Diarrhée du voyageur : traitement
Réhydratation
La pierre angulaire du traitement de la diarrhée du voyageur est l’hydratation avec des solutions de réhydratation orale (SRO). Dans bien des cas, seule l’hydratation suffit comme traitement de la diarrhée du voyageur. Il existe des SRO commerciales (par exemple : GastrolyteMD) expressément conçues pour la réhydratation en cas de gastro-entérite. Il convient de suivre attentivement les instructions pour la préparation de la SRO. Il faut utiliser de l’eau embouteillée, bouillie ou traitée. Une fois préparée, la SRO doit être consommée dans les 12 heures si elle est conservée à la température ambiante, ou dans les 24 heures si elle est réfrigérée. Les sachets de sels de réhydratation orale sont offerts dans les pharmacies de la plupart des pays, bien qu’il soit recommandé de les acheter avant de quitter le Canada et de les ajouter à la trousse des produits de santé pour le voyage.
Les préparations avec des recettes maison ne sont pas recommandées en raison de la difficulté à obtenir des concentrations adéquates de sels minéraux et de glucose. Elles ne doivent être utilisées que lorsqu’il est impossible de se procurer des SRO du commerce.
Diète
L’absorption des nutriments peut être perturbée lors d’un épisode de diarrhée du voyageur mais contrairement à la croyance populaire, le jeûne complet n’est pas l’option recommandée. La réintroduction précoce des aliments ne semble pas avoir d’effets nuisibles et semble être au contraire bénéfique sur le plan nutritionnel. Le régime alimentaire doit être adapté à l’âge et devrait inclure tous les types de lait (lait maternel, lait complet, lait animal, lait avec ou sans lactose, etc.) ainsi que la plupart des aliments.
Malgré l’absence de données à l’appui, il est cependant suggéré d’éviter les aliments riches en gras qui ont tendance à retarder la vidange gastrique et les sucres simples qui peuvent exacerber la diarrhée par leurs effets osmotiques.
Les médicaments
Recommandations générales
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur légère, les antibiotiques ne sont pas recommandés. Le subsalicylate de bismuth et le lopéramide peuvent être considérés.
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur modérée, le loperamide devrait être considéré en monothérapie. Les antibiotiques ne sont généralement pas recommandés. Cependant, certaines conditions médicales préexistantes (par exemple : insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque) peuvent mettre la personne atteinte à risque de complications en cas de déshydratation. Des antibiotiques pourraient alors être recommandés pour traiter une diarrhée modérée.
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur sévère, les antibiotiques sont recommandés. Le lopéramide devrait être considéré en thérapie adjuvante aux antibiotiques.
Le choix de l’antibiotique prescrit devrait tenir compte de la probabilité que la diarrhée du voyageur soit causée par une bactérie résistante aux quinolones.
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur avec dysenterie, l’antibiotique recommandé est l’azithromycine. La durée du traitement devrait alors être de 3 jours.
Sévérité | Légère | Modérée | Sévère | |
Définition | Diarrhée1 qui est tolérable et qui n’interfère pas avec les activités planifiées. | Diarrhée1 qui est assez intense pour interférer avec les activités planifiées. | Diarrhée1 qui est incapacitante ou qui empêche complètement les activités planifiées. Toute dysenterie (passage de diarrhées sanglantes) est considérée sévère. | |
Traitement | Hydratation avec une solution de réhydratation orale (ex. : GastrolyteMD) | |||
Aucun autre traitement | Pourrait utiliser : Lopéramide2 seul | Non-dysenterie | Dysenterie | |
Considérer : Lopéramide2 avec les antibiotiques | Considérer : Lopéramide2 avec les antibiotiques | |||
Antibiotiques non recommandés | Antibiotiques généralement non recommandés | Antibiotiques2 : Azithromycine 1 à 3 jours ou Quinolone3,5 1 à 3 jours | Antibiotiques2 : Azithromycine4 3 jours
| |
Exceptions | Personne qui ne peut pas tolérer une indisposition même brève causée par la diarrhée (ex. : diplomates, athlètes de haut niveau, gens d’affaires) | Maladies chroniques sévères (ex. : personne souffrant d’insuffisance rénale chronique ou d’insuffisance cardiaque) | ||
Considérer alors l’utilisation de : Lopéramide2 ou Subsalicylate de bismuth2 | Considérer alors l’utilisation des antibiotiques2 : Azithromycine 1 à 3 jours ou Quinolone3,5 1 à 3 jours |
- Diarrhée = 3 selles non formées en 24h
- Pour les doses de médicaments, se référer au tableau «Traitement de la diarrhée du voyageur»
- Quinolones : ciprofloxacine ou lévofloxacine
- La résistance aux quinolones est plus fréquente en cas de dysenterie. C’est pourquoi l’azithromycine est devenue l’antibiotique de choix dans cette situation. Lorsque l’azithromycine n’est pas disponible, l’utilisation d’une quinolone pendant 3 jours est une alternative à envisager.
- Les quinolones ne sont pas les antibiotiques de choix pour la diarrhée du voyageur acquise en Asie du Sud-Est (Cambodge, Chine, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Thaïlande et Viêt Nam) et dans les pays de la région de l’Inde (Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal et Sri Lanka), et ce en raison de la fréquence élevée de la résistance aux quinolones.
Agents antisécrétoires
Le subsalicylate de bismuth, lorsqu’utilisé en traitement de la diarrhée du voyageur, réduit la quantité de diarrhées d’environ 40 %. C’est la portion «salicylate» du produit qui est antisécrétoire.
Le subsalicylate de bismuth peut être utilisé en monothérapie dans la diarrhée légère.
Consulter le tableau «Médicaments dans le traitement de la diarrhée du voyageur» et le tableau de «L’autotraitement de la diarrhée du voyageur».
Voir la section «Prévention» pour les renseignements concernant les effets secondaires et les contre-indications.
Agents antipéristaltiques
Les agents antipéristaltiques tels le lopéramide (ImodiumMD) soulagent rapidement les symptômes de la diarrhée. Ils peuvent être administrés dès le début de la diarrhée si celle-ci nuit à des activités importantes (surtout lors des déplacements). Ils sont contre-indiqués chez les enfants de moins de 2 ans et doivent être utilisés avec prudence chez les enfants de 2 à 11 ans.
La durée maximale d’utilisation des agents antipéristaltiques est de 48 heures. L’effet secondaire le plus fréquent est la constipation (durée et intensité variable).
Le lopéramide peut être utilisé en monothérapie dans la diarrhée légère à modérée, et en combinaison avec les antibiotiques dans la diarrhée modérée à sévère. La prise de lopéramide avec un antibiotique est sécuritaire. Étant donné la nature relativement bénigne de la plupart des épisodes de diarrhée du voyageur, il est raisonnable de réserver l’utilisation du lopéramide chez les patients avec une diarrhée modérée ou sévère.
Des études ont démontré que la diarrhée du voyageur augmente le risque de colonisation par une bactérie multirésistante acquise en voyage. De plus, ce risque est augmenté par la prise d’antibiotiques pour traiter cette diarrhée du voyageur, et il est davantage augmenté par l’ajout de lopéramide en combinaison avec les antibiotiques. Cependant, le lopéramide en monothérapie n’augmente pas le risque de colonisation associé à la diarrhée du voyageur.[1]
Le chlorhydrate de diphénoxylate (Lomotil®) est aussi un médicament antipéristaltique, mais son efficacité serait légèrement inférieure à celle du lopéramide. De plus, il semble occasionner davantage de somnolence et de sécheresse buccale. Du fait de son appartenance à la classe des narcotiques, il peut également poser des problèmes aux voyageurs lors du passage aux douanes dans certains pays.
Consulter le tableau «Médicaments dans le traitement de la diarrhée du voyageur» et le tableau de «L’autotraitement de la diarrhée du voyageur».
[1] Paul-Louis Woerther, MD PhD, Antoine Andremont, MD PhD, and Anu Kantele, MD PhD; Travel-acquired ESBL-producing Enterobacteriaceae: impact of colonization at individual and community level; Journal of Travel Medicine, 2017, Vol. 24, Suppl 1
Antibiotiques
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur légère, les antibiotiques ne sont pas recommandés.
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur modérée, les antibiotiques ne sont généralement pas recommandés. Cependant, certaines conditions médicales pré existantes (par exemple : insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque) peuvent mettre la personne atteinte à risque de complications en cas de déshydratation. Des antibiotiques pourraient alors être recommandés pour traiter une diarrhée modérée.
Pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur sévère, les antibiotiques sont recommandés.
La prise d’antibiotiques pour traiter la diarrhée du voyageur devrait être limitée aux indications mentionnées plus haut pour les raisons suivantes :
- Quelle que soit la classe des antibiotiques utilisés, toute prise d’antibiotiques peut être associée à un risque accru de diarrhée associée au Clostridium difficile. Ce risque est toutefois moins élevé dans la communauté que chez les personnes ayant été préalablement hospitalisées.
- La prise d’antibiotiques pour traiter la diarrhée du voyageur est aussi associée à un risque plus élevé de colonisation par une bactérie multirésistante, laquelle pourrait durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Quinolones
Les quinolones sont les antibiotiques les plus souvent utilisés dans l’autotraitement contre la diarrhée du voyageur chez l’adulte. Un traitement d’une seule journée avec une quinolone a été reconnu efficace tant au niveau des recherches cliniques que sur le terrain. Il est recommandé de poursuivre le traitement jusqu’à une durée de trois jours si la diarrhée persiste. En cas de dysenterie, le risque que la diarrhée soit causée par une bactérie résistante aux quinolones augmente. De plus, un traitement antibiotique de 3 jours s’est montré supérieur au traitement unidose. Pour ces raisons, un autotraitement avec azithromycine pendant trois jours est recommandé en cas de dysenterie. Lorsque l’azithromycine n’est pas disponible, l’utilisation d’une quinolone pendant 3 jours est une alternative à envisager.
Consulter le tableau «Médicaments dans le traitement de la diarrhée du voyageur» et le tableau de «L’autotraitement de la diarrhée du voyageur».
Effets secondaires
Les effets secondaires principaux des quinolones sont les malaises gastro-intestinaux (nausées, dyspepsie, etc.), les étourdissements, l’allergie ou autres réactions d’hypersensibilité et la photosensibilité.
Les quinolones sont contre-indiquées chez les patients atteints d’épilepsie, car elles peuvent abaisser le seuil convulsif.
Très rarement, l’intervalle QT peut être allongé avec risque de torsades de pointes et de conséquences graves, dont la mort subite. Ce risque semble cependant peu significatif vu la très courte durée du traitement de la diarrhée du voyageur[1]. Les facteurs de risque de la prolongation de l’intervalle QT et de torsades de pointes incluent les facteurs liés aux médicaments (interactions médicamenteuses) et les facteurs liés à l’hôte : maladies cardiovasculaires (arythmie, bradycardie, MCAS, insuffisance cardiaque), maladies du système nerveux central (trauma crânien récent, AVC ou antécédent de syncope), maladies chroniques (diabète, hypoglycémie, hyperglycémie, insuffisance rénale ou hépatique), désordres électrolytiques (hypokaliémie, hypomagnésémie, hypocalcémie), ou d’autres facteurs tels que l’âge avancé, le sexe féminin, et le syndrome du QT long congénital. L’intervenant en santé voyage doit donc s’assurer de vérifier les antécédents médicaux et les médicaments pris par le voyageur. Enfin, un état de déshydratation sévère peut également être à l’origine de désordres électrolytiques pouvant contribuer à l’allongement du QT.
Depuis 2008, les quinolones sont connues pour augmenter les risques de tendinite et de rupture tendineuse. Elles sont plus fréquentes chez les patients insuffisants rénaux, les patients sous corticostéroïdes, les patients âgés de plus de 60 ans, ceux atteints d’arthrite rhumatoïde, ou avec antécédent de problèmes tendineux, ainsi que chez les sportifs de haut niveau. Le tendon d’Achille semble particulièrement vulnérable, mais des cas de rupture de la coiffe des rotateurs ainsi que d’autres tendons ont été rapportés. La suspension des activités sportives jusqu’à une semaine suivant la prise d’une quinolone devrait parfois être discutée avec le voyageur et dans certains cas, l’azithromycine pourrait être envisagée chez les athlètes de haut niveau ou chez les voyageurs susceptibles de faire des efforts particulièrement exigeants. La surveillance se poursuit et ce phénomène devrait être mieux documenté dans les années à venir.
S’ajoutent au tableau des effets secondaires des quinolones, la possibilité d’aggravation des symptômes chez les patients avec myasthénie grave, des cas d’hépatotoxicité, de confusion et d’hallucination, ainsi qu’un risque potentiel de neuropathie périphérique irréversible. Concernant le risque de neuropathie périphérique, l’arrêt de la médication doit être recommandé en présence de paresthésies aux bras ou aux jambes ou en présence de tout nouveau symptôme neurologique inhabituel. Ces derniers éléments ayant récemment fait l’objet d’une alerte au sein de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, et de MedEffect de Santé Canada, les risques par rapport aux bénéfices doivent être discutés avec le voyageur.
De plus, la FDA (20 décembre 2018) et Santé Canada (27 juin 2019) ont émis un nouvel avis d’effets indésirables potentiellement graves, soit un risque d’anévrisme et de déchirure de l’aorte. Santé Canada s’est penché sur les quinolones par voie orale, par injection ou par inhalation. Bien que les cas demeurent rares, différentes études ont rapporté ce phénomène. L'Agence européenne des médicaments (EMA), la FDA et Santé Canada ont mis à jour les renseignements sur l'innocuité des fluoroquinolones, afin d'inclure le risque d'anévrisme et de dissection de l’aorte.
On note une augmentation progressive de la résistance aux quinolones au cours des 20 à 25 dernières années chez divers agents pathogènes associés à la diarrhée du voyageur. La résistance du Campylobacter aux quinolones est très fréquente, allant de 33 % en Afrique jusqu’aux alentours de 80 % en Asie, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est[2] [3]. Comme l’incidence du Campylobacter est élevée en Asie du Sud-Est[4] et dans les pays de la région de l’Inde[5] (16 à 25 % des cas de diarrhée du voyageur[6]), les quinolones ne devraient pas être utilisées pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur chez un voyageur qui se rend dans ces régions. Il y a également augmentation progressive de la prévalence de la résistance chez les patients atteints de diarrhée du voyageur causée par Shigella spp. et Salmonella spp. Pour l’E. coli (ECET et ECEA), la prévalence de résistance varie de 1 % à 10 %.
[1] https://wwwnc.cdc.gov/travel/yellowbook/2018/the-pre-travel-consultation/travelers-diarrhea
[2] Ricotta EE, Palmer A, Wymore K et al. Epidemiology and antimicrobial resistance of international travel-associated Campylobacter infections in the United States, 2005-2011; Am J Public Health 2014; 104: e108–14.
[3] David R. Tribble, MD, DrPH; Resistant pathogens as causes of traveller’s diarrhea globally and impact(s) on treatment failure and recommendations; Journal of Travel Medicine, 2017, Vol. 24, Suppl 1
[4] Asie du Sud-Est : Cambodge, Chine, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Thaïlande et Viêt Nam.
[5] Région de l’Inde : Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal et Sri Lanka.
[6] Z.D. Jiang and H.L. DuPont; Etiology of travellers’ diarrhea; Journal of Travel Medicine, 2017, Vol. 24, Suppl 1
Azithromycine
L’azithromycine est un antibiotique de la classe des macrolides utilisé de plus en plus dans l’autotraitement de la diarrhée du voyageur. De plus, c’est la médication de choix chez les femmes enceintes, chez les patients allergiques aux quinolones, chez les enfants (contre-indication relative aux quinolones) et chez les voyageurs se rendant en Asie du Sud-Est8 et dans les pays de la région de l’Inde9, où le Campylobacter jejuni est une cause fréquente de diarrhée du voyageur dont la prévalence de la résistance aux quinolones est élevée.
Consulter le tableau «Médicaments dans le traitement de la diarrhée du voyageur» et le tableau de «L’autotraitement de la diarrhée du voyageur».
Effets secondaires
Les effets secondaires principaux de l’azithromycine sont surtout digestifs (nausées, brûlements épigastriques, douleurs abdominales et diarrhée). Comme pour les quinolones, l’intervalle QT peut être allongé avec risque connu de torsades de pointes. Ce risque apparaît même plus élevé pour les macrolides en général que pour les quinolones (se référer à la section Quinolones pour les mises en garde et l’évaluation des facteurs de risque de l’allongement de l’intervalle QT).
La tolérance digestive de l’azithromycine en dose unique de 1 000 mg est moins bonne que celle rapportée avec le traitement de 3 jours à raison de 500 mg DIE.
Céphalosporines de 3e génération
Les céphalosporines de 3e génération par voie orale, telle la cefixime (SupraxMD), n’ont pas été étudiées dans le contexte du traitement de la diarrhée du voyageur. Quoiqu’ayant un spectre de couverture bactérienne qui semble adéquat pour plusieurs des germes impliqués dans la diarrhée du voyageur (sauf pour le Campylobacter), elles ne sauraient être recommandées qu’en situation de contre-indication aux autres antibiotiques reconnus efficaces.
Consulter le tableau «Médicaments dans le traitement de la diarrhée du voyageur» et le tableau de «L’autotraitement de la diarrhée du voyageur».
Rifaximine
La rifaximine est un agent antimicrobien à large spectre agissant localement au niveau du tractus gastro-intestinal. On le considère sécuritaire puisqu’il est très peu absorbé au niveau systémique. La rifaximine est indiquée en prophylaxie et en traitement de la diarrhée du voyageur.
L’utilisation de ce médicament pour l’autotraitement de la diarrhée du voyageur est cependant limitée par les trois facteurs suivants :
- La rifaximine a une efficacité réduite contre les bactéries entéro-invasives telles que Shigella,Salmonella et Campylobacter. Puisque le médicament cible davantage les diarrhées non invasives à E. coli, l’utilisation de la rifaximine en autotraitement est un second choix. De plus, un deuxième antibiotique devra souvent être prescrit pour une approche plus efficace des diarrhées entéro-invasives et des diarrhées sévères chez le voyageur.
- La posologie recommandée pour le traitement de la diarrhée du voyageur est de 200 mg, trois fois par jour pour 3 jours. Cependant, seuls les comprimés de 550 mg de rifaximine (Zaxine) sont disponibles sur le marché canadien. Le fabricant recommande de ne pas couper les comprimés de 550 mg. Les comprimés de 200 mg sont approuvés et disponibles dans d’autres pays, mais en raison de la contrefaçon de médicaments dans plusieurs pays en voie de développement, le voyageur doit être prudent s’il désire s’en procurer ailleurs.
- La rifaximine n’est pas approuvée chez les enfants de moins de 12 ans.
L’indication officielle de la rifaximine au Canada est l’encéphalopathie hépatique. Aux États-Unis par contre, ce médicament est parfois utilisé hors homologation pour traiter des patients atteints du syndrome du côlon irritable, de diverticulites à répétition, des maladies inflammatoires intestinales et en prophylaxie lors de chirurgies intestinales.
Antibiotiques chez les enfants de moins de 16 ans
Pour les enfants de < 16 ans, on prescrit généralement l’azithromycine.
En cas d’allergie aux macrolides[1], le céfixime (Suprax®) représente une solution de rechange.
En pédiatrie, les quinolones ne sont généralement pas recommandées en raison des risques d’arthropathie. Cependant, certains experts n’hésitent pas à prescrire une quinolone chez la population pédiatrique, car en présence de diarrhée sévère, les avantages de la médication administrée pendant une courte période de 1 à 3 jours l’emportent sur les risques potentiels. Dans les études chez une population pédiatrique, le risque d’arthropathie des grosses articulations attribuable aux quinolones est de l’ordre de 3 à 5 %[2]. Chez les enfants allergiques aux macrolides et aux céphalosporines, ce risque devrait être soupesé par rapport aux bienfaits potentiels.
[1] Médicaments de la classe des macrolides : azithromycine, clarithromycine, érythromycine, Pédiazole®
[2] UpToDate, Ciprofloxacin (systemic): Pediatric drug information; consulté en mars 2018.
Conclusions et autres considérations
Règle générale, il faut limiter le plus possible l’usage des antibiotiques aux fins de l’autotraitement, en raison des effets secondaires parfois sévères et de l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens. Par ailleurs, les deux principaux facteurs de risque de contracter une entérobactérie multirésistante en voyage sont le développement d’une diarrhée du voyageur et l’administration d’un traitement antibiotique pour ce tableau clinique, surtout en Asie. Si les symptômes de la diarrhée du voyageur sont bénins, la réhydratation orale et la prise de lopéramide devraient suffire. Ce n’est que lorsque ces premières interventions échouent ou lorsque les symptômes du voyageur s’aggravent, que la prise d’antibiotiques pourrait alors être justifiée. Dans les cas plus graves de diarrhée du voyageur et lorsque cela est possible, il est recommandé de faire une culture et un antibiogramme pour dépister les agents pathogènes en cause, afin de faciliter le choix du schéma thérapeutique optimal.
Situations d’urgence
On recommande une consultation médicale lorsqu’une diarrhée sévère ne s’améliore pas après 24-48 heures de traitement antibiotique ou lorsque la déshydratation est sévère. Il faut être particulièrement vigilant en présence de vomissements chez les jeunes enfants qui ont de la diarrhée et chez qui la déshydratation peut survenir plus rapidement.
En présence de fièvre, dans les régions endémiques pour la malaria (paludisme), une consultation médicale urgente est recommandée pour éliminer la maladie. L’investigation devra alors inclure un frottis sanguin.
Agent | Posologie - traitement | Contre-indications et précautions | Interactions médicamenteuses et commentaires |
---|---|---|---|
Agents anti-sécrétoires | |||
Antipéristaltiques | |||
Antibiotiques | |||
Subsalicylate de bismuth (Pepto BismolMD) | Disponible en comprimés à croquer de 262 mg ou en suspension de 88 mg/5 ml et de 176 mg/5 ml.
Adultes : Administrer une dose à toutes les 30 à 60 minutes au besoin, avec un maximum de 8 doses par jour:
Enfants : Administrer une dose à toutes les 30 à 60 minutes au besoin, avec un maximum de 8 doses par jour:
| Le traitement est contre-indiqué en cas d’allergie à l’AAS, certains AINS ou produits apparentés. Il est également contre-indiqué chez les personnes qui prennent déjà de l’AAS, qui ont des problèmes d’ulcères gastroduodénaux ou de saignements digestifs.
Le traitement n’est pas recommandé chez les enfants âgés de moins de 2 ans, durant le deuxième et le troisième trimestre de la grossesse et durant l’allaitement.
On ne devrait pas utiliser ce médicament chez les enfants ou les adolescents qui ont souffert récemment ou qui font actuellement une varicelle ou un syndrome grippal, en raison du risque de syndrome de Reye.
Utiliser avec prudence en gériatrie et chez les patients insuffisants rénaux et les ceux atteints de goutte. | Le subsalicylate de bismuth peut être indiqué pour le traitement de la diarrhée légère. La durée du traitement ne devrait pas dépasser 48 heures.
Interactions (liste non exhaustive) : Acide valproique (DivalproexMD) Acétalozolamide (DiamoxMD) Dexaméthasone et Prednisone Doxycycline, et autres tétracyclines Insuline Méthotrexate Probenecide (BenemidMD) Sulfonylurées Warfarin (CoumadinMD) |
Lopéramide (ImodiumMD) | Adultes : Première dose de 4 mg, puis 2 mg après chaque selle molle (dose maximale de 16 mg par 24 heures) Enfants :
| La durée du traitement ne devrait pas dépasser 48 heures.
Contre-indiqué chez enfants de moins de 2 ans.
N’administrer à des enfants de 2 à 11 ans que sur avis médical.
Aucun ajustement posologique n’est nécessaire chez les personnes âgées. | Le lopéramide peut être indiqué en monothérapie pour le traitement de la diarrhée légère à modérée et en thérapie adjuvante aux antibiotiques dans la diarrhée modérée à sévère.
Interactions (liste non exhaustive) : Clozapine (ClozarilMD) Deferasirox Gemfibrozil (LopidMD) Itraconazole (SporanoxMD) Kétoconazole (NizoralMD) Quinidine |
Quinolones | Adultes : OPTIONS: 1)Ciprofloxacine (CiproMD)
OU
2) Lévofloxacine (LevaquinMD)
Enfants : Seulement en cas d’allergie aux macrolides et aux céphalosporines : Ciprofloxacine
| Le traitement est contre-indiqué chez les personnes allergiques aux quinolones[2], les femmes enceintes et les patients atteints d’épilepsie.
À moins d’allergie aux macrolides et aux céphalosporines, les quinolones sont généralement non recommandées chez les enfants de moins de 16 ans. | Résistance connue du Campylobacter jejuni aux quinolones dans les pays de la région de l’Inde[3] et en Asie du Sud-Est[4]. Ne pas utiliser pour un voyage dans ces régions du monde.
Ajustement posologique des quinolones pour les patients atteints d’insuffisance rénale.
Interactions (liste non exhaustive): Aluminium, fer, magnésium, zinc Carbonate de calcium Clozapine (ClozarilMD) Duloxétine (CymbaltaMD) Méthadone (MétadolMD) Méthotrexate Olanzapine (ZyprexaMD) Procaïnamide (PronestylMD) Ropinirole (RequipMD) Sildénafil (ViagraMD) Théophylline (UniphylMD, ThéolairMD, ThéodurMD) Tizanidine (ZanaflexMD) Warfarin (CoumadinMD) |
Azithromycine (ZithromaxMD) | Adultes OPTIONS:
Enfants :
| Le traitement est contre-indiqué en cas d'allergie à l’azithromycine ou aux antibiotiques de la classe des macrolides5 :
| Sécuritaire chez l’enfant et la femme enceinte et chez le patient épileptique.
L’azithromycine est le médicament recommandé en présence de dysenterie.
Interactions (liste non exhaustive): Amiodarone (CordaroneMD) |
Céfixime (SupraxMD) | Adultes
Enfants :
| Le traitement est contre-indiqué en cas d’allergies aux céphalosporines.
Attention aux allergies croisées entre les bêta-lactamines (céphalosporines et pénicillines). | Traitement de rechange pour les enfants et adultes chez qui les macrolides et les quinolones sont contre-indiqués.
Le Cefixime ne couvre pas les infections à Campylobacter. Des cas de résistance au Shigella ont été rapportés.
Interactions : Probenecide (BenemidMD) Carbamazépine Warfarin (CoumadinMD) |
[1] Nul besoin de compléter le traitement si les symptômes se résorbent. Un traitement en dose unique est généralement suffisant, mais il peut être nécessaire de compléter les trois jours de traitement selon l’intensité et la durée de la diarrhée. En présence de dysenterie (diarrhées sanglantes), le traitement de trois jours doit être complété.
[2] Quinolones : ciprofloxacin (CiproMD), gatifloxaxin (TéquinMD), lévofloxacin (LévaquinMD), moxifloxacin (AveloxMD), norfloxacin (NoroxinMD)
[3] Région de l’Inde : Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal et Sri Lanka.
[4] Asie du Sud-Est : Cambodge, Chine, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Thaïlande et Viêt Nam.
[5] Macrolides: azithromycine (ZithromaxMD), clarithromycine (BiaxinMD), érythromycine (ErythromidMD, E-MycineMD, IlosoneMD, EESMD, PédiazoleMD)
Adapté de : Déclaration sur la diarrhée du voyageur. Comité Consultatif de la Médecine Tropicale et de la Médecine des Voyages (CCMTMV) Avril 2015 et de Guidelines for the prevention and treatment of travelers’diarrhea : a graded expert panel report. Journal of travel medicine. International Society of Travel Medecine, 2017, Vol 24, Suppl 1, S57-S74.