Épidémiologie du virus du Nil occidental en zone rurale au Québec

Un projet de recherche a été initié, en 2004, par l'équipe Zoonoses de l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) et le Groupe d'expertise sur le virus du Nil occidental (VNO) de la Direction de la santé publique (DSP) de la Montérégie, pour mieux comprendre l'apparition des cas humains d'infection par le VNO au Québec surtout en zone rurale. L'étude a été scindée en deux volets dont le premier visait à élaborer et à tester un cadre d'analyse des caractéristiques épidémiologiques, socio-comportementales et environnementales de tous les cas humains déclarés par les autorités de la Santé publique et acquis au Québec en 2004 et 2005. Le second volet est un sondage fait auprès de la population des régions les plus exposées au VNO ces deux dernières années, afin de voir si le comportement de ces populations et leur perception du risque, face à cette infection, est la même en zone urbaine et en zone rurale.

L'analyse des cas humains infectés par le VNO (volet 1) associée aux caractéristiques épidémiologiques était une étude transversale de tous les cas humains infectés au Québec et confirmés positifs en 2004 et en 2005. Une fois confirmée par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), la personne infectée est soumise à deux questionnaires téléphoniques (questionnaire provincial et comportemental). Ensuite, des visites résidentielles et environnementales (1 km² et 20 km²) sont effectuées autour de la résidence du cas. Les informations du système intégré des données de vigie sanitaire (SIDVS) (entomologique et aviaire) et des données météorologiques (température et précipitations) sont relevées pour toute la durée de la saison VNO. Six cas humains ont été déclarés en 2004–2005 et résident dans trois régions (Lanaudière, Laurentides et Montréal). L'âge moyen des personnes infectées est de 66 ans et les infections avec syndrome neurologique sont les plus fréquentes. La période probable d'infection se situerait entre la mi-juillet et la fin septembre.

Ces personnes infectées ont eu des attitudes et des comportements identiques à ceux observés dans la population du Québec, c'est-à-dire une faible inquiétude lors de piqûre de moustiques, la préférence pour le port de vêtements longs au lieu de l'utilisation des chassemoustiques et la faible application des conseils émis par les autorités de santé publique notamment le nettoyage des gîtes résidentiels. Comme la plupart des Québécois, les patients avaient déjà entendu parler du VNO. Ils avaient des activités extérieures assez importantes (marche, jardinage et lecture sur le balcon), portaient peu d'intérêt à l'utilisation de pratiques préventives.

Ces personnes ont passé plus de deux heures par jour à l'extérieur le soir. Même après avoir été infectées, elles demeuraient réticentes à l'utilisation de pratiques préventives. L'étude des indicateurs, soit ceux des municipalités où habitent les cas, des caractéristiques de leurs résidences, de l'aire proximale (1 km²) et de l'aire environnementale (20 km²) a suggéré des liens possibles entre ceux-ci et certains facteurs de risque connus. Des indicateurs, tels que le revenu moyen par municipalité, l'âge médian, la présence de moustiquaires, la présence de gîtes potentiels artificiels et naturels autour de la résidence et le calcul de la distance les séparant de la résidence du cas infecté, utiles dans l'analyse, doivent être conservés pour l'analyse future des cas. D'autres indicateurs, comme le drainage ainsi que les espèces végétales présentes ont apporté un éclairage sur l'ensemble des conditions environnementales et devraient continuer à être utilisés. Les questionnaires ont été utiles pour la collecte des données et de nouveaux indicateurs, tels que l'indice de végétation (Normalized Difference Vegetation Index : NDVI) seront ajoutés. Vu le petit nombre de cas infectés en deux ans, la comparaison des caractéristiques et des indicateurs n'a pas été possible sauf dans le but d'illustrer la méthode. Malgré les limites rencontrées, le cadre d'analyse a été bon dans l'ensemble et d'autres indicateurs méritent d'être recherchés.

Le volet 2 a consisté en une enquête sur les comportements et les risques perçus par les populations dans trois zones (urbaine, rurale fortement influencée et rurale moyennement influencée) réparties dans cinq régions administratives (Montréal, Laval, Laurentides, Lanaudière et Montérégie) les plus exposées au VNO. Ainsi, 1 651 personnes ont été sondées par entretien téléphonique d'octobre à novembre 2004.

Les résultats des données pondérées sont représentatifs de la population du Québec. De manière générale, les résultats montrent que la quasi-totalité des populations à l'étude (96 %) connaît le VNO ou en a entendu parler au moins une fois. Plus de 91 % de la population sondée croient que le risque de contracter le VNO après une piqûre est faible. Dans le cas où les répondants attraperaient le VNO, 68 % pensent qu'ils seront malades. Près de 92 % de la population à l'étude n'est pas inquiète à la suite d'une piqûre de moustiques. La proportion de personnes qui porte des vêtements longs (57 %) est plus importante que celle qui utilise des chasse-moustiques (47 %). Durant ces trois dernières années, 23 % des personnes affirment avoir modifié leurs habitudes par rapport aux moustiques lors d'activités extérieures. Les raisons principales sont la crainte du VNO et la nuisance.

La perception élevée du risque d'infection au VNO à la suite d'une piqûre est associée à l'âge (groupe d'âge 18-54 ans), la langue anglaise, les modifications d'habitude, le port de vêtements longs et l'utilisation de climatiseur. Les facteurs associés à l'utilisation de chassemoustiques sont être une femme, l'âge (18-54 ans), l'habitude d'interrompre les activités extérieures à cause des moustiques, le choix du moment des activités extérieures et la durée de ces activités au-delà de 16 h/semaine. La modification des habitudes est associée à la langue anglaise, à la perception élevée du risque, à la présence de moustiques à l'intérieur de la résidence, être femme, au fait de vivre dans une famille biparentale et à une perception élevée de la gravité de la maladie.

Il n'a pas été constaté de différence significative dans la perception du risque entre le milieu urbain et le milieu rural. Par contre, une différence a été observée pour les indicateurs d'exposition (utilisation de climatiseur, présence de maringouins à l'intérieur de la résidence, durée des activités extérieures et type d'environnement pour les activités extérieures) et un des indicateurs de pratique préventive (choix du moment pour les activités extérieures). D'autres analyses multivariées ont permis de montrer des différences dans les déterminants des pratiques préventives entre les personnes vivant en zones rurales moyennement et fortement influencées.

L'originalité de cette étude comportementale et environnementale (volet 1) est qu'elle a permis d'élaborer et de valider un cadre d'analyse regroupant des informations cliniques, comportementales, épidémiologiques et environnementales sur le VNO. Ce premier jalon a permis d'avoir une méthodologie complète d'enquêtes pour mieux comprendre l'apparition des cas humains tant en milieu rural qu'urbain. Le volet 2 a permis de montrer qu'il y a des différences dans les pratiques préventives entre milieu urbain et rural, mais aussi que le milieu rural n'est pas aussi homogène que l'on croyait.

Auteur(-trice)s
Louise Lambert
Institut national de santé publique du Québec et Direction de la santé publique de la Montérégie
ISBN (électronique)
978-2-550-48372-4
ISBN (imprimé)
978-2-550-48371-7
Notice Santécom
Date de publication