Les incidents et accidents transfusionnels signalés au système d’hémovigilance du Québec en 2016
Le présent rapport fait état des accidents survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 et qui ont été signalés au Système d’hémovigilance du Québec. Il présente les nombres et les taux d’incidence des réactions transfusionnelles associées aux produits labiles et à certains produits stables. Il fait état également des résultats d’analyse des tendances des taux de réactions transfusionnelles au cours de la période 2000 à 2016. Les observations pertinentes sont illustrées sous couvert des divers tableaux et figures ci-joints.
À partir de 2016, le système d’hémovigilance du Québec a décidé de retirer les réactions hypertensives isolées de la liste des réactions transfusionnelles à signaler. De 2009 à 2015, ce type de réaction a représenté annuellement, en moyenne 4,0 % des réactions transfusionnelles d’imputabilité possible à certaine.
Un accident transfusionnel découle soit d’une erreur de procédure ou d’un produit administré et décelé après le début d’une transfusion, soit une réaction indésirable reconnue chez un receveur. Les déclarations d’accidents sont saisies par l’intermédiaire de l’application Lotus Notes « RIAT en ligne ». En 2016, tous les centres de santé québécois dotés d’une banque de sang (97 centres au total, soit 29 centres relevant de 20 établissements « désignés » et 69 relevant de 65 établissements « associés ») ainsi que neuf centres de transfusion « affiliés » (tous rattachés à l’une ou l’autre des banques de sang) ont produit des déclarations jugées suffisamment complètes pour qu’ils soient considérés comme centres « déclarant ».
Ces centres « déclarant » ont transfusé l’ensemble des 306 280 unités de produits sanguins labiles utilisées au Québec en 2016, ce qui représentait donc 100,0 % de l’activité transfusionnelle. Un peu plus de la moitié (55,4 %) des produits labiles transfusés en 2016 a été administrée à des hommes et 44,6 % à des femmes. Jusqu’à 43,5 % des produits labiles ont été administrés à des personnes âgées de 70 ans et plus, 29,0 % aux 18 à 59 ans, 23,7 % aux 60 à 69 ans, 1,7 % aux 6 à 17 ans et 2,1 % aux 0 à 5 ans. Les centres « déclarant » ont également administré 2 145 117 grammes d’immunoglobulines non spécifiques, dont 1 803 003 (90,9 %) grammes par voie intraveineuse (IgIV) et 196 117 (9,1 %) grammes par voie sous-cutanée (IgSC). Entre 2010 et 2016, la quantité de produits labiles administrés annuellement au Québec a diminué de 15,6 % alors que la quantité de grammes d’IgIV administrés annuellement a augmenté de 43,46 %.
Ces centres « déclarant » ont effectué un total de 2 774 déclarations d’accidents transfusionnels dont 2 528 (90,8 %) ont été retenus et analysés. De ceux-ci, 2 097 (83,0 %) étaient reliés à des produits sanguins labiles et 431 (17,0 %) étaient reliés à des produits sanguins stables.
Accidents reliés à la transfusion de produits sanguins labiles
- Un peu moins des deux tiers (56,6 %) soit 1 186 des 2 097 déclarations d’accidents transfusionnels associés à des produits sanguins labiles étaient d’imputabilité « possible, probable ou certaine ».
- Le taux des erreurs à l’origine de l’administration d’un produit qui n’aurait pas dû l’être, accompagnées ou non d’une réaction transfusionnelle, a été de 8,8 par 100 000 unités transfusées (ratio de 1 erreur par 11 344 unités transfusées).
- Le taux de réactions transfusionnelles d’imputabilité « possible, probable ou certaine » a été de 385,6 par 100 000 unités transfusées (1 réaction pour 259 transfusions). Les réactions fébriles non hémolytiques et allergiques mineures totalisent 74,1 % (n = 875) des réactions signalées alors que les accidents graves comptent pour 11,9 % (n = 140). Parmi ces derniers, 79 cas d’œdème aigu pulmonaire post-transfusionnel ont été déclarés, ainsi qu’un cas d’infection bactérienne d’imputabilité certaine, transmise par la transfusion d’un culot globulaire contaminé à la bactérie « Aeromonas veronii » dont l’issue a été fatale.
- Deux décès certainement et possiblement imputables à la transfusion ont été rapportés en 2016 (dans un cas, un choc septique secondaire à la transfusion d’un culot globulaire contaminé a été considéré comme la cause du décès. Dans l’autre cas, une réaction de dyspnée aiguë post-transfusionnelle (détresse respiratoire sévère a été jugée comme un des facteurs contributifs au décès).
- Parmi les 1 161 déclarations d’accidents comprenant une réaction transfusionnelle ou plus d’imputabilité « possible, probable ou certaine », 761 (66,5 %) ont été associées à la transfusion de culots globulaires. Les ratios les plus élevés d’accidents ont été observés suite à l’administration de plaquettes d’aphérèse (1 accident pour 111 unités transfusées), de plaquettes dérivées de sang total transfusées en mélange (pool) moyen de cinq unités (1 accident pour 118 unités transfusées) et de culots globulaires (1 accident pour 279 unités transfusées).
Accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables
- Parmi les 431 déclarations d’accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables, 78,0 % (n = 336), étaient d’imputabilité « possible, probable ou certaine ». Parmi celles-ci, 89,3 % (n = 300) étaient reliées aux IgIV, 6,0 % à l’albumine et 2,4 % aux Ig anti-D.
- Le taux des réactions transfusionnelles associées à l’administration d’IgIV a été de 16,5 / 100 000 (1 réaction pour 6 072 grammes d’IgIV administrés). Les réactions les plus fréquentes ont été : les réactions fébriles non hémolytiques (1 pour 15 346 grammes), les réactions allergiques mineures (1 pour 34 193 grammes), l’intolérance aux IgIV (1 pour 38 980 grammes) et les céphalées post-IgIV (1 pour 39 776 grammes).
- Le taux le plus élevé de réactions transfusionnelles a été associé à l’administration des préparations d’IgIV Privigen® avec 17,9 / 100 000 (1 réaction pour 5 573 grammes) et de Gammagard® avec 17,7 / 100 000 (1 réaction pour 5 644 grammes). Le plus faible taux a été associé à l’administration de Gamunex®/IGIVnex®, 7,4/ 100 000 (1 réaction pour 13 423 grammes). En effet, le taux de réactions transfusionnelles (tous types de réactions confondus) associé à l’infusion de Privigen® a été 2,4 fois plus élevé que celui associé à l’infusion de Gamunex®/IGIVnex® mais est presque similaire à celui associé à l’infusion de Gammgard®.
Principaux constats et évolution temporelle
Produits labiles
- Le taux de déclaration de réactions transfusionnelles associé aux produits labiles est stable, hormis les deux valeurs élevées observées en 2005 et 2011, il oscille autour des valeurs habituellement observées depuis 2007. L’exclusion de l’élévation de la tension artérielle de la liste des réactions transfusionnelles pourrait expliquer en partie la diminution de 13,9 % du taux de l’ensemble des réactions transfusionnelles qui est passé de 447,8 en 2015 à 385,6 en 2016.
- Le taux de réaction allergique mineure a connu une diminution marquée entre 2011 (182,9 réactions par 100 000 unités transfusées) et 2016 (123,1 par 100 000), soit une baisse de 33 %. Le taux de réaction allergique majeure a également régressé durant cette période, passant de 5,2 à 4,2 par 100 000 pour une baisse de 20 %.
- L’incidence de l’œdème aigu pulmonaire post-transfusionnel a été de 25,8 par 100 000 unités en 2016, une tendance à la baisse depuis 2014. Un creux isolé de 20,3 par 100 000 a été observé en 2010. Des efforts soutenus doivent être poursuivis pour réduire l’incidence de cette réaction.
- La très faible fréquence de cas d’infection bactérienne au cours des dernières années démontre que les mesures mises en place par Héma-Québec ont contribué à la réduction des risques de transmission d’une infection bactérienne par transfusion. Néanmoins, un cas fatal a été rapporté en 2016. Le nombre annuel moyen de cas qui était de 7,4 au cours de la période 2000-2006 a baissé à 0,50 au cours de la période 2007-2016, soit une forte diminution de 93,3 %.
- Nonobstant les huit décès observés au cours des cinq dernières années (deux en 2012, un respectivement en 2013 et 2014 et deux respectivement en 2015 et 2016), le nombre de décès relié à la transfusion est en forte baisse depuis 2009. En fait, le nombre annuel moyen de décès est passé de 4,2 pour la période 2000-2008 à 1,5 pour celle de 2009-2016, soit une diminution de 64,5 %.
- Le nombre annuel moyen de cas d’incompatibilité ABO a baissé de 5,3 cas pour la période
2000-2008 à 1,6 cas pour la période 2009-2016, ce qui correspond à une diminution de 69,4 %. Aucun cas d’incompatibilité ABO n’a été déclaré en 2016. - Le taux de réaction hémolytique immédiate oscille quelque peu en dents de scie, mais la tendance globale est nettement à la baisse; le taux de cette réaction est passé de 8,4 à 1,9 par 100 000 entre 2003 et 2016. Toutefois, on remarque que le taux a doublé entre le creux de 2012 (0,8 par 100 000) et le taux de 2016.
- Aucun cas de TRALI n’a été déclaré au cours de cinq dernières années, soit de 2013 à 2016 alors que six cas de TRALI possible l’ont été durant cette période. L’incidence cumulée de cas de TRALI et de TRALI possible est demeurée faible (taux oscillant autour de 1,2 entre 2009 et 2012 puis ayant diminué à 0,6 en 2013 et 2014, à 0,0 en 2015 et à 0,7 en 2016). La moitié (50,8 %) de tous les cas de TRALI déclarés au système d’hémovigilance du Québec entre 2000 et 2016 ont été associés à l’administration de plaquettes, de plasma ou de cryoprécipités. En 2008, Héma-Québec* a mis en place une politique concernant l’utilisation exclusive de donneurs masculins et de femmes sans antécédent de grossesse pour la préparation de plaquettes et de plasma destinés à la transfusion. Le taux annuel moyen de TRALI associé à l’administration de plaquettes et plasma est passé de 4,0 par 100 000 durant la période 2000-2007 à 0,7 par 100 000 durant la période 2009-2016, soit une diminution de 83,8 %.
Produits stables
- En raison notamment de la grande quantité d’immunoglobulines intraveineuses utilisées, celles-ci sont en cause dans la majorité des accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables. Le taux de déclarations d’accidents transfusionnels (excluant les erreurs d’APNDE) associés aux IgIV a bondi de 14,5 par 100 000 grammes infusés en 2012 à 21,0 en 2013 (soit une augmentation de 44,8 %). Il est demeuré élevé à 19,7 en 2014, à 16,1 en 2015 et à 16,5 en 2016.
- Plus spécifiquement, le taux de réaction d’intolérance aux IgIV est passé de 0,4 par 100 000 g en 2010 à 2,6 en 2016, ce qui équivaut à une augmentation de 550 %. Le taux de céphalées secondaires à l’administration d’IgIV a lui crû de 1,0 à 2,5 entre 2010 et 2016 (une augmentation de 150,0 %). Enfin, le taux de réactions hémolytiques (immédiate et retardée) est passé de 0,4 par 100 000 en 2010 à 1,7 en 2014 (une augmentation de 325 %) puis est revenu à 0,4 en 2015 et à 0,3 en 2016.
* Héma-Québec : rapports annuels 2007-2008 et 2008-2009.