Vagues de chaleur au Québec méridional : adaptations actuelles et suggestions d'adaptations futures

Dans le cadre des obligations canadiennes en vertu du protocole de Kyoto, le ministère Ressources naturelles Canada a coordonné l'Évaluation nationale des conséquences du changement climatique, laquelle doit être finalisée sous peu. Afin de contribuer à son volet santé, l'Évaluation nationale du changement climatique et de la santé, et à la mise en place des premiers jalons d'une adaptation aux conditions climatiques à venir, comme le prévoit le Plan d'action québécois sur les changements climatiques, la Direction des risques biologiques, environnementaux et occupationnels de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a proposé d'approfondir les connaissances entourant les vulnérabilités aux changements climatiques de la population du Québec méridional et d'évaluer sa capacité et celle de certaines institutions à atténuer les risques pour la santé associés à ces vulnérabilités.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent rapport sur les adaptations aux vagues de chaleur – soit l'un des phénomènes climatiques extrêmes dont la fréquence devrait augmenter au cours des prochaines décennies en raison des changements dans les moyennes et la variabilité du climat au Canada et dont les impacts sanitaires ont été mis en évidence dans un nombre considérable de publications.

Concrètement, ce document synthétise certains résultats découlant d'une étude réalisée par téléphone (n=2543), au printemps 2005, parmi la population générale habitant le Québec méridional et amorce une réponse aux questions suivantes :

  • Qui a accès à la climatisation et aux ventilateurs?
  • Quelle utilisation fait-on de ces appareils durant les vagues de chaleur?
  • Quelles sont les principales caractéristiques de ceux qui les utilisent dans un tel contexte?
  • Quels sont les lieux privilégiés pour se rafraîchir lors des canicules?
  • Quels indicateurs différencient les personnes préférant rester à domicile lors des températures extrêmes de celles fréquentant d'autres lieux?
  • Quel type de breuvages est consommé lors des vagues de chaleur?
  • Qui sort faire des courses ou des activités physiques intenses malgré les températures accablantes?
  • Et, quels comportements préventifs adoptent-ils afin de prévenir les effets néfastes d'une chaleur extrême?

De plus, il suggère diverses stratégies d'adaptations futures, dont plusieurs font déjà l'objet de recommandations à l'échelle nationale et internationale.

Adaptations actuelles

Accès et utilisation de climatiseurs et de ventilateurs

Parmi l'ensemble des répondants, 10,2% n'avaient ni ventilateur ni climatiseur à leur domicile, 53,9% possédaient uniquement des ventilateurs, 26,2% à la fois des ventilateurs et des climatiseurs, et 9,6% des climatiseurs seulement. Près de la moitié des participants dotés d'un climatiseur (35,8%) avaient accès à un système central ou mural (dit «nbsp;fixenbsp;», par rapport à un système «nbsp;amoviblenbsp;» comme un appareil mobile ou de fenêtre).

Les répondants ayant reçu 60 000 $ et plus avant impôt et de toutes provenances dans les douze derniers mois (45,5%) étaient plus souvent pourvus d'un climatiseur à domicile que les moins fortunés (<15 000 $ : 22,1%; autres strates de revenu : 28,5% à 39,4%), de même que les aînés (41,3%) comparativement aux 35-64 ans (36,9%) et aux 18-34 ans (31,0%), et les répondants cohabitant avec d'autres personnes (38,4%) relativement aux participants vivant seuls (26,1%). La prévalence de l'accès à la climatisation a aussi varié selon la région de résidence, passant de 5,4% dans l'Est du Québec à 24,1% au Nord de la province (au sud du 49ième parallèle); 24,8%, dans la région de Québec; 28,4%, au Centre de la province; respectivement 40,8% et 41,2%, au Sud et au Nord de Montréal; et 44,6%, à Montréal et Laval.

Durant les vagues de chaleur, 56,0% des participants se servaient de leur climatiseur de façon ininterrompue – particulièrement ceux qui avaient accès à un appareil fixe (57,6%; amovible : 42,4%) – 20,1% l'utilisaient strictement la nuit et 21,0% uniquement le jour (jamais : 1,4%). Parmi les répondants dont le domicile était doté d'un climatiseur, ceux de 65 ans et plus ayant reçu moins de 45 000 $ dans les douze derniers mois (58,5%) ont constitué le groupe de personnes utilisant le moins souvent leur système de climatisation la nuit lors des canicules. Le deuxième groupe référait aux participants de moins de 65 ans rapportant un revenu du même ordre (75,5%). Enfin, les troisième et quatrième groupes concernaient les mieux nantis (≥ 45 000 $), soit d'abord les 65 ans et plus (79,7%), ensuite leurs cadets (84,8%). Enfin, la climatisation du logement a été la principale raison évoquée par les répondants n'ouvrant jamais leurs fenêtres la nuit lors des vagues de chaleur, tout spécialement s'ils avaient un appareil fixe.

Quatre répondants sur cinq ont rapporté posséder au moins un ventilateur; 42,8% les employaient 24 heures sur 24 lors de chaleur accablante, 31,8% exclusivement la nuit, et 17,3% le jour seulement (jamais : 8,1%). Seule la climatisation du logement semble expliquer une moins grande inclination à disposer de ventilateurs lesquels, les nuits de canicules, étaient utilisés plus fréquemment par les participants âgés de moins de 65 ans (35-64 ans : 76,8%; 18-34 ans : 79,6%) que par les aînés (55,7%), et par les personnes atteintes de maladies neurologiques chroniques (jour et nuit : 61,2%; nuit: 16,1%; jour : 16,5%; jamais : 6,2%) relativement aux participants affligés d'un autre type d'affection (jour et nuit : 43,0%; nuit: 24,9%; jour : 22,5%; jamais : 9,6%) ou non malades (jour et nuit : 42,2%; nuit: 34,7%; jour : 15,6%; jamais : 7,6%). Concluons en mentionnant que les répondants se servant de leurs ventilateurs la nuit durant une vague de chaleur considéraient moins efficace l'isolation de leur logement contre l'humidité. Ils ouvraient également plus souvent les fenêtres, dès la tombée du jour.

Lieux privilégiés pour se rafraîchir durant les vagues de chaleur

Pour se rafraîchir lors des canicules, 62,3% des répondants préféraient rester chez eux (strictement dans la maison : 30,7%; balcon ou cour : 31,6%), dont la moitié avait accès à une piscine extérieure à domicile. Les autres participants (37,2%) se dirigeaient généralement vers des endroits publics extérieurs. À ce propos, divers lieux ont été identifiés tels les plages ou autres bords de cours d'eau (15,7%), les jardins ou parcs (9,6%), les piscines extérieures (7,4%), et les endroits climatisés (9,5%).

Très succinctement, les résidents d'une maison privilégiaient rester chez eux pour se rafraîchir lors des canicules plus souvent (69,9 %) que les autres répondants (≥ 5 étages : 60,5 %; <5 étages : 51,2 %); 31,2 % demeuraient strictement à l'intérieur; 34,2 % profitaient de leur piscine privée. Relativement aux autres participants, ils avaient plus souvent de 35 à 64 ans (61,3 %; ≥ 5 étages : 36,8 %; < 5 étages : 44,7 %), des enfants mineurs (36,2 %; ≥ 5 étages : 12,5 %; < 5 étages : 24,3 %) et des revenus de 45 000 $ ou plus (≥ 5 étages : 29,4 %; < 5 étages : 25,4 %). Ils vivaient plus fréquemment dans un logement amélioré depuis sa construction – soit par l'ajout de matériaux isolants (41,6 %; ≥ 5 étages : 12,1 %; <5 étages : 26,2 %), soit par le remplacement de portes ou fenêtres (65,6 %; ≥ 5 étages : 40,7 %; <5 étages : 55,7 %) – et dont l'isolation était perçue très efficace pour contrer l'humidité (40,2 %; ≥ 5 étages : 32,2 %; < 5 étages : 22,4 %). Près de 40 % des résidents d'une maison avaient accès à un climatiseur à domicile (fixe : 23,5 %; mobile ou de fenêtre : 15,9 %; sans climatiseur : 60,7 %).

Parmi les résidents d'un immeuble d'au moins cinq étages, 60,5 % restaient chez eux durant les vagues de chaleur, dont plus de la moitié uniquement dans la maison (32,0 %); 25,9 %, disposaient d'une piscine à résidence; 10,2 %, ne sortaient que sur leur balcon. Ils étaient plus souvent âgés de 65 ans et plus (37,7 %; maison : 14,4 %; < 5 étages : 15,2 %) que les autres répondants. Un sur deux n'avait pas d'enfant (50,7 %; maison : 26,9 %; < 5 étages : 49,4 %); un sur deux vivait seul (50,4 %; maison : 11,0 %; < 5 étages : 35,0 %). Relativement aux autres participants, ils habitaient moins souvent un appartement ayant subi des réparations majeures, mais plusieurs avaient l'air climatisé (fixe : 19,9 %; amovible : 21,6 %; aucun : 58,5 %).

Quant aux résidents d'un édifice de moins de cinq étages, ils ont été les participants ayant rapporté le plus fréquemment privilégier d'autres lieux que leur domicile pour se rafraîchir lors des vagues de chaleur, tant des sites extérieurs (17,5 %) que des endroits climatisés (14,7 %). Un peu plus du quart (26,6 %) se confinaient toutefois à la demeure. Les résidents d'un édifice de moins de cinq étages avaient plus souvent de 18 à 34 ans (40,1 %; maison : 24,4 %; ≥ 5 étages : 25,5 %) que les autres répondants, de même qu'un revenu inférieur à 45 000 $, bien que les deux tiers d'entre eux aient occupé un emploi rémunéré dans les douze derniers mois (< 5 étages : 65,3 %; maison : 67,8 %; ≥ 5 étages : 51,7 %). Ils ont aussi été les participants qualifiant le moins souvent de très efficace l'isolation de leur logement contre l'humidité, de même que ceux étant le moins souvent pourvus d'un climatiseur (fixe : 4,3%; amovible : 23,9 %; aucun : 71,8 %).

Terminons en remarquant que plusieurs stratégies d'adaptation à la chaleur ont été adoptées de façon similaire par les répondants préférant rester à domicile lors d'une canicule relativement à ceux qui privilégiaient d'autres lieux, indépendamment du type de logement habité. Globalement, 68,6% des participants fermaient souvent ou toujours les rideaux ou les stores pour préserver la fraîcheur de leur logement lorsqu'il fait soleil (parfois : 13,3%; rarement ou jamais : 18,1 %). Plus du quart (27,7%) s'épongeaient fréquemment le visage ou le corps avec de l'eau fraîche (parfois : 24,6%; rarement ou jamais : 47,7%) et plus de la moitié (56,5%) prenaient des douches ou des bains plus souvent qu'à l'habitude (parfois : 16,6%; rarement ou jamais 27,0 %). La grande majorité des participants consommaient souvent ou toujours de l'eau (toujours : 60,8%; souvent : 31,4 %; parfois : 5,5 %, rarement ou jamais : 2,3 %); 51,9%, d'autres breuvages froids non alcoolisés (parfois : 25,4 %, rarement ou jamais : 22,8 %); et 7,3%, des breuvages alcoolisés autres que la bière (parfois : 20,9 %, rarement ou jamais : 71,9 %). De fait, seule la consommation de bière (souvent ou toujours : 11,4 %; parfois : 30,9 %, rarement ou jamais : 57,7 %) était davantage associée aux répondants faisant des activités extérieures lors des vagues de chaleur, comparativement aux participants préférant rester dans la maison.

Sorties pour faire des emplettes ou des activités physiques intenses extérieures durant les vagues de chaleur

Durant les canicules, environ un répondant sur deux sortaient souvent (20,2%) ou toujours (28,7%) faire des achats (e.g. épicerie); 26,9%, à l'occasion; 15,0%, rarement; et 8,0%, jamais. Plusieurs participants ont également rapporté faire des activités physiques intenses extérieures (e.g. course à pied, tonte du gazon), soit : 14,4%, toujours; 16,4%, souvent; environ 20%, parfois ou rarement; et 28,5%, jamais. Enfin, parmi les répondants sortant faire des emplettes ou des activités physiques intenses, seulement un sur dix n'apportaient aucun breuvage avec lui, et environ sept sur dix ne prenaient que de l'eau.

Les travailleurs (80,0%) sortaient davantage faire des emplettes que les autres participants (sans emploi : 74,0%; étudiants : 74,4%; retraités : 68,3%); de même que les répondants jugeant leur état de santé bon (77,0%) ou très bon (80,1%), comparativement à ceux qui le qualifiaient de moyen (69,3%) ou de mauvais (54,3%). Par contre, les répondants se servant toujours d'une canne ou d'un fauteuil roulant lors des déplacements à l'extérieur de la maison quittaient rarement ou jamais leur domicile durant les canicules, tout spécialement les personnes âgées.

Davantage d'hommes (60,2 %) que de femmes (41,5 %) ont mentionné sortir au moins occasionnellement faire des activités physiques intenses (p. ex. course à pied, tonte du gazon), malgré les températures très chaudes et humides. Une plus grande proportion de répondants pratiquant ce genre d'activités étaient âgés de 18 à 34 ans (58,6 %; 35-64 ans : 49,9 %; ≥ 65 ans : 37,2 %). Corrélativement, la proportion la plus élevée de répondants sortant faire des activités physiques intenses référait aux étudiants (68,0%); la plus basse, aux retraités (40,5%). Finalement, les répondants considérant que les vagues de chaleur et autres événements climatiques extrêmes avaient des effets néfastes sur leur santé – tout spécialement les femmes – sortaient moins souvent faire des activités physiques intenses (beaucoup : 30,5%; moyen : 44,6%; un peu : 44,8%) que ceux ne percevant aucun impact (56,9%).

Utilisation de crème solaire, de lunettes fumées et d'un couvre-tête lors des vagues de chaleur

Près des deux tiers (64,7%) des répondants ont mentionné souvent ou toujours porter de lentilles solaires lorsqu'il fait soleil, 11,8% s'en servir occasionnellement et 23,4%, rarement ou jamais. Selon le même ordre de présentation, ces statistiques ont été de l'ordre de 48,1%, 15,0% et 36,9%, lorsque le ciel est couvert.

Près d'un répondant sur deux ont rapporté s'appliquer souvent (17,7%) ou toujours (30,6) de la crème solaire lors d'une journée radieuse et 35,2%, rarement ou jamais. Lors d'une couverture nuageuse, 34,2% ont déclaré en faire usage la plupart du temps et 50,3%, très peu souvent.

Quant au couvre-tête, 43,4% des participants ont dit s'en coiffer souvent ou toujours lorsqu'il fait soleil et 42,3%, rarement ou jamais. Ces pourcentages étaient respectivement de 31,0% et 54,3% lors des journées nuageuses.

Lorsqu'il fait soleil, les femmes (76,1%) s'appliquaient de la crème solaire plus souvent que les hommes (52,8%); les parents d'enfants mineurs (74,3%), plus fréquemment que les parents d'enfants majeurs seulement (60,6%) ou sans enfant (59,9%); les mieux nantis davantage que les moins fortunés (≥ 60 000 $ : 72,8%; 45 000 $-59 999 $ : 67,7%; 30 000 $-44 999 $ : 62,2%; 15 000 $-29 999 $ : 61,2%; < 15 000 $ : 52,7%); et les répondants observant généralement (souvent ou toujours : 70,3%) les conseils préventifs émis par les professionnels de la santé lors d'événements climatiques extrêmes (dont les vagues de chaleur) plus souvent que ceux qui s'y pliaient parfois (63,9%), rarement ou jamais (49,4%). Le sexe (femmes : 80,7%; hommes : 72,1%) et l'observance des conseils préventifs (souvent ou toujours : 81,0%; parfois : 73,7%; rarement ou jamais : 67,2%) ont également été associés au port de lentilles solaires, de même que l'usage d'une automobile (climatisée : 80,8%; non climatisée : 75,9%; sans automobile : 64,3%). Quant au couvretête, il semble davantage être porté par les hommes (hommes : 66,7%; femmes: 49,0%) et les 65 ans et plus (61,1%; 35-64 ans : 57,6%; 18-34 ans : 55,7%).

Finalement, relevons d'une part que plusieurs participants ont adopté un comportement similaire qu'il fasse soleil ou non, si bien que l'habitude est demeurée le principal indicateur discriminant les répondants entre eux dans un contexte de couverture nuageuse; et d'autre part, que l'application de crème solaire, le port de lunettes fumées et d'un couvre-tête ont été très souvent intimement reliés les uns aux autres, qu'il fasse soleil ou pas.

Suggestions d'adaptations futures

Relativement à la climatisation

Il apparaît que la prévalence de la climatisation augmente au Québec méridional depuis quelques décennies, notamment selon une trajectoire Est-Ouest à l'instar du réchauffement de la température observé au cours de la même période et de l'accroissement de la population (variation 2026/2001). Il serait donc souhaitable de suivre l'évolution de ces trois tendances à la hausse et à cette fin : de préciser les statistiques colligées sur la climatisation (p. ex. type de climatiseur); d'étudier périodiquement l'évolution des températures corrélativement à celle des tendances démographiques; d'ajouter les données précédentes à un atlas interactif permettant leur représentation cartographique et graphique; et de rendre accessible cet atlas interactif via Internet pour informer à la fois les gestionnaires et la population générale.

Les personnes défavorisées économiquement ont moins souvent la climatisation à domicile que les plus fortunées. Puisque les groupes de personnes qui connaissent de grands niveaux de pauvreté ou qui touchent de faibles revenus sont ceux qui semblent avoir les moins bons états de santé, il pourrait être pertinent d'envisager l'implantation d'un programme de subvention pour climatiser le domicile des plus défavorisés d'entre eux (incluant l'évaluation de l'espace à climatiser, l'achat, l'installation et un plan d'entretien) lorsque la santé de l'un des membres est gravement atteinte par les vagues de chaleur.

Les personnes de 65 ans et plus sont l'une des clientèles les plus vulnérables durant une vague de chaleur. Or, bien qu'elles semblent avoir accès à un climatiseur à domicile plus souvent que leurs cadets, il apparaît qu'elles l'utilisent moins fréquemment qu'eux durant la nuit. L'identification des déterminants sociodémographiques, physiologiques, psychosociaux et culturels pouvant expliquer cet état de choses faciliterait assurément à orienter et à évaluer les messages et interventions de santé publique qui leur sont adressés.

Les répondants vivant en appartement avaient plus souvent accès à des climatiseurs amovibles qu'à des systèmes fixes, lesquels seraient associés à la diminution de la mortalité due à la chaleur, en plus de procurer un plus grand niveau de confort que les premiers. L'estimation du nombre d'heures requis aux climatiseurs amovibles pour obtenir une zone de confort équivalente aux systèmes fixes aurait donc une portée appréciable pour la santé publique.

Relativement à l'isolation des logements

Plusieurs répondants percevant l'isolation de leur logement inadéquate contre l'humidité habitaient un logement bâti avant 1983, soit avant l'adoption de la Loi sur l'économie de l'énergie dans le bâtiment visant à assurer une performance minimale de l'isolation thermique des murs et des plafonds. La mise en place d'un programme plus attrayant de financement visant l'efficacité énergétique – tel qu'il a été annoncé dans le récent plan d'action gouvernemental sur les changements climatiques – devrait permettre d'avancer dans ce sens. Souhaitons toutefois qu'une attention particulière allant au-delà de l'encouragement sera portée, dès le départ, aux personnes défavorisées économiquement et résidant dans un logement nécessitant déjà des réparations majeures, qu'elles soient propriétaires ou locataires.

Dans un autre ordre d'idées, l'efficacité perçue de l'isolation du logement contre l'humidité a été associée à diverses variables pouvant être reliées d'une quelconque façon à la mortalité durant les vagues de chaleur. Conséquemment, cette perception pourrait possiblement devenir un indicateur utile dans le domaine de la santé publique et des changements climatiques.

Relativement aux autres solutions pour rafraîchir le logement outre la climatisation et l'isolation

Les répondants ne disposant pas d'un climatiseur à domicile, ou seulement d'un climatiseur amovible, ouvraient plus souvent leurs fenêtres la nuit durant les vagues de chaleur que les participants ayant accès à un appareil fixe. Dans une perspective de développement durable, il serait avisé d'évaluer l'efficacité et l'efficience de ce type de mesures (autre exemple : végétalisation des quartiers), afin d'émettre des options d'adaptation à la chaleur plus diversifiées que la simple climatisation.

Relativement aux afflictions neurologiques

Les personnes affligées de maladies neurologiques chroniques se servaient plus souvent de ventilateurs la nuit durant les canicules que les autres répondants. Ce résultat n'est pas surprenant puisque leur état de santé peut se dégrader de façon irrémédiable lors de chaleur accablante. Par contre, il est étonnant de constater qu'elles n'aient pas davantage accès à la climatisation à domicile. Les résultats laissent entrevoir la contribution de facteurs socioéconomiques pour expliquer cet état de choses. D'un autre côté, il est aussi vraisemblable qu'elles privilégient les ventilateurs aux climatiseurs pour des raisons liées à leur état de santé. L'amélioration des connaissances à ce sujet serait des plus importantes. Cela suppose l'identification des déterminants de l'utilisation des ventilateurs et des climatiseurs parmi cette clientèle, mais avant tout la compréhension de ce qui rend les individus atteints de problèmes neurologiques si vulnérables à la chaleur. De telles recherches supporteraient le développement de soins et de services de santé mieux adaptés, orienteraient les initiatives de santé publique mises en place lors d'épisodes de chaleur accablante, en plus d'inciter fort probablement à l'élargissement des critères médicaux et à l'augmentation du montant forfaitaire alloué pour l'achat et l'installation d'un climatiseur par le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans le cadre de ses programmes sur les aides à la vie quotidienne et à la vie domestique.

Relativement aux personnes vivant seules

Les gens vivant seuls étaient âgés de 65 ans et plus, défavorisés économiquement, atteints d'un problème de santé chronique et résidents d'un logement non climatisé plus souvent que les autres répondants. Chacune de ces caractéristiques (incluant l'absence de climatiseur) ayant été qualifiée «nbsp;facteur de risquenbsp;» dans la littérature portant sur les vagues de chaleur, «nbsp;vivre seulnbsp;» pourrait être un indicateur synthétique utile pour les études populationnelles visant la santé et les changements climatiques, en plus d'être facilement disponible par le biais des données de recensement.

Pour supporter les intervenants de première ligne rattachés aux mesures d'urgence, ou encore implanter et évaluer de telles mesures, il serait cependant souhaitable de mieux circonscrire que dans cette étude les sous-groupes de personnes vivant seules les plus à risque lors de chaleur accablante et d'identifier les services dont ces sous-groupes auraient besoin pour assurer leur sécurité lors d'événements climatiques extrêmes. Ce faisant, comprendre pourquoi les gens «nbsp;reclusnbsp;» ou se «nbsp;sentant seulsnbsp;» sont plus difficilement rejoints serait un atout majeur pour identifier des pistes d'action palliant à cette lacune de façon appropriée, au moment opportun. Il serait toutefois judicieux de départager les contributions respectives de la dimension sociale (soutien et intégration) et des caractéristiques du logement sur les impacts santé lors de chaleur accablante. Enfin, l'ensemble de cette démarche serait d'autant plus enrichissante si elle s'ouvrait sur diverses communautés culturelles.

Relativement aux sorties pour faire des emplettes lors de vagues de chaleur

Près des deux tiers des participants se servant toujours d'une canne ou d'un fauteuil roulant lors des déplacements à l'extérieur de la maison sortaient rarement, voire jamais, faire des emplettes (p. ex. épicerie) durant les vagues de chaleur, spécialement chez les aînés. Cette préoccupante observation évoque l'éventuelle détresse que peuvent vivre certaines de ces personnes lors d'un tel événement climatique, ainsi que l'étendue des services à offrir pour les aider en absence d'un soutien social adéquat. Dans une perspective d'entraide et de santé publiques, il serait donc crucial de recueillir leurs besoins afin de proposer un éventail de services respectant autant leurs limites physiques que leurs appréhensions (p.ex. peur d'ouvrir aux livreurs).

Relativement aux endroits publics fréquentés lors de canicules

Les gens vivant en appartement fréquentaient beaucoup plus souvent les endroits publics lors de chaleur accablante, relativement aux occupants d'une maison. Supporter financièrement les municipalités et organismes du milieu pour l'aménagement et la conservation d'environnements publics «nbsp;gratuitsnbsp;» dans les milieux urbains (p. ex. parcs, jardins) et mettre en oeuvre le programme d'aide aux municipalités et aux organismes du milieu, prévu dans la Politique nationale de l'eau, pour développer le réseau d'accès publics au Saint-Laurent ainsi qu'aux autres plans et cours d'eau du Québec, constitueraient des stratégies d'adaptations futures aux changements climatiques des plus intéressantes. Parallèlement, il sera toutefois nécessaire de déployer davantage de surveillance et de vigilance pour protéger à la fois l'environnement (p. ex. érosion et pollution des plages) et la population (p.ex. noyades).

Relativement aux piscines privées

Le taux de pénétration des piscines privées à l'échelle provinciale est assez impressionnant : 31,0 % des participants avaient une piscine à résidence, alors que ce pourcentage était de 24,0 % en 1997. Il serait avisé d'évaluer leur usage effectif puisque leur remplissage deviendra inévitablement une source de conflits lors des restrictions de consommation de l'eau. Une réglementation de l'utilisation d'eau pour le remplissage des piscines privées et la mise en place de mécanismes visant à s'assurer de l'application de la réglementation seraient également des stratégies d'adaptations à envisager.

Relativement à l'utilisation d'un écran solaire, de lunettes fumées et d'un couvre-tête lors d'une vague de chaleur

Relevons la forte corrélation, dans la présente étude, entre l'usage d'un écran solaire, ou de lunettes fumées, ou d'un couvre-tête, quand il fait soleil et quand le ciel est couvert, de même que l'étroite interrelation entre ces comportements, indépendamment du contexte d'application. Or, actuellement, très peu de choses sont connues dans le domaine des interactions complexes entre certaines conduites préventives, ou encore dans la façon dont elles interviennent les unes par rapport aux autres (p. ex. de façon séquentielle, concomitante). L'amélioration des connaissances dans ce domaine peu exploré de la recherche, notamment en mettant en lumière les divers types de facteurs concourant à l'observance et au renforcement mutuel des pratiques sécuritaires liées à l'exposition au soleil, ne pourrait qu'enrichir les interventions de santé publique.

Auteur(-trice)s
Diane Bélanger
Ph. D., Institut national de la recherche scientifique et Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec
Pierre Gosselin
M.D., MPH, Institut national de santé publique du Québec, Institut national de la recherche scientifique
Pierre Valois
Ph. D., Université Laval
Belkacem Abdous
Ph. D., Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec et Université Laval
ISBN (électronique)
2-550-48297-2
ISBN (imprimé)
2-550-48296-4
Notice Santécom
Date de publication