EffICAS : évaluer l’implantation et les effets des coopératives alimentaires

Au Québec, plusieurs actions pour améliorer l’environnement alimentaire sont prévues et découlent de politiques et de plans d’action. Par exemple, la mesure 13.1 du Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale (PAGIEPS) 2017-2023 vise à améliorer l’accès à une alimentation saine, nutritive et abordable pour les personnes à faible revenu. De plus, la mesure 3.1 de la Politique gouvernementale de prévention en santé (PGPS) 2015-2025 a pour objectif de favoriser l’accès géographique et économique à une saine alimentation, particulièrement dans les communautés défavorisées ou isolées géographiquement.

Pourquoi s’intéresser aux coopératives alimentaires?

La saine alimentation est un déterminant important de la santé. Les choix alimentaires sont influencés par les caractéristiques des individus et le contexte dans lequel ils vivent. Les caractéristiques physiques, socioculturelles, économiques et politiques du milieu de vie encouragent ou non les personnes à adopter une alimentation de meilleure qualité1-4 .

Les coopératives alimentaires sont une solution prometteuse pour faciliter l’accès géographique aux aliments de haute valeur nutritive pour des communautés ayant un faible accès à ces aliments5-7, ce qui pourrait améliorer l’alimentation et la santé des résidents.

Le modèle coopératif permet également à la communauté de se rassembler autour d’un projet commun, ce qui peut contribuer au sentiment d’appartenance à la communauté et à sa vitalité8-9.

L’étude EffICAS s’intéresse aux petites communautés rurales parce qu’elles ont peu de commerces offrant des aliments de haute valeur nutritive. En effet, au Québec, dans certaines régions éloignées des grands centres, de 8 à 23 % de la population vit dans des déserts alimentaires10. De plus, dans certaines régions rurales, on note une plus grande proportion d’adultes en surpoids et ne consommant pas assez de fruits et légumes que la moyenne québécoise11-12.

Modèle logique de l’étude EffICAS

La figure ci-dessous présente les effets attendus de l’implantation d’une coopérative alimentaire dans une communauté rurale, isolée géographiquement et considérée comme un désert alimentaire.

En se basant sur les écrits scientifiques, l’équipe de recherche pose l’hypothèse que l’implantation d’une coopérative dans la communauté améliore la qualité de l’alimentation des citoyens, la vitalité et le bien-être de la communauté, et réduit l’insécurité alimentaire marginale.

Figure - Effets attendus de l’implantation d’une coopérative alimentaire dans une communauté rurale, isolée géographiquement et qualifiée de désert alimentaire

 
  1. L’environnement alimentaire local fait référence aux commerces alimentaires, aux banques alimentaires, aux potagers, aux jardins communautaires, etc. présents sur le territoire ainsi qu’à leur localisation et à leur accessibilité.
  2. Une coopérative alimentaire s’implante dans une communauté. Des aliments variés et de haute valeur nutritive sont vendus à un juste prix dans ce nouveau commerce.
  3. L’arrivée d’un commerce de proximité réduit nécessairement la distance entre les résidences et le commerce alimentaire le plus près. La fréquentation de ce nouveau commerce par les résidents dépend, entre autres, de leur perception d’accès à cette dernière.
  4. La proximité de la coopérative réduit la fréquence et la longueur des déplacements en voiture ainsi que les frais d’essence. Le budget disponible pour se nourrir augmente et le nombre de ménages en situation d’insécurité alimentaire marginale liée au revenu diminue. Une insécurité modérée ou sévère est probablement peu influencée par la réduction des frais de déplacement, puisque son intensité est trop élevée.
  5. La fréquentation du commerce augmente la fréquence d’achat de fruits et légumes ou d’aliments peu transformés et périssables. La hausse de leur consommation et la réduction de l’insécurité alimentaire de certains ménages entrainent une amélioration de la qualité de l’alimentation des citoyens. Cette amélioration, à long terme, a un effet positif sur le poids corporel et les maladies chroniques des individus.
  6. La présence de la coopérative et la mobilisation de la communauté pendant son implantation augmentent le sentiment d’appartenance à la communauté, la résilience et le bien-être de la communauté ainsi que la sécurité personnelle et économique. Ces éléments sont favorables à la vitalité d’une communauté.

Démarche d’évaluation

EffICAS s’intéresse aux coopératives alimentaires afin d’observer si les hypothèses d’effets de l’implantation de celles-ci se concrétisent. L’étude du processus d’implantation fournit des informations permettant de mieux comprendre les effets réellement survenus. L’évaluation des effets permet de savoir si l’amélioration de l’accès géographique aux aliments de haute valeur nutritive a des retombées positives sur la perception d’accès à ces aliments, la qualité de l’alimentation, l’insécurité alimentaire et la santé des individus ainsi que sur le bien-être et la vitalité de la communauté.

Les projets de coopératives à l’étude dans EffICAS prévoient de mettre sur pied une nouvelle coopérative ou de relocaliser et améliorer une coopérative existante. Ces projets sont sous la responsabilité des comités provisoires et des conseils d’administration formés par des citoyens, et non sous celle de l’équipe de recherche.

Les projets de coopératives sont autonomes et suivent leur propre calendrier. L’évaluation porte ainsi sur des expériences naturelles sur lesquelles l’équipe de recherche n’a pas le contrôle. L’implantation à différents moments dans les diverses communautés permet de comparer une communauté ayant ouvert sa coopérative alimentaire (groupe intervention) à des communautés n’ayant pas encore ouvert la leur (groupe contrôle).

Trois grandes étapes de collecte de données permettent de suivre chaque coopérative à l’étude :

  1. avant l’implantation de la coopérative;
  2. six mois après l’ouverture;
  3. un an après l’ouverture.

Plusieurs outils ont été employés pour recueillir de l’information :

  • Des questionnaires pour recueillir des données sur les caractéristiques individuelles et collectives avant et après l’ouverture des coopératives.
  • Une base de données indiquant la localisation des commerces alimentaires au Québec pour mesurer la distance entre l’épicerie (ou la coopérative) la plus proche et le domicile des répondants.
  • Un guide d’entrevue pour apprécier le processus de mobilisation et d’implantation d’une coopérative alimentaire.

Pour rester informé de l’avancement du projet et de ses résultats, consulter le site web de l’étude EffICAS.

Références

  1. Giskes, K., van Lenthe, F., Avendano-Pabon, M., & Brug, J. (2011). A systematic review of environmental factors and obesogenic dietary intakes among adults: Are we getting closer to understanding obesogenic environments? Obesity Reviews: An Official Journal of the International Association for the Study of Obesity, 12(5), e95‑e106.
  2. Raine, K. D. (2005). Determinants of healthy eating in Canada: An overview and synthesis. Canadian Journal of Public Health = Revue canadienne de santé publique, 96 Suppl 3, S8-14, S8-15.
  3. Story, M., Kaphingst, K. M., Robinson-O’Brien, R., & Glanz, K. (2008). Creating healthy food and eating environments: Policy and environmental approaches. Annual Review of Public Health, 29, 253‑272.
  4. WHO. (2002). Diet, nutrition and the prevention of chronic diseases: Report of a joint WHO/FAO expert consultation, Geneva, 28 January - 1 February 2002.
  5. Cadieux, É., Corbeil, D., & Payette, J. (2017). Accessibilité géographique aux commerces d’alimentation. Outil pour comprendre et utiliser la cartographie des unités résidentielles répondant aux critères de désert alimentaire.
  6. Lebel, A. (2015). L’Identification des déserts alimentaires en milieu rural.
  7. Table intersectorielle régionale en saines habitudes de vie COSMOSS du Bas-Saint-Laurent (TIR-SHV). (2018). Favoriser la saine alimentation grâce aux outils d’aménagement du territoire.
  8. Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. (s. d.). Coût d’opportunité du maintien des services marchands de proximité.
  9. Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. (2014). Guide d’information – Une économie de proximité à votre portée.
  10. Robitaille, É. (2018, novembre 6). Présentation : Accessibilité géographique aux commerces alimentaires au Québec : Analyse de situation (mise à jour).
  11. Infocentre. (s. d.-a). Fiche 5.1 : Répartition de la population de 18 ans et plus selon le statut pondéral (EQSP).
  12. Infocentre. (s. d.-b). Fiche 59 : Proportion de la population consommant moins de 5 fois par jour des fruits et des légumes (ESCC).