Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 13, numéro 2, septembre 2023

Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.
En juillet 2023, une compagnie appartenant à British American Tobacco a obtenu de Santé Canada une licence permettant de vendre des pochettes de nicotine en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels. Dans ce numéro de veille, nous résumons trois articles qui traitent de ce produit apparu récemment sur le marché canadien.

Prédiction des effets à long terme de l’utilisation de la cigarette électronique sur la santé de la population

Contexte

La cigarette électronique est actuellement au cœur de débats de santé publique par rapport à ses effets sur la santé de la population dans son ensemble. D’un côté elle engendre des préoccupations quant à l’exposition à des substances toxiques résultant de son utilisation et du risque de développement de la dépendance à la nicotine chez les jeunes non-fumeurs; de l’autre côté, elle pourrait possiblement contribuer à favoriser le renoncement au tabac chez les fumeurs et réduire les méfaits sur la santé liés à l’usage de produits du tabac.

Comme la cigarette électronique est un produit encore récent sur le marché et en constante évolution, les études ayant cherché à déterminer le risque relatif lié à l’utilisation de la cigarette électronique par rapport aux produits du tabac présentent des estimations entachées d’une forte variabilité. Afin de pallier un tant soit peu ces importantes limites, plusieurs travaux de modélisation par projection ont été entrepris pour examiner les répercussions potentielles de l’usage de la cigarette électronique comparativement à celui des produits du tabac sur la mortalité, la morbidité, les coûts de santé associés ainsi que les coûts et gains généraux en matière de santé publique. L’effet de l’introduction de la cigarette électronique sur la prévalence du tabagisme a également été considéré dans certaines études.

Objectif

Cette étude consiste en une revue systématique et une synthèse narrative des études de modélisation entreprises afin de quantifier les répercussions populationnelles découlant de l’usage de la cigarette électronique. Elle vise également à identifier les aspects de la problématique qui sont moins bien couverts par les études et sur lesquels la recherche devrait s’attarder dans les prochaines années.

Au total, 32 études ont été incluses dans la revue systématique, soit 23 provenant des États-Unis (dont une incluant aussi le Royaume-Uni et une incluant aussi le Japon), deux du Royaume-Uni, deux du Canada, deux de la Nouvelle-Zélande, et une chacune de l’Italie, de Singapour et de l’Australie. Les résultats les plus fréquemment présentés portaient sur la mortalité (p. ex. : nombre de décès prématurés, nombre de décès évités, années de vie perdues ou gagnées), suivis de la morbidité (p. ex. : années de vie ajustées en fonction de la qualité, espérance de vie ajustée en fonction de la qualité), des coûts de santé et finalement des coûts et bénéfices généraux de santé publique.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Dix-huit études (parmi lesquelles sept ont été subventionnées par l’industrie du tabac) sur un total de vingt projettent des améliorations sur le plan des indicateurs liés à la mortalité lorsque la cigarette électronique est accessible, comparativement à un scénario hypothétique où la cigarette de tabac est le seul produit disponible sur le marché. À l’échelle populationnelle, ces améliorations prennent la forme d’une diminution du nombre de décès ou du nombre d’années de vie perdues, ou encore d’une augmentation du nombre de décès évités ou du nombre d’années de vie gagnées.
  • Quatre études sur cinq ayant examiné les répercussions de l’usage de la cigarette électronique sur la morbidité concluent à des améliorations sur le plan du nombre d’années de vie et de l’espérance de vie ajustées en fonction de la qualité.
  • Trois études ont examiné les conséquences économiques sur le système de santé découlant de l’introduction de la cigarette électronique. Les deux études néo-zélandaises rapportent une économie de coûts en lien avec seize maladies liées au tabagisme, mais une étude canadienne affirme par contre que les coûts de soins de santé seraient réduits si la cigarette électronique était seulement rendue disponible par prescription ou non disponible.
  • Dix-huit études (dont quatre ont été subventionnées par l’industrie du tabac) sur un total de vingt prédisent une diminution de la prévalence du tabagisme à la suite de l’introduction de la cigarette électronique sur le marché. En considérant des scénarios alternatifs où, par exemple, l’initiation au tabagisme augmenterait de 20 % à 200 % et que la cessation tabagique diminuerait de 20 % à 25 % après l’introduction de la cigarette électronique, trois études projettent plutôt une augmentation du tabagisme.

Les conclusions de la revue systématique indiquent qu’une augmentation de l’usage de la cigarette électronique dans la population pourrait entraîner à long terme une réduction de la prévalence du tabagisme et du fardeau sanitaire associé, particulièrement si l’usage de la cigarette électronique est restreint à la cessation tabagique. Des limites à l’interprétation des études de modélisation sont toutefois relevées par les auteurs et viennent nuancer la portée des résultats obtenus. Notons tout d’abord qu’un nombre non négligeable d’études portant sur la modélisation des effets de l’usage de la cigarette électronique sur la santé sont subventionnées par l’industrie du tabac. Bien que cela ne constitue pas dans l’absolu un gage d’invalidité des travaux effectués, il serait préférable que les conclusions scientifiques émises par rapport aux répercussions du vapotage sur la santé de la population soient basées sur des travaux dénués de tout conflit d’intérêts.

Mentionnons par ailleurs que seulement six des trente-deux études incluses dans la revue systématique ont tenu compte dans leurs modèles des politiques de lutte contre le tabagisme ou des politiques promouvant ou restreignant le vapotage, bien que celles-ci soient susceptibles d’influencer considérablement l’usage des produits du tabac ou de vapotage. Il y aurait donc intérêt à ce que les futures études de modélisation intègrent une variable tenant compte de l’influence des politiques de santé publique sur le statut de fumeur ou de vapoteur des individus ainsi que sur la transition possible entre les deux.

Il faut finalement préciser que près de la moitié des études incluses dans la revue systématique supposent que l’utilisation de la cigarette électronique produit seulement 5 % des méfaits sur la santé causés par l’usage de la cigarette, cette valeur ayant été estimée par de précédents travaux effectués au Royaume-Uni (McNeill et al., 2015; Nutt et al., 2014; Royal College of Physicians, 2016). Une avenue de recherche déjà employée dans quelques études, mais qui gagnerait à être reproduite plus fréquemment, consiste plutôt en l’établissement de modèles de projection comportant différents scénarios estimant par exemple à 10 %, 25 % ou 50 % les méfaits sur la santé de la cigarette électronique comparativement aux produits du tabac.

Comme les résultats des études de modélisation dépendent beaucoup des hypothèses de départ considérées par les analystes, il est impératif d’établir ces hypothèses sur la base des données d’enquête les plus à jour et de données cliniques provenant d’études contrôlées randomisées. Cette revue systématique donne un aperçu de l’état actuel de la littérature sur les effets à long terme de l’usage de la cigarette électronique à l’échelle populationnelle. Toutefois, l’hétérogénéité méthodologique, la diversité des contextes examinés et la récence du produit étudié constituent des obstacles à l’obtention d’une réponse claire à ce sujet.

Vu GT, Stjepanović D, Sun T, Leung J, Chung J, Connor J, Thai PK, Gartner CE, Tran BX, Hall WD, Chan G. Predicting the long-term effects of electronic cigarette use on population health: a systematic review of modelling studies. Tob Control 2023; DOI: 10.1136/tc-2022-057748.

Références supplémentaires

McNeill A, Brose LS, Calder RI, Hitchman SC, Hajek P, McRobbie H. E-cigarettes: an evidence update. London, UK: Public Health England, 2015.

Nutt DJ, Phillips LD, Balfour D, Curran HV, Dockrell M, Foulds J, Fagerström K, Letlape K, Milton A, Polosa R, Ramsey J, Sweanor D. Estimating the harms of nicotine-containing products using the MCDA approach. Eur Addict Res 2014;20:218-225.

Royal College of Physicians. Nicotine without smoke: Tobacco harm reduction. London, UK: The Royal College of Physicians, 2016.


Campagnes de prévention du vapotage : analyse des techniques de changement de comportement

Contexte

Les campagnes de prévention visant le changement de comportement sont l’une des mesures prises pour prévenir le vapotage chez les jeunes. Ces campagnes sont développées dans le but de motiver les jeunes à apporter des changements de style de vie qui seront bénéfiques pour eux-mêmes ou pour la société. Puisque les interventions de prévention du vapotage sont encore en développement, plusieurs campagnes s’inspirent des bonnes pratiques de prévention du tabagisme, tout en adaptant leur approche aux risques spécifiques des produits de vapotage et aux nouveaux médias.

Objectifs

Cette étude analyse le contenu de campagnes nord-américaines (Canada, États-Unis) de prévention du vapotage afin d’identifier les techniques de changement de comportement utilisées.

Les auteurs ont utilisé Google afin de repérer des campagnes de prévention nationales et provinciales. Les techniques de changement de comportement ont été analysées en utilisant la taxonomie Behavior Change Technique taxonomy version 1, développée par Michie et al. (2015).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Au total, 46 campagnes de prévention ont été identifiées (44 aux États-Unis, 2 au Canada), dont 36 lancées en 2018, 2019 ou 2020. L’analyse de ces campagnes a permis de faire ressortir les éléments suivants :

  • Il était plus courant qu’une campagne n’utilise qu’une seule catégorie de technique de changement de comportement (n = 26) (57 %).
  • Quatre catégories (sur seize possibles) ont été utilisées dans les campagnes, soit :
    1. Conséquences naturelles (89 %), principalement de l’information sur les effets nocifs pour la santé, de même que les conséquences émotionnelles, sociales et environnementales.
    2. Comparaison de comportement (22 %), en particulier des messages centrés sur la désapprobation des autres (p. ex. : reconnaître la pression des pairs pour vapoter et la désapprobation des personnes significatives dans la vie des jeunes).
    3. Identité (20 %), notamment l’utilisation de croyances incompatibles, qui s’appuient sur la disparité entre les objectifs des jeunes (p. ex. : la réussite sportive) et les conséquences du vapotage (p. ex. : être à bout de souffle), positionnant essentiellement le vapotage comme un obstacle à la réalisation de leurs objectifs.
    4. Soutien social (11 %), qui inclut des aspects comme suggérer aux parents de parler à leur adolescent du vapotage ou encourager les jeunes à soutenir leurs amis.

Les auteurs constatent que seul un petit nombre de techniques de changement de comportement ont été utilisées dans les campagnes nord-américaines de prévention du vapotage, avec une utilisation importante et souvent unique de la communication des conséquences néfastes pour la santé. Puisque l’adoption de la cigarette électronique par les jeunes est complexe et multifactorielle, les auteurs suggèrent de puiser dans des techniques de changement de comportement multiples et diversifiées (p. ex. : rétroaction et surveillance, répétition et substitution). Ils proposent également d’étendre le public cible des campagnes aux personnes significatives pour les jeunes, comme leurs parents.

Cette étude a révélé une disparité dans le nombre de campagnes de prévention du vapotage menées aux États-Unis et au Canada, les deux seules campagnes répertoriées au Canada étant Consider the Consequences of Vaping et The New Look of Nicotine Addiction. Les auteurs admettent d’ailleurs que leur méthode de recherche constitue une limite de l’étude du fait qu’elle a potentiellement exclu quelques campagnes.

Les auteurs terminent en rappelant que les preuves de l’efficacité des campagnes étudiées sont encore préliminaires en raison du peu d’évaluations disponibles, et qu’il existe un besoin urgent de recherche évaluative sur ces campagnes.

Struik L, Sharma RH, Rodberg D, Christianson K, Lewis S. A content analysis of behavior change techniques (BCTs) employed in North American vaping prevention interventions. AJPM Focus 2023;2(4):100126.

Référence supplémentaire

Michie S, Wood CE, Johnston M, Abraham C, Francis JJ, Hardeman W. Behaviour change techniques: the development and evaluation of a taxonomic method for reporting and describing behaviour change interventions (a suite of five studies involving consensus methods, randomised controlled trials and analysis of qualitative data). Health Technol Assess 2015;19(99):1-188.


Besoins des jeunes par rapport aux programmes de renoncement aux produits de vapotage

Contexte

L’usage croissant des produits de vapotage chez les jeunes est préoccupant, notamment en raison du potentiel addictif de la nicotine. Des données récentes ont révélé que les adolescents augmentent leur usage de produits du vapotage au cours du secondaire. En 2018-2019, la proportion d’élèves du secondaire ayant fait usage de la cigarette électronique dans le dernier mois a presque doublé comparativement à 2016-2017, passant de 10 % à 17 %1. Conséquemment, les programmes d’accompagnement et de soutien à la cessation du vapotage sont de plus en plus courants dans les milieux scolaires.

Objectif

Afin d’éclairer le développement d’interventions, Bold et ses collaborateurs (2022) se sont penchés sur les préférences et les attentes des adolescents en matière de programme de renoncement aux produits de vapotage en milieu scolaire. Pour ce faire, les auteurs ont réalisé en 2019 des groupes de discussion composés d’élèves provenant de deux écoles secondaires du Connecticut. Six des huit groupes de discussion étaient composés de vapoteurs actuels (c’est-à-dire ayant vapoté au cours des 30 jours précédents, = 48), et les deux autres étaient composés d’anciens vapoteurs (c’est-à-dire n’ayant pas vapoté au cours des 30 jours précédents, = 13).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Les adolescents souhaitent un programme avec un contenu éducatif sur les méfaits du vapotage, qui comprend des récompenses (p. ex. : argent, tirages, cartes cadeaux, etc.) à la suite de l’atteinte d’objectifs de sevrage et qui se déroule au cours des heures de classe plutôt qu’après l’école. Certains étudiants ont mentionné préférer un programme de réduction progressive de l’usage des produits de vapotage, ainsi qu’un format individuel avec un professionnel de l’extérieur de l’école pour faciliter le partage et assurer la confidentialité.
  • Les préoccupations les plus fréquemment soulevées par rapport aux programmes de renoncement au vapotage incluent le maintien de la confidentialité, la malhonnêteté des participants par rapport à l’abstinence, l’insouciance des participants vis-à-vis des conséquences du vapotage, ainsi que l’appréhension de la participation en raison de la peur d’être stigmatisé ou d’être trop dépendant à la nicotine pour réussir à arrêter de vapoter.
  • Les adolescents favorisent principalement le recrutement en personne à l’école, pendant les périodes de dîner par exemple, afin de pouvoir rencontrer les professionnels et ainsi augmenter l’intérêt pour le programme. D’autres préféreraient des publications sur les réseaux sociaux de l’école ou le recrutement de bouche à oreille.
  • Sur 60 participants, presque tous (92 %) ont déclaré vouloir acquérir des compétences pour gérer le stress afin de les aider à arrêter de vapoter. Plus de la moitié des participants ont mentionné vouloir apprendre à se détendre (60 %) ou à faire face à un manque de concentration ou d’attention (55 %).

Les résultats de cette étude qualitative ont mis en évidence plusieurs besoins exprimés par des étudiants par rapport aux programmes de cessation tabagique, tels que l’éducation, la confidentialité et un système de récompense pour renforcer la motivation. Les adolescents souhaitent également que les programmes les outillent davantage pour gérer le stress. Il n’est cependant pas garanti qu’un programme basé uniquement sur les préférences des jeunes soit efficace. Étant donné le caractère récent du phénomène du vapotage chez les jeunes, il doit être pris en compte qu’à l’heure actuelle les programmes visant l’arrêt du vapotage sont majoritairement inspirés des programmes de renoncement au tabac. Bien que les deux types de programmes affichent des objectifs similaires, il importe de souligner que chacun d’entre eux peut requérir des approches et des techniques distinctes en raison des différences existant entre les produits du tabac et les produits de vapotage.

Bold K, Kong G, Cavallo D, Davis D, Jackson A, Krishnan-Sarin S. School-based e-cigarette cessation programs: What do youth want? Addict Behav 2022;125:107167.

1https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2866-usage-cigarette-electronique-eleves-secondaires-2018-2019.pdf


Connaissance et utilisation des pochettes de nicotine chez les jeunes aux États-Unis

Contexte

Bien qu’encore peu documentées, les pochettes buccales de nicotine prennent la forme de petits sachets à poser dans la bouche qui libèrent de la nicotine sans tabac. Elles sont apparues sur le marché américain autour de 2016, et Santé Canada a récemment autorisé la vente d’un type de pochette de nicotine contenant 4 mg de nicotine par dose. L’enquête américaine National Youth Tobacco Survey (NYTS) a inclus pour la première fois des questions sur la connaissance et l’utilisation des pochettes de nicotine en 2021.

Objectif

Cette étude a deux objectifs, soit 1) estimer dans quelle proportion les jeunes de 6e à 12e année connaissent et utilisent les pochettes de nicotine, et 2) caractériser l’usage de ce produit, ainsi que celui des autres produits du tabac (combustibles, chauffés, sans fumée) et de la cigarette électronique. L’enquête est basée sur 20 413 élèves provenant de 279 écoles à travers les États-Unis, dont les données ont été pondérées pour représenter l’ensemble des élèves du pays.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Plus d’un élève sur trois (35,5 %) a déjà entendu parler des pochettes buccales de nicotine, ce qui représente approximativement 9,4 millions de jeunes aux États-Unis. La proportion était plus élevée chez les jeunes ayant déjà fait usage d’un autre produit du tabac ou en ayant consommé au cours des 30 derniers jours.
  • L’utilisation à vie des pochettes de nicotine est rapportée par 1,9 % des élèves, soit environ 490 000 élèves.
  • Parmi les consommateurs actuels de pochettes de nicotine (soit au cours des 30 derniers jours), plus de quatre élèves sur cinq (85,4 %) consomment en parallèle au moins un autre produit du tabac, le plus utilisé étant la cigarette électronique.
  • Un élève sur trois (34,3 %) qui a consommé au moins une pochette buccale de nicotine dans les 30 derniers jours a aussi utilisé la cigarette électronique au cours de 20 à 30 jours durant cette même période.
  • La majorité des consommateurs actuels (61,6 %) optent pour des pochettes buccales de nicotine aromatisées. Les saveurs les plus fréquemment rapportées sont la menthe (53,5 %) et le menthol (50,2 %), bien que 45,5 % des élèves disent avoir fait usage de pochettes à saveur de fruit, de bonbon, de dessert ou d’autres sucreries.

L’enquête du NYTS est l’une des premières à estimer la prévalence de l’usage des pochettes buccales de nicotine et à dresser le portrait des jeunes consommateurs selon certaines caractéristiques sociodémographiques et l’usage des autres produits du tabac existants. Elle comporte toutefois certaines limites, parmi lesquelles le fait que l’échantillon utilisé exclut les jeunes scolarisés à la maison et non inscrits à l’école et que les résultats sont basés sur des données autorapportées. Il est de plus possible que les conditions de vie des jeunes aient été affectées en raison de la pandémie de COVID-19, ce qui pourrait avoir influencé à la hausse ou à la baisse l’exposition et l’accès aux pochettes de nicotine. L’enquête permet toutefois de guider les acteurs de santé publique et les établissements d’enseignements secondaires vers des éléments à surveiller sur le plan de l’initiation tabagique chez les jeunes.

Kramer RD, Park-Lee E, Marynak KL, Jones JT, Sawdey MD, Cullen KA. Nicotine pouch awareness and use among youth, National Youth Tobacco Survey, 2021. Nicotine Tob Res 2023;25(9):1610-1613.


Niveau de connaissance, intérêt et utilisation de la pochette de nicotine chez les fumeurs adultes aux États‑Unis

Contexte

La pochette de nicotine constitue la plus récente innovation dans l’industrie du tabac et son usage est similaire à celui d’une thérapie de remplacement de la nicotine (TRN). Elle se présente comme un petit emballage contenant une poudre qui libère de la nicotine une fois placée dans la bouche ou entre la lèvre/joue et la gencive du fumeur, sans processus de combustion.

Depuis 2016, la vente de la pochette de nicotine a sensiblement augmenté aux États-Unis, et au moins huit marques différentes de ce produit ont été répertoriées en 2021 (Marynak et al., 2021). Il existe cependant très peu d’informations disponibles sur le niveau de connaissance et d’utilisation du produit, ainsi que sur l’intérêt qu’il suscite auprès des fumeurs.

Objectif

L’étude a deux objectifs, soit 1) documenter le niveau de connaissance, d’utilisation, et d’attrait de la pochette de nicotine auprès des fumeurs adultes aux États-Unis, et 2) explorer les liens pouvant exister entre l’usage de pochette de nicotine, certaines caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, race, éducation), certaines caractéristiques liées au renoncement au tabac (plan d’arrêt, méthode utilisée lors de la dernière tentative de renoncement), ainsi que l’usage à vie de tabac sans fumée ou de la cigarette électronique.

Pour ce faire, un sondage a été mené en ligne de janvier à février 2021 auprès de 1 018 adultes fumeurs ayant consommé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie. Les participants ont été sélectionnés à partir d’un panel Web probabiliste conçu pour être représentatif de la population américaine (KnowledgePanel).

Des pochettes de nicotine, accompagnées de noms de marque et d’images (Zyn, Velo, On! et Dryft), ont été présentées aux participants qui devaient dire s’ils les avaient déjà vues ou en avaient déjà entendu parler, s’ils les avaient déjà essayées et dans quelle mesure ils souhaitaient les utiliser au cours des six prochains mois.

Une analyse descriptive des réponses a été faite et des modèles de régression logistique multivariée ont été utilisés pour examiner la présence d’associations entre l’usage de pochette de nicotine et les variables de croisement retenues.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Dans l’ensemble, 29,2 % des participants avaient déjà vu ou entendu parler de la pochette de nicotine, 5,6 % les avaient déjà utilisés et 16,8 % déclaraient souhaiter les utiliser au cours des six prochains mois.
  • Les fumeurs âgés de 18 à 29 ans (Rapport de cotes (RC) = 2,04, IC 95 % : 1,05 – 3,97) ou de 30 à 44 ans (RC = 1,68, IC 95 % : 1,11 – 2,54) étaient plus susceptibles que les fumeurs de 60 ans et plus d’avoir déjà vu ou entendu parler de la pochette de nicotine.
  • Les fumeurs ayant déjà consommé du tabac sans fumée (RC = 3,38, IC 95 % : 2,17 – 5,28) étaient plus susceptibles de savoir ce qu’est une pochette de nicotine.
  • Les fumeurs âgés de 18 à 44 ans (RC = 2,91, IC 95 % : 1,40 – 6,03), ceux qui avaient déjà essayé d’arrêter de fumer en utilisant des méthodes traditionnelles (RC = 4,18, IC 95 % : 1,85 – 9,48) ou ceux qui avaient déjà utilisé du tabac sans fumée (RC = 10,00 : IC 95 % 4,02 – 24,88) étaient plus susceptibles d’avoir utilisé une pochette de nicotine.
  • Les fumeurs plus instruits présentaient une plus faible probabilité d’usage de pochette de nicotine (RC = 0,44, IC 95 % 0,20 – 0,98) que ceux détenant un diplôme d’études secondaires ou moins.
  • Certains fumeurs étaient plus susceptibles de montrer de l’intérêt pour l’utilisation de la pochette de nicotine dans les six prochains mois, soit ceux qui prévoyaient arrêter de fumer dans les six prochains mois (RC = 1,90, IC 95 % 1,12 – 3,22), ceux qui avaient déjà tenté d’arrêter en recourant à des méthodes traditionnelles (RC = 1,62, IC 95 % 1,02 – 2,56) ou à un autre produit du tabac (RC = 2,08, IC 95 % 1,22 – 3,57), et ceux qui avaient déjà utilisé une pochette de nicotine (RC = 5,82, IC 95 % 2,27 – 14,90).

Notons que les utilisateurs primaires ou exclusifs de produits du tabac sans fumée ne sont pas considérés dans l’étude, bien qu’ils soient susceptibles d’être ciblés par la mise en marché des pochettes de nicotine étant donné leur similitude avec les produits du tabac sans fumée. Les adolescents et les adultes n’ayant jamais consommé de tabac ou de nicotine n’ont pas été non plus inclus dans l’échantillon, ce qui signifie que l’initiation à l’usage de pochettes de nicotine ne peut être examinée pour cette sous-population.

Compte tenu de la croissance récente de la commercialisation des pochettes de nicotine, l’étude contribue de manière importante à fournir de l’information sur la connaissance, l’utilisation et le niveau d’intérêt des fumeurs par rapport à ce produit. L’étude a ainsi révélé que l’utilisation de la pochette de nicotine est associée de manière significative à l’âge du fumeur, à son niveau d’éducation, aux méthodes de renoncement au tabac déjà utilisées ainsi qu’à l’usage de produits du tabac sans fumée. Il sera intéressant de vérifier prochainement si les constats obtenus correspondent à ceux obtenus par des études canadiennes ou québécoises.

Hrywna M, Gonsalves NJ, Delnevo CD, Wackowski OA. Nicotine pouch product awareness, interest and ever use among US adults who smoke, 2021. Tob Control 2022; DOI: 10.1136/tc-2021-057156.

Référence supplémentaire

Marynak KL, Wang X, Borowiecki M, Kim Y, Tynan MA, Emery S, King BA. Nicotine pouch unit sales in the US, 2016-2020. JAMA 2021;326(6):566-568.


Quantités de nicotine variables et présence de nitrosamines dans plusieurs pochettes de nicotine

Contexte

Les pochettes de nicotine sont de petits sachets qui se placent dans la bouche, sur la gencive, et qui administrent de la nicotine par la muqueuse buccale. Ce produit, qui s’apparente aux pochettes de tabac sans fumée (snus), ne contient pas de tabac, mais contient de la nicotine, des agents aromatisants et d’autres saveurs. Les pochettes de nicotine circulent sur le marché américain depuis 2016 et en Europe depuis 2018. On sait peu de choses sur leur toxicité et leur potentiel addictif, et des incertitudes persistent entourant la réglementation de ce nouveau produit. Le Ministère fédéral allemand de l’Alimentation et de l’Agriculture a mandaté l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques d’examiner les dangers potentiels de ce produit.

Objectif

Cette étude a analysé le niveau de nicotine et la présence de nitrosamines spécifiques au tabac (des substances cancérigènes) dans un échantillon de convenance de 46 pochettes de nicotine de 20 marques différentes. Ces pochettes ont été achetées sur Internet de janvier à mai 2021 auprès de sites allemands et de sites livrant en Allemagne.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Le contenu en nicotine a été analysé à l’aide de la technique de chromatographie en phase gazeuse2 et calculé par gramme en divisant par le poids de la pochette. La présence de quatre nitrosamines (NNN, NNK, NAT, NAB) a été identifiée par la technique de chromatographie en phase liquide-spectrométrie de masse.

Les analyses révèlent que :

  • Deux des quarante-six produits ne contenaient pas de nicotine; les autres pochettes contenaient de 1,79 à 47,5 mg de nicotine par pochette (médiane de 9,48 mg);
  • Le pH alcalin des pochettes analysées variait de 5,5 à 10,5 (médiane de 8,8);
  • Dans la plupart des cas, le contenu en nicotine n’était pas clairement identifié, à partir de descripteurs arbitraires et peu précis (easy, medium, strong, ultra, max, hard, brutal), ce qui ne respecte pas les exigences en vigueur dans l’Union européenne;
  • Tous les produits sauf trois portaient une étiquette d’avertissement pour les personnes de moins de 18 ans. Par contre, seulement 10 emballages portaient une étiquette déconseillant l’utilisation pendant la grossesse.
  • Des nitrosamines ont été détectées dans 26 pochettes, la NNN étant présente dans 24 pochettes et en quantité plus importante que les autres nitrosamines. Les quantités les plus élevées de nitrosamines mesurées dans les pochettes de nicotine étaient de 13 ng/pochette de NNN et 5,4 ng de NNK. En comparaison, les cigarettes de tabac contiennent de 33 à 323 ng de NNN et 40 à 246 ng de NNK.

Bien que les pochettes de nicotine puissent potentiellement représenter une alternative à risque réduit pour les fumeurs de cigarettes ou pour les utilisateurs d’autres produits du tabac, les auteurs jugent, à la lumière de leurs résultats, que la teneur en nicotine de certaines pochettes est alarmante. De plus, la présence de nitrosamines est préoccupante. Les auteurs recommandent d’évaluer les effets de ce nouveau produit pour la santé publique. Au sujet de l’encadrement, ils suggèrent : de limiter le contenu en nicotine à moins de 16,7 mg/pochette; de permettre seulement l’usage d’ingrédients de haute pureté; d’indiquer clairement le contenu en nicotine en mg/pochette; d’apposer des mises en garde pour les femmes enceintes ou qui allaitent ainsi que les personnes qui souffrent de maladies cardiovasculaires; et de limiter les activités promotionnelles et d’interdire la vente aux mineurs.

Mallock N, Schultz T, Malke S, Drejack N, Laux P, Luch A. Levels of nicotine and tobacco-specific nitrosamines in oral nicotine pouches. Tob Control 2022; DOI: 10.1136/tc-2022-057280.

2 Nous vous épargnons ici les détails des procédures d’analyse en laboratoire, qui sont décrites avec suffisamment de détails dans l’article pour permettre de reproduire l’étude.

Rédacteurs

Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Marie-Josée Harbec, conseillère scientifique spécialisée
Patrick Luyindula, conseiller scientifique spécialisé
Marianne Dubé, assistante professionnelle de recherche
Annie Montreuil, conseillère scientifique spécialisée
Zineb Khalladi, conseillère scientifique
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés

Coordonnateur
Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Direction du développement des individus et des communautés

Réviseur
Olivier Bellefleur, chef d’unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique
Marie-Cloé Lépine, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés

Ce document est disponible intégralement en format électronique (PDF) sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec au : http://www.inspq.qc.ca.

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