Poliomyélite

Agent causal

La poliomyélite est une maladie causée par un entérovirus, une famille de virus à ARN. Le poliovirus sauvage se divise en trois sous-types (1 à 3) et son seul réservoir est l’humain bien que le virus soit capable de survivre plusieurs mois dans l’environnement.

Transmission

L’infection est très contagieuse et touche surtout les enfants de 5 ans et moins. La transmission se fait par contact direct avec une personne infectée, ou plus rarement, via l’eau ou la nourriture contaminée par les selles ainsi que par contact avec les sécrétions respiratoires d’une personne infectée. Suite à une incubation de 3 à 35 jours (le plus souvent de 7 à 14 jours), le virus se réplique dans les muqueuses intestinales ou oro-pharyngées, puis s’introduit dans le sang, causant une virémie.

Tableau clinique

Environ 90 % des infections sont asymptomatiques. Dans 10 % des cas, la présentation clinique inclut des symptômes tels que fièvre, fatigue, mal de gorge, nausées et vomissements. Moins de 1 % des cas développeront des complications neurologiques : méningite aseptique ou paralysie flasque aigüe. La paralysie touche le plus souvent les membres inférieurs, suivi des membres supérieurs, et rarement les muscles responsables de la déglutition et de la respiration. Cette paralysie des muscles respiratoires nécessite souvent une ventilation mécanique et mène au décès chez 2 à 5 % des enfants atteints et chez 15 à 30 % des adultes. La paralysie quant à elle devient permanente chez 2/3 des personnes affectées. Une autre complication possible est le syndrome post-polio, où une progression marquée de la paralysie peut survenir plusieurs années après l’infection initiale. 

Il n’existe pas de traitement spécifique contre la poliomyélite, mais la vaccination la prévient très efficacement (voir la section Immunisation).

Épidémiologie

Poliovirus sauvage

Dans la plupart des pays, les efforts d’éradication de la poliomyélite ont conduit à une diminution de plus de 99 % de l’incidence mondiale par rapport à 1988, année où l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) a mis sur pied le Global Polio Eradication Initiative (GPEI). La poliomyélite a été éliminée au Canada et dans les Amériques en 1994. La région du Pacifique occidental (37 pays et territoires) et la région européenne de l’OMS ont été déclarées exemptes de poliomyélite, respectivement en 2000 et 2002. En août 2020, le continent africain a lui aussi été déclaré exempt. En 2015, l’OMS a annoncé l’éradication du poliovirus sauvage de type 2, et en octobre 2019, celle du poliovirus sauvage de type 3.

Il ne reste que deux pays endémiques pour le poliovirus sauvage de type 1 : l’Afghanistan et le Pakistan. Par contre, des cas ou des éclosions de poliomyélite sauvage importées sont occasionnellement rapportés, principalement en Afrique et au Moyen-Orient. 

Poliovirus dérivé d’une souche vaccinale

Le succès à éliminer le poliovirus sauvage repose sur l’utilisation à grande échelle du vaccin oral vivant atténué trivalent (Sabin ou VPO) qui procure une protection directe au niveau des muqueuses ainsi qu’une protection indirecte (protection de groupe) par l’excrétion du virus vaccinal dans les selles pendant plusieurs semaines. Ce vaccin oral comporte un très faible risque de poliomyélite vaccinale (1 cas/3,3 millions de doses administrées) pour la personne vaccinée et pour ses contacts étroits s’ils ne sont pas vaccinés. L’utilisation de ce vaccin a cessé au Canada en 1996 au profit du vaccin inactivé injectable trivalent (VPI) qui ne comporte pas de tels risques.  Par ailleurs le vaccin oral est toujours utilisé dans plusieurs pays en voie de développement, de façon exclusive ou de concert avec le vaccin VPI.

Des souches de poliovirus vaccinaux provenant de personnes vaccinées avec le VPO peuvent circuler dans une population sous-vaccinée (couverture de moins de 80 %), et avec le temps, muter vers une forme neurovirulente. Ces souches circulantes de poliovirus vaccinaux peuvent causer des cas ou des éclosions. À la suite de l'éradication du poliovirus sauvage de type 2, la composante du poliovirus de type 2 a été retirée du vaccin VPO en 2016. Malgré ceci, le poliovirus circulant dérivé d’une souche vaccinale de type 2 continue de circuler, ce qui démontre que le PVDVc2 se comporte épidémiologiquement comme un virus sauvage. Actuellement, la grande majorité des cas de poliomyélite vaccinale dans le monde sont reliés au poliovirus dérivé de souche vaccinale de type 2. 

Pour plus d’informations sur le poliovirus dérivé d’une souche vaccinale, veuillez consulter la page suivante du GPEI.

Distribution géographique

Immunisation

Primo-immunisation

Une primo-immunisation complète contre la poliomyélite est recommandée pour toutes les personnes âgées de moins de 18 ans, incluant les voyageurs, comme indiqué dans le Protocole d’immunisation du Québec1.

En général, une preuve écrite n’est pas nécessaire pour confirmer le statut vaccinal d’un adulte. Les éléments suivants peuvent aider à connaître le statut vaccinal : l’âge de la personne, une histoire antérieure de vaccination, le souvenir de la personne ou des parents, la date d’introduction du vaccin au Québec1, et le début des programmes de vaccination systématique (1955 pour la poliomyélite).

Il est important de s’assurer d’une primo-immunisation adéquate pour les voyageurs adultes qui prévoient séjourner dans les pays faisant partie des catégories suivantes :

  1. Pays endémiques pour le poliovirus sauvage;
  2. Pays ayant rapporté des cas de poliomyélite sauvage ou vaccinale, ou ayant détecté du poliovirus sauvage ou vaccinal dans les eaux usées ou chez des personnes incluant des cas asymptomatiques, dans les 2 dernières années;
  3. Pays à risque d’importation du poliovirus sauvage ou vaccinal en raison de la localisation géographique, d’une faible couverture vaccinale ou d’une surveillance sous-optimale des cas de paralysie flasque aigüe.

Si l’on a de bonnes raisons de croire qu’un voyageur adulte n’a jamais été vacciné contre la poliomyélite, on débutera la primo-immunisation avant le départ pour l’un de ces pays à risque.

La liste à jour des pays ayant rapporté des cas de poliomyélite sauvage et vaccinale peut être consultée en ligne sur le site Web du Global Polio Eradication Initiative. À noter que dans la section Recommandations par pays, si un pays rapporte à la fois du poliovirus sauvage et vaccinal, seul le poliovirus sauvage sera mentionné, afin d’alléger le texte.

Rappel

Si plus de 10 ans se sont écoulés depuis leur primo-immunisation, une dose de rappel unique sera recommandée pour les adultes (18 ans et plus) qui séjourneront dans les pays listés dans la section Primo-immunisation ci-haut. Toutefois, cette dose de rappel ne sera pas nécessaire pour certains pays où le virus est présent mais où aucune transmission locale n’a pas été démontrée (voir la section Découverte du poliovirus dans les eaux usées de pays industrialisés.)

Accélération de l'immunisation des nourrissons

On peut sans inconvénient accélérer l’immunisation du nourrisson qui séjournera en pays à risque en commençant la vaccination dès l’âge de 6 semaines et en utilisant les intervalles minimaux entre les doses2. On le fera systématiquement pour les séjours dans tous les pays listés dans la section Primo-immunisation ci-haut.

Si on ne peut pas les protéger adéquatement avec le vaccin inactivé par manque de temps, les enfants qui feront un séjour prolongé dans une région où est offert le vaccin oral peuvent y recevoir les doses requises de ce vaccin pour compléter leur série vaccinale. Il faut informer les parents que le vaccin oral comporte un très faible risque de poliomyélite vaccinale.

Recommandations temporaires de l’OMS

Le 5 mai 2014, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré la propagation internationale du poliovirus une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Des recommandations temporaires sur la vaccination contre la poliomyélite, renouvelées depuis aux trois mois, ont été émises afin de prévenir une plus grande propagation du virus dans le monde.

Ces recommandations touchent principalement les résidents des pays ayant rapporté des cas ou détecté du poliovirus sauvage ou vaccinal, ainsi que les voyageurs qui séjourneront plus de 4 semaines dans un tel pays, et visent à empêcher l’exportation du poliovirus. Selon le type de poliovirus détecté, l’OMS peut soit exiger ou suggérer de recevoir une dose du vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI) dans un délai de 4 semaines à 12 mois avant l’entrée ou la sortie d’un tel pays. Cette dose est requise pour toutes les personnes qui n’auraient pas reçu de dose de vaccin VPI dans les derniers 12 mois, incluant les enfants et adultes adéquatement vaccinés. Toutes les déclarations de l’OMS se trouvent à la page suivante.

  1. Pour les pays ayant rapporté des cas ou détecté du poliovirus sauvage ou vaccinal (type 1 et 3), la dose de rappel contre la poliomyélite est exigée et le document officiel requis comme preuve de vaccination est le Certificat international de vaccination ou de prophylaxie (CIVP). Ce certificat est disponible seulement dans les centres de vaccination désignés contre la fièvre jaune. La liste de ces centres se trouve sur le site Web de l'Agence de santé publique du Canada. Les directives sur la façon de remplir le certificat sont disponibles à la page suivante.
  2. Pour les pays ayant rapporté des cas ou détecté du poliovirus vaccinal de type 2, la dose de rappel contre la poliomyélite est suggérée, et l’intervenant peut consigner l’information dans le carnet de vaccination du voyageur, que celui-ci devra apporter en voyage.

Dans la section Recommandations par pays, si un pays a détecté simultanément le poliovirus vaccinal de type 2 et un autre type de poliovirus, seul ce dernier sera mentionné afin d’alléger le texte.

Immunisation comme exigence d’entrée

En plus des recommandations émises par l’OMS, certains pays peuvent exiger la vaccination contre la poliomyélite comme condition d’entrée pour certains voyageurs, la plupart du temps ceux en provenance de pays exportateurs de poliomyélite. Les pays concernés par une telle exigence sont indiqués dans la section Recommandations par pays, et l’intervenant pourra retrouver des informations plus détaillées sur le site Web de l'OMS.

Découverte du poliovirus dans les eaux usées de pays industrialisés

En 2022, du poliovirus vaccinal de type 2 a été retrouvé dans des échantillons d’eaux usées au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Outre un cas de poliomyélite déclaré dans l’État de New York, aucune transmission locale n’a été mise en évidence.

En 2024, plusieurs pays d’Europe ont également détecté du poliovirus vaccinal de type 2 dans les eaux usées de certaines villes : Allemagne, Espagne, Finlande, Pologne et Royaume-Uni. Des études3 ont révélé que la souche du poliovirus détecté circule depuis quelques années au Nigéria, l’hypothèse principale étant que des personnes migrantes auraient importé le poliovirus vaccinal. Cependant, en général ces études n’ont pas mis en évidence de transmission locale de personne à personne. 

Le risque pour un voyageur se rendant dans un pays industrialisé ayant détecté du poliovirus dans les eaux usées n’est pas connu mais semble extrêmement faible. Par mesure de prudence, une dose de rappel unique pourrait être offerte aux voyageurs se rendant dans une destination touchée, si plus de 10 ans se sont écoulés depuis leur primo-immunisation, s'ils planifient de : 

  • Travailler en contact avec les eaux usées;
  • Faire des activités qui impliquent un contact avec les eaux libres près d’une ville où le poliovirus a été détecté (ex : nage, rafting, etc.);

Cette recommandation cesserait de s’appliquer si la possibilité de transmission locale a été éliminée, comme c’est le cas pour la majorité des pays touchés.

Tableau résumé des recommandations d’immunisation pour les voyageurs internationaux
Statut du pays dans le GuideRecommandations généralesSi séjour de 4 semaines ou plus 
Exigences ou recommandations supplémentaires de l’OMS
ÉliminéS’assurer que les voyageurs de moins de 18 ans ont reçu une primo-immunisation adéquateN/A
EndémiqueS’assurer que les voyageurs de tout âge ont reçu une primo-immunisation adéquate Rappel unique chez les voyageurs de 18 ans et plus, 10 ans ou plus après la dernière dose de primo-immunisationbRappel entre 4 semaines et 12 mois avant le voyage exigé par l’OMS (noter dans CIVPb)
Cas déclarés ou poliovirus détectéa (virus vaccinal types 1 et 3 ou virus sauvage)
Cas déclarés ou poliovirus détectéa (virus vaccinal type 2)Rappel entre 4 semaines et 12 mois avant le voyage suggéré par l’OMS (noter dans carnet de vaccination)b
À risque d’importationN/A

aDétection dans les eaux usées ou chez un humain asymptomatique 
bException : poliovirus dans les eaux usées de pays industrialisés


1Protocole d’immunisation du Québec
2Consulter le Protocole d’immunisation du Québec pour le calendrier du vaccin contre la poliomyélite. 
3European Centre for Disease Prevention and Control. Rapid risk assessment – Assessing the risk to public health of multiple detections of poliovirus in wastewater in the EU/EEA. 2025. https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/multiple-detections-poliovirus-wastewater-eueea
Böttcher S, Kreibich J, Wilton T, Saliba V, Blomqvist S, Al-Hello H, et al. Detection of circulating vaccine-derived poliovirus type 2 (cVDPV2) in wastewater samples: a wake-up call, Finland, Germany, Poland, Spain, the United Kingdom, 2024. Eurosurveillance. 23 janv 2025;30(3):2500037.

Références

Auteurs
Comité consultatif québécois sur la santé des voyageurs 
Collaborateurs
Karl Forest-Bérard, Direction de la valorisation scientifique et qualité 
Dernière mise à jour
Octobre 2025