Est-ce que l'accessibilité géographique des centres de dépistage influe sur la participation des femmes au Programme québécois de dépistage du cancer du sein?

L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a reçu du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) le mandat d'évaluer l'accessibilité géographique des centres de dépistage désignés fixes (CDD) et d'en estimer l'effet sur les taux de participation des femmes au Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS).

À qui s'adresse ce document

Ce document s'adresse aux acteurs de santé publique qui sont impliqués dans le PQDCS, mais aussi à toute personne concernée par la planification et la gestion de programme de dépistage populationnel du cancer ou des maladies chroniques. Ainsi, les directeurs de santé publique, les directeurs des affaires médicales et les présidents-directeurs généraux des agences de la santé et des services sociaux, de même que les responsables régionaux du Programme québécois de lutte contre le cancer pourraient profiter des conclusions de ce rapport.

Conflits d'intérêts

Tous les participants et les réviseurs externes ont mentionné l'absence de conflit d'intérêts.

Méthodologie

Revue de la littérature

Une méthode structurée a été utilisée pour recenser et analyser la littérature en lien avec l'accessibilité géographique des services de mammographie et la participation des femmes au dépistage du cancer du sein. La revue de la littérature repose sur une recherche bibliographique de 1990 à 2011 de la banque de littérature PubMed ainsi que sur les références des publications retenues.

Population à l'étude

Les données de toutes les femmes qui étaient admissibles au PQDCS en 2008 et dont l'adresse était connue (n = 985 431) ont été utilisées pour estimer l'accessibilité géographique des CDD (n = 85). L'association avec les taux de participation a été évaluée chez les femmes dont les données de participation au PQDCS étaient disponibles (n = 833 856).

Accessibilité géographique décrite par la distance

Un système d'information géographique (SIG) a été utilisé pour géolocaliser les résidences des femmes à partir des adresses complètes et pour estimer la distance pour se rendre au CDD le plus près par le plus court trajet sur le réseau routier. Une carte illustrant la distribution des distances moyennes aux CDD dans les régions sociosanitaires du Québec a été produite.

 

Influence du type de milieu (Catégorisation urbain-rural)

Les types de milieu de résidence des femmes ont été décrits selon une catégorisation produite par Statistique Canada. Cette catégorisation divise le territoire québécois en régions métropolitaines de recensement (RMR, ≥ 100 000 habitants), en agglomérations de recensement (AR, de 10 000 à 100 000 habitants) et en régions rurales et petites villes (RRPV, < 10 000 habitants). Les RMR ont été classées selon trois catégories, soit l'île de Montréal, la banlieue montréalaise (RMR de Montréal moins l'île de Montréal) et les RMR à l'extérieur de Montréal.

Association entre l'accessibilité géographique et la participation

L'association des taux de participation avec la distance a été évaluée à l'aide d'un modèle statistique de régression log-binomiale incluant l'âge, la défavorisation matérielle et sociale ainsi que le type de milieu de résidence comme variables d'ajustement. L'effet combiné de la distance et du type de milieu a été évalué par l'ajout du terme d'interaction entre ces deux variables.

Utilisation du CDD le plus près par les participantes

Parmi les participantes, la proportion de celles ayant utilisé le CDD le plus près de leur domicile a été calculée en combinant les données de participation, qui inclut l'adresse du CDD où les participantes ont reçu leur mammographie de dépistage, et les données de géolocalisation.

Résultats

Distribution des CDD selon la population admissible au PQDCS

Environ 90 % des femmes (n = 857 211) habitent à moins de 25,0 km d'un CDD, et près de 50 % demeurent à moins de 5,0 km. Environ 3 % des femmes (n = 32 332) doivent parcourir une distance minimale de 50,0 km pour se rendre au CDD le plus près. Ces femmes demeurent principalement dans les régions du Bas-Saint-Laurent (01), de l'Outaouais (07), des Laurentides (15), de l'Estrie (05), de Chaudière-Appalaches (12), de la Côte-Nord (09) et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (11).

La distance et le type de milieu influent sur la participation des femmes au PQDCS

Comparativement aux femmes demeurant à moins de 2,5 km d'un CDD, des diminutions significatives des taux de participation de 6,3 % et de 9,8 % sont observées à partir de distances de 50,0 km (28 004 femmes) et de 75,0 km (8 061 femmes), respectivement. L'ajustement des résultats en fonction de l'âge, de la défavorisation matérielle et sociale ainsi que du type de milieu a peu d'influence sur l'effet de la distance sur la participation.

Les taux de participation les plus faibles sont observés dans l'île de Montréal (40,9 %), suivis de la banlieue montréalaise (52,1 %). Les taux de participation les plus élevés sont observés dans les RMR à l'extérieur de Montréal (57,6 %) et varient peu dans les AR (56,8 %) et les RRPV (55,4 %). L'ajustement pour l'âge, la défavorisation matérielle et sociale et la distance ne modifie pas les résultats.

L'influence de la distance sur la participation des femmes au PQDCS varie selon le type de milieu

Comparativement aux femmes habitant à < 2,5 km d'un CDD dans chacun des types de milieu, les taux de participation de celles vivant dans les RMR à l'extérieur de Montréal et dans les AR diminuent significativement lorsque les distances à parcourir pour se rendre au CDD le plus près sont de 25,0 km et plus (7 389 femmes). Une diminution significative de participation est observée pour des distances de 50,0 km et plus dans les RRPV (27 658 femmes). La distance n'a pas d'effet sur les taux de participation observés pour l'île de Montréal.

La proportion des participantes ayant utilisé le CDD le plus près de leur domicile varie selon la distance et le type de milieu

Parmi les participantes au PQDCS, la plus faible proportion ayant utilisé le CDD le plus près de leur domicile est observée dans l'île de Montréal (~ 45 %), et la plus élevée, dans les AR (~ 90 %). Dans les AR et les RRPV, la proportion de participantes qui ont utilisé le CDD le plus près varie selon la distance à parcourir. Comparativement à 90 % chez les femmes à des distances de moins de 12,5 km, les proportions diminuent de plus de 15 % dans les AR et de plus de 25 % dans les RRPV lorsque la distance à parcourir se situe entre 25,0 et < 50,0 km.

Conclusion et enjeux

Les CDD sont bien répartis sur le territoire québécois

Les CDD du PQDCS semblent avoir une bonne répartition si on considère que près de 90 % des femmes qui étaient admissibles au dépistage en 2008 demeuraient à moins de 25,0 km d'un CDD, soit à une distance qui n'a aucune influence sur les taux de participation. Depuis 2008, six nouveaux CDD ont ouvert leurs portes, dont trois dans la région des Laurentides (15) et un dans la région de Montréal (06), un dans la région de l'Outaouais (07) et un dans la région de Lanaudière (14). L'ajout de trois CDD dans la région des Laurentides a eu un effet positif sur le taux de participation, qui est passé de 47,6 % au 31 décembre 2009 à 52,7 % en décembre 2010.

L'accessibilité géographique des CDD est un déterminant de la participation des femmes habitant à l'extérieur des grands centres urbains

L'incidence de la distance à franchir pour se rendre au CDD le plus près varie en fonction du type de milieu. À l'exclusion de la RMR de Montréal, les taux de participation diminuent lorsque le CDD le plus près du domicile se situe à 25,0 km et plus en milieu urbain (RMR + AR) et à 50 km et plus en milieu rural. Le fait que les résidentes des RRPV aient à se déplacer plus fréquemment et à franchir de plus grandes distances pour avoir accès à différents services pourrait expliquer leur plus grande tolérance à la distance.

La proximité n'est pas le seul facteur dans le choix d'un CDD

Les participantes au PQDCS qui demeurent à moins de 12,5 km d'un CDD dans les AR et RRPV utilisent le CDD qui est le plus près de leur domicile. Lorsque la distance à parcourir augmente, la proportion des participantes utilisant le CDD le plus près diminue. Environ la moitié des participantes vivant dans les RMR, notamment sur l'île de Montréal, n'utilise pas le CDD le plus près de leur domicile. La proximité des CDD dans ces milieux offre un plus grand choix aux participantes. Cependant, ces observations sont difficilement transposables à toutes les femmes admissibles au PQDCS puisqu'on ne peut présumer que les non-participantes utiliseraient le CDD le plus près dans les mêmes proportions.

Le faible taux de participation dans certaines régions ne peut s'expliquer par l'accessibilité géographique

Malgré la proximité des CDD, c'est dans la RMR de Montréal que les plus faibles taux de participation sont observés. La faible participation là où la densité de CDD est la plus élevée suggère que des facteurs autres que l'accessibilité géographique exercent une influence importante sur la participation des femmes au PQDCS. Des problématiques qui ne sont pas abordées dans la présente étude méritent d'être documentées.

L'utilité d'un SIG

Un SIG permet de visualiser et d'interpréter plus efficacement des données dans un contexte géographique. Les données du présent rapport offrent un aperçu de l'utilisation actuelle des ressources offertes par les CDD. Dans un contexte de planification et de gestion des ressources de dépistage dans le cadre du PQDCS, cette méthode permet également de veiller à ce que la parité d'accès au dépistage soit assurée pour toutes les Québécoises.