Gangs, masculinité et inégalités dans les rapports de genre : réflexions sur l'éducation sexuelle auprès des jeunes hommes affiliés aux gangs

Évelyne Fleury, candidate à la maîtrise en sexologie, UQÀM
Mylène Fernet, Ph.D., Département de sexologie, UQÀM

 

Contexte :
Il est largement reconnu qu'au sein des gangs, les rapports de genre sont inégaux et empreints de violence. Toutefois, les données sur la sexualité et les relations amoureuses sont rarissimes et le point de vue des jeunes hommes affiliés aux gangs est pratiquement absent. Cette étude qualitative vise à explorer les perceptions et les expériences des jeunes hommes affiliés aux gangs en lien avec les rapports de genre, les relations amoureuses, la sexualité, l'exploitation et les agressions sexuelles.

Méthode :
Dix jeunes hommes âgés entre 18 et 25 ans affiliés ou ayant été affiliés à un gang associé à la criminalité ou à la violence ont participés à des entrevues individuelles semi dirigées. Ces entrevues ont été analysées selon les procédures de la théorisation ancrée et traitées à l'aide du logiciel ATLAS-TI v.5 (PC).

Résultats :
Tous les participants ont reconnu que la violence envers les filles règne dans l'univers des gangs. Cependant, leurs propos amènent plusieurs nuances sur une réalité d'apparence homogène. Les gestes posés seraient, selon eux, très variables d'un gang à un autre et d'un jeune à un autre au sein d'un même gang. Si plusieurs jeunes rencontrés se disent défavorables à la violence envers les filles, pour éviter le rejet et la violence de leurs pairs, aucun ne semble s'y opposer clairement. La majorité des participants se plie à des règles implicites dictant l'insensibilité, la domination et même la violence envers les filles. Pour prouver leur virilité, certains jeunes affiliés aux gangs sont amenés, parfois contre leur gré, à agresser les filles ou à multiplier les rencontres sexuelles sans engagement émotif. Pourtant, la plupart des jeunes rencontrés rêvent de s'engager avec une fille aux valeurs traditionnelles, non impliquée auprès des gangs. Mais, leur affiliation aux gangs et leur participation à des activités criminelles ou sexuelles repoussent généralement ces jeunes filles ou crée des conflits dans le couple. Lorsqu'un jeune affilié est en couple, il arrive que les pairs fassent pression pour dissoudre le couple et conserver un investissement optimal au sein du gang.

Conclusion :
Les résultats de la présente étude montrent que les expériences des jeunes hommes affiliés aux gangs en lien avec la sexualité et avec les rapports de genre ne peuvent plus être réduites à la violence. Il apparaît nécessaire de poursuivre l'exploration des aspects sexologiques et des enjeux affectifs et relationnels. L'intervention auprès des jeunes affiliés aux gangs demande une évaluation rigoureuse, entre autres, du niveau d'engagement envers le gang, des comportements de violence et des besoins en lien avec la sexualité et les rapports de genre. Cette intervention devrait inclure l'éducation sexuelle qui semble actuellement lacunaire alors que les aspects sexologiques se dessinent comme des éléments centraux de l'affiliation aux gangs et du processus de désaffiliation.

*Le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) et la Faculté des sciences humaines de l'Université du Québec à Montréal ont contribué financièrement à la réalisation de cette recherche.