Améliorer l’accessibilité géographique aux aliments sains dans le but de réduire l’insécurité alimentaire à Montréal

Mouctar Sow
Marie-France Raynault

Contexte et objectifs

La sécurité alimentaire est assurée lorsque tous les habitants ont accès financièrement et géographiquement à des aliments en quantité et qualité suffisantes. Les politiques qui visent la réduction de l’insécurité alimentaire doivent donc aller au-delà des mesures d’urgence (banques alimentaires) et porter sur deux dimensions : améliorer le pouvoir d’achat des plus pauvres et augmenter l’accessibilité géographique à une offre alimentaire de qualité pour toute la population. L’amélioration du pouvoir d’achat passe par des politiques sociales (dans le cadre de la lutte contre la pauvreté par exemple) à mettre en place au niveau fédéral et/ou provincial. Dans ce travail, nous nous sommes focalisés essentiellement sur la dimension géographique de l’insécurité alimentaire. L’objectif est de proposer des pistes d’actions pour un approvisionnement suffisant en « aliments santé » à un coût abordable dans les zones défavorisées, à Montréal, où l’accès aux grands commerces d’alimentation est faible.

Description et population visée

À Montréal, les problèmes d’accessibilité géographique sont bien documentés (p. ex. : 43 % des Montréalais vivent dans des zones ou l’offre en fruits et légumes est insuffisante). Plusieurs zones sont qualifiées de véritables déserts alimentaires. Dans certaines de ces zones vit une importante proportion de pauvres, pour qui l’accès aux commerces de grande surface devient encore plus difficile, car faiblement motorisés.

Méthode

Afin de répondre à l’objectif fixé, nous nous sommes inspirés de la méthode d’évaluation de politiques « Eightfold path » proposée par Eugène Bardach. Ainsi, quatre alternatives ont fait l’objet d’une évaluation : le statu quo (marchés saisonniers), la combinaison « marchés + nouvelles lignes de transports », les « dépanneurs-santé » (s’allier avec les petits commerces de proximité pour offrir des aliments de qualité à un prix abordable, avec le programme Healthy Corner de la ville de Philadelphie comme exemple) et les épiceries sociales (construire des épiceries pour les plus pauvres en se basant sur le modèle français). Ces alternatives ont été comparées sur base de quatre critères : l’efficacité, l’équité, la durabilité et le coût de l’investissement. Chacun de ces critères a été opérationnalisé de façon concrète dans le contexte montréalais.

Résultats et outils développés

À la lumière de la comparaison qui a été faite, les trois nouvelles solutions proposées semblent plus efficaces et présentent un potentiel de durabilité qui paraît plus intéressant que le statu quo. Parmi ces trois solutions, la solution « dépanneurs-santé » présente le profil le plus intéressant. Elle est la seule à allier un bon niveau d’efficacité et un potentiel de durabilité excellent. Investir dans ce type de commerces présente un double avantage : les structures existent déjà et sont très accessibles (91 % des montréalais y ont accès à distance de marche).

Conclusion et recommandations

Cette étude montre l’apport potentiel de cadres d’analyses développés en sciences sociales pour soutenir la prise de décision en santé publique. Cependant, elle reste une étude exploratoire, elle discute de potentielles pistes d’action pour la ville de Montréal, plutôt que de faire des recommandations formelles. Par ailleurs, la rareté de la littérature sur la question a été un réel handicap. D’autres études sont nécessaires avant de pouvoir envisager concrètement l’une ou l’autre piste.