Avis scientifique sur la prévention du suicide chez les jeunes

L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a reçu de la Table de coordination nationale en santé publique le mandat de fournir aux responsables provinciaux et régionaux chargés d'implanter la Stratégie d'action face au suicide (MSSS, 1998) et le Programme national de santé publique 2003-2012 (MSSS, 2003) un avis scientifique. Le mandat comporte deux objectifs : 1) faire état des connaissances en matière de prévention du suicide chez les jeunes et 2) formuler des recommandations à l'endroit des stratégies préventives déjà implantées ou à être mises en place. Les interventions cliniques qui s'adressent aux personnes suicidaires soit dans le cadre de traitements ou de démarches de dépistage dans la population générale ne sont pas incluses dans la recension et ne font pas l'objet de recommandations.

Cet avis devrait répondre à un besoin de définir des orientations claires en prévention du suicide chez les jeunes, mis en évidence dans le bilan effectué par le ministère de la Santé et des Services sociaux, quatre ans après l'adoption de la Stratégie d'action face au suicide (MSSS, 1998). Ce bilan révélait en effet que les actions préventives demeuraient dispersées et que le questionnement semblait généralisé à propos de leur efficacité (MSSS, 2002). Ce document comporte deux sections. La recension des écrits des différentes études évaluatives des programmes de prévention chez les jeunes constitue la première de ces sections alors que les recommandations comme telles en représentent la deuxième.

La recension effectuée a permis de faire état des connaissances en matière de prévention du suicide chez les jeunes. C’est sur cette base que les recommandations suivantes sont formulées. Comme il a été souligné, elles portent essentiellement sur des mesures préventives. Ceci ne minimise en rien d’une part l’importance des mesures de traitement et de suivi et d’autre part la nécessaire complémentarité entre prévention et traitement.

Compte tenu que :

  • La majorité des études évaluatives recensées comportent d’importantes limites méthodologiques qui empêchent de conclure à l’efficacité des différentes stratégies préventives évaluées.
  • La mise en place de devis de recherche qui permettraient de parvenir à une telle conclusion pose de nombreuses difficultés (suivi de nombreux sujets sur une longue période d’observation, difficulté de contrôler, en milieu ouvert, de multiples facteurs confondants).
  • Le suicide est un phénomène complexe et multi-déterminé et qu’en conséquence seule la mise en œuvre d’une variété d’actions préventives pourrait produire un effet synergique susceptible d’en modifier la prévalence.
  • Des effets positifs peuvent être escomptés de la mise en place de la plupart des stratégies préventives recensées.
  • Certaines études éveillent des soupçons quant aux effets négatifs possibles de quelques stratégies.
  • L’attente de résultats de recherche probants pour agir en prévention du suicide serait inacceptable d’un point de vue éthique étant donné de l’ampleur et l’évolution qu’a connues le phénomène ces dernières années.

Il est recommandé de :

  1. Mettre en oeuvre les mesures visant le développement des habiletés d’adaptation des jeunes
  2. Promouvoir la mise en œuvre des mesures visant à réduire l’accessibilité aux moyens
  3. Sensibiliser les médias d’information sur l’impact du traitement journalistique des suicides
  4. Faire preuve de prudence dans la mise en œuvre des activités de postvention
  5. Ne mettre en oeuvre aucune activité de sensibilisation à la réalité du suicide qui s’adresse à des groupes de jeunes, en raison des résultats préoccupants qui ont été observés chez des jeunes vulnérables
  6. Faire preuve de prudence dans la mise en oeuvre des programmes d’aide par les pairs
  7. Encourager le développement de réseaux de sentinelles dans les milieux de vie des jeunes
  8. Soutenir la formation continue des médecins généralistes en matière de prévention du suicide
  9. Maintenir les lignes d’écoute téléphonique
  10. Soutenir la mise en œuvre de programmes à multiples composantes, destinés à promouvoir la santé mentale des jeunes, à condition qu’ils ne comportent pas d’activités de sensibilisation qui s’adressent à des groupes de jeunes
  11. Soutenir les initiatives de mise en réseau des partenaires engagés en prévention du suicide

De plus, compte tenu que la recension a constaté des déficiences au niveau des modèles théoriques des programmes et un manque de robustesse des études évaluatives, il est aussi recommandé :

  1. D’accroître les efforts de recherche afin de développer des programmes qui soient fondés sur des bases solides au niveau théorique et de réaliser des évaluations rigoureuses de ces programmes. 
Type de publication
ISBN (imprimé)
2-550-42583-9
Notice Santécom
Date de publication