Trypanosomiase américaine / maladie de Chagas
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Agent causal et transmission
La trypanosomiase américaine (maladie de Chagas) est causée par le Trypanosoma cruzi (T. cruzi), un parasite de type protozoaire. Celui-ci est transmis principalement par un insecte vecteur hématophage du genre Triatoma (punaise). L’espèce la plus fréquente est le Triatoma infestans, mais plusieurs espèces de Triatoma peuvent être infectées par T. cruzi. Les Triatominae sont surnommées en anglais kissing bugs vu leur prédilection pour piquer au visage, particulièrement autour des yeux et de la bouche. Principalement nocturnes, elles vivent dans les interstices des murs ou des toits des habitations, notamment en milieu rural où les maisons en terre séchée ou avec un toit en en chaume sont particulièrement à risque de les abriter. Plusieurs mammifères non humains tels que les singes, les tatous, les chiens, les ratons laveurs et les rongeurs sont des réservoirs connus du T. cruzi.
La transmission à l’humain se fait lorsque la punaise infestée dépose sur la peau des excréments contenant des formes infestantes du parasite qui pénètrent l’organisme par la blessure de la peau ou les muqueuses causée lors du repas sanguin. La maladie de Chagas peut également être transmise par le sang ou les transfusions sanguines (20 % des cas), par transmission verticale de la mère à l’enfant pendant la grossesse ou l’accouchement (1 % des cas), par greffe d’organe, lors d’accidents de laboratoire et occasionnellement par la consommation de nourriture contaminée par les déjections de la punaise.
Tableau clinique
La maladie de Chagas se présente habituellement en trois phases :
1- Phase aiguë
La phase aiguë dure de 8 à 12 semaines.
La plupart du temps, l’infection est asymptomatique à ce stade. Des signes et symptômes légers peuvent apparaître tels que de la fièvre et de l’enflure au site où le parasite a pénétré.
Après la période d’incubation (environ 1 à 2 semaines), les patients peuvent présenter le signe pathognomonique de la maladie appelé le signe de Romaña, lequel est caractérisé par une conjonctivite unilatérale, un œdème palpébral ainsi qu’une lymphadénopathie préauriculaire ipsilatérale. Ce signe peut survenir quand l’inoculation est conjonctivale (environ 20 %). Lorsque l’inoculation se fait par voie transcutanée, il peut apparaître une lésion nodulaire indurée au site de la piqûre. Cette lésion est appelée chagome. Les personnes infectées peuvent aussi avoir des céphalées, des lymphadénopathies, de la pâleur, des douleurs musculaires et abdominales. Plus rarement, une myocardite, une péricardite aiguë ou une méningo-encéphalite aiguë peuvent survenir.
La létalité est d’environ 1 % pendant la phase aiguë.
Lors d’infection congénitale, des manifestations surviennent dans environ 10-40 % des cas. Il peut s’agir de prématurité, de petit poids à la naissance, de fièvre, d’une hépatosplénomégalie et d’anomalies au niveau de la formule sanguine (anémie, thrombopénie).
2 - Phase chronique indéterminée ou intermédiaire
La plupart des patients (70-80 %) présentant la forme chronique indéterminée n’auront pas de symptômes malgré la présence du pathogène et la maladie n’évoluera pas au cours de leur vie. Cette phase est souvent diagnostiquée lors d’un dépistage de la maladie.
3 - Phase chronique
Environ 30 % des cas en phase chronique indéterminée évolueront vers un stade chronique symptomatique, lequel est caractérisé par des complications cardiaques (30 %) et gastro-intestinales (10 %).
Les complications cardiaques comprennent un spectre de pathologies, allant de légères anomalies de conduction, aux arythmies, à la cardiomégalie jusqu’à la cardiomyopathie dilatée. Les complications gastro-intestinales peuvent se présenter sous forme de reflux gastro-oesophagien, d’achalasie ou de constipation jusqu’aux formes plus graves de méga-oesophage ou de mégacôlon.
Exceptionnellement, des complications tel que des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des polyneuropathies et des manifestations neuroendocriniennes peuvent se déclarer.
Dans de rares cas, les personnes infectées peuvent passer d’une phase aiguë symptomatique directement à une phase chronique symptomatique.
Les phases chroniques peuvent être réactivées par la grossesse et par un état d’immunosuppression, en particulier par une infection par le VIH en l’absence de traitement.
Diagnostic et traitement
Le diagnostic se fait habituellement par sérologie, test d’amplification des acides nucléiques (TAAN) ou recherche de parasitémie. Cependant, à la phase chronique, la parasitémie est rarement présente.
Le traitement se fait à l’aide de médicaments antiparasitaires qui sont très efficaces (presque 100 %) s’ils sont administrés précocement après l’infection. Plus le délai est long entre l’infection initiale et le traitement, moins celui-ci est efficace. Pour les affections chroniques, ce sont plutôt des traitements de soutien propres aux manifestations cliniques qui peuvent être offerts. En l’absence de traitement, la maladie est présente à vie.
Épidémiologie
La maladie de Chagas est endémique dans 21 pays d’Amérique latine (voir la carte ci-dessous). Le parasite est toutefois présent dans les vecteurs et les réservoirs non humains sur un territoire plus vaste, incluant le sud des États-Unis.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 6 à 7 millions de personnes sont touchées mondialement. La majorité des cas sont rapportés en Amérique centrale et en Amérique du Sud, principalement dans les régions socioéconomiquement défavorisées. Le Brésil est le pays le plus touché avec 40 % des cas recensés. À la suite des mouvements de population et de l’urbanisation, la maladie est maintenant détectée dans plusieurs pays à travers le monde. Depuis plus d’une dizaine d’années, environ 300 000 cas de la maladie ont été détectés dans des pays considérés non endémiques, comme l’Australie, le Japon, les États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest. Quelques cas autochtones ont également été rapportés dans le sud des États-Unis.
Grâce aux nombreux efforts de santé publique, l’incidence annuelle des cas dans la région des Amériques a diminué de 700 000 par année en 1990 à environ 28 000 cas en 2010. Malgré cette notable amélioration, la maladie de Chagas est toujours responsable de plus de 10 000 décès annuellement dans le monde.
Carte des régions endémiques pour la maladie de Chagas
Risques en voyage
Le risque pour les voyageur(euse)s est très faible. Cependant, la maladie pourrait être sous-diagnostiquée étant donné l’absence de symptôme ou la non-spécificité de ceux-ci. Le risque est augmenté si les personnes qui voyagent résident dans des habitations où des fissures importantes sont présentes ou visitent de la famille ou des amis.
La consommation de produits locaux infectés ou mal nettoyés est également associée à un risque accru d’infection. Par exemple, la consommation de baies d'açaï et/ou de jus de canne à sucre a été associée à des éclosions de cette maladie au Brésil.
De rares cas de maladie de Chagas chez les personnes qui voyagent sont décrits dans la littérature. En 2012, une publication a fait état d’un cas d’une touriste américaine qui avait contracté la maladie de Chagas à la suite d’un séjour de 3 semaines au Costa Rica dans la province de Limón. Elle ne rapportait pas de piqûre d’insecte, avait séjourné dans une habitation sans moustiquaires aux fenêtres, mais avait dormi sous une moustiquaire de lit. Un autre cas d’une Canadienne ayant séjourné 5 mois au Mexique a été décrit en 2008.
Prévention
Il n’existe pas de vaccin ou de traitement prophylactique pour prévenir la maladie de Chagas. Il est donc important d’informer les voyageur(euse)s qui séjournent dans des endroits où la maladie de Chagas est endémique qu’ils/elles doivent prendre des mesures pour s’en protéger.
Voici quelques moyens qui peuvent diminuer les risques de contracter la maladie de Chagas en voyage :
- Dormir sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide.
- Éviter de dormir à l’extérieur.
- Bien choisir les habitations où dormir et éviter de dormir dans les maisons faites de terre séchée, de toit en chaume ou ayant des murs fissurés. L’usage d’insecticide dans et autour de la maison peut aider.
- Éviter de consommer de la nourriture mal cuite, des breuvages non pasteurisés, comme des jus de fruits frais, dont le jus de canne à sucre, et des aliments mal entreposés ou vendus sur la rue qui pourraient être contaminés.
Pour plus de conseils sur les aliments, consulter la section sur l’eau et les aliments du Guide d’intervention. - Éviter de recevoir des transfusions ou des greffes d’organes dans des pays où la maladie est endémique. Sinon, s’assurer que le sang reçu a été testé pour la maladie de Chagas.
Références
- Agence de la santé publique du Canada. Prévention de la maladie de Chagas (trypanosomiase américaine). 2015.
- Carter YL, Juliano JJ, Montgomery SP, Qvarnstrom Y. Acute Chagas Disease in a Returning Traveler. The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene. 2012;87(6):1037‑40.
- Centers for Disease Control and Prevention. Chagas Disease. 2022.
- Diaz JH. Recognizing and Reducing the Risks of Chagas Disease (American Trypanosomiasis) in Travelers. Journal of Travel Medicine. 2008;15(3):184‑95.
- Gomes C, Almeida AB, Rosa AC, Araujo PF, Teixeira ARL. American trypanosomiasis and Chagas disease: Sexual transmission. International Journal of Infectious Diseases. 2019;81:81‑4.
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- Sánchez-Montalvá A, Salinas C, Sullerio E, Salvador F, Bosch-Nicolau P, Crespillo-Andújar C, et al. Risk of Trypanosoma cruzi infection among travellers visiting friends and relatives to continental Latin America. PLOS Neglected Tropical Diseases. 2021;15(7):e0009528.
Auteurs
Comité consultatif québécois sur la santé des voyageurs
Collaborateurs
Karl Forest-Bérard, Secrétariat général
Alejandra Irace-Cima, Direction des risques biologiques