Évaluation de l’exposition des travailleurs au bruit : opinion d’experts sur l’impact des changements réglementaires

Faits saillants

Quel sera l’impact de certains changements projetés à la réglementation québécoise (en vigueur à la fin de 2016) sur la mesure de l’exposition des travailleurs au bruit? Telle était la question soumise par l’Institut national de santé publique du Québec à un groupe d’experts ad hoc en mesure du bruit provenant du Réseau de santé publique en santé au travail ainsi que d’autres milieux. Celle-ci était posée dans le contexte où en février 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) débutait des travaux pour réviser la réglementation sur le bruit. Les changements prévus concernaient principalement le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) et le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC).

La démarche de production de cet avis visait à identifier les aspects qui auraient un impact sur les pratiques en hygiène du travail relatives à la mesure de l’exposition des travailleurs québécois au bruit et sur le déploiement d’actions préventives. Ceci afin de prévoir les changements éventuels pour mieux s’y préparer. Le groupe d’experts ad hoc a identifié les impacts et produit ses recommandations à partir d’une hypothèse que la valeur limite d’exposition (VLE) au bruit pourrait être abaissée à 85 dBA avec l’utilisation d’un facteur de bissection Q = 3 dB (Lex,8h) pour l’évaluation de cette exposition :

  • Pour le groupe d’experts, la norme ISO 9612 : 2009 (F), sur la détermination de l’exposition au bruit en milieu de travail est la plus adéquate pour mesurer l’exposition des travailleurs au bruit. Elle précise tous les paramètres pour réaliser des mesures de qualité et s’avère plus complète, au plan technique, que la norme CSA Z107.56-F13, 2014. De plus, ces experts mentionnent que souvent les approches et stratégies de mesure qu’ils utilisent pour l’évaluation de l’exposition (sur une journée entière, par fonction ou tâches) répondent aux principales exigences de la norme ISO.
  • Cependant, pour le groupe d’experts, l’application du calcul d’incertitude des niveaux d’exposition, tel que préconisé par la norme ISO 9612, n’est pas toujours nécessaire. L’application obligatoire et systématique de la norme ISO au regard du nombre d’échantillons à prélever avec les calculs statistiques d’incertitude pourrait générer un grand volume d’activités de mesurage au détriment d’actions préventives :
    • Pour les résultats des niveaux d’exposition quotidienne se situant entre 80 et 85 dBA, afin d’éviter la répétition de mesures sur plusieurs jours, un employeur pourrait soit appliquer un facteur d’incertitude unilatéral de 3,5 dBA aux niveaux d’exposition mesurés ou encore procéder à davantage de mesures et calculer l’incertitude conformément à ISO 9612 afin d’avoir un résultat plus précis. Dans des cas particuliers et à des fins de conformité, un calcul de l’incertitude pourrait être fait ou exigé pour des mesures du niveau d’exposition quotidienne au bruit entre 80 et 85 dBA;
    • Pour les résultats dont le niveau d’exposition quotidienne serait supérieur à 85 dBA, le calcul de l’incertitude ne devrait pas être nécessaire pour enclencher l’analyse des solutions et la mise en place de moyens préventifs.
  • Outre la mesure des niveaux d’exposition initiaux, les experts sont d’avis que les mesures devraient être renouvelées à chaque 10 ans ou dans l’année qui suit pour tous les changements significatifs, soit ceux ayant ou pouvant avoir une incidence sur le niveau d’exposition des travailleurs, selon la plus courte échéance. La responsabilité de suivre les changements appartient à l’établissement (l’employeur) qui doit mettre à jour les niveaux d’exposition ou demander le soutien de ressources compétentes pour l’évaluation de l’exposition des travailleurs au bruit.
  • Selon les experts, tous les milieux de travail devraient obligatoirement procéder à l’identification des travailleurs ou situations de travail dont l’exposition est susceptible de dépasser une valeur limite d’exposition fixée à 85 dBA. Par contre, le « test de la voix » ou test de communication dans le bruit proposé ne devrait pas avoir un caractère obligatoire, mais plutôt être présenté parmi d’autres outils ou moyens d’identification dans un guide, et ce, même si les experts sont en accord sur le principe d’un tel test. Par exemple, une entreprise pourrait choisir de procéder directement à des mesures d’exposition de leurs travailleurs au bruit en se basant sur la présence d’équipements bruyants afin de prendre des moyens pour réduire l’exposition sans nécessairement utiliser le « test de la voix ».
  • Au-delà du mesurage, à partir de leur expérience terrain, les experts souhaitent que les établissements aient accès à un soutien spécialisé en réduction du bruit.
  • Les experts ont aussi discuté de la contribution du mesurage pour le choix des protecteurs auditifs en présence d’expositions avec prédominance de basses fréquences. Ils conviennent que les lignes de conduite, précisées lors d’une formation antérieure dans le Réseau de santé publique en santé au travail ainsi que lors de rencontres avec les professionnels en hygiène du travail de ce réseau, seraient celles à appliquer dans ces situations. Cela concerne notamment la différence entre les mesures du niveau de pression acoustique continu équivalent en dBA et en dBZ lorsque les instruments permettent ces deux mesures.

Le contenu de cet avis d’experts a contribué au développement du « Guide de pratique pour l’identification et la mesure de l’exposition des travailleurs au bruit ». Ainsi, l’apport d’experts du Réseau de santé publique en santé au travail ainsi que d’experts d’autres milieux a permis d’obtenir des points de vue diversifiés quant aux éléments à prendre en compte dans un tel guide afin de soutenir les ressources en santé et sécurité du travail et, au bout du compte, les milieux de travail et les travailleuses et travailleurs du Québec.

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ISBN (Digital)

978-2-550-98441-2

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