotoxines sont des constituants intrinsèques de la paroi bactérienne de toutes les cyanobactéries. |
Autres cyanotoxines |
Cylindrospermopsine (au moins 3 variantes). |
Gastro-entérite et peut affecter divers organes : reins, cœur, thymus et rate par exemple. |
Principalement Cylindrospermopsis. |
Aplysiatoxine, bromoaplysiatoxine, lyngbyatoxine et quelques autres non recherchées au Québec. |
Dermatites, hémorragie gastro-intestinale; aussi considérées comme des promoteurs de tumeurs. |
Presque exclusivement produites par des cyanobactéries marines. |
Sources : AFSSA et AFSSET, 2006; Boopathi et Ki, 2014; Carmichael, 2013; Dittmann et al., 2013; Funari et Testai, 2008; Merel et al., 2013; Zanchett et Oliveira-Filho, 2013, Weirich et Miller, 2014.
Méthodes d’analyse
Tous les dénombrements et les identifications de cyanobactéries, au genre, sont réalisés au Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec7 (CEAEQ) du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) par observation directe au microscope, selon une méthode standardisée (CEAEQ, 2012a; b). Par ailleurs, en 2016, 12 variantes de microcystines ainsi que l’anatoxine-a sont aussi analysées au CEAEQ. Les échantillons sont prélevés par les opérateurs des stations de production d’eau potable lorsque requis et envoyés au CEAEQ.
Par ailleurs, les responsables ou les opérateurs des stations de production d’eau potable, dont la source d’approvisionnement est l’objet de proliférations de cyanobactéries de manière récurrente, doivent faire des tests préliminaires sur place avec des trousses de dépistage (tests avec bandelettes). Ces trousses permettent une détection semi-quantitative des microcystines; au Québec, c’est celui fabriqué par la compagnie Abraxis qui est recommandé8,9. Ces tests s’imposent lors de la présence visible de cyanobactéries à la prise d’eau ou dans les bassins à l’intérieur de la station. Si le test révèle la présence de microcystines dans l’eau brute, clarifiée ou filtrée, le responsable doit vérifier l’eau traitée (après tous les traitements, notamment la chloration). La détection de microcystines dans l’eau traitée impose l’envoi d’un échantillon au CEAEQ pour le dénombrement des cyanobactéries et la quantification précise des cyanotoxines. À noter que lorsque la source d’approvisionnement d’une station de production d’eau potable est pour la première fois l’objet d’une fleur d’eau, l’exploitant doit envoyer un échantillon au CEAEQ avant d’utiliser une trousse de dépistage, laquelle sera requise lors de présence subséquente de fleurs d’eau.
Effets à la santé
L‘absence de données toxicologiques complètes limite l’évaluation précise des effets chroniques et subchroniques résultant d’une exposition à moyen et long terme. Un facteur important qui doit être pris en considération est la présence simultanée de plusieurs toxines. En effet, il est très fréquent qu’une fleur d’eau génère plus d’une toxine. Il est possible qu’elles interagissent entre elles et que de ce mélange résultent des effets additifs (+), antagonistes (-) ou synergiques (multiplicatifs) (Azevedo et al., 2008; Dietrich et al., 2008; Merel et al., 2013; Pegram et al., 2008; Weirich et Miller, 2014).
Les cyanotoxines les plus répandues dans l’eau douce ont principalement des effets neurotoxiques et hépatotoxiques (voir tableau 1). L’anatoxine-a, une neurotoxine, mime le neurotransmetteur acétylcholine, ce qui peut notamment causer des crampes et une paralysie (Carmichael, 1994 et 2013; Pitois et al., 2000; Weirich et Miller, 2014). La saxitoxine et la néosaxitoxine inhibent la transmission nerveuse (Carmichael, 2013; Chorus, 2001; Weirich et Miller, 2014). Quant aux hépatotoxines (microcystines, nodularine et cylindrospermopsine), elles se concentrent surtout dans les cellules hépatiques où elles se lient à des enzymes (phosphatases 1 et 2A), inhibant leur activité (Carmichael, 2013; Funari et Testai, 2008). Ces toxines peuvent engendrer de la diarrhée et des vomissements lors d’une intoxication aiguë. À long terme (effets chroniques), ces toxines pourraient initier ou promouvoir la formation de tumeurs cancéreuses au foie (Weirich et Miller, 2014); ainsi, la microcystine-LR a un potentiel de promotion tumorale démontré (Chorus et Bartran, 1999). À partir d’études épidémiologiques réalisées en Chine, il a été observé qu’une augmentation des carcinomes hépatiques pourrait être associée à l’ingestion régulière d’eau de surface contaminée par les cyanobactéries (IARC, 2010). Dans ce contexte, la microcystine-LR a été classée dans le groupe des substances possiblement cancérogènes pour l’humain (groupe 2 B) (IARC, 2010).
Plus récemment, la littérature scientifique rapporte l’existence d’une toxine particulière, la β-méthylamino-alanine (BMAA), dont les effets présumés s’apparentent à une maladie neurologique dégénérative, la sclérose latérale amyotrophique (SLA ou maladie de Lou Gehrig) (Pablo et al., 2009). Plusieurs études ont mis en relief la présence de la BMAA, tant à l’état libre dans l’eau (Pip et al., 2016), dans les cyanobactéries ainsi que dans l’ensemble de la chaîne trophique, par exemple dans des moules de diverses origines géographiques (Salomonsson et al., 2015) ainsi que dans des poissons (Jiao et al., 2014). Le lien causal entre la BMAA et des maladies neurodégénératives n’a cependant pas été clairement démontré, demeurant encore à l’état d’hypothèse (Beckman-Sundh et al., 2007; Holtcamp, 2012; Steele et McGeer, 2008).
Toxicité animale/humaine
Les microcystines provoquent une toxicité hépatique (intoxication aiguë), avec une dose létale chez 50 % des animaux testés (DL50), après administration orale de 5 mg/kg (5 000 µg/kg) de poids corporel (Chorus et Bartram, 1999). Concernant la toxicité subchronique et chronique, Fawell et al. (1999a) ont établi une dose sans effet nocif observé (DSENO, ou NOAEL sous l’appellation anglophone) à 40 µg/kg de poids corporel par jour. Pour l’anatoxine-a, une DSENO de 98 µg/kg de poids corporel par jour a été mise en évidence (Fawell et al., 1999b). C’est de ces DSENO qu’ont été dérivées les concentrations maximales admissibles ou tolérables, les seuils, les recommandations, les lignes directrices ou les normes dans l’eau potable et pour les activités aquatiques et nautiques.
Études épidémiologiques (eau potable et récréative)
Quelques cas isolés et éclosions de gastro-entérites présumément attribuées à une ingestion d’eau contenant des cyanobactéries ont été rapportés dans la littérature scientifique10. Les données épidémiologiques à long terme démontrent cependant des résultats contradictoires concernant l’association entre l’exposition aux microcystines (par la consommation d’eau) et le carcinome hépatocellulaire (IARC, 2010).
Les effets découlant d’activités récréatives ont fait l’objet de quelques publications. Pilotto et al. (1997) rapportent un accroissement de symptômes (gastro-entérites, problèmes respiratoires, cutanés, irritation des yeux ou des oreilles) 7 jours après une exposition de plus de 60 minutes dans une eau contaminée par plus de 5 000 cyanobactéries/ml. Une autre étude d’exposition a révélé deux fois plus de symptômes respiratoires chez les personnes exposées à des cyanobactéries, mais les symptômes ont été jugés bénins (Stewart et al., 2006). Osborne et al. (2007) précisent que 34 % des 5 000 personnes qui ont fait des activités aquatiques dans des milieux avec fleur d’eau ont rapporté au moins 1 symptôme, plus particulièrement du prurit cutané, alors que Backer et al. (2008) n’ont rapporté aucun symptôme particulier en lien avec les microcystines détectées (de l’ordre de 2 à 5 µg/L).
Pour les années 2009-2010, Hillborn et al. (2014) ont colligés 11 « incidents » apparemment liés à des expositions aquatiques aux cyanobactéries, avec énumération de symptômes variés (gastro-intestinaux, dermatologiques, oculaires, neurologiques et respiratoires); 61 personnes auraient été affectées, dont 41 ont eu un suivi médical. Ces incidents ont cependant été rapportés par seulement 3 états (New York, Ohio et Washington). Les concentrations de cyanobactéries et les espèces impliquées ne sont pas précisées et, dans certains cas, il ne semble pas y avoir eu une prolifération notable de cyanobactéries, laissant ainsi un doute quant à l’origine des symptômes. Des rapports d’incidents sont toutefois signalés régulièrement, comme des cas de maladie chez des humains au Kansas ainsi que des mortalités de chiens, tous apparemment liés à des proliférations de cyanobactéries (Trevino-Garrison et al., 2015).
Au Québec, durant l’été 2009, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a réalisé une enquête épidémiologique exhaustive avec des riverains de trois lacs de villégiature du sud de la province. Quelque 267 familles regroupant 466 personnes ont fait l’objet d’un suivi quotidien pendant 2 mois (Lévesque et al., 2014). Cette étude ne visait qu’à évaluer de potentiels effets aigus sur la santé, car le design de l’étude ne permettait pas l’évaluation des effets chroniques et subchroniques.
Les principaux constats ont été les suivants :
- Une augmentation significative du risque relatif (RR) (2,48 à 3,99) de symptômes gastro-intestinaux sévères à la suite d’un contact aquatique dans un lac avec des proliférations. Aucun autre symptôme (cutané, oculaire, respiratoire, musculaire ou neurologique) n’a pu être relié aux expositions.
- Des activités nautiques à contact indirect (canotage, mise à l’eau d’embarcations, pédalo, etc.) engendraient un RR d’effets gastro-intestinaux plus élevé, comparativement aux activités à contact direct (comme la baignade et la motomarine). Cette apparente incongruité peut s’expliquer entre autres par le fait qu’en présence de fleurs d’eau de cyanobactéries, les participants évitaient les activités à contact direct, mais pas celles à contact indirect, n’y voyant apparemment pas ou peu de risque.
- Une relation dose-effet a été mise en évidence entre le dénombrement des cyanobactéries et le risque de problèmes gastro-intestinaux sévères, avec un risque significativement augmenté (RR = 2,71) à partir d’un dénombrement de 20 000 à 100 000 cellules/ml. Aucun lien épidémiologique n’a été mis en évidence entre les symptômes et la concentration de microcystines11.
- Chez un sous-groupe de participants utilisant une eau potable traitée dont la source était un lac avec d’importantes proliférations de cyanobactéries, des RR élevés de divers symptômes (comme des douleurs musculaires [RR = 5,16], des problèmes gastro-intestinaux [RR = 3,87] ainsi qu’aux oreilles [RR = 6,10]) ont été mis en évidence, sans que l’étiologie de ces symptômes puisse être formellement attribuée aux cyanobactéries.
Suivi des cyanobactéries au Québec : un bilan environnemental de l’état de situation ainsi que des interventions de santé publique
Eau potable
De 2001 à 2006, le ministère de l’environnement a réalisé un suivi des cyanobactéries à quelques stations de production d’eau potable. À l’eau brute, 42 espèces de cyanobactéries ont été identifiées, dont 13 connues pour leur production de cyanotoxines. Environ 80 % des échantillons d’eau brute contenaient une ou plusieurs espèces susceptibles de produire des cyanotoxines. Toutefois, à l’eau traitée, les abondances maximales de cyanobactéries et les concentrations de cyanotoxines se sont avérées, règle générale, très inférieures à celles des eaux brutes (Robert, 2008). Durant la période de 2007 à 2012 (MDDEFP, 2014) ainsi qu’en 2013 (MDDELCC, 2014), 6 municipalités ont dû transmettre à la population desservie par le réseau municipal un avis de non-consommation préventif en raison d’importantes proliférations de cyanobactéries dans la source d’approvisionnement et de l’incertitude quant à l’efficacité du traitement. Cependant, aucun échantillon d’eau traitée n’a dépassé la norme québécoise (1,5 µg/L) pour les microcystines dans l’eau potable. Une situation similaire a été rapportée pour l’année 2014 : 13 stations de production d’eau potable ont fait l’objet d’un suivi, mais aucun dépassement de la norme n’a été observé (MDDELCC, 2015).
Dans le cadre d’un projet de recherche au Québec, Zamyadi et al. (2012) ont mesuré une concentration de microcystines totales de l’ordre de 10 mg/L dans les bassins de clarification d’une station de production d’eau potable et une concentration maximale de 2,47 µg/L dans l’eau chlorée; bien que cette dernière concentration était supérieure à la norme pour l’eau potable, elle était environ 4 000 fois inférieure à la concentration de l’eau brute, ce qui démontre l’efficacité du traitement.
Selon un bilan de santé publique préparé par le ministère de la Santé et des Services sociaux (Arbour et al., 2014), de 2006 à 2012, 35 avis de non-consommation d’eau potable ont été émis en raison de la présence de fleurs d’eau dans la source d’approvisionnement, incluant des réseaux non municipaux (par exemple, des réseaux d’établissements touristiques), plus particulièrement en Estrie (13 avis), en Montérégie (8 avis) ainsi que dans les Laurentides (8 avis).
Eaux récréatives
De 2007 à 2012, le nombre de lacs signalés au ministère de l’environnement et affectés par la présence des fleurs d’eau de cyanobactéries, soit ayant au moins 20 000 cellules/ml selon les critères du Ministère, était d’environ 150 annuellement. Les régions les plus au sud du Québec étaient plus touchées, notamment à cause de caractéristiques climatiques plus propices et de la présence d’une densité de population plus élevée. En ce qui concerne les cyanotoxines, 51 plans d’eau analysés ont révélé des concentrations de microcystines supérieures au seuil fixé pour les activités récréatives à contact primaire (16 µg/L) (INSPQ, 2005; MDDEFP, 2014). De 2008 à 2012, 21 fermetures complètes de plages pendant plus de 72 heures ont été rapportées au ministère de l’environnement pour l’ensemble du Québec, principalement en Montérégie (14 fermetures) (Arbour et al., 2014). Le portrait réel de telles fermetures n’est toutefois pas connu puisque peu d’exploitants de plage signalent la situation au ministère de l’environnement, lequel a conséquemment cessé d’afficher les fermetures sur son site Internet. Par ailleurs, il n’existe aucune donnée concernant les fermetures partielles de plages, c’est-à-dire qui ont été touchées par des fleurs d’eau seulement sur une partie de leur superficie.
Signalement de cas
De 2006 à 2012, 8 directions de santé publique (DSP) ont reçu 34 signalements de cas (72 personnes) dont les symptômes pouvaient être compatibles avec une exposition aux cyanobactéries. Toutefois, après vérification subséquente, il s’est avéré qu’aucun de ces cas ne pouvait être attesté comme résultant assurément d’une exposition à ces micro-organismes, bien qu’il était impossible de rejeter cette hypothèse pour 16 signalements (25 personnes) (Arbour et al., 2014). Il faut toutefois tenir compte du fait que les cas signalés ne constituent qu’une fraction des problèmes de santé potentiellement attribuables à un contact avec des cyanobactéries, mais aucune donnée ne permet de quantifier cette fraction.
Normes réglementaires et seuils d’interventions12
Eau potable
Plusieurs organisations ainsi que des pays ou des provinces et des états ont proposé des seuils (réglementaires ou non) quant aux concentrations de cyanotoxines à ne pas dépasser dans l’eau potable. Un résumé non exhaustif de ces recommandations associées a été préparé par Chorus en 2012 (Chorus, 2012)13.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fixé à 1,0 µg/L la valeur guide pour la microcystine-LR à ne pas dépasser quotidiennement (WHO, 2003), basée sur la DSENO déterminée par Fawell et al. (1999a) à partir d’une étude subchronique (28 semaines) (Labine et Minuk, 2014).
Aux États-Unis, la US EPA n’impose pas de normes réglementaires pour les cyanotoxines. Toutefois, en 2015, elle a proposé des seuils à ne pas dépasser dans l’eau potable14. Ces seuils, pour les microcystines, sont de 0,3 µg/L pour les nourrissons et les enfants d’âge préscolaire, et de 1,6 µg/L pour les enfants de plus de 5 ans et les adultes. La US EPA a aussi proposé des seuils pour la cylindrospermopsine, de 0,7 µg/L pour les enfants de moins de 5 ans et de 3,0 µg/L chez les plus de 5 ans15.
Au Canada, la recommandation concernant la microcystine-LR dans l’eau potable a été fixée à 1,5 µg/L (Santé Canada, 2002). Cette concentration maximale admissible (CMA), supérieure à la valeur guide de l’OMS, s’explique par une considération différente de quelques paramètres, comme un poids moyen plus important chez les Canadiens (70 kg au lieu de 60 kg) ainsi qu’une plus faible consommation quotidienne moyenne d'eau potable pour un adulte (1,5 L comparativement à 2,0 L). La recommandation inclut par ailleurs toutes les variantes de microcystines (autres que la MC-LR) susceptibles d’être présentes dans l’eau.
Lors d’une mise à jour de l’évaluation du risque, Santé Canada propose, dans un document de consultation, de maintenir la recommandation de 1,5 µg/L en se basant notamment sur l’étude de Heinze (1999), qui est considérée comme la meilleure pour établir une limite d’exposition à court terme. Toutefois, dans cette mise à jour, il est précisé que la limite pour les nourrissons serait plutôt de 0,4 µg/L de microcystines totales. Dans ce contexte, Santé Canada recommande pour cette clientèle vulnérable d’utiliser de l’eau potable ne provenant pas d’un robinet dont la source est un lac ou une rivière contaminée par des cyanobactéries ou lorsque des microcystines sont détectées dans l’eau traitée (Santé Canada, 2016).
Au Québec, l’INSPQ a recommandé l’usage de la CMA canadienne (INSPQ, 2005), laquelle est maintenant intégrée au Règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP). La valeur maximale permise dans l’eau potable est donc de 1,5 µg/L, exprimée en équivalent toxique de microcystine-LR. Dans les faits, 4 variantes de microcystines (LR, RR, YR et LA) sont analysées aux fins du règlement16; c’est la sommation de leur concentration respective (en tenant compte de leur facteur d’équivalence de toxicité par rapport à la microcystine-LR, comme précisé dans le Règlement) qui est présentée sur les certificats d’analyse du CEAEQ. L’estimation de la concentration de microcystines au Québec diffère donc quelque peu de celle de Santé Canada, pour qui c’est la concentration de l’ensemble des microcystines qui est prise en compte, en utilisant des méthodes de quantification différentes de celles du CEAEQ, notamment des méthodes qui ne détectent pas chacune des toxines individuellement, mais qui donnent une sommation globale.
Il est important de noter que l’analyse des microcystines dans l’eau potable n’est pas requise sur une base routinière, ces substances n’apparaissant pas à l’Annexe 2 du RQEP, mais la mesure de leur concentration dans l’eau distribuée peut être requise selon l’article 42 du RQEP si le responsable de la station d’eau potable a des raisons de suspecter que la norme est dépassée (voir la section Informations pour l’intervention de santé publique). Pour l’anatoxine-a, un seuil d’alerte de 3,7 µg/L dans l’eau potable distribuée a été proposé par l’INSPQ (2005), sans toutefois être intégré dans la réglementation, faute de données probantes, et notamment parce que cette toxine n’est presque jamais détectée dans les approvisionnements d’eau potable17.
Le dénombrement ou la densité des cyanobactéries ne fait l’objet d’aucune norme, bien que cette information puisse être prise en compte dans certains cas afin d’émettre un avis de non-consommation d’eau (voir la section Informations pour l’intervention de santé publique).
Eaux récréatives
Plusieurs juridictions ont établi des seuils (réglementaires ou non) quant au dénombrement de cyanobactéries à ne pas dépasser dans une eau utilisée à des fins récréatives. Certaines juridictions combinent ces dénombrements à des concentrations en cyanotoxines (microsystines, anatoxine-a, saxitoxine, cylindrospermopsine) ou utilisent seulement des seuils en cyanotoxines. Par ailleurs, des juridictions basent leurs seuils en cyanotoxines – notamment pour les eaux récréatives – sur le poids corporel d’un enfant plutôt que celui d’un adulte18. Un résumé non exhaustif de recommandations associées à certaines juridictions, pays ou états a été préparé par Chorus (2012)19.
La United States Environmental Protection Agency (US EPA) a proposé à la fin de 2013 un seuil provisoire de 4 µg/L pour l’ensemble des microsystines et de 8 µg/L pour la cylindrospermopsione dans une eau destinée à la baignade (US EPA, 2016). Ces recommandations ont été publiées dans le Federal Register en précisant qu’elles supplantent les recommandations antérieures datant de 2012 (US EPA, 2016). Santé Canada recommande un dénombrement maximal de 100 000 cyanobactéries/ml ou une concentration maximale de 20 µg/L de microcystines (basée sur la MC-LR) pour qu’une eau soit considérée propice à la baignade. Santé Canada mentionne par ailleurs que la présence d’une fleur d’eau (sans autre précision) devrait inciter les autorités responsables à effectuer un suivi afin de déterminer l’ampleur du risque (Santé Canada, 2012).
Au Québec, l’INSPQ (2005) a suggéré un seuil d’alerte de 16 µg/L pour la microcystine-LR (basé sur une toxicité équivalente) et de 40 µg/L pour l’anatoxine afin de protéger les usagers des risques de toxicité subchronique associés à l’ingestion accidentelle d’eau lors d’activités aquatiques. La détermination des concentrations de cyanotoxines dans les plans d’eau ou les plages n’est toutefois pas obligatoire. Les données uniques ou sporadiques issues des suivis des plans d’eau de 2008 à 2012 indiquent qu’il y a rarement dépassement de ces seuils en absence de fleurs d’eau visibles (catégorie 0) ou lorsqu’elles sont peu denses (catégorie 1) (Arbour et al., 2014). Cependant, les seuils d’alerte peuvent être parfois dépassés lorsque la fleur d’eau est plus dense (catégorie 2a) et de façon plus importante en présence d’écumes (catégorie 2b). Les catégories visuelles peuvent donc servir à une certaine évaluation qualitative du risque (MDDEFP, 2013). Les gestionnaires de plages organisées devraient se référer quotidiennement aux catégories de fleurs d’eau observées pour prendre la décision de restreindre l’accès à la baignade (voir la section Informations pour l’intervention de santé publique pour plus de précisions).
Informations pour l’intervention de santé publique
Aspects méthodologiques
Malgré la diversité des cyanotoxines recensées, un très petit nombre est actuellement recherché à des fins de protection de la santé publique. La cyanotoxine de référence est la microcystine-LR (MC-LR), notamment parce qu’elle est presque systématiquement associée à toute fleur d’eau de cyanobactéries toxiques. Il faut aussi noter, d’une part, l’absence de dose de référence pour la plupart des autres variantes de microcystines ainsi que pour la presque totalité des autres cyanotoxines et, d’autre part, l’absence de données toxicologiques fiables pour plusieurs cyanotoxines (Weirich et Miller, 2014). Plusieurs juridictions utilisent donc un seuil en microcystines totales et une méthode d’analyse donnant comme résultat le total de microcystines et non la concentration de chacune des variantes. Au Québec, l’anatoxine-a a été ajoutée aux quatre variantes de microcystines dans la liste des cyanotoxines faisant l’objet de suivis et de seuils, compte tenu de l’existence d’une DSENO pour celles-ci.
Populations vulnérables
Les microcystines pourraient affecter de manière plus importante les enfants en raison d’une combinaison de divers facteurs : ils passent plus de temps dans l’eau lors d’une baignade, ils ingèrent involontairement environ deux fois plus d’eau durant cette période et leur poids corporel est plus léger. De plus, sans surveillance, les enfants ignorent souvent les panneaux d’avertissement des dangers ou d’interdiction de baignade (Weirich et Miller, 2014). Concernant l’ingestion d’eau potable, Santé Canada (2016) précise que les nourrissons seraient plus exposés aux cyanotoxines en raison d’une plus forte consommation d’eau proportionnellement à leur poids.
Eau potable : réseaux d’aqueduc
Au Québec, la présence de microcystines20 dans l’eau potable est réglementée (voir la section Normes réglementaires et seuils d’interventions ). Cette analyse n’est pas faite systématiquement, mais seulement en cas d’observation de cyanobactéries à la prise d’eau brute ou dans les bassins de traitement de la station de production d’eau potable. À cet égard, le ministère de l’environnement propose différentes procédures à suivre par les responsables des réseaux d’approvisionnement en eau potable. Un guide destiné aux exploitants de stations de production d’eau potable est accessible sur le site du ministère de l’environnement.
Pour les stations de production d’eau potable affectées de manière récurrente, les opérateurs se réfèrent à une procédure basée sur le dépistage des microcystines totales à l’aide de tests avec bandelettes (voir la section Méthodes d’analyse). Pour les stations nouvellement affectées par la présence de cyanobactéries, divers types de suivi sont proposés selon le type de traitement (adéquat, partiellement adéquat ou inadéquat)21 ou en fonction d’un problème particulier pouvant être lié aux clarificateurs ou aux filtres.
Lors des suivis effectués avec les trousses de dépistage, s’il y a détection de microcystines dans l’eau traitée, l’opérateur doit envoyer un échantillon au CEAEQ pour l’analyse des toxines ainsi que pour le dénombrement des cellules (voir la section Méthodes d’analyse ). Il doit également aviser la DSP. Bien que cette procédure ne soit pas réalisée conformément au RQEP, elle vise néanmoins à prévenir le développement d’une fleur d’eau à l’eau brute et dans l’installation de production d’eau potable.
Si nécessaire, l’article 42 du RQEP peut être invoqué afin que des vérifications de l’eau distribuée soient réalisées par le responsable de l’installation. Cet article précise que « lorsque le responsable d’un système de distribution ou, le cas échéant, le responsable d’un véhicule-citerne, a des motifs de soupçonner que les eaux qu’il met à la disposition des utilisateurs à des fins de consommation humaine, ne sont pas conformes à l’une des normes de qualité établies à l’annexe 1 ou à l’article 17.1, il doit, sans délai, prélever ou faire prélever les échantillons d’eau nécessaires à la vérification de ces eaux et les faire analyser ».
Si les échantillons d’eau distribuée indiquent un dépassement de la norme de 1,5 µg/L pour les microcystines, le laboratoire doit en aviser la DSP ainsi que le responsable de l’usine dans les meilleurs délais (durant les heures ouvrables).
Le dénombrement des cyanobactéries ne fait pas l’objet d’une norme en vertu du RQEP ; ce sont les cyanotoxines qui ont été retenues du fait de leurs effets potentiellement néfastes sur la santé lorsqu’ingérées. Cependant, une abondance excessive de cellules à l’eau traitée implique habituellement une défaillance du traitement. L’article 35.1 du RQEP prévoit qu’en présence d’une défaillance du traitement susceptible de compromettre le respect des normes de qualité de l'eau, le responsable du système de distribution doit aviser sans délai les utilisateurs du fait que l'eau est considérée comme impropre à la consommation. En outre, il doit en donner l’avis au directeur de santé publique de la région concernée (MDDELCC, 2014). La DSP peut recommander au responsable du système de distribution les mesures sanitaires à communiquer à la population.
Situations particulières pouvant nécessiter un avis de non-consommation de l’eau potable
Certaines situations atypiques qui ne correspondent pas spécifiquement à ce qui est inscrit dans le RQEP, les directives ou divers guides pourraient justifier une recommandation d’avis de non-consommation après analyse de la situation par la DSP.
Ainsi, certains facteurs corollaires peuvent appuyer un avis de non-consommation, comme une coloration verdâtre de l’eau. Une discussion avec le représentant régional du ministère de l’environnement et le responsable du traitement est requise pour bien évaluer la situation. Par ailleurs, dans le cas d’un réseau privé de distribution d’eau, si le ministère de l’environnement note un problème particulier et que l’exploitant refuse de faire réaliser l’analyse des cyanotoxines et des cyanobactéries, la DSP évaluera la possibilité de faire émettre un avis de non-consommation d’eau afin d’éliminer tout risque à la santé, même en l’absence de données quant aux concentrations de cyanotoxines et au dénombrement des cyanobactéries. Si un avis de non-consommation est émis et qu’il concerne des établissements alimentaires (restaurants, usines de transformation des aliments, etc.), l’exploitant doit aussi aviser le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), qui réglemente les établissements alimentaires. Par ailleurs, la DSP s’assure que les responsables de la sécurité civile et des mesures d’urgence du centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS ou CIUSSS) de la région concernée sont informés ainsi qu’Info-Santé.
Principaux messages à transmettre dans l’avis de non-consommation
L’avis de non-consommation devrait décrire brièvement la situation, mentionner les principaux symptômes en cas d’ingestion d’eau contaminée, tels que maux de ventre, diarrhées, vomissements ou nausées, ainsi que les recommandations à suivre, comme :
- Ne pas utiliser l’eau pour boire, faire des glaçons, préparer des breuvages chauds ou froids, préparer ou cuire des aliments;
- Il est possible de continuer à utiliser l’eau pour la prise de bains ou de douches ainsi que pour le brossage de dents tout en évitant d’avaler l’eau;
- L’eau peut être utilisée pour laver la vaisselle et les vêtements ainsi que pour arroser le potager;
- Par contre, si l’eau à la sortie du robinet a une teinte verdâtre, il est recommandé d’en cesser l’usage et d’utiliser une autre source d’eau;
- Faire bouillir l’eau n’est pas efficace pour éliminer les toxines produites par les cyanobactéries.
Suivi environnemental et levée de l’avis de non-consommation
Durant la durée de l’avis de non-consommation, l’exploitant devrait accroître la fréquence des échantillonnages à l’eau traitée (pour la détection des cyanotoxines et, lorsque requis, le dénombrement des cyanobactéries) afin de suivre la situation adéquatement. La levée de l’avis de non-consommation, en concertation avec le ministère de l’environnement, se fait lorsque les deux conditions suivantes sont respectées :
- cyanotoxines : deux résultats consécutifs (séparés de plus de 24 heures) avec concentrations en microcystines inférieures à 1,5 µg/L ET anatoxine-a inférieure à 3,7 µg/L22, ET pour certains types de traitement dans certaines stations de production d’eau potable – traitements inadéquats23;
- cyanobactéries : 2 résultats consécutifs (séparés de plus de 24 heures) avec dénombrements inférieurs à 20 000 cellules/ml.
La levée de l’avis de non-consommation ne signifie pas l’arrêt du suivi de la qualité de l’eau. Le type de suivi ainsi que la fréquence varient selon les caractéristiques de la station. La DSP peut communiquer avec le ministère de l’environnement pour obtenir les détails de ce suivi.
Eau potable : installations individuelles
Résidences alimentées par une prise d’eau
Une eau de surface non traitée ne devrait jamais être consommée, même en l’absence de fleurs d’eau de cyanobactéries. Cette eau peut toutefois servir à l’hygiène personnelle dans la mesure où elle n’est pas verdâtre et où elle n’a pas une coloration ou une odeur inhabituelle.
Résidences riveraines alimentées par des puits de surface ou artésiens
Le sol offre généralement une bonne protection contre la migration des cyanobactéries. Les risques que l’eau provenant d’un puits soit contaminée par des cyanobactéries ou par des cyanotoxines sont faibles. Néanmoins, les puits de surface, lorsqu’ils sont situés très près d’un milieu aquatique, peuvent être vulnérables aux infiltrations. Si l’eau du puits devient verdâtre ou qu’elle a une coloration ou une odeur inhabituelle, il est conseillé d’éviter de la consommer ou de l'utiliser. Les propriétaires qui souhaitent faire analyser les cyanobactéries peuvent communiquer avec le laboratoire du CEAEQ24. Il est par ailleurs important que le propriétaire vérifie également la présence d’indicateurs microbiens fécaux dans l’eau.
En cas de contamination, il existe des systèmes de traitement adéquat contre les cyanobactéries, les cyanotoxines et la contamination d'origine fécale. La consultation d’un spécialiste certifié25 est cependant suggérée. Pour l’enlèvement des cyanobactéries, les systèmes de traitement par filtration (filtres ayant une porosité inférieure à 1 micron) ou l’osmose inverse s’avèrent efficaces. Les cyanotoxines sont adéquatement éliminées par le charbon actif et l’osmose inverse.
Eaux récréatives
Plans d’eau
À la suite de l’étude épidémiologique québécoise (Lévesque et al., 2014) et le bilan sanitaire (Arbour et al., 2014), les épisodes de fleurs d’eau ne sont plus gérés en fonction de seuils en cyanotoxines pour la protection des usages récréatifs de contact. Conséquemment, il n’y a plus de suivi concernant ces paramètres, jadis applicables à certaines plages.
La procédure actuelle se résume de la manière suivante : lorsqu’un citoyen ou un organisme constate la présence d’une fleur d’eau, notamment dans un lac, il est invité à signaler le phénomène à la direction régionale du ministère de l’environnement (MDDELCC, 2016). À la suite du signalement, des techniciens du Ministère de l’environnement effectuent une visite, s’il y a lieu, pour échantillonner le plan d’eau si celui-ci respecte au moins un des critères de sensibilité suivants mis à jour en 2016 :
- Il sert à l’approvisionnement en eau potable pour un réseau assujetti au RQEP;
- Il nécessite un suivi particulier en raison du signalement à une direction de santé publique ou de la tenue d’un événement spécial d’activités aquatiques à contact direct ou indirect, comme une compétition de natation ou de canot;
- Une situation majeure justifie la visite des techniciens (ex. : manifestation extrême du phénomène de floraison);
- Il fait l’objet d’une entente officielle entre différents gouvernements (comme les plans d’eau transfrontaliers).
Après la visite, le ministère de l’environnement transmet un mémo d’information notamment aux municipalités concernées afin de les informer qu’il y a eu une visite et s’il y a présence ou absence d’une fleur d’eau de cyanobactéries. Le Ministère fait aussi une rétroaction auprès de la personne qui avait signalé la fleur d’eau. Il peut contacter, s’il y a lieu, les partenaires du milieu qui effectuent une vigie afin de leur partager des documents en soutien.
Recommandations générales en présence de cyanobactéries dans des eaux récréatives
Il est souhaitable de sensibiliser les intervenants du milieu à informer les usagers afin qu’ils reconnaissent les fleurs d’eau et évitent les activités aquatiques à contact direct dans les secteurs affectés. Cela s’inscrit dans le contexte où il n’y a plus d’avis de santé publique visant à restreindre des usages récréatifs, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Dans ce contexte, quelques situations sont à considérer :
- Toute forme de contact avec les cyanobactéries peut augmenter le risque de problèmes gastro-intestinaux. Pour éviter cela, il faut se laver les mains à la suite d’un contact avec des fleurs d’eau ou des objets qui ont été en contact avec cette eau (incluant la manipulation d’embarcations, par exemple). Par ailleurs, des activités engendrant une importante exposition aux aérosols (comme le ski nautique) pourraient aussi provoquer des problèmes gastro-intestinaux.
- Pour évaluer le risque lors d’activités aquatiques et nautiques, le dénombrement de cyanobactéries serait un meilleur indicateur plutôt que les concentrations de cyanotoxines. La santé publique recommande que les usagers évitent la baignade dans des eaux visiblement affectées par des proliférations de cyanobactéries de catégories 2a et 2b. Comme mentionné précédemment, l’utilisation du document décrivant les catégories de fleurs d’eau (MDDEFP, 2013) est un outil à privilégier. Les densités de plus de 20 000 cyanobactéries/ml, utilisées par le ministère de l’environnement comme critère de confirmation d’une fleur d’eau, et les densités d’au moins 100 000 cellules/ml sont habituellement détectables à l’œil nu, mais il faut savoir que cela n’est pas systématique et qu’avec certaines espèces de cyanobactéries, de telles densités ne se traduisent pas nécessairement par des floraisons visibles, surtout par des personnes inexpérimentées.
Plages organisées
Les exploitants de plages organisées, c’est-à-dire surveillées par au moins un sauveteur, n’ont plus à contacter les DSP lorsqu’ils en interdisent l’accès à la suite de l’apparition de proliférations de cyanobactéries. La seule organisation que l’exploitant doit aviser lors d’une fermeture est l’association touristique régionale. En général, la plage peut être ouverte 24 heures après un retour à la catégorie 0 ou 1. Par ailleurs, la liste des plages fermées n’est plus affichée sur le site Internet du ministère de l’environnement puisque très peu d’exploitants en informaient le Ministère. La population est plutôt invitée à se renseigner directement auprès des exploitants de plages.
Pour élaborer la procédure de gestion des plages, le ministère de l’environnement et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) se sont inspirés de l’article 53 du Règlement sur la sécurité dans les bains publics. Selon cet article, l’exploitant a l’obligation d’évacuer les baigneurs et d’interdire l’accès à la plage aussitôt :
- qu’une vérification de sécurité est nécessaire;
- que se présente un risque attribuable à :
- un manque de limpidité de l’eau;
- la présence de matières dangereuses dans l’eau, ou toute autre circonstance mettant en danger la sécurité des baigneurs.
Les exploitants doivent donc porter une attention particulière à l’aspect visuel de l’eau de la plage. La procédure de gestion des épisodes de fleurs d’eau recommande que cette surveillance se fasse quotidiennement et comprenne, s’il y a lieu, le suivi des fleurs d’eau. En effet, la présence d’une fleur d’eau d’algues bleu-vert peut diminuer grandement la « limpidité de l’eau ». Ainsi, plus les fleurs d’eau sont intenses, plus elles sont susceptibles de représenter des risques non seulement pour la sécurité des baigneurs, mais surtout pour leur santé.
La page Algues bleu-vert du site Web du ministère de l’environnement présente les différents outils dédiés à l’exploitant de plage pour la gestion des épisodes de fleurs d’eau. Parmi ceux-ci, le Guide sur les algues bleu-vert à l’intention des exploitants de plage constitue un outil d’aide à la décision, comprenant un algorithme basé sur la catégorie de fleurs d’eau de cyanobactéries (0, 1, 2a ou 2b), qui indique quand et comment fermer la plage ou une partie de celle-ci et à quel moment elle peut être accessible par la suite.
Signalement de cas de problèmes de santé
Les DSP peuvent recevoir des signalements de problèmes de santé possiblement reliés à une exposition aux cyanobactéries. Dans un tel cas, la DSP peut décider d’entreprendre une enquête épidémiologique, notamment si un certain nombre de cas groupés sont signalés. Si elle le juge pertinent, la DSP peut demander la collaboration du ministère de l’environnement pour effectuer des caractérisations environnementales afin de documenter l’exposition. La DSP doit aussi tenir compte que les problèmes de santé souvent rapportés, comme la gastro-entérite ou une dermatite, sont peu spécifiques et peuvent être attribuables à plusieurs autres causes, par exemple, une contamination par des bactéries pathogènes, une intoxication alimentaire, une infection transmissible de personne à personne, la dermatite du baigneur, etc.
Notes
- Sources générales de référence : AFSSA et AFSSET, 2006; Chorus et Bartram, 1999; Lavoie et al., 2007.
- Plusieurs documents utilisent l’expression « algues bleu-vert »; toutefois, dans la présente fiche, le terme « cyanobactéries » est employé.
- Puisque la dénomination de ce ministère a changé plusieurs fois au cours des dernières années, il sera désigné sous le vocable générique de « ministère de l’environnement » dans le reste de ce document, bien qu’au moment de la rédaction de la présente fiche, la dénomination officielle est « ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques » (MDDELCC).
- Sources : AFSSA et AFSSET, 2006; Boopathi et Ki, 2014; Carmichael, 2013; Dittmann et al., 2013; Funari et Testai, 2008; Merel et al., 2013; Zanchett et Oliveira-Filho, 2013 ; Weirich et Miller, 2014.
- Voir Zamyadi et al., 2012.
- Les effets des endotoxines n’ont pas été systématiquement validés ou démontrés.
- Il n’existe aucun laboratoire privé accrédité pour l’identification des cyanobactéries ni pour la quantification des cyanotoxines.
- Il est possible de consulter un rapport de Santé Canada concernant la fiabilité et la précision de divers test sur le site de la United States Environmental Protection Agency (l’agence étasunienne de protection de l’environnement): https://www.epa.gov/sites/production/files/2014-08/documents/microcystins-testkit-canada.pdf
- Il est possible que l’usage de ce test soit éventuellement révisé. Il est donc important de vérifier périodiquement avec le ministère de l’environnement l’état de la situation quant au test préliminaire avec une trousse de détection.
- Voir Belleville et al. (2009) ainsi que Lévesque et al. (2014) pour une revue de ces éclosions.
- Dans l’un des lacs échantillonnés, l’anatoxine-a a aussi été recherchée, mais n’a pas été trouvée.
- Les personnes intéressées par les seuils ou les normes en vigueur dans d’autres juridictions/pays peuvent consulter un résumé dans Arbour et al. (2014) ainsi que Chorus (2012).
- Des seuils sont régulièrement ajoutés ou modifiés; il faut donc considérer que plusieurs valeurs présentées dans Chorus (2012) ne reflètent plus la réalité. Une veille scientifique permanente est requise pour la mise à jour de ces informations.
- Plusieurs documents de la US EPA sont accessibles à https://www.epa.gov/nutrient-policy-data/guidelines-and-recommendations. Par ailleurs, plusieurs états étasuniens ont leurs lignes directrices; Chorus (2012) peut notamment être consulté à cet effet.
- La cylindrospermopsine est une cyanotoxine règlementée, ou faisant l’objet de lignes directrices, dans moins de 5 pays.
- Voir la section « Autres substances organiques » de l’Annexe 1 du Règlement.
- Il s’agit d’un seuil d’alerte, qui n’a pas de portée réglementaire au Québec.
- Le cas de l’Orégon, par exemple : https://public.health.oregon.gov/HealthyEnvironments/Recreation/HarmfulAlgaeBlooms/Documents/HABPublicHealthAdvisoryGuidelines.pdf
- Des seuils sont régulièrement ajoutés ou modifiés; il faut donc considérer que plusieurs valeurs présentées dans Chorus (2012) ne reflètent plus la réalité pour certaines juridictions. Une veille scientifique permanente est requise pour la mise à jour de ces informations.
- Les autres cycnotoxines n’étant pas réglementées en ce qui concerne l’eau potable, seules les microcystines sont concernées dans ce contexte.
- Un traitement inadéquat est applicable aux stations qui puisent de l’eau de surface, la traite (habituellement avec du chlore), mais sans filtration préalable.
- Comme déjà précisé, les valeurs de dénombrement de 20 000 cellules/ml et de 3,7 µg/L d’anatoxine-a sont des seuils sanitaires qui n’ont pas de portée réglementaire.
- Il existe plusieurs types de traitement de l’eau, donc certains sont estimés inadéquats au regard de l’enlèvement des cyanotoxines ou des cyanobactéries. Cette information, concernant une station de production d’eau potable, doit être fournie par la direction régionale du ministère de l’environnement, lequel pourra apporter les précisions requises.
- http://www.ceaeq.gouv.qc.ca/centre/renseignements.htm
- Pour de l’information sur les dispositifs de traitement de l’eau et les entreprises certifiées, consulter le http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/potable/installation/rbq.htm
Références
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Fiche rédigée par Pierre Chevalier, Ph. D., en collaboration avec les membres du groupe scientifique sur l’eau de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), des directions de santé publique du Québec (DSP) et du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). Janvier 2017.
Remerciements particuliers à madame Nathalie Brault, de la Direction régionale de la santé publique de la Montérégie, ainsi qu’à mesdames Sylvie Blais, Anouka Bolduc et Caroline Robert du MDDELCC.
Citation suggérée pour la présente fiche :
Groupe scientifique sur l'eau (2017). Cyanobactéries et cyanotoxines dans l’eau potable et l’eau récréative. Dans Fiches synthèses sur l'eau potable et la santé humaine. Repéré sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec : https://www.inspq.qc.ca/eau-potable/cyanobacteries
Fiche initiale rédigée par Shelley-Rose Hyppolite en collaboration avec Denise Phaneuf, Patrick Levallois et les membres du groupe scientifique sur l’eau de l'Institut national de santé publique du Québec. Mise à jour en juillet 2008, par Denise Phaneuf, en collaboration avec Céline Campagna, Denis Gauvin, Patrick Levallois, Louise Normandin.