HAP : méthodes d’échantillonnage et d’analyse en surveillance biologique de l’exposition
C. Champmartin, F. Jeandel, et P. Simon, Institut National de Recherche et de Sécurité, France
M. Lafontaine, Hygiéniste industriel, France
Introduction
L’intérêt croissant des hygiénistes industriels pour la surveillance biologique de l’exposition aux HAP a conduit le laboratoire à développer deux outils destinés à encourager et à faciliter sa mise en oeuvre. Le premier, destiné au chimiste analyste, consiste en l’utilisation de la technique de chromatographie multidimensionnelle séquencée. Cette technique permet le traitement en ligne de l’échantillon avec suppression des diverses opérations fastidieuses, élution, concentration, re-dissolution des extraits, etc., inhérentes aux techniques classiques d’extraction liquide-liquide ou d’extraction sur phase solide (SPE) réalisées généralement en mode «off-line».
Le deuxième outil, destiné au personnel médical ou à l’hygiéniste, consiste en un système de piégeage, de transport et de conservation des échantillons sur phase solide : Uriprel®. Ce dispositif, réduit à une simple cartouche (l = 5 cm, d = 1 cm) en fin de recueil, permet de s’affranchir de la réfrigération et d’accroître les délais d’acheminement de l’échantillon vers le laboratoire d’analyses.
Le présent document a pour objectif d’illustrer la démarche entreprise et de montrer l’intérêt de ces deux outils dans le cadre des dosages du 1-hydroxyprène (1-OHP) et du 3-hydroxybenzo- [a]pyrène (3-OHBaP) urinaires, du transport et de la conservation des échantillons.
Matériels et méthodes
Chromatographie multidimensionnelle
À partir des éléments de base d’un système classique de chromatographie liquide haute performance (CLHP) à savoir, 2 pompes, une colonne analytique, une enceinte thermostatée, un détecteur et un système de traitement de données, un nombre variable de colonnes de purification et de vannes de commutation est introduit dans le dispositif selon la complexité de la matrice à analyser. La figure 1 présente, très schématiquement, les divers éléments qui composent un tel système ainsi que leur agencement.
Le principe consiste en la réalisation, en ligne, de purifications successives. Brièvement, après injection de l’échantillon et élution sur une colonne de purification, les fractions de tête et de queue de l’éluat, préalablement repérées sur un chromatogramme de base, sont dirigées vers la poubelle. La fraction d’intérêt, contenant le soluté, est transférée soit vers la colonne analytique soit vers une nouvelle colonne de purification. Selon le degré de difficulté de la séparation, cette opération est réitérée ou non.
Figure 1. Représentation schématique d’un système de chromatographie multidimensionnelle ou, plus communément, de commutation de colonnes.
Uriprel®
Cet outil (Simon et al., 2003), solution alternative au flaconnage, permet notamment de s’affranchir de la «chaîne du froid» durant le transport. À usage unique, il se compose d’une seringue à volume fixe et d’une cartouche de recueil remplie d’un support adsorbant à l’état divisé
Figure 2. Schéma des deux dispositifs de recueil Uriprel® développés et validés.
a) Dispositif pour le prélèvement des métabolites des HAP;
b) Dispositif pour le prélèvement de la créatinine et des métabolites du benzène, du styrène, du disulfure de carbone, du toluène et des xylènes.
Résultats
Chromatographie multidimensionnelle
La technique a été appliquée au dosage du 1-OHP et du 3-OHBaP urinaires. Les méthodes développées sont détaillées dans la littérature (Simon et al., 1999; 2000). L’amélioration des limites de détection, impérative dans le cas du 3-OHBaP, a été rendue possible en remplaçant la boucle d’injection par une mini-colonne de chargement. Hormis l’étape d’hydrolyse aucun pré-traitement en mode «off-line» n’est effectué. La durée de l’analyse est de 20 min pour le 1-OHP (limite de détection (LD) » 10 ng/L, signal/bruit (S/ B)=3, 100 μL injectés) et d’environ 30 min pour le 3-OHBaP (LD » 0,05 ng/L, S/B = 3, 3 mL injectés). La figure 3 illustre la qualité de la purification et la limite de détection obtenues grâce à cette technique pour le 3-OHBaP.
Figure 3. Divers chromatogramme d’échantillons d’urine.
a) Spécimen A, après purification par SPE en mode «off-line»; 3-OHBaP non quantifiable (10 μL injectés, facteur de concentration = 10);
b) Spécimen A après purification en ligne (commutation de colonnes), 3-OHBaP = 34 ng/L (100 μL injectés);
c) Spécimen B analyse effectuée en ligne (commutation de colonnes), 3-OHBaP » 0,06 ng/L (3 mL injectés), conditions de détection limite.
Après dix ans d’expérience (10 000 analyses), les acquis et les questionnements quant au 3-OHBaP et ses conjugués se résument ainsi : la présence de 3-OHBaP libre est < à 12 % (pour 90 % des cas), l’hydrolyse est rapide (< 1h), une forte adsorption des conjugués est observée sur les sédiments urinaires (> 70 %), les ultra-sons semblent non destructeurs (à confirmer), la nature de la phase stationnaire de la colonne analytique est importante pour la sensibilité de la méthode et pour la séparation (variation du signal d’un facteur 1 à 3 ainsi que de la sélectivité selon le lot ou la marque) et enfin la stabilité du 3-OHBaP est aléatoire et fortement dépendante du spécimen d’urine, du lot de solvant et du temps d’hydrolyse (pertes possibles de 20 à 50 % en 8 h).
Uriprel®
Le dispositif, en instance de commercialisation, a été validé pour le 1-OHP et le 3-OHBaP (naphtols en cours) ainsi que pour la créatinine. Des comparaisons ont été effectuées sur des échantillons (n = 70) conservés dans un cas sur cartouche à température ambiante (1 mois) et en flacon à - 20 °C (6 mois) dans l’autre. Aucune différence significative n’a été constatée entre les 2 séries. Par contre, après une décongélation accidentelle d’échantillons (n = 100) suivie de leur re-congélation puis re-décongélation avant analyse, une perte moyenne de 30 % a été notée pour ceux conservés en flacon comparativement à ceux stockés sur cartouche. Enfin, après imprégnation de deux séries de cartouches avec les mêmes échantillons (n = 43), l’étude de l’influence du temps de stockage a montré que la série conservée 15 jours à température ambiante, puis 1 mois à 8 °C suivi de 18 mois à - 20°C, avait subi une perte moyenne de 15 % (5 % en supprimant 3 points) par rapport à celle stockée 15 jours à température ambiante.
Conclusion
Le développement de méthodes de dosage sensibles, spécifiques et rapides du 1-OHP et du 3-OHBaP (traitement «on-line» des échantillons) associé à celui d’un système pratique de recueil d’urine et de conservation des métabolites a permis l’établissement :
- de profils et de cinétiques d’excrétion avec repérages des moments optimums du recueil, à savoir, le maximum d’excrétion en concentration (Gendre et al., 2004);
- d’une droite de corrélation entre le BaP atmosphérique (voie respiratoire) et le 3-OHBaP urinaire avec proposition de ce métabolite comme indicateur biologique d’exposition et préconisation d’une valeur seuil de 0,45 nmol/mol créatinine (Lafontaine et al., 2004) révisée à 0,35 nmol/mol créatinine depuis.
Bibliographie
- Gendre, C., Lafontaine, M., Delsault, P., Simon, P. (2004). Exposure to polycyclic aromatic hydrocarbons and excretion of urinary 3-hydroxybenzo[a]pyrene: assessment of an appropriate sampling time. Polycyclic Aromatic Compounds 24, 433-441.
- Lafontaine, M., Gendre, C., Delsault, P., Simon, P. (2004). Urinary 3-hydroxybenzo[ a]pyrene as a biomarker of exposure to polycyclic aromatic hydrocarbons: an approach for determining a biological limit value. Polycyclic Aromatic Compounds 24, 441-450.
- Simon, P., Morele, Y., Delsault, P., Nicot, T. (1999). Automated column-switching high-performance liquid chromatography method for the determination of 1-hydroxypyrene in human urine. J. Chromatogr. B 732, 91-101.
- Simon, P., Lafontaine, M., Delsault, P., Morele, Y., Nicot, T. (2000). Trace determination of urinary 3-hydroxybenzo[ a]pyrene by automated columnswitching high-performance liquid chromatography. J. Chromatogr. B 748, 337-348.
- Simon, P., Andre, F., Delsault, P., Kivistö, H., Gendre, C., Fabre, N., Lafontaine, M., Laroche, M., Nicot, T., Park, I., Reiser, T., Salignac, P., Stines, A. (2003). Surveillance biologique: vers un nouveau dispositif de recueil d’urine. Document pour le Médecin du Travail 93, 35- 53.