Regard sur les personnes à risque de comportements suicidaires
Certains groupes de la population apparaissent à plus grand risque de comportement suicidaire, selon leur sexe et leur âge, leur travail, leur état de santé mentale, mais aussi leur milieu de vie.
Âge et sexe
De façon générale, les comportements suicidaires révèlent des disparités significatives entre les sexes et les groupes d’âge. Les hommes sont trois fois plus à risque que les femmes face au suicide. De plus, le taux de mortalité par suicide le plus élevé s’observe chez les hommes d’âge mûr, soit de 50 à 64 ans.
Quant à l’utilisation des services hospitaliers, les jeunes filles (10-14 ans), les adolescentes (15-19 ans) et les jeunes femmes (20-34 ans) ont un taux plus élevé de visites aux urgences pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires, comparativement aux autres groupes de la population. De plus, ces femmes présentent également un taux particulièrement élevé d’hospitalisations attribuables aux tentatives de suicide. Pour en savoir plus, consultez notre rapport de 2025.
Les disparités entre les sexes peuvent refléter une plus grande ouverture des femmes à demander de l’aide. Il s’agit d’un comportement à valoriser, notamment auprès des hommes, souvent moins enclins à parler de leur détresse.
Personnes aînées
Compte tenu du vieillissement démographique et de l’augmentation de la proportion de personnes aînées dans la population, l’INSPQ s’est penché sur les comportements suicidaires des 65 ans et plus.
- En 2021, 224 personnes dans ce groupe d’âge se sont enlevé la vie, soit près du quart de l’ensemble des suicides chez les adultes de 20 ans et plus.
- Le taux de suicide des femmes aînées semble être demeuré stable de 1981 à 2021, s’élevant autour de 5 suicides par 100 000 personnes. Celui des hommes aînés a connu une baisse, passant de 28 au cours des années 1981-1983 à 22 suicides par 100 000 personnes en 2020-2021. Avec le vieillissement de la population, le nombre absolu de personnes de 65 ans et plus qui s’enlèvent la vie est toutefois à la hausse.
- En 2022, 461 hospitalisations attribuables aux tentatives de suicide étaient observées chez les personnes aînées (16 % de toutes celles chez les adultes de 20 ans et plus).
- Entre 2008 et 2022, le taux d'hospitalisation attribuable aux tentatives de suicide est passé de 16 à 25 hospitalisations par 100 000 personnes.
Milieux de vie
Au Québec, la mortalité par suicide est un indicateur de santé publique inégalement réparti selon les conditions sociales et économiques. Les résultats issus de la surveillance des inégalités sociales de santé révèlent un écart prononcé entre les milieux les plus favorisés et les plus défavorisés.
- Chez les hommes, entre 2009 et 2013, le taux de mortalité par suicide dans les milieux les plus défavorisés était deux fois plus élevé que dans les milieux les plus favorisés : 27 décès contre 14 par 100 000 personnes.
- Chez les femmes, bien que les taux soient plus faibles, le schéma est similaire. On observe 6 décès par 100 000 personnes dans les milieux les plus défavorisés, contre 3 dans les milieux les plus favorisés — un écart du double.
Ces inégalités ne sont pas nouvelles. Malgré une baisse générale des taux de suicide dans la population, une analyse s’intéressant à la période de 1989-1993 à 2009-2013 a relevé que l’écart entre les groupes sociaux a persisté. Les bénéfices en matière de prévention semblent donc avoir profité de manière inégale aux différents milieux. Si l’ensemble de la population affichait le même taux de suicide que celui observé dans les milieux les plus favorisés par sexe, environ 260 décès par suicide auraient pu être évités chaque année chez les hommes, et 75 chez les femmes en 2009-2013 . Cela représentait environ un suicide sur trois chez les hommes et les femmes. Ces chiffres soulignent que le suicide est un phénomène profondément lié aux inégalités sociales. Au-delà des facteurs individuels, les conditions économiques, le tissu social et le milieu de vie jouent un rôle majeur dans les trajectoires de vulnérabilité.
Les données indiquent aussi des différences dans le taux de suicide observé selon la ruralité du milieu de vie. En 2012-2015, le taux de suicide mesuré en milieu rural était plus élevé que celui observé en milieu urbain. Cette situation s’observait principalement chez les hommes, avec un taux de 31 décès par 100 000 personnes en milieu rural comparativement à 19 décès par 100 000 en milieu urbain.
Voir notre tableau de bord : Milieux ruraux et urbains : Quelles différences de santé au Québec?
Troubles mentaux
Plus de 80 % des personnes qui se sont suicidées étaient atteintes d’une maladie mentale ou d’un trouble lié à la consommation de substances, selon l’Agence de santé publique du Canada. Les personnes ayant un trouble de l’utilisation de substances, c’est-à-dire un mode de consommation problématique, ont 9 fois plus de risque de décéder par suicide qu’une personne n’ayant jamais reçu un tel diagnostic. Cette augmentation de risque est statistiquement plus élevée chez les femmes (18 fois) que chez les hommes (6,5 fois). Consultez notre publication : Les troubles liés aux substances psychoactives : surveillance de la mortalité (2022).
Travail
L’INSPQ a dressé un premier portrait des idées suicidaires sérieuses des travailleuses et travailleurs salariés du Québec. Il est basé sur les données de l’Enquête québécoise sur la santé de la population (EQSP) 2014-2015. L’indicateur utilisé est le fait d’avoir sérieusement songé à se suicider ou à s’enlever la vie au cours des douze derniers mois. Voici les constats :
- Ce portrait fait ressortir les facteurs de risque professionnels associés aux idées suicidaires sérieuses, notamment les risques psychosociaux du travail, en tenant compte des facteurs personnels et sociodémographiques pouvant influencer de telles idées, dont l’âge, la perception de sa situation financière, de sa santé en général, de sa vie sociale ou le fait de vivre seul.
- Environ 3 % des personnes salariées au Québec ont déclaré avoir eu des idées suicidaires sérieuses au cours des 12 mois précédant l’enquête, soit près de 100 000 personnes, sans écart statistiquement significatif entre les femmes (3,2 %) et les hommes (2,6 %).
Ce rapport, ainsi que d’autres études, soutient l’hypothèse selon laquelle des conditions de travail défavorables (ex. : harcèlement psychologique, tension, reconnaissance faible) pourraient constituer des facteurs de risque d’idées suicidaires. D’où l’importance de veiller à créer et préserver des environnements de travail sains afin de protéger la santé mentale des personnes salariées. Consultez notre publication : Portrait des idées suicidaires sérieuses et des facteurs de risque professionnels chez les personnes salariées : résultats de l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015 (2025)