Veille analytique en santé cognitive, août 2022

Pour ce numéro, l’équipe Vieillissement en santé a repéré quatre études abordant l’activité physique et la participation sociale. La première étude s’intéresse aux liens entre l’utilisation du vélo ou du vélo électrique pour le transport actif et la perception de l’environnement bâti chez les personnes aînées. L’étude suivante présente les résultats d’une étude contrôlée randomisée d’un essai qui combine le soutien à l’activité physique et la prévention des chutes, afin de favoriser un vieillissement en santé. Une troisième étude examine la manière dont le soutien social peut être renforcé au bénéfice d’une meilleure participation des personnes aînées à des programmes d’activité physique. La dernière se penche sur les facteurs qui peuvent faire obstacle ou au contraire, favoriser l’engagement et les interactions entre les enfants et les personnes aînées impliquées dans des programmes intergénérationnels.

Mode de vie physiquement actif

Relation entre la perception de l’environnement bâti et le transport actif par vélo ou vélo électrique chez les personnes aînées

Contexte

Des études systématiques récentes ont démontré que de nombreux attributs environnementaux sont associés à l’activité physique des personnes aînées, incluant le transport actif, ainsi qu’à l’utilisation de modalités de transport actif (p. ex. densité résidentielle, connectivité des rues, sécurité routière). Des études indiquent aussi que la perception de certains attributs environnementaux aurait un effet important sur la pratique du vélo. Ceci serait particulièrement vrai pour la sécurité perçue, considérée comme un déterminant crucial du comportement cycliste. Par conséquent, pour promouvoir le cyclisme, les stratégies préventives ne doivent pas seulement cibler l’amélioration des environnements, mais aussi tenir compte de la perception qu’ont les gens de leur environnement.

Objectif de l’étude

Dans le cadre du projet AFOOT-Securing urban mobility of an aging population, cette enquête postale transversale examine la relation entre la perception des attributs de l’environnement bâti par les personnes aînées et leur utilisation du vélo et du vélo électrique à des fins de transport. Les effets potentiels de l’âge, du sexe et des handicaps de mobilité sur le comportement cycliste ont été explorés.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’étude s’est déroulée de mai à septembre 2019 auprès de 2144 adultes âgés de 65 ans et plus dans une région métropolitaine de l’Allemagne comprenant 11 districts ruraux et 2 municipalités (tous de moins de 100 000 habitants) de la région métropolitaine allemande.

Les résultats confirment l’effet positif des infrastructures cyclables et partagées (cyclables et piétonnes) ainsi que des infrastructures de marche sur l’usage du vélo et sa fréquence dans les petites villes. Cependant, les attributs environnementaux les plus importants pour favoriser le cyclisme étaient la connectivité des rues et la mixité de l’utilisation des sols (p. ex. présence de services civiques et commerciaux à proximité d’espaces résidentiels). Des environnements esthétiquement agréables, comportant par exemple des arbres, des jardins et des bâtiments attrayants, étaient associés à la pratique du vélo, mais pas avec sa fréquence d’usage.

De manière inattendue, la perception de la sécurité routière n’était généralement pas associée à la pratique ni à la fréquence du vélo ou du vélo électrique dans cette étude (sauf chez les groupes âgés de 75 ans et plus). De plus, aucune association n’a pu être observée entre la perception de la densité résidentielle et les résultats en matière de cyclisme. Les chercheurs suggèrent que ces résultats pourraient être liés aux devis et instruments de mesures utilisés.

En guise de pistes d’action, les chercheurs proposent, entre autres, que des raccourcis pour les cyclistes soient inclus dans la planification des transports et de l’habitat dans les milieux ayant une faible connectivité du réseau de rues. De même, comme la perception de la proximité des destinations semble être l’un des corrélats les plus importants de la pratique du vélo, il est important de préserver les installations et les services de proximité. Les études futures devraient examiner quels types de services et magasins sont les plus importants pour les personnes aînées, afin de s’assurer qu’ils sont à une distance accessible, de réduire la dépendance à l’automobile et de permettre le maintien de l’autonomie.

Limites

Cette étude ne permet pas de tirer des conclusions sur la causalité des associations mises au jour. De plus, en raison de la nature des questions qui étaient posées, les résultats pourraient être moins pertinents dans les zones rurales où il y a peu de trottoirs, d’arbres en bordure de rues, d’éclairage, de bancs et de poubelles. Enfin, comparativement à l’ensemble des personnes âgées de 65 ans et plus de la région où s’est déroulée l’étude, l’échantillon comprenait plus d’hommes (53 % contre 43 %), plus de personnes mariées (77 % contre 60 %) et la proportion d’auto-évaluation de la santé comme allant de bonne à très bonne, était plus élevée (59 % contre 47 %). En terminant, il est à noter que cette étude n’a pas inclus de mesures objectives de l’environnement et s’est limitée à la perception de l’environnement par les personnes aînées.

Brüchert, T., P. Quentin et G. Bolte (2022). « The relationship between perceived built environment and cycling or e-biking for transport among older adults-a cross-sectional study », PloS One, vol. 17, n° 5, p. e0267314.

Combiner le soutien à l’activité physique et la prévention des chutes pour favoriser un vieillissement en santé

Contexte

Les personnes aînées peuvent être plus ou moins motivées à faire de l’activité physique, selon leur sentiment d’auto-efficacité, leur condition médicale et la peur de blessures, en particulier la peur de tomber. Des études suggèrent que les interventions de coaching peuvent augmenter la motivation et aider la population vieillissante à rester active, mais on ne connaît pas bien les expériences et le point de vue des personnes aînées participant à ce type d’intervention.

Objectif de l’étude

Cette étude décrit les expériences des participants au volet activité physique et prévention des chutes de Coaching for Healthy Ageing (CHAnGE), une étude impliquant une intervention incluant une visite à domicile, un moniteur d’activité (podomètre) et un coaching par téléphone offert par un physiothérapeute à chaque 2 semaines. L’objectif de l’étude était d’identifier ce qui pourrait être fait pour augmenter l’acceptabilité et l’efficacité de ce type d’intervention.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Trente-deux personnes âgées de 60 à 82 ans ont participé à des entretiens semi-structurés portant notamment sur leur expérience de l’intervention après une durée d’au moins 6 mois. La recherche a permis d’identifier plusieurs ingrédients essentiels potentiels à l’intervention CHAnGE.

Les résultats indiquent, entre autres, que :

  • La majorité des participants (n = 29) ont trouvé très motivant de recevoir un retour d’information direct sur leur activité physique par le biais d’un moniteur (p. ex. podomètre), principalement parce que cela leur permettait de quantifier leurs progrès.
  • Les participants ont trouvé que le coaching était extrêmement positif, incluant ceux qui déclaraient ne pas avoir trouvé l’intervention utile pour eux-mêmes.
  • Dix-neuf participants ont déclaré que leur participation à l’étude CHAnGE avait augmenté leur niveau d’exercice régulier et/ou leur répertoire d’activités.
  • L’intervention ne semble pas avoir réussi à générer une interaction sociale liée à l’activité physique (conversations ou activités partagées) entre les participants.

Étant donné que la dimension relationnelle (p. ex. être encouragés à maintenir l’activité, faire l’activité avec un ami) est ressortie comme une source d’engagement et de motivation, les chercheurs concluent que des méthodes visant à encourager les interactions sociales (« social connectivity ») liées à l’activité physique pourraient améliorer l’intervention CHAnGE pour certains participants.

Limites

Seules les personnes volontaires et encore inscrites à l’intervention à mi-parcours (6 mois) étaient admissibles à l’évaluation. L’étude ne permet pas de savoir comment les personnes qui ont choisi d’abandonner l’intervention ou de ne pas participer à son évaluation ont perçu cette intervention. Les participants étaient en majorité des personnes ayant un statut socio-économique moyen à élevé et une capacité physique relativement forte. L’évaluation pourrait être élargie pour prendre en compte les contextes, les besoins et les préférences, potentiellement différents, des groupes non rejoints par l’intervention (p. ex. celles présentant un handicap ou un faible statut socio-économique).

Haynes, A., C. Sherrington, G. Wallbank, D. Lester, A. Tong, D. Merom, C. Rissel et A. Tiedemann (9 septembre 2020). « “Someone’s Got My Back”: Older People’s Experience of the Coaching for Healthy Ageing Program for Promoting Physical Activity and Preventing Falls », Journal of Aging and Physical Activity, vol. 29, n° 2, p. 296‑307.

Mode de vie physiquement actif / Participation sociale

Vecteurs du soutien social parmi les personnes aînées participant à des programmes d’activité physique

Contexte

Comparativement à une approche de l’activité physique utilisée uniquement dans l’optique de prévenir les problèmes de santé, le concept de littératie physique promeut une approche plus positive de l’activité physique. Le concept de « littératie physique » englobe la motivation, la confiance, la compétence physique, la compréhension et les connaissances qui sont associées au maintien d’un niveau approprié d’activité physique tout au long de la vie. Dans cette perspective, l’engagement des personnes aînées dans les programmes d’activité physique de groupe pourrait être renforcé si elles avaient la possibilité d’y vivre des interactions sociales positives.

Objectif

L’objectif de cette étude était de déterminer les défis rencontrés par les personnes aînées participant à des programmes d’activité physique de groupe, de même que les besoins en matière de soutien social qui sont susceptibles de favoriser leur engagement dans le programme, selon une approche axée sur le concept de littératie physique.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’étude s’est déroulée dans un centre de loisirs (déployant ses services dans quatre succursales) d’une grande ville canadienne offrant des programmes d’activité physique de groupe à des adultes âgés de 55 ans et plus à raison de deux ou trois séances hebdomadaires tout au long de l’année. Suite à l’observation directe de séances, d’entrevues de groupe et d’entrevues individuelles, les résultats suggèrent que les comportements qui permettent d’établir des liens avec les autres participants répondent à un besoin de connexion sociale et fournissent une base pour d’autres interactions d’entraide. Les participants se sentent soutenus et apprécient notamment :

  • Les comportements qui permettent d’engager des interactions positives, dénuées de jugement et de discrimination (p. ex. éviter d’exclure des personnes des conversations, prendre des nouvelles d’une personne qui s’absente, accepter qu’il y ait plusieurs manières de participer);
  • La possibilité de participer dans des groupes de petite taille, ainsi que de maintenir la participation dans un même groupe au fil du temps;
  • La réception d’aide au besoin, en particulier dans les situations de plus grande vulnérabilité, par exemple lorsque des émotions sont manifestées (p. ex. crainte de se blesser).

Les participants qui avaient bénéficié de soutien de la part des autres participants ont démontré une motivation à persévérer dans des situations difficiles, au-delà de leur zone de confort. Finalement, ils sont restés engagés dans l’activité physique de façon plus continue. Ces résultats sont conformes à une littérature plus large qui a rapporté que les liens sociaux sont essentiels pour promouvoir l’assiduité et l’adhésion à l’activité physique.

Les chercheurs proposent que les instructeurs collaborant à ce type de programmes soient formés pour promouvoir un climat d’entraide et pour prévenir les sentiments d’exclusion, en particulier en présence de participants de divers antécédents culturels. De plus, les instructeurs doivent pouvoir encourager un mode de participation personnalisé selon les compétences et les capacités de chacun, notamment en proposant des modulations aux activités (p. ex. une position différente pour préserver l’équilibre, ou un rythme moins intense).

Limites

Les participants étaient principalement des personnes aînées instruites et ayant un revenu moyen ou élevé. Leur activité physique hebdomadaire déclarée et leur participation antérieure à des programmes d’activité physique de groupe se situaient au-dessus de la moyenne. Cela peut suggérer qu’ils étaient à l’avance plus susceptibles d’avoir connu des interactions interpersonnelles positives dans le contexte de programmes d’activités de loisirs. Il serait nécessaire de mieux comprendre l’expérience des personnes aînées présentant d’autres profils (p. ex. minorités culturelles, faible niveau d’éducation, limitations fonctionnelles, etc.), afin de guider la conception et la prestation de programmes d’activités physiques équitables.

Zimmer, C., M. H. McDonough, J. Hewson, A. M. Toohey, C. Din, P. R. E. Crocker et E. V. Bennett (28 mars 2022). « Social support among older adults in group physical activity programs », Journal of Applied Sport Psychology, vol. 0, n° 0, p. 1‑22.

Participation sociale

Obstacles et facteurs favorisant l’engagement des personnes aînées dans les programmes intergénérationnels

Contexte

Les liens sociaux ont le potentiel de protéger les personnes aînées d’un déclin cognitif. Par conséquent, les programmes qui facilitent de tels liens sociaux peuvent améliorer la santé et le bien-être des personnes aînées. Les programmes intergénérationnels sont conçus pour relier les générations au sein des communautés par le biais d’activités partagées. Ils proposent un espace pour créer des échanges volontaires et continus d’apprentissage et de ressources entre les générations.

Objectif

Le but de cette étude est de comprendre les obstacles et les facteurs favorisant l’engagement des participants (enfants et personnes aînées) dans un programme intergénérationnel explorant différents types d’activité (p. ex. danse, lecture, chant, jeux, bricolage, artisanat).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’étude a impliqué le développement, la mise en œuvre et l’évaluation d’un programme intergénérationnel sur quatre sites de recherche. L’échantillon sur les quatre sites comprenait 39 personnes aînées de 65 ans et plus, 33 dyades parents/enfants (âgés de 3 à 5 ans) et 14 employés.

À la suite d’une analyse des vidéos enregistrant les interactions et l’environnement dans lequel elles se produisent, les résultats indiquent que les programmes intergénérationnels ont le potentiel d’accroître l’engagement (p. ex. durée et qualité de l’interaction) et de créer un lien entre les jeunes enfants et les personnes aînées. Les composantes ayant exercé une forte influence sur le niveau d’engagement et d’interaction entre les générations sont résumées ci-dessous :

  1. Les caractéristiques des participants. Le fait d’avoir un nombre égal d’enfants et de personnes aînées a permis de former des dyades, ce qui a favorisé l’engagement.
  2. Les rôles assumés par l’animateur au cours des séances, en particulier les rôles de soutien, d’initiation, de modélisation ou de recentrage des activités. Lorsque les activités étaient moins structurées, les interactions entre les enfants et les personnes aînées étaient plus spontanées.
  3. Le type d’activité. Le niveau d’engagement était influencé par la durée et les efforts requis, et selon que les activités étaient menées en groupe, en dyade ou individuellement. Les activités doivent convenir aux capacités des participants. Les activités en dyades ont donné lieu à un engagement plus élevé.
  4. L’équipement et le matériel utilisés tout au long des programmes. Dans les séances où l’équipement et le matériel étaient familiers, l’engagement intergénérationnel était meilleur. De plus, le type d’équipement choisi doit convenir aux capacités des participants.
  5. L’environnement. Le fait que l’activité soit menée à l’intérieur ou à l’extérieur, ainsi que la taille et l’agencement de la pièce ou de l’espace utilisé pour les sessions peuvent influencer le degré d’engagement et d’interaction. Lorsque les espaces intergénérationnels étaient conçus de manière réfléchie, avec des sièges confortables pour les personnes aînées et les enfants, et qu’ils comportaient peu d’obstacles permettant un accès facile, l’engagement s’est avéré être significativement plus élevé.

Les résultats indiquent que des programmes intergénérationnels qui tiennent compte des obstacles et des catalyseurs identifiés peuvent contribuer à favoriser les liens sociaux durant les activités, au bénéfice des participants. Les animateurs gagnent à être formés afin de reconnaître les obstacles et de pouvoir éventuellement composer avec de faibles niveaux d’engagement.

Limites

La manière dont se sont déroulées les interactions entre les personnes aînées et les enfants dans un contexte donné pourrait être différente dans un autre contexte, avec d’autres participants ou d’autres types d’activités. L’étude a impliqué un échantillonnage non probabiliste où les participants ont été sélectionnés de manière subjective sans viser à être représentatifs de la population. Bien que cette étude ne soit pas sans limites, elle offre des résultats intéressants concernant un type d’intervention pertinent dans le contexte du vieillissement de la population.

Kirsnan, L., J. Kosiol, X. Golenko, K. Radford et J. A. Fitzgerald (24 avril 2022). « Barriers and Enablers for Enhancing Engagement of Older People in Intergenerational Programs in Australia », Journal of Intergenerational Relationships, vol. 0, n° 0, p. 1‑20.


Équipe Vieillissement en santé

Annie Gauthier, conseillère scientifique spécialisée
Mathieu-Joël Gervais, conseiller scientifique spécialisé
André Tourigny, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive

Sous la supervision de :
Caroline Delisle, Cheffe d'unité scientifique
Unité Milieux de vie inclusifs, sains et sécuritaires
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique :
Sarah Mei Lapierre
Direction du développement des individus et des communautés

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