Rappel précoce à la suite d'une mammographie de dépistage anormale : programme québécois de dépistage du cancer du sein, 1998-2000
Dans le cadre du Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS), les femmes de 50 à 69 ans sont invitées à passer une mammographie de dépistage à tous les deux ans. Depuis le début du programme, un rappel plus précoce est recommandé à plusieurs femmes après une mammographie anormale, les examens d'investigation n'ayant pas permis d'établir que les anomalies étaient hors de tout doute normales ou bénignes. La présente étude a pour objectifs de mesurer la fréquence d'une recommandation de rappel précoce (3 à 11 mois) à la suite de l'investigation initiale, l'observance à cette recommandation ainsi que la fréquence des cancers du sein diagnostiqués jusqu'à deux ans suivant la mammographie de dépistage.
De mai 1998 à décembre 2000, 11,2 % des participantes au PQDCS ont obtenu un résultat anormal à leur première mammographie de dépistage. Le rapport de confirmation diagnostique était saisi au SI-PQDCS et complet pour 62 % (22 415) des femmes ayant eu un résultat anormal. Ce rapport est la seule source d'information sur la recommandation de suivi. Nous avons retenu les rapports qui permettaient d'obtenir l'investigation initiale, c'est-à-dire les examens qui ont conduit à une première conclusion. Ces examens pouvaient inclure l'examen clinique, les examens d'imagerie et les examens effractifs, si nécessaires. Le premier de ces examens devait avoir eu lieu dans les 90 jours suivant la mammographie de dépistage et l'écart entre les examens ne devait pas être supérieur à 90 jours. Par ailleurs, au cours de la période étudiée, les conclusions possibles au rapport de confirmation diagnostique étaient : normal, bénin, à risque et cancer; une lésion probablement bénigne pouvait être classée dans la catégorie bénin ou à risque. Ces deux catégories ont été regroupées et les cancers ont été exclus. Les femmes ont été réparties dans trois groupes : aucun suivi recommandé, un suivi à 3-11 mois (appelé rappel précoce) ou un suivi à 12-17 mois. Les variables concernant les caractéristiques des femmes proviennent également du SI-PQDCS. Le fichier des actes facturés à la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) a été utilisé pour mesurer l'observance à la recommandation de suivi. Les cancers du sein au cours des deux ans suivant la mammographie de dépistage ont été identifiés selon une méthode déjà validée.
Nous avons estimé que 3,2 % des femmes dépistées pour la première fois dans le cadre du PQDCS ont eu une recommandation de rappel précoce (3-11 mois). Cela représente 30,3 % des mammographies anormales, dont l'investigation initiale n'a pas révélé de cancer, et cette fréquence varie de 9,7 % à 57,8 % selon les régions. La fréquence est plus élevée lorsque les femmes n'ont pas eu de mammographie antérieure (38,2 %), comparativement aux femmes qui déclaraient avoir déjà eu une mammographie (28,5 %). La fréquence diminue lorsque la densité mammaire augmente, de 35,4 % (densité faible) à 27,1 % (densité élevée). Lorsque des microcalcifications étaient identifiées à la mammographie de dépistage anormale, 39,7 % des femmes ont eu une recommandation de rappel précoce. Les microcalcifications représentaient 17 % des lésions identifiées à la mammographie de dépistage anormale. Parmi les examens ayant permis de conclure l'investigation initiale, la biopsie par forage était associée plus souvent à une recommandation de rappel précoce (55,6 %) que des examens radiologiques (27,5 %).
Les femmes ont eu un examen de suivi dans la période recommandée dans une proportion de 71,0 % lorsque le suivi recommandé était très court (3-5 mois) et de 63,5 % lorsque le suivi recommandé était de 6-11 mois. Même si un certain nombre de femmes n'ont pas observé la période recommandée de suivi, la très grande majorité d'entre elles ont eu au moins un examen au cours des 24 mois suivant la mammographie, puisque 89 % et 86 % des femmes ayant eu une recommandation de rappel précoce à 3-5 mois ou à 6-11 mois ont eu au moins un examen de suivi.
La fréquence du cancer, chez les femmes ayant eu une recommandation de rappel précoce, est de 1,15 % (I.C. 95 % : 0,90-1,41) sur une période de deux ans, près de trois fois plus élevée que celle des femmes n'ayant pas eu de recommandation de suivi (0,42 %; I.C. 95 % : 0,31-0,53). Les femmes pour lesquelles un suivi à 12-17 mois était recommandé présentent une proportion de cancers (0,58 %; I.C. 95 % : 0,30-0,85) semblable à celles qui n'ont pas eu de recommandation de suivi.
En conclusion, on estime que 3,2 % des femmes dépistées au début du PQDCS ont eu une recommandation de rappel précoce (3-11 mois), représentant 30,3 % des mammographies anormales. La fréquence du rappel précoce se compare aux résultats observés dans la plupart des études américaines, mais demeure beaucoup plus élevée que les résultats obtenus et recommandés en Europe. La fréquence des cancers diagnostiqués dans ce groupe est de 1,15 %, dans les limites de la fréquence attendue (< 2 %) pour des lésions probablement bénignes, mais près de trois fois plus élevée que celle des femmes sans recommandation de suivi. Les raisons qui ont conduit au rappel précoce devront être analysées plus en détails, ainsi que les conséquences de ce rappel pour les participantes au programme et ce, dans l'objectif de minimiser les inconvénients du dépistage.