Les priorités nationales de santé publique 1997-2002 : une évaluation de l'actualisation de leurs principes directeurs / Le cas du déploiement du programme Naître Égaux - Grandir en santé dans la région des Laurentides
Les Priorités nationales de santé publique 1997-2002, en continuité avec La Politique de la santé et du bien-être de 1992, maintiennent l'objectif, non encore atteint, de réduire la prématurité, l'insuffisance pondérale à la naissance et les problèmes de développement cognitif, affectif et social des enfants. La stratégie privilégiée est celle de services précoces, intensifs et adaptés auprès des jeunes familles en situation d'extrême pauvreté. Suivant les expériences et les premières évaluations réalisées dans les régions d'Abitibi et de Montréal-Centre, précurseurs de l'application du programme, ce sont toutes les régions du Québec que les PNSP convient à la mise en oeuvre de programmes intégrés de type NÉGS, s'adressant à une tranche spécifique de la population, en situation de grande pauvreté et d'exclusion. Les deux premiers effets attendus du programme sont de rejoindre la clientèle visée (50 % des femmes québécoises enceintes, sous-scolarisées et en situation d'extrême pauvreté) et d'offrir de tels services à cette clientèle sur tous les territoires de CLSC du Québec.
Le déploiement de NÉGS dans le contexte des PNSP a été abordé au palier central, par la DGSP et l'INSPQ, avec une approche de leadership davantage que de contrôle technocratique. D'abord, un leadership a été exercé par la DGSP auprès du MSSS pour un rehaussement du financement dédié au programme. Ensuite, un soutien actif a été fourni au déploiement du programme en animant un lieu d'échange interrégional. Le contrôle technocratique a été surtout exercé par l'évaluation normative tenue dans le cadre du suivi d'implantation des Priorités nationales de santé publique 1997-2002. Au palier régional, la DSP des Laurentides a mis de l'avant une approche politique du déploiement de NÉGS dans ses sept territoires de CLSC, cherchant à rallier précocement les acteurs concernés (bailleurs de fonds, CLSC et organismes communautaires) en tenant compte de leurs intérêts respectifs et à créer les conditions minimales du déploiement. Deux controverses ont été soulevées par le déploiement du programme, celle du financement des CLSC en lien avec la clientèle à desservir et celle de l'autonomie et du financement des organismes communautaires. La DSP a établi avec les acteurs de la mise en œuvre (CLSC et organismes communautaires), à l'étape initiale du plan d'implantation, une dynamique d'échanges (qui dépasse la consultation) où ils ont pu négocier les conditions de leur engagement (financement, objectifs d'implantation, autonomie et reconnaissance). Elle s'est exercée à clarifier les rôles des CLSC et des organismes communautaires, à leur demande et à leur satisfaction. Elle a ainsi favorisé des plans d'implantation ajustés à la diversité des contextes locaux. Elle a opté pour une approche adaptative du programme en valorisant les structures existantes, en reconnaissant ce qui se faisait déjà comme une contribution à l'implantation du programme et en introduisant les idées maîtresses du programme-cadre par la formation et l'échange, plutôt que par des contrôles de conformité.
Au palier local, les CLSC ont maintenu le cap sur l'égalisation de leurs rapports avec le milieu communautaire en préservant avant tout les collaborations existantes et en ayant pour principe que la collaboration des organismes à NÉGS devait être librement consentie. Appuyés par la DSP, les CLSC ont cherché à insérer le programme dans les pratiques existantes selon une logique de combinaison des différents savoirs, entraînant les changements de pratique escomptés vers l'interdisciplinarité en CLSC et, en certains territoires, des innovations au plan de l'action intersectorielle, tel le développement de projets de type Ma place au soleil. Les CLSC ont cherché à introduire NÉGS dans le réseau de services existants en périnatalité et petite enfance, en l'utilisant comme outil de changement, dans l'optique de rehausser la capacité d'accueil et d'action de ce réseau.
Ces pratiques ont généralement été favorables à la qualité des résultats atteints. Solidité du réseau d'acteurs et ancrage local du programme sont les premiers résultats des pratiques planificatrices et partenariales de la DSP et des CLSC. Ces pratiques ont favorisé le développement d'un réseau d'acteurs qui portent le programme et où sont engagés les acteurs communautaires sans qu'ils aient eu à formaliser cet engagement. La diversité d'application du programme, qui témoigne de la marge décisionnelle des acteurs, est un signe de son ancrage dans les territoires locaux. L'ancrage s'observe aussi dans l'accroissement de la pertinence du programme aux yeux des acteurs locaux, à mesure qu'ils l'implantent et que leurs sont dévoilés les nouveaux besoins sociaux. Ces conditions ont permis, sur certains aspects, un renforcement de la solidité du modèle d'action et de la viabilité du programme (résultats positifs sur le recrutement, la rétention des participantes et le respect des normes de précocité, intensité et continuité des suivis prévus au programme; innovation en postnatal là où la mobilisation intersectorielle fut suffisante). Cependant, le potentiel limité de l'action locale pour agir sur l'issue de grossesse des mères de milieux défavorisés demeure une question entière.