Surveillance de laboratoire des Staphylococcus aureus résistants à la méthicilline isolés de pus superficiels et pus profonds de la peau et des tissus mous de patients provenant de la communauté : rapport 2015
Ce programme de surveillance de laboratoire vise à déterminer la proportion de souches de SARM parmi le nombre total de Staphylococcus aureus isolés de spécimens de la peau et des tissus mous de patients provenant de la communauté, à caractériser leur type moléculaire (communautaire, SARM-AC ou hospitalier, SARM-AH), à évaluer la présence du gène de la toxine PVL et à déterminer leur profil de sensibilité aux antibiotiques.
Trente-sept installations représentatives de la province ont été ciblées afin qu’elles fassent parvenir au Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) leurs souches de SARM issues des IPTMC isolées du 1er avril au 2 mai 2015. Le LSPQ a réalisé l’antibiogramme pour 11 antibiotiques, la recherche de la toxine PVL par réaction en chaine par polymérare (PCR) et a déterminé le type épidémique par typage du gène spa. Les laboratoires participants ont fourni deux formulaires (données démographiques du patient et nombre de S. aureus totaux isolés d’IPTMC).
Parmi les 25 installations participantes, 90 souches de SARM ont été identifiées, représentant 10 % des Staphylococcus aureus totaux, dont 64 % ont un profil épidémique communautaire. La moyenne d’âge des patients est de 47 ans (écart de 0,8-90; médiane 50 ans). Les hommes comptent pour 57 % des cas de SARM-IPTMC. Parmi les nouveaux cas, 77 % ont un profil communautaire contre 54 % pour les cas connus porteurs de SARM. La majorité des nouveaux cas de SARM-AC ont été isolés via l’urgence (23/34).
L’antibiogramme démontre une sensibilité de 100 % des SARM à la vancomycine, à la daptomycine, à la rifampicine et au TMP-SMX; 99 % à la doxycycline et au linézolide; 93 % à la mupirocine et 91 % à l’acide fusidique. La sensibilité globale à la clindamycine est de 62 %, mais hautement variable entre les profils communautaires (83 %) et hospitaliers (22 %). Fait à souligner, 100 % des souches ayant une CMI à la lévofloxacine ≥ 16 mg/L sont de profil hospitalier et 89 % des souches ayant une CMI à la lévofloxacine ≤ 8 mg/L sont de profil communautaire.
Toutes les souches SARM-AH sont négatives pour le gène encodant la PVL alors que 89 % des souches SARM-AC sont positives (48/54). Quatre des six souches communautaires étant PVL-négative sont des CMRSA-7.
Les SARM-AC de type CMRSA-7 ont été isolés chez des patients en provenance des RSS 09, 17 et 18, régions dans lesquelles vivent des populations autochtones. Ces souches s’avèrent être plus résistantes aux antibiotiques topiques et ne possèdent majoritairement pas le gène PVL (1/5 est PVL positive).
Cette surveillance démontre qu’on ne peut se fier avec certitude à la sensibilité à la clindamycine comme seul critère de laboratoire pour classifier les SARM. La valeur prédictive positive de la sensibilité à la clindamycine pour classer un SARM-AC est de 87 % dans un contexte d’IPTMC, en comparaison avec les données de surveillance provinciale des bactériémies à Staphylococcus aureus et à SARM (SPIN-SARM) où la valeur prédictive positive du même critère est de 72 % dans un contexte de bactériémie. À l’inverse, si la résistance à la clindamycine est utilisée comme critère de classification des SARM-AH, la VPP en faveur d’un SARM-AH sera de 97 % pour les bactériémies contre 66 % pour les IPTMC. Ces discordances de VPP sont expliquées par les populations visées et le type d’infections dans ces deux types de surveillances qui sont très différentes.
Cependant, la valeur prédictive de la CMI à la lévofloxacine pour prédire un SARM-AC ou un SARM-AH est similaire entre les programmes de surveillance SPIN-SARM et SARM-IPTMC. En utilisant le critère de CMI à la lévofloxacine ≥ 16 mg/L pour prédire un profil hospitalier, les VPP déduites de SPIN-SARM et SARM-IPTMC sont respectivement de 98 et 100 %. Le critère de CMI à la lévofloxacine ≤ 8 mg/L livre quant à lui des VPP respectives de 87 et 89 % pour prédire un profil communautaire. Ce critère étant constant, il nous apparait approprié d’inclure la CMI à la lévofloxacine, au même titre que la sensibilité à la clindamycine, dans un algorithme décisionnel de classification des SARM dans un contexte de prévention et contrôle des infections.
Nous proposons donc un algorithme décisionnel pour classifier les SARM communautaires et hospitaliers, en complément à l’épidémiologie du patient.
- La majorité des SARM-AC sont sensibles à la clindamycine, mais une proportion de SARM-AH l’est aussi. En effectuant une CMI à la lévofloxacine, devant une valeur de CMI ≤ 8 mg/L, la souche peut être classifiée en SARM-AC et devant une valeur de CMI ≥ 16 mg/L, la souche peut être classifiée en SARM-AH si le contexte épidémiologique et clinique est en faveur de cette classification.
- La majorité des SARM-AH sont résistants à la clindamycine, mais une proportion non négligeable de SARM-AC l’est aussi. En effectuant une CMI à la lévofloxacine, devant une valeur de CMI ≤ 8 mg/L, la souche peut être classifiée avec confiance en SARM-AC et devant une CMI ≥ 16 mg/L, en SARM-AH. Les résultats obtenus dans l’étude actuelle démontrent une discrimination parfaite des SARM-AC et des SARM-AH avec ces critères (annexe 3).
- Devant une discordance clinique/épidémiologique et de laboratoire, dans un contexte de cohortage de patients ou toute autre raison pour laquelle une classification des SARM est jugée nécessaire, des tests supplémentaires moléculaires peuvent être effectués pour confirmer le type épidémique.
En conclusion, ce projet a permis d’objectiver que 10 % des Staphylococcus aureus isolés d’IPTMC sont des SARM. Lorsqu’une antibiothérapie est jugée nécessaire, le TMP-SMX et la doxycycline sont des antibiotiques qui possèdent une excellente activité pour la couverture des SARM acquis en communauté. En ce qui a trait à la classification des souches de SARM au laboratoire, basé sur ces résultats, nous proposons d’utiliser la sensibilité à la clindamycine et les valeurs de CMI à la lévofloxacine pour mieux discriminer entre un SARM-AC et un SARM-AH. S’il y a discordance entre les critères de laboratoire et les critères épidémiologiques ou cliniques, la souche peut être expédiée au LSPQ pour caractérisation moléculaire.