La prévention et la réduction de la violence dans les écoles

Les résultats des dernières enquêtes québécoises concernant la violence au primaire et au secondaire présentés précédemment suggèrent que les milieux scolaires sont sur la bonne voie. Toutefois, ces enquêtes révèlent également qu’il reste encore beaucoup de choses à faire pour mettre en place des actions efficaces et pérennes, qui permettront d’accroître la qualité du climat scolaire et d’assurer la maîtrise, par le plus grand nombre d’adultes, des meilleures pratiques de prévention et de réduction de la violence. Cette section présente les orientations, les objectifs et les moyens à mettre en place pour y parvenir. Il convient également de souligner qu’il s’agit d’une préoccupation partagée et clairement affichée par l’ensemble de la société québécoise, incluant les orientations gouvernementales du réseau de l’éducation et du réseau de la santé et des services sociaux.

Une prise de conscience et des actions concrètes des pouvoirs publics au Québec durant les années 2000

Depuis près de 10 ans, les grands principes pour lutter contre la violence et l’intimidation en milieu scolaire ainsi que des mesures précises ont été énoncés et mis en œuvre par le gouvernement du Québec. Outre les premières enquêtes de terrain que nous avons citées précédemment, de nombreuses recherches québécoises, menées au cours des 30 dernières années au sein notamment de regroupements universitaires (Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP), Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES)), ont également contribué à mieux faire comprendre le phénomène de la violence en milieu scolaire au tournant des années 2000. Un premier geste précis en ce sens fut le rapport du Vérificateur général sur la violence dans les écoles secondaires et les moyens de la prévenir [100]. Ce rapport posait un constat critique à l’égard des ressources disponibles pour prévenir ou réduire les manifestations de violence dans les écoles secondaires, tout en soulignant une vision étroite et non concertée de l’ensemble du monde de l’éducation pour y remédier. Le gouvernement du Québec a pris acte de ce constat et publia en 2008 le premier Plan d’action pour prévenir et traiter la violence à l’école 2008-2011 [101]. Ce plan définissait une série de principes d’actions qui seront en grande partie repris dans le projet de loi 564, quatre ans plus tard (voir plus loin). Ces principes se sont trouvés réaffirmés par le Plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation 2015-2018 - Ensemble contre l’intimidation, une responsabilité partagée [102] visant non seulement à contrer la violence en milieu scolaire, mais également celle dont sont victimes d’autres personnes vulnérables comme les aînés. S’appuyant également sur les résultats de la recherche, ce plan de lutte à l’intimidation rappelle que les actions à mettre en place pour lutter contre la violence, quels que soient les milieux de vie, reposent sur les principes suivants : a) une responsabilité partagée de tous les acteurs de ce milieu; b) une approche inclusive à travers notamment la mise en place d’actions pour l’ensemble des clientèles de ce milieu; c) une approche positive et éducative; d) une approche multifactorielle et interdisciplinaire; e) des interventions complémentaires aux actions gouvernementales existantes.

Pour sa part, le plan d’action a également mené à la création d’agents de soutien régional, en appui aux commissions scolaires (groupe-relais) directement rattaché au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Le rôle et les actions de ce groupe se sont trouvés renforcés au cours des dernières années, grâce notamment à la nécessité de mettre en œuvre les prescriptions du projet de loi 56 et d’offrir aux commissions scolaires une expertise de premier ordre en ce domaine. L’adoption de ce projet de loi – et son inclusion dans la loi-cadre sur l’instruction publique – a constitué un tournant majeur pour les milieux scolaires québécois. Cet aboutissement marquait un point d’orgue dans la mobilisation des milieux politiques autour de la question de la violence et de l’intimidation en milieu scolaire. Certains événements, relatés par les médias à cette époque, ont sans aucun doute contribué à accélérer l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre de cette loi. Ce cadre législatif est venu formaliser toute une série de prescriptions et d’obligations que les commissions scolaires et les écoles se devaient de mettre en place rapidement : 1) l’établissement d’un portrait de situation de la violence et de la victimisation dans chacune des institutions d’enseignement du primaire et du secondaire; 2) un inventaire des ressources éducatives (écoles et commissions scolaires) disponibles et mobilisables, destinées à prévenir et contrer la violence; 3) l’établissement d’un plan de lutte pour chaque école.

Une des retombées indirectes – mais très importante – de la mise en œuvre de la loi et de la mobilisation des milieux scolaires qui s’en suivit fut la création, par l’Université Laval (Faculté des sciences de l’éducation), de la Chaire de recherche sur la sécurité et la violence en milieu éducatif (CRSVME). En plus de la poursuite de projets de recherches scientifiques, ainsi que le développement de moyens de prévention et de réduction de la violence, cette Chaire, créée en collaboration avec les partenaires des milieux scolaires dont le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, s’est également donné comme mandat d’appuyer les praticiens de l’éducation à travers de nombreuses activités de formation et un vaste réseau de diffusion. En lien direct avec les exigences de la loi, l’équipe de la Chaire a développé le Questionnaire sur la sécurité et la violence dans les écoles du Québec (QSVE) qui a permis de réaliser les deux plus importantes enquêtes à ce jour sur le phénomène de la violence dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Outre l’exploration des impacts auprès des élèves des mesures mises en place par les écoles, le QSVE a permis également d’évaluer, dans une certaine mesure, la mise en œuvre des actions prescrites par la loi lors des incidents d’intimidation, ainsi que l’ampleur d’un certain nombre d’interventions axées sur la prévention universelle de la violence. Les données d’ensemble obtenues dressent un portrait plutôt partagé de la situation [11]. Le nombre d’activités visant les apprentissages socioémotionnels de base, plus directement associés à la socialisation et à la prévention universelle de la violence, semble fluctuer et apparaît, dans certains cas, avoir subi une certaine baisse entre 2013 et 2015. Ce dernier résultat vient souligner les importants défis qu’il reste à relever pour créer des milieux parfaitement sains et sécuritaires, bienveillants, et offrant dans leur projet éducatif les conditions permettant véritablement de soutenir la socialisation, une des trois grandes missions de l’éducation avec l’instruction et la qualification.

Ces défis, selon nous, touchent à quatre grandes dimensions en matière de contenus, de planification, d’organisation et de conditions de formation essentielles à l’efficacité des interventions, directes et indirectes, qui doivent être mises en œuvre. Ils constituent autant de pistes d’action qui attendent les milieux scolaires pour les prochaines années. Ces pistes s’inscrivent au sein des grandes orientations des plans d’action gouvernementaux de 2008 et de 2015, ainsi que des obligations définies par la loi. Elles constituent également une synthèse de nos travaux de recherche, menés en collaboration auprès des milieux scolaires [103], ainsi que ceux de la CRSVME, réalisés sous la direction de Claire Beaumont [104].

Première grande piste d’action : concevoir l’intervention en milieu scolaire à l’intérieur d’un modèle intégrateur ciblant tous les niveaux d’intervention et l’ensemble de l’environnement scolaire

Compte tenu de la diversité des manifestations et des problèmes associés à la violence en milieu scolaire, en matière de contenu, de gravité ainsi que de contexte associé, il est illusoire de penser qu’un seul type d’intervention peut répondre efficacement à une telle complexité. Il est essentiel que les interventions de prévention et de réduction de la violence soient organisées et structurées autour d’un véritable modèle intégrateur, comme présenté à la figure 3. Ce modèle permet d’inclure l’ensemble des interventions selon les visées éducatives ou la gravité des problèmes que l’on rencontre. Plusieurs recherches évaluatives ont démontré que ce type de stratégie représentait un gage d’efficacité optimum pour atteindre les objectifs de prévention et de réduction de la violence dans un milieu éducatif [95,103–107]. En effet, un modèle intégrateur permet d’intervenir de façon graduelle, passant de la prévention universelle aux mesures plus contraignantes, pour garantir la sécurité des élèves (figure 3). Cette vision intégratrice permet également de s’assurer que tous les services éducatifs offerts en milieu scolaire seront déployés, selon le type de clientèle et la gravité des problèmes rencontrés. Bien que la grande majorité des acteurs du monde de l’éducation partage une telle vision, la présence et l’application d’un tel modèle intégrateur sont encore loin d’être généralisées. Après avoir implanté prioritairement un référentiel d’interventions et de suivi pour les cas graves d’intimidation et de violence [9], nous croyons qu’une des prochaines étapes pour de nombreux milieux scolaires serait de s’assurer que leur plan de lutte puisse se structurer selon l’ensemble des principes illustrés à la figure 3, entre autres, les niveaux 1 et 2, de façon intégrée avec le niveau 3, qui représente notamment les interventions en lien avec le référentiel ci-mentionné. En d’autres termes, un plan de lutte réellement et globalement efficace doit également mettre en place des mesures visant des apprentissages socioémotionnels pour tous les élèves, mais également des interventions en matière de prévention universelle de la violence.

Figure 3 - Pyramide de prévention (Deklerck, 2009, tiré de Beaumont [104])

 

Le modèle intégrateur décrit à la figure 3 est bien connu par les gens du monde de l’éducation. Il représente en quelque sorte un continuum dans lequel les interventions suivent une progression, passant de l’ensemble de la population scolaire (promotion des apprentissages socioémotionnels (niveau 1), à des interventions de plus en plus ciblées et intensives, de nature explicitement préventive (niveaux 2 et 3), et ultimement curative (niveau 4)). Il est également à noter que les mêmes principes de base peuvent s’appliquer pour prévenir et réduire les problèmes d’apprentissage scolaire [108]. 

La promotion de relations sociales saines et la prévention de la violence en milieu scolaire sont également abordées par une approche globale de promotion de la santé et de prévention en contexte scolaire, qui mise sur le développement de compétences personnelles et sociales communes à plusieurs thématiques de santé (en continuité avec École en santé) [109].

Sans être la panacée, ce modèle permet d’avoir une vision globale et structurée des interventions tout en s’assurant que ces dernières répondent aux différentes situations et gravités de problème. Pour mettre en place une telle structure, il faut également s’appuyer sur une démarche de planification et de régulation des actions adéquates. Il s’agit de la deuxième grande piste d’action que nous vous présentons.

Deuxième grande piste d’action : accroître et consolider l’utilisation des ressources de planification, de même que la mise en œuvre et le suivi des plans de lutte

Le ministère de l’Éducation, à travers les travaux du groupe-relais, des commissions scolaires ainsi que de la Chaire de l’Université Laval, a produit de nombreux documents et outils pour soutenir les écoles dans l’élaboration des plans de lutte5. Ces outils et l’accompagnement offert aux milieux scolaires leur ont permis de structurer rapidement un plan de lutte respectant les prescriptions de la loi 56. Toutefois, force est de constater que de nombreux plans – ou du moins leur application – ne permettent pas de mettre en œuvre toutes les actions requises dans une perspective de prévention (voir la première piste d’action) en ce qui concerne la durée et l’intensité suffisante pour donner les résultats positifs attendus.

La CRSVME a produit, au cours des dernières années, des outils d’analyse et d’accompagnement pour les écoles ayant notamment participé à la grande enquête SEVEQ (2013-2015), dont Un plan d’action global pour un climat scolaire positif [104]. Ce document décrit plusieurs actions de planification, de suivi et d’analyse : 1) l’approche globale et positive en prévention de la violence à l’école; 2) des conditions favorables et clés d’action; 3) une pyramide de prévention pour répertorier et orienter les actions (en lien avec la seconde piste d’action); 4) une démarche structurée pour accompagner l’équipe-école; 5) une grille d’analyse et de planification; 6) un canevas de plan d’action annuel pour un climat positif à l’école. Présentée de façon schématique et détaillée, la démarche d’accompagnement proposée dans ce document, combinée à l’utilisation du QSVE, constitue une approche complète et intégrée adaptée aux besoins d’un milieu scolaire.

Parallèlement aux travaux de la Chaire, le groupe-relais, composé des agents de soutien régional et des coordonnateurs du ministère de l’Éducation, a produit le Guide d’intervention pour soutenir le personnel scolaire pour lutter contre la violence et l’intimidation à l’école (document de travail, non publié). Ce document contient également un certain nombre d’outils pour aider à l’élaboration du portrait de situation, mais également à structurer le plan de lutte en proposant notamment des moyens pour choisir adéquatement le type d’actions pouvant être mis en place. Ce travail d’élaboration du guide a été réalisé de concert avec le développement d’un Modèle visant la mobilisation de l’ensemble du personnel pour prévenir et traiter la violence et l’intimidation (document de travail, non publié). À l’instar des travaux de Beaumont [104], ce modèle propose une démarche structurée et concertée pour l’établissement d’un climat scolaire positif, bienveillant et sécuritaire. Il est le fruit de l’expérience acquise par les agents de soutien régional lors de l’accompagnement des commissions scolaires (ex. : les conseillers pédagogiques et les intervenants-pivots ayant la responsabilité du dossier violence et climat scolaire), depuis la mise en œuvre du premier plan d’action en 2008. Plus récemment, des membres de l’équipe du groupe-relais (St-Arnaud, Marquis, Sirois et Robitaille), en collaboration avec une équipe de l’Université de Montréal (Bowen, Levasseur et Morissette), ont élaboré un questionnaire destiné au personnel scolaire dont le but est d’évaluer le degré de mobilisation de l’école, à l’égard de la mise en œuvre du plan de lutte, ainsi que des conditions facilitantes à sa réalisation. Ce questionnaire a fait l’objet d’une première étude de validation durant l’année scolaire 2017-2018. Les résultats de cette recherche préliminaire démontrent, entre autres, la pertinence et la valeur heuristique des données générées par ce questionnaire, ainsi que du modèle de mobilisation sur lequel repose cette démarche d’accompagnement des milieux [110].

Troisième grande piste d’action : mettre en œuvre de façon systématique et pérenne des mesures de prévention universelles, et ciblées/indiquées de la violence dans les écoles

Les programmes de prévention universelle et ciblée/indiquée visent le développement chez les élèves des processus émotionnels (expression et reconnaissance des affects), incluant l’autorégulation des émotions, les habiletés sociales (communication, coopération, aide, partage, autocontrôle comportemental, etc.), la maîtrise de certains processus de régulation cognitive, et les étapes de la résolution de problèmes (ou conflits) interpersonnels (Domitrovich et coll., 2008, cité par Jones et Bouffard [105]). Plusieurs recherches évaluatives d’envergure menées au Québec au cours des 25 dernières années ont démontré l’efficacité de plusieurs de ces programmes ou approches. Il existe plusieurs programmes de prévention québécois de type universel ayant fait l’objet d’évaluations systématiques (ex. : Contes sur moi, Fluppy, Vers le pacifique, Sac ado, etc. – voir Boutin et Forget [111] pour la liste complète). Il convient de noter que ces programmes ont produit des résultats positifs en matière d’apprentissage social et de réduction de la violence, dont certains à long terme. Toutefois, il est très important de souligner – comme le font Boutin et Forget [111] – que pour être efficaces dans un milieu donné, ceux-ci doivent respecter un certain nombre de conditions spécifiques à chacun de ces programmes lors de leur mise en œuvre. Si ces conditions ne sont pas respectées (et elles peuvent être nombreuses), l’efficacité des interventions mises de l’avant par ces programmes ne peut être assurée. Du côté anglophone, les programmes (ayant été évalués à l’extérieur du Québec) comme Second Step et WITS sont régulièrement implantés dans les écoles d’ici (communications personnelles auprès des responsables de programmes et des commissions scolaires en question). Depuis quelques années, certains milieux scolaires ont implanté la Méthode d’intérêt commun (MIC) inspirée des résultats prometteurs obtenus par Salmivali et ses collaborateurs [112,113] avec le programme KiVa en Finlande5 et ailleurs dans le monde. Cette approche éducative d’intervention préventive de niveau 3 (voir la figure 3) est pratiquée par le personnel scolaire en situation d’intimidation. La MIC vise à résoudre un problème relationnel entre des élèves par l’intervention structurée et positive de l’adulte qui a connaissance d’éléments où une victime a besoin de soutien pour mettre fin à une situation d’intimidation. L’approche préconise une intervention empathique de l’adulte auprès de l’auteur de l’intimidation afin de modéliser le comportement prosocial à adopter dans les relations avec les pairs. L’attitude bienveillante de l’adulte est prioritaire pour la réussite de l’intervention, afin de protéger la victime et de développer la confiance avec l’élève-intimidateur pour l’influencer dans la modification de son comportement. En dépit de son caractère prometteur et clairement adapté aux situations d’intimidation et de victimisation, cette approche devra faire l’objet d’une évaluation systématique afin de mieux en connaître sa portée, ainsi que ses conditions de mise en œuvre en contexte scolaire québécois.

À l’instar des constats posés par Jones et Bouffard [105], plusieurs de ces recherches ont souligné que ces programmes (catégories d’interventions) gagnent en efficacité lorsqu’ils sont intégrés aux pratiques de gestion de classe des enseignants facilitant ce type d’apprentissage, et non pas uniquement comme un simple contenu d’enseignement [114]. Outre les retombées positives de ce type de programmes de prévention de la violence en milieu scolaire, les études recensées par Jones et Bouffard indiquent que ces interventions contribuent, à moyen et long terme, au renforcement du bien-être psychologique, des attitudes positives face à l’adversité, ainsi qu’à la réussite scolaire [105]. L’application de ces programmes, par des adultes informés et soutenus adéquatement, peut également constituer une solution aux conduites violentes exprimées par certains membres du personnel scolaire.

Malheureusement, l’application de ce type de programmes de prévention, ainsi que des pratiques d’intervention en gestion de la classe varient considérablement d’un milieu scolaire à l’autre. Bien que ces programmes répondent à de réels besoins, les recherches évaluatives ont montré qu’ils sont souvent mis de côté ou abandonnés après un certain temps, et ce, malgré des résultats souvent très positifs. Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel constat, mais dans la plupart des cas, la principale raison a trait à une formation et à un accompagnement (ressources humaines et matérielles) insuffisants pour assurer leur pérennité. Nous ne pouvons à cet égard passer sous silence le fait que la plupart des enseignantes et des enseignants ne sont pas toujours bien préparés lors de leur formation au baccalauréat pour mettre en place ce type d’intervention. Il est bon de rappeler d’ailleurs que ces constats avaient déjà été posés il y a plus de 10 ans [103]. Les connaissances requises à propos des principes de développement de l’enfant, des bonnes pratiques et des attitudes interpersonnelles requises pour intervenir efficacement sont souvent insuffisamment approfondies et mises en pratique durant le baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire. À défaut d’une formation pleinement satisfaisante à cet égard au premier cycle, nous croyons qu’il pourrait être possible d’investir plus à fond dans des activités d’insertion professionnelle et de formation continue (programmes universitaires, formations universitaires non créditées, formations d’appoint offertes par les commissions scolaires, etc.). Les études évaluatives québécoises ont d’ailleurs clairement démontré qu’avec une formation et un accompagnement adéquat, les enseignants sont tout à fait en mesure de mettre en œuvre et d’assurer la pérennité de ces pratiques et les interventions préventives décrites précédemment [111]. Ce constat nous amène tout naturellement à la prochaine grande piste d’action.

Quatrième grande piste d’action : renforcer la formation initiale des enseignants et des directeurs, ainsi que mettre en place les incitatifs et des conditions encourageant, tout au long du développement professionnel de ces derniers, l’acquisition de bonnes pratiques et d’attitudes favorisant la bienveillance à l’égard des élèves, la prévention et la réduction de la violence

Nous croyons avoir fait la démonstration suffisante qu’il existe un réel besoin de formation et d’accompagnement du personnel scolaire pour réussir à atteindre les objectifs que visent les plans d’action de 2008 et de 2015, ainsi que la loi 56. Au-delà des obligations légales ou administratives, c’est au bien-être des enfants et à celui de l’ensemble du personnel scolaire qu’il faut songer. Or, les besoins de formation initiale du personnel scolaire posent de réels défis. Par ailleurs, comme le soulignent également Beaumont et ses collaborateurs, certaines compétences professionnelles – visées par le programme de formation initiale des maîtres du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec – pourraient être mises à contribution de façon plus efficiente afin de mieux préparer les futurs enseignants aux défis que posent la prévention et la réduction des violences en milieu scolaire. Les éléments de formation pratique (stages) offrent également des occasions d’acquisition et de mise en pratique de certains savoirs d’intervention [11]. Malgré ces possibles améliorations du cursus, les contenus de formation pour des interventions efficaces de la part des enseignantes et des enseignants risquent de se révéler insuffisants dans le cadre du baccalauréat. Un constat similaire peut être posé concernant la formation des directions d’école qui se résume très souvent en un diplôme d’études supérieures de 30 crédits. Compte tenu des conditions requises pour établir un état de situation, définir un plan de lutte, choisir les moyens appropriés, s’assurer de leur mise en œuvre, de leur régulation et de la réévaluation, il est clair que les directions d’école ont également besoin à la fois d’une meilleure formation, mais également – comme pour les enseignants – d’un accompagnement, notamment de la part de leurs commissions scolaires.

Il existe plusieurs pistes d’action pour tenter de résoudre ce problème. La première solution consisterait à accroître la formation initiale pour répondre aux besoins que nous venons d’évoquer. Sans exclure tout à fait cette possibilité, elle nous apparaît insuffisante. Il en va de même de la formation de deuxième cycle des directeurs. Si l’augmentation des crédits universitaires et une meilleure concentration des contenus d’enseignement liés à la prévention de la violence au sein des programmes de formation initiale peuvent constituer une partie de la solution, elle ne résout pas tous les défis et les problèmes rencontrés par les professionnels de l’éducation lors de leur insertion professionnelle et tout au long de leur carrière. Bien entendu, la mise en place de ces mesures nécessitera des ressources, tant humaines que matérielles, ainsi que l’engagement réel de l’ensemble des acteurs ayant une influence sur le milieu scolaire. Et, par-dessus tout, un engagement (encore plus) soutenu, concerté et pérenne des gouvernements, ainsi que des milieux de l’éducation et de la santé publique. Au-delà de la lutte contre la violence en milieu scolaire, une des grandes missions de notre système d’éducation concerne le soutien à la socialisation et l’établissement d’un environnement bienveillant, favorisant le bien-être psychologique et physique des élèves. Il s’agit de conditions essentielles au développement global de l’enfant et de l’adolescent, et à sa réussite scolaire. 

  1. Projet de loi no 56 : Loi visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence à l’école (Gouvernement du Québec, 2012). En ligne : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2012C19F.PDF.
  2. L’ensemble des ressources offertes par la Chaire de l’Université Laval se retrouve sur son site Web à l’adresse suivante : https://www.violence-ecole.ulaval.ca, sous la rubrique « Publications de la Chaire ». Concernant les documents en préparation ou disponibles par le Ministère, il est possible de communiquer avec Paula St-Arnaud ([email protected]) à ce sujet.
  3. Programme KiVa : http://www.kivaprogram.net/is-kiva-effective.