Les priorités nationales de santé publique 1997-2002 : une évaluation de l'actualisation de leurs principes directeurs : le cas des programmes de prévention du VIH/Sida chez les hommes gais dans la région de Montréal-Centre
Dans le présent cas, jusqu’à quel degré et comment les principes directeur des Priorités nationales de santé publique ont-ils été actualisés et avec quels résultats ?
Au palier central, principalement concerné par l’élaboration des politiques et programmes publics, l’analyse du cas nous montre l’instauration précoce dans le cycle de la planification, par le planificateur public, d’une dynamique participative associant les acteurs du champ. La dynamique participative a opéré d’abord par la mise en place des interlocuteurs, soit la création du CQCS par le MSSS et, dans la région montréalaise, le soutien du CQCS à l’émergence d’un acteur de l’action préventive avec la création de Action Séro-Zéro. Puis cette dynamique a opéré dans la tenue de vastes consultations entourant l’élaboration et le renouvellement des phases successives de la stratégie nationale de lutte au VIH/sida167. Cette démarche participative a favorisé l’échange d’informations et la mise à contribution des différents savoirs dans l’élaboration des politiques publiques. Le résultat est visible dans l’énoncé des politiques (principalement les phases III et IV) où le savoir épidémiologique, ayant trait surtout à la position du problème, est complété par le savoir que l’on peut qualifier de communautaire, ayant trait surtout à l’élaboration de l’action. Les initiatives émergentes dans les communautés, souvent peu conventionnelles, par exemple dans les milieux commerciaux, ont été reconnues, de même que des stratégies novatrices en promotion de la santé, telle la reconnaissance des droits sociaux. Ainsi, à l’étape des choix stratégiques (populations cibles et orientations de l’action), c’est-à-dire précocement dans le cycle de la planification, les acteurs névralgiques ont été mobilisés et leurs initiatives et savoirs ont été reconnus et intégrés.
C’est par cette dynamique participative, instaurée précocement et maintenue dans le temps, où l’influence des acteurs mobilisés sur la décision est visible, qu’au palier central les principes directeurs ont été actualisés à un degré suffisant pour contribuer à la qualité du résultat atteint. Dans le cas étudié, s’il y a eu des freins à la qualité de l’action, ils ne peuvent être attribués à l’approche de planification des politiques publiques successives en matière de VIH-sida. Dans le champ de la prévention du VIH/sida, on peut parler d’une tradition de participation pour l’élaboration des politiques publiques.
Le palier régional est, quant à lui, principalement concerné par la planification et la mise en oeuvre de l’action régionale, en vertu de l’orientation des politiques gouvernementales. Après les ajustements entourant la régionalisation de la santé publique (1994-1997), on observe au plan de la dynamique participative la mise en place d’interlocuteurs en désignant des répondants aux organismes engagés auprès des différentes populations cibles. L’analyse du cas montre que la DSP a progressivement mis en place des espaces de participation aux choix stratégiques, bien que les grands arbitrages entourant le choix des priorités et l’allocation des ressources demeurent à ce jour une prérogative interne à la DSP. Au plan des arrangements de partenariat, les acteurs sont parvenus à un rapport plus égalitaire où la ligne administrative s’est harmonisée avec la ligne de soutien professionnel, et où la communication continue entre les répondants - clientèle et les organismes communautaires et les forums d’échange sur des questions spécifiques favorisent le partage des savoirs.
L’analyse montre que, malgré un contexte parfois conflictuel, l’élaboration de l’action est passée par un processus d’emprunts mutuels entre le public168 et le communautaire qui résulte en une action considérée solide, notamment par l’apport du public ayant trait à la planification de l’action et son évaluabilité, une action ancrée, notamment par l’appartenance et les liens privilégiés de l’organisme de prévention avec la communauté qu’il dessert, et une action viable jusqu’à ce jour, si on s’en tient aux conclusions vers lesquelles convergent les données disponibles. On retient également de l’analyse que cette dynamique participative et partenariale a été généralement suffisante pour supporter le renouvellement de l’intervention dans la continuité. Elle n’a cependant pas été suffisante, de 1995 à 1998, pour supporter adéquatement l’innovation afin de faire face à l’évolution de la problématique engendrant de nouveaux besoins, manifestes à compter des années 1995 et 1996. La dynamique participative s’est cependant accentuée vers 1998 et particulièrement à compter de 2000 avec l’allocation de nouveaux fonds au développement devant répondre aux nouveaux besoins. C’est ainsi que les principes directeurs, selon leur degré d’actualisation, ont contribuer au degré de qualité de l’action.
Cette question de l’innovation dans les stratégies d’intervention, devant l’évolution de la problématique, est actuellement au coeur des enjeux de la prévention, sa pertinence même étant questionnée face aux promesses de nouveaux vaccins et à l’évolution du VIH/sida en maladie chronique. Au-delà du renouvellement des stratégies afin de maintenir, année après année, l’intérêt de la population visée, on parle ici du renouvellement des stratégies pour faire face à l’affaiblissement de la pertinence de la prévention aux yeux mêmes de la population homosexuelle. En témoignent les difficultés plus grandes de Séro Zéro à intervenir dans les parcs ou dans les saunas, tout comme le débat public entretenu sur cette question par des leaders d’opinion de la communauté gaie. Eu égard aux principes directeurs des PNSP, la question pertinente à se poser est ici la suivante : La dynamique participative actuelle est-elle en mesure de supporter une révision des stratégies d’action de sorte à faire face à l’évolution de la problématique? Des acteurs non mobilisés devraient-ils l’être? Par exemple, afin de prendre position et influencer l’opinion dans le débat qui a cours sur la pertinence de la prévention? L’étude du cas montre que les acteurs du champ de la prévention du VIH/sida, publics et communautaires, sont actuellement en position de revoir conjointement leurs stratégies d’action. Ils sont en lien continu par la voie du répondant aux organismes partenaires et ils se sont dotés de forums d’échange autour des nouveaux besoins, intensifiant la dynamique de la participation.